Crise des migrants : cinq questions sur le mur que veut ériger la Pologne à sa frontière avec la Biélorussie

Publié sur francetvinfo.fr le 16-11-2021

En 2050 l’Europe aura 50 millions de travailleurs en moins qu’en 2015. Cela entrainera un ralentissement très important de sa croissance économique selon une étude du Center for Global Development. C’est le prolongement de la crise de vieillissement de l’Europe. Au moment où la crise climatique accentue l’ampleur des migrations du sud (Afrique) vers l’Europe c’est le moment d’ouvrir les frontières. Malheureusement les gouvernements autoritaires comme la Pologne, la Grèce , la Hongrie,… érigent des murs et des barbelés partout. C’est l’Europe-forteresse. La LDH est favorable à la libre circulation et d’installation des migrants. « De l’air, de l’air, ouvrez les frontières! »

Varsovie prévoit de construire une barrière de 180 km de long, alors que la Biélorussie est accusée de pousser des milliers de migrants venus du Moyen-Orient en direction de cette frontière de l’Europe.

« L’entreprise que nous devons mener à bien est un investissement absolument stratégique et prioritaire pour la sécurité de la nation et de ses citoyens. » Le ministre de l’Intérieur polonais, Mariusz Kaminski, a ainsi justifié, lundi 15 novembre, la volonté de son pays de construire un mur le long de la frontière avec la Biélorussie que des milliers de migrants tentent de traverser. De quoi va-t-il s’agir exactement ? La Pologne a-t-elle le droit de le construire ? Comment l’Union européenne et la France réagissent-elles ? Franceinfo répond aux questions qui se posent après cette annonce.

A quoi va ressembler ce mur ?

La construction n’a pas encore débuté : le ministère de l’Intérieur polonais a annoncé que les travaux pourraient se lancer d’ici à la fin de l’année, après la signature des contrats prévue au plus tard le 15 décembre. Les ouvriers devront se relayer 24 heures sur 24 en trois équipes, a précisé le ministère de l’Intérieur. L’ouvrage coûtera environ 353 millions d’euros et devrait s’étendre sur 180 kilomètres, soit près de la moitié de la longueur totale de la frontière séparant la Pologne et la Biélorussie, longue d’un peu plus de 400 km. La fin des travaux est prévue pour le premier semestre 2022.

Pour l’instant, difficile de savoir où se dressera exactement cette barrière. « Il semblerait qu’ils veuillent commencer la construction à quatre endroits différents en même temps. Mais il y a parfois des marécages et une autre partie de la frontière est dessinée par une rivière », détaille Dorota Dakowska, professeure de science politique à Sciences Po Aix, interrogée par franceinfo. De plus, ce mur pourrait passer par la forêt primaire de Bialowieza et constituer « un danger pour la reproduction de certaines espèces, comme le lynx ».

Pourquoi la Pologne veut-elle ériger un mur ?

Varsovie assure vouloir se « protéger » de l’arrivée de migrants à sa frontière. « Cette annonce tombe alors qu’on est dans un contexte très tendu et que les opinions publiques européennes sont opposées aux mouvements migratoires, mais la construction de ce mur ne répond pas à l’urgence humanitaire actuelle », analyse Dorota Dakowska.

Depuis la crise migratoire de 2015 liée à la guerre en Syrie, l’opinion polonaise, auparavant largement favorable à l’accueil des migrants, a fait machine arrière. « Le gouvernement du PiS, le parti au pouvoir, a réussi à faire peur aux Polonais, explique l’enseignante. Il a construit un discours anxiogène et persuadé ses électeurs que les personnes migrantes constituaient une menace ». Aujourd’hui, la Pologne est très divisée sur la question. « Entre 36 et 39% des personnes soutiennent le gouvernement et sa gestion de la frontière, autant de personnes y sont opposées », avance Dorota Dakowska.

La Pologne a-t-elle le droit de construire une telle barrière ?

« Chacun protège sa frontière comme il l’entend », rappelle à franceinfo Tania Racho, docteure en droit européen et membre du collectif Les Surligneurs. Le projet polonais apparaît « d’autant plus légal qu’il est question de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen », ajoute-t-elle. Signé en 1985, cet accord permet aux citoyens des pays signataires de voyager librement à l’intérieur et en dehors de cette zone comme s’il s’agissait d’un seul pays. La Pologne en fait partie, mais pas la Biélorussie.

« La frontière entre les deux pays est une frontière extérieure de l’UE. Depuis les accords de Schengen, on relativise les frontières entre les pays de la zone Schengen, mais on renforce les frontières avec l’extérieur, ce qui aboutit à une conception d’Europe forteresse.« 

Dorota Dakowska, professeure à SciencePo Aix à franceinfo

Reste à savoir si la Pologne respecte la Convention de Genève relative au statut des réfugiés datant de 1951, qui énonce les droits des personnes déracinées, ainsi que les obligations juridiques des Etats pour assurer leur protection. « Le droit international oblige les Etats à accueillir les demandeurs d’asile le temps d’étudier leur demande, avance Tania Racho. En théorie, les garde-frontières devraient vérifier auprès de chaque migrant s’il est demandeur d’asile. » En cas d’actions visant à les repousser, « les garde-frontières seraient en faute par rapport au principe de non-refoulement », précise la spécialiste.

Existe-t-il d’autres murs de ce type en Europe ?

« La Pologne n’est pas le premier pays à vouloir ériger une telle barrière », observe Dorota Dakowska. L’Espagne l’a fait autour des deux enclaves de Ceuta et Melilla, sur le territoire marocain ; la Grèce sur une section, longue de 40 km, de sa frontière avec la Turquie ; la Hongrie à la frontière avec la Serbie et la Croatie. Viktor Orban a ainsi fait ériger une clôture de 175 km, équipée de miradors, de barbelés, de caméras thermiques et de détecteurs de mouvements pour un budget de 880 millions d’euros. « L’Europe doit rester aux Européens », avait-il justifié. Mais ces barrières ne sont pas forcément efficaces puisque « lorsqu’on regarde l’histoire, on voit que les murs n’ont pas toujours rempli leurs fonctions. La frontière est toujours un lieu de passage », rappelle Dorota Dakowska.

Quelles sont les réactions ?

La décision de la Pologne suscite de nombreux commentaires, mais tous les pays membres de l’Union européenne ne sont pas sur la même longueur d’ondes. « Il existe des dissensions au sein de l’UE, note Dorota Dakowska. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dit qu’elle était opposée à ce que l’UE finance des barrières, mais le président du Conseil européen, Charles Michel, lui, soutient cette initiative. »

En France aussi, la question du mur divise. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a réaffirmé mardi que la France et l’Europe voulaient faire « respecter nos frontières ». La France « est en solidarité avec les pays confrontés à cette situation », a-t-il ajouté, avant d’estimer qu’il n’avait « pas de leçons à donner » à Varsovie. Clément Beaune, secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, a toutefois assuré sur France 2 qu’il n’était pas « pour une Europe qui se hérisse de barbelés ou se couvre de murs ».

En Biélorussie, le pouvoir a choisi l’ironie. « Ils nous menacent de nouvelles sanctions, de bâtir un mur de cinq mètres de haut. S’ils n’ont rien d’autre à faire, qu’ils le fassent », a lancé le président Alexandre Loukachenko.

Afghanistan : « Les Français veulent accueillir des réfugiés afghans, encouragez-les ! »

Publié sur lemonde.fr le 6/09/2021

Saluant l’élan de solidarité qui a accompagné l’arrivée en France de quelque 2 500 Afghans, une centaine d’artistes francophones dont Yael Naim, Maylis de Kerangal, Charlotte Gainsbourg ou Michel Hazanavicius, lancent un appel à accueillir notamment des artistes afghans en danger.

Tribune. Alors que les crispations identitaires empoisonnent le débat public, l’élan citoyen observé ces derniers jours pour accueillir les familles afghanes laisse songeur : des milliers de personnes se disent prêtes à ouvrir leur porte, des dizaines de milliers d’autres rassemblent vêtements, nourriture et fournitures de rentrée.

Cet élan doit être utilisé par la puissance publique pour montrer que la solidarité et l’ouverture sont préférables à la peur et au repli sur soi. Et si nous chantions les louanges des solidaires, au lieu de conforter les méfiants ? Car tout montre, aujourd’hui, que la solidarité et l’engagement sont un levier de mobilisation populaire. Dans chaque salle de théâtre, de concert, d’exposition, nous rencontrons ce public qui confirme cet élan et sa volonté de montrer une nation solidaire.

Nous, artistes français, lançons un appel au gouvernement français pour encourager cette mobilisation citoyenne, et pour venir en aide, par tous les moyens dont il dispose, diplomatiques et logistiques notamment, aux artistes afghans en danger. À l’instar des journalistes, des traducteurs, des citoyens afghans qui ont aidé la France et l’Europe, les travailleurs culturels en Afghanistan sont directement menacés.

Une protection internationale urgente et nécessaire

Même avant la prise du pouvoir par les talibans, les travailleurs culturels ont pris de graves risques en décrivant les expériences et en relayant les aspirations des Afghans, avec l’encouragement – et souvent le soutien direct – du gouvernement américain et de la coalition. Aujourd’hui, nombre de nos pairs ne voient pas d’autre choix que de quitter le pays. Qu’ils puissent ou non partir, nous appelons à la protection par la France de tous ceux qui se sont consacrés à la promotion de la liberté d’expression et de la société civile en Afghanistan.

Nous demandons au gouvernement, afin de sauver des vies et de tenir les promesses faites aux alliés, collègues et amis afghans, de prendre des mesures immédiates pour faciliter le traitement accéléré des visas et accorder l’asile à tous les Afghans vulnérables, à commencer par les femmes. La simple nature du régime taliban rend cette protection internationale urgente et nécessaire.

(la suite de l’article est malheureusement réservée aux abonnés)

«Ils vont tuer mes parents»: manifestation à Paris en soutien au peuple afghan

Publié sur rfi.fr le 6 septembre 2021 – Laurence Théault, du service France de RFI 

Une manifestation de soutien au peuple afghan s’est tenue, dimanche 5 septembre à Paris, à l’initiative de plusieurs associations. Quelques centaines de manifestants étaient massés sur la place de la République pour dire qu’en France, on est touchés par ce qui se passe en Afghanistan.

Ce rassemblement visait à « concentrer énergies et attentions » sur le drame humanitaire qui se joue depuis la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan, selon les organisateurs, Association solidarité et culturelle des Afghans à Paris et Enfants d’Afghanistan. Les personnes présentes ont manifesté leur solidarité avec les Afghans pour un accueil inconditionnel des civils en danger.

Pas de drapeau noir, rouge et vert, pas de slogan, ni pancarte. Rahim, 38 ans, est juste venu avec la photo de ses parents restés à Kaboul : « C’est mon père, c’est ma mère. »

Chemise ouverte et veste de costume, Rahim est réfugié politique en France depuis 2012. Il s’arrête sur le visage de son père : « Il travaille pour le gouvernement d’Afghanistan. En 2012, les talibans nous ont attaqués, chez nous… »

« Si les talibans trouvent mes parents, ils vont les tuer »

Aujourd’hui, Rahim est très inquiet. Il interpelle le gouvernement français : « Depuis que les talibans sont retournés à Kaboul, mes parents sont toujours cachés. On a deux voisins qui se sont accordés avec les talibans, aujourd’hui, qui donnent toutes les coordonnées de mes parents. On les connaît déjà, les talibans, et on sait que s’ils les trouvent, ils vont tuer mes parents, bien sûr. La seule chose que je demande, c’est que la France continue son programme d’évacuation. Comme pour mes parents, il y a beaucoup de personnes qui sont bloquées. »

Rahim range la photo dans la poche de sa veste. Depuis la prise de Kaboul par les talibans, confie-t-il, il ne dort plus.