Publié le 16/11/2023 sur Reporterre le media de l’écologie – La LDH 66 soutient Reporterre
Le glyphosate va être réautorisé pour dix ans à la suite d’un vote de l’UE le 16 novembre. Martin Dermine, de PAN Europe, alerte sur le fait que le pesticide a aussi des conséquences pour les plantes et les animaux.
Actualisation : le 16/11/23. Le glyphosate va être réautorisé pour dix ans par l’Union européenne.
Place au deuxième round. Le 16 novembre, les États membres de l’Union européenne s’apprêtent à voter une nouvelle fois sur la question du glyphosate. Objectif : approuver, ou non, la proposition de la Commission visant à autoriser la substance active pendant les dix prochaines années.
Le 13 octobre, le premier vote s’était soldé par l’absence de majorité qualifiée en faveur de l’adoption du texte. La France et l’Allemagne avaient d’ailleurs décidé de s’abstenir : « Sauf grande surprise, on s’attend au même résultat aujourd’hui », confie Martin Dermine, directeur de PAN Europe, un réseau d’ONG luttant contre les pesticides.
Or, s’il y a deux votes successifs sans majorité qualifiée, c’est ensuite à la Commission de décider : « Habituellement, elle reste cohérente en adoptant sa propre proposition. » Autrement dit, d’ici début décembre, l’approbation du glyphosate pour dix années supplémentaires pourrait être inscrite au Journal officiel.
Un hypothétique dénouement jugé dramatique par Martin Dermine, qui détaille dans cet entretien les dangers du glyphosate sur la biodiversité.
Reporterre — Peut-on affirmer avec certitude que le glyphosate est dangereux pour la biodiversité ?
Martin Dermine — Non. Le glyphosate, en tant que substance active, n’est pas très toxique pour l’environnement. En revanche, dès lors qu’il est associé à des coformulants pour créer des herbicides comme le Roundup, il devient tout de suite extrêmement nocif.
Des expériences sur les grenouilles l’ont démontré. En pulvérisant sur des spécimens les doses autorisées dans les champs, comme un tracteur pourrait le faire, un très haut taux de mortalité était observé. Non pas à cause du simple glyphosate, mais de tous les coformulants auxquels il est mélangé.
Cette problématique est parfaitement documentée, d’un point de vue scientifique. Pourtant, les agences réglementaires européennes et nationales continuent de fermer les yeux. Elles savent pertinemment que le jour où ces mélanges dans leur ensemble seront pris en compte, cela ouvrira la boîte de Pandore et mènera à une interdiction massive des pesticides.
Quels sont les êtres vivants les plus affectés par l’herbicide ?
Dans les milieux aquatiques, il perturbe la reproduction des amphibiens, s’attaque aux poissons, au phytoplancton et aux plantes hydrophytes. Et puis, il y a l’impact sur les fleurs. Les personnes âgées de plus 60 ans nous racontent leurs souvenirs d’enfance, avec des champs de céréales remplis de coquelicots et de bleuets. Désormais, nos générations en sont privées, excepté dans certaines cultures biologiques.
« Le glyphosate tue toutes les plantes sans discrimination »
La faute au glyphosate, notamment, qui est un herbicide total et tue donc toutes les plantes sans discrimination. Utilisé massivement, il a mené à la disparition de ces plantes sur les terres agricoles, et en périphérie. Car les pesticides ne restent jamais sur la seule bande de terre où ils ont été épandus. Ils se dissipent jusque dans les zones limitrophes, appauvrissant la diversité des plantes sauvages.
Cela réduit ainsi la disponibilité en hectares et en pollen pour les pollinisateurs et pour les autres insectes. Et par effet ricochet, pour les animaux se nourrissant d’insectes, comme les oiseaux et les amphibiens. Il n’y a pas d’étude en tant que telle disant que le glyphosate entraîne un appauvrissement de la biodiversité. Toutefois, une récente étude du CNRS met en évidence la décimation des populations d’oiseaux dans les zones d’agriculture intensive, au cours des dernières décennies.
Par quels mécanismes le glyphosate nuit-il aux plantes ?
Le glyphosate est enregistré en tant qu’herbicide, mais aussi en tant qu’antibiotique. C’est-à-dire qu’il est capable d’empêcher la croissance de certains microorganismes. Et les sols en pâtissent : la toxicité a été clairement établie sur le microbiote des sols. Or, celui-ci est fondamental pour la fertilité des sols, et interagit également avec les plantes par les racines pour augmenter la résistance et la santé de celles-ci.
Cela ne s’arrête pas là : le glyphosate est aussi enregistré en tant que chélateur de métaux. Cela signifie que la molécule se lie aux éléments minéraux métalliques, comme le cuivre ou le manganèse, et les rend indisponibles biologiquement. Elle empêche les plantes de les prélever dans le sol.
Alors certes, le cuivre est toxique pour les mammifères à haute dose, mais on en a quand même besoin en très faible quantité. Et les plantes, également, pour leur immunité. Sa présence en tant que résidus dans les sols va ainsi mener à un appauvrissement des plantes, et un affaiblissement de leur système immunitaire. Sans parler de la perte de valeur nutritive des aliments, puisque les fruits et les légumes sont privés des micronutriments.