Alerte sur nos coraux menacés par le blanchissement

Les coraux abritent 1/4 des espèces marines

Jean-Michel Hauteville jm.hauteville@agmedias.fr – mercredi 8 novembre 2023

En raison du réchauffement climatique et du phénomène El Niño, la mer des Caraïbes est anormalement chaude cette année, avec des températures marines dépassant les 30 degrés. Conséquence : les récifs coralliens blanchissent tout autour de la Martinique, et connaîtront une mort certaine si cette situation devait perdurer. Les scientifiques tirent la sonnette d’alarme face à un phénomène lourd de conséquences pour notre biodiversité et notre environnement.

Sous les eaux turquoises de la mer des Caraïbes, des quantités de taches blanches ont fait leur apparition au milieu des fonds marins ces dernières semaines. De nombreux usagers de la mer l’ont constaté : aux abords des côtes martiniquaises, les coraux ont perdu leurs couleurs chatoyantes et ont pris des allures fantomatiques. Phénomène naturel qui se produit lorsque la température de l’eau augmente, le blanchissement des récifs coralliens a pris des proportions inquiétantes cette année dans toute la zone caribéenne. Une situation qui plonge la communauté scientifique dans la consternation. « Tous les voyants sont au rouge alors que la température de l’eau bat encore des records », déplorait L’Asso-Mer dans un communiqué à la mi-octobre. « Nombreux sont les plongeurs et usagers de la mer qui ont alerté sur l’état de santé actuel de nos récifs coralliens en Martinique depuis près d’un mois et demi, et la situation devient vraiment préoccupante », poursuivait cette association de protection du milieu marin fondée en 2016 et basée à Case-Pilote.

Si les fortes pluies de ces derniers jours nous ont apporté un indéniable répit, il n’en demeure pas moins vrai que la Martinique a connu de fortes chaleurs ces derniers mois. Et l’océan n’a pas été épargné par l’emballement du thermomètre, puisque de nombreux baigneurs ont remarqué que la mer était particulièrement chaude entre juillet et septembre. D’ailleurs, le milieu marin n’a guère bénéficié de ce léger répit des derniers jours. « L’épisode de canicule marine est annoncé jusqu’à janvier », souligne Gipsy Tramoni, responsable scientifique de L’Asso-Mer. « On est au-dessus des normales de saison depuis plusieurs mois. Les coraux sont encore en train de blanchir », déplore-t-elle.

Pour aller plus loin :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/l-impact-du-rechauffement-climatique-sur-les-coraux-suivi-de-pres-par-les-scientifiques-1443251.html

https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/coraux

Les coraux qui s’assemblent pour former des récifs coralliens abritent 25% de la vie marine de notre planète. Mais si nous n’agissons pas d’urgence pour faire face au changement climatique, à la pollution, à la surpêche et aux autres menaces qui planent sur eux, ces magnifiques organismes où la vie prospère pourraient bel et bien disparaître.

Réautorisation du glyphosate : «L’Europe ferme les yeux sur la perte de biodiversité»

Publié le 16/11/2023 sur Reporterre le media de l’écologie – La LDH 66 soutient Reporterre

Le glyphosate va être réautorisé pour dix ans à la suite d’un vote de l’UE le 16 novembre. Martin Dermine, de PAN Europe, alerte sur le fait que le pesticide a aussi des conséquences pour les plantes et les animaux.

Actualisation : le 16/11/23. Le glyphosate va être réautorisé pour dix ans par l’Union européenne.


Place au deuxième round. Le 16 novembre, les États membres de l’Union européenne s’apprêtent à voter une nouvelle fois sur la question du glyphosate. Objectif : approuver, ou non, la proposition de la Commission visant à autoriser la substance active pendant les dix prochaines années.

Le 13 octobre, le premier vote s’était soldé par l’absence de majorité qualifiée en faveur de l’adoption du texte. La France et l’Allemagne avaient d’ailleurs décidé de s’abstenir : « Sauf grande surprise, on s’attend au même résultat aujourd’hui », confie Martin Dermine, directeur de PAN Europe, un réseau d’ONG luttant contre les pesticides.

Or, s’il y a deux votes successifs sans majorité qualifiée, c’est ensuite à la Commission de décider : « Habituellement, elle reste cohérente en adoptant sa propre proposition. » Autrement dit, d’ici début décembre, l’approbation du glyphosate pour dix années supplémentaires pourrait être inscrite au Journal officiel.

Un hypothétique dénouement jugé dramatique par Martin Dermine, qui détaille dans cet entretien les dangers du glyphosate sur la biodiversité.

Reporterre — Peut-on affirmer avec certitude que le glyphosate est dangereux pour la biodiversité ?

Martin Dermine — Non. Le glyphosate, en tant que substance active, n’est pas très toxique pour l’environnement. En revanche, dès lors qu’il est associé à des coformulants pour créer des herbicides comme le Roundup, il devient tout de suite extrêmement nocif.

Des expériences sur les grenouilles l’ont démontré. En pulvérisant sur des spécimens les doses autorisées dans les champs, comme un tracteur pourrait le faire, un très haut taux de mortalité était observé. Non pas à cause du simple glyphosate, mais de tous les coformulants auxquels il est mélangé.

Cette problématique est parfaitement documentée, d’un point de vue scientifique. Pourtant, les agences réglementaires européennes et nationales continuent de fermer les yeux. Elles savent pertinemment que le jour où ces mélanges dans leur ensemble seront pris en compte, cela ouvrira la boîte de Pandore et mènera à une interdiction massive des pesticides.

Quels sont les êtres vivants les plus affectés par l’herbicide ?

Dans les milieux aquatiques, il perturbe la reproduction des amphibiens, s’attaque aux poissons, au phytoplancton et aux plantes hydrophytes. Et puis, il y a l’impact sur les fleurs. Les personnes âgées de plus 60 ans nous racontent leurs souvenirs d’enfance, avec des champs de céréales remplis de coquelicots et de bleuets. Désormais, nos générations en sont privées, excepté dans certaines cultures biologiques.

« Le glyphosate tue toutes les plantes sans discrimination »

La faute au glyphosate, notamment, qui est un herbicide total et tue donc toutes les plantes sans discrimination. Utilisé massivement, il a mené à la disparition de ces plantes sur les terres agricoles, et en périphérie. Car les pesticides ne restent jamais sur la seule bande de terre où ils ont été épandus. Ils se dissipent jusque dans les zones limitrophes, appauvrissant la diversité des plantes sauvages.

Cela réduit ainsi la disponibilité en hectares et en pollen pour les pollinisateurs et pour les autres insectes. Et par effet ricochet, pour les animaux se nourrissant d’insectes, comme les oiseaux et les amphibiens. Il n’y a pas d’étude en tant que telle disant que le glyphosate entraîne un appauvrissement de la biodiversité. Toutefois, une récente étude du CNRS met en évidence la décimation des populations d’oiseaux dans les zones d’agriculture intensive, au cours des dernières décennies.

Par quels mécanismes le glyphosate nuit-il aux plantes ?

Le glyphosate est enregistré en tant qu’herbicide, mais aussi en tant qu’antibiotique. C’est-à-dire qu’il est capable d’empêcher la croissance de certains microorganismes. Et les sols en pâtissent : la toxicité a été clairement établie sur le microbiote des sols. Or, celui-ci est fondamental pour la fertilité des sols, et interagit également avec les plantes par les racines pour augmenter la résistance et la santé de celles-ci.

Cela ne s’arrête pas là : le glyphosate est aussi enregistré en tant que chélateur de métaux. Cela signifie que la molécule se lie aux éléments minéraux métalliques, comme le cuivre ou le manganèse, et les rend indisponibles biologiquement. Elle empêche les plantes de les prélever dans le sol.

Alors certes, le cuivre est toxique pour les mammifères à haute dose, mais on en a quand même besoin en très faible quantité. Et les plantes, également, pour leur immunité. Sa présence en tant que résidus dans les sols va ainsi mener à un appauvrissement des plantes, et un affaiblissement de leur système immunitaire. Sans parler de la perte de valeur nutritive des aliments, puisque les fruits et les légumes sont privés des micronutriments.