En Birmanie, près de neuf mois après le coup d’Etat, la répression continue.

Malgré une répression terrible la résistance de la population à la junte militaire continue. Les Etats Unis, la Chine et la Russie ont tout fait pour que l’ONU ne prenne aucune position contre la junte criminelle.

Publié sur franceinter.fr le 14 octobre 2021

Le spectre de la guerre civile en Birmanie

En Birmanie, près de neuf mois après le coup d’Etat, la répression continue. Elle s’est même intensifiée ces dernières semaines. L’ONU redoute une vaste offensive de l’armée au pouvoir contre ses opposants.

Dimanche, dans un village de la commune de Kaw-Thaung, dans le sud de la Birmanie, des soldats font irruption dans un atelier de caoutchouc qu’ils soupçonnent d’héberger des opposants. Ils ouvrent le feu. Un enfant de 11 ans, qui aidait son père artisan, est tué d’une balle à l’estomac. Le père est grièvement blessé.

Ce drame est rapporté par l’Association d’assistance aux prisonniers politiques, une ONG qui dresse un bilan quotidien de la répression. Et pas un jour ne passe sans qu’une tragédie de ce type ne soit consignée sur son site internet.

Le bilan du jeudi 14 octobre 2021 s’établit à 1170 morts et 7240 arrestations depuis février. Des chiffres certainement sous-estimés. 

Au printemps, les manifestations contre la junte au pouvoir étaient massives. Elles se sont raréfiées. Trop dangereux.

Dans les grandes villes, des petits groupes tentent encore de protester. Ils sont 5, 10, 30… ils se fixent rendez-vous sur les réseaux sociaux, comme Telegram, et déploient à la hâte une affiche en tissu qui dénonce les crimes de la junte. Le rassemblement dure quelques minutes.

De son côté, l’armée multiplie les raids. Elle est particulièrement en alerte depuis que le gouvernement d’opposition, sans doute exilé en Thaïlande, lui a déclaré officiellement la guerre le mois dernier. 

La junte déploie des troupes dans plusieurs Etats

Le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme de l’ONU s’en est ému la semaine dernière : dans plusieurs Etats, Internet a d’abord été coupé. Puis des centaines de soldats ont été déployés avec des armes lourdes.

La junte veut manifestement en découdre avec les armées locales qui contestent son pouvoir.

C’est une des particularités de la Birmanie. Il y a une multitude d’ethnies et beaucoup de mouvements indépendantistes en guerre contre le pouvoir central, notamment aux frontières avec la Thaïlande, la Chine ou l’Inde. 

C’est le cas des ethnies Chins et Kachins dans le nord de la Birmanie. Là-bas, des guérillas se rebellent contre l’armée. Elles se procurent des armes, tuent de nombreux soldats, elles commettent aussi des actes de sabotage, en coupant par exemple les communications militaires. 

La junte redoute que ces combattants s’unissent et mènent des actions communes avec la mouvance armée de l’opposition, baptisée « Force de défense populaire », qui appelle tous les Birmans à la rejoindre. 

C’est pour cette raison que le régime putschiste mène actuellement autant d’opérations contre des civils, des petits groupes, parfois des villages entiers soupçonnés de soutenir la résistance. 

Les affrontements se multiplient, et deux camps fourbissent leurs armes. Il y a aujourd’hui un risque important de guerre civile en Birmanie, à l’abri des regards qui plus est, car aucun journaliste étranger ne peut accéder au pays (le Prix Bayeux des correspondants de guerre a couronné pour la première fois samedi 9 octobre un lauréat qui veut rester anonyme, un photographe birman qui a couvert la mobilisation contre le régime).

Face à la crise, la communauté internationale est comme souvent impuissante.

La junte birmane peut compter sur des soutiens de poids, dont bien sûr la Chine et la Russie. 

L’ASEAN met la pression sur la junte

Les grandes puissances ne parviennent pas à s’entendre.

On en a eu la preuve en septembre lors de l’Assemblée générale de l’ONU. Les Etats-Unis, la Chine et la Russie ont trouvé un accord pour que personne ne puisse prendre la parole au nom de la Birmanie, ni un représentant du gouvernement tombé en février, ni un responsable de la junte. 

Une action concrète pourrait venir de l’ASEAN, qui regroupe 10 pays d’Asie du sud-est. Ses membres discutent d’une possible exclusion du chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing. Ils n’apprécient pas que leur envoyé spécial ne puisse pas rencontrer Aung San Suu Kyi, accusée de sédition et de corruption. L’ex-dirigeante témoignera pour la première fois à son procès à la fin du mois. 

En avril, l’ASEAN a présenté un plan en 5 points pour résoudre la crise et faciliter notamment l’arrivée de l’aide humanitaire.  

La junte ne montre pour le moment aucun signe de bonne volonté, et semble donc choisir la manière forte pour imposer son autorité.

En Thaïlande des milliers de manifestants exigent plus de vaccins, les libertés démocratiques et la fin de la dictature

La troisième vague de la pandémie qui a fait depuis avril 5 569 morts contre 94 les treize mois précédents met clairement à jour l’incurie et l’irresponsabilité de la dictature en matière de stratégie vaccinale. La répression devient la seule réponse face l’exigence des vaccins pour tous et des droits et libertés démocratiques.

A Bangkok, plusieurs milliers de manifestants défilent en voiture contre le gouvernement

Publié sur courrierinternational.com avec AFP

Des manifestants défilent à Bangkok pour demander la démission du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, le 15 août 2021 en Thaïlande – AFP

Plusieurs milliers de manifestants défilent dimanche en voiture à Bangkok pour demander la démission du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, de plus en plus critiqué pour sa gestion de la crise du coronavirus et ses impacts sur l’économie.

Des centaines de voitures et de deux roues engorgeaient certains axes du centre de la capitale thaïlandaise dans un concert de klaxons, de nombreux piétons faisant, sur leur passage, le salut à trois doigts en signe de résistance aux autorités.

« Nous demandons la démission immédiate de Prayut Chan-O-Cha. Il n’a aucune capacité à administrer ce pays », a lancé Nattawut Saikua, un homme politique qui fût proche de l’ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, bête noire du gouvernement actuel.

Les organisateurs ont appelé à d’autres rassemblements en voiture dans la station balnéaire de Pattaya et à Chiang Mai, dans le nord du pays.

Le mouvement pro-démocratie porté par la jeunesse thaïlandaise a poussé des dizaines de milliers de personnes dans les rues en 2020 pour demander le départ de Prayut Chan-O-Cha, au pouvoir depuis le coup d’Etat de 2014, et une réforme de la monarchie, un sujet tabou auparavant dans le pays.

La contestation avait faibli ces derniers mois à cause des restrictions liées au Covid-19 et des poursuites judiciaires engagées contre des dizaines de protestataires.

Mais le mouvement a repris de la vigueur depuis une semaine avec des manifestations quasi-quotidiennes à Bangkok.

En cause, la flambée de Covid-19, avec plus de 20.000 nouveaux cas quotidiens, la lenteur de la campagne vaccinale et l’impact économique des restrictions.

« Le gouvernement a montré clairement qu’il ne voulait pas être tenu pour responsable pour toutes les pertes engendrées (…) il doit démissionner », a lancé Nattawut Saikua.

Les derniers rassemblements ont donné lieu à des affrontements, la police faisant usage de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc pour les disperser.

Au moins trois manifestants ont été blessés vendredi, dont un grièvement à l’oeil.

AFPDes manifestants défilent à Bangkok pour demander la démission du Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, le 15 août 2021 en Thaïlande

Accusée de faire preuve d’une trop grande fermeté, la police a déclaré que le recours à la force était nécessaire pour maintenir l’ordre public.

« J’insiste sur le fait que nous nous appuyons sur les normes internationales », a déclaré dimanche Suwat Jangyodsuk le chef de la police nationale.

« Les rassemblements sont interdits à Bangkok car ils pourraient propager la pandémie ».

Birmanie : Total doit cesser de financer la junte

Fin mars les massacres de la junte portent les victimes à plus de 400 dont beaucoup d’enfants. Total doit cesser de financer la junte criminelle. La Chine et la Russie empêchent toujours le Conseil de sécurité de l’ONU de condamner la junte criminelle.

Communiqué inter-associatif du 21 mars 2021 dont La Ligue des Droits de l’Homme est signataire

Publié sur info-birmanie.org

CP – Paris, le 19 mars 2021 – Depuis le coup d’État en Birmanie du 1er février, Total est redevenu l’un des plus importants contributeurs financiers de la junte militaire, qui a repris les pleins pouvoirs par la force et réprime le mouvement de protestation de la population dans le sang. Plus de 200 morts, des centaines de blessés et plus de 2 000 personnes interpellées. Meurtres, torture, persécutions, exécutions extra-judiciaires, arrestations arbitraires… : le Rapporteur spécial de l’Onu sur la Birmanie évoque de probables crimes contre l’Humanité [1].   

Aujourd’hui, nous – Attac France, Greenpeace France, Les Amis de la Terre France, la Ligue des droits de l’Homme, Info Birmanie, Notre Affaire à Tous, Sherpa et 350.org – exhortons Total à suspendre tout paiement à la junte en plaçant les millions d’euros en jeu sur un compte bloqué[2].

Selon Justice for Myanmar, Total a notamment versé plus de 229 millions de dollars à l’Etat birman en 2019 en taxes et en parts du gouvernement dans la production de gaz[3]. Le Monde rapporte qu’en août 2020, sa filiale Moattama Gas Transportation Co, enregistrée aux Bermudes, a reçu le « prix du plus gros contribuable » dans la catégorie « entreprises étrangères » pour l’année fiscale 2018-2019[4]. Cet argent transite principalement par l’entreprise publique Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), dont les liens avec les milieux d’affaires militaires sont pointés du doigt par la société civile[5]. Mise en cause pour son opacité[6], cette entreprise représente la source de revenus la plus importante de l’Etat birman et se trouve désormais placée sous le contrôle direct de la junte. Le Rapporteur spécial de l’Onu sur la Birmanie demande d’ailleurs que des sanctions internationales soient prises à l’encontre de la MOGE[7].

Pendant que la junte tue, Total “évalue la situation”, se dit “préoccupée”[8], mais maintient le statu quo. Pourtant, d’autres entreprises ont réagi à la situation sur place :  l’entreprise singapourienne Puma Energy a suspendu ses activités et l’australienne Woodside annonce qu’elle va démobiliser ses opérations offshore.

Interpellée par des citoyens birmans, Total met en avant la fourniture d’électricité qu’elle apporte à une partie de la population, des arguments repris par l’Ambassade de France[9]. Mais la multinationale n’apporte pas de réponse face à l’enjeu central des paiements versés à la junte, et s’en remet aux sanctions décidées par les Etats[10]. Cette posture revient à alimenter un régime militaire brutal et illégitime.

Pourtant, des Birmans ont manifesté à Kanbauk le 12 février 2021 pour demander à Total et aux autres compagnies gazières de ne pas financer la junte[11]. Des employés de Total en Birmanie ont également rejoint le mouvement de désobéissance civile[12]. Et MATA (Myanmar Alliance for Transparency and Accountability), qui regroupe 445 organisations de la société civile birmane, appelle les compagnies pétrolières et gazières à cesser immédiatement tout paiement à la junte, seule mesure à même de garantir le respect des Principes directeurs de l’Onu sur les entreprises et les droits humains, ainsi que de la loi française sur le devoir de vigilance de mars 2017. Nous rappelons d’ailleurs que le plan de vigilance de Total est largement insuffisant, tant dans son contenu que sa mise en oeuvre, et que l’entreprise fait l’objet de deux actions en justice en France sur le fondement de cette loi[13].

Le message de la société civile birmane est clair : “Si vous continuez le “business as usual”, nous vous tiendrons pour responsables de la violence infligée par la junte au peuple birman.” A son tour, le Ministre de la planification, des finances et de l’industrie nommé par le CRPH (Committee Representing Pyidaungsu Hluttaw) – le parlement en résistance – demande à Total de ne plus collaborer avec le régime de la junte[14].

Le gouvernement français doit quant à lui agir pour que des sanctions soient adoptées contre les dirigeants de la junte et contre les entreprises, notamment la MOGE, dont les revenus financent la répression. Ne pas agir en ce sens revient à renforcer la junte dans sa volonté de se maintenir au pouvoir par la force des armes et au prix d’une répression sanglante.

Signataires :

Attac France

Greenpeace France

Les Amis de la Terre France

Ligue des droits de l’Homme

350.org

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