EXPULSION VIOLENTE ET SCANDALEUSE DIMANCHE 3 JUILLET D’UN JEUNE GUINÉEN PRÉSENT EN FRANCE DEPUIS 5 ANS

Par cet acte scandaleux, la politique du gouvernement Macron fait ouvertement le jeu de l’extrême-droite. Nous devons nombreux nous en indigner et organiser la solidarité avec les jeunes mineurs migrant.e.s. apprentis en France.

Communiqué commun de RESF, LDH et Patron.ne.s Solidaires

Maurice, jeune guinéen de 20 ans, en France depuis 5 ans, emprisonné depuis deux mois au centre de rétention administrative de Vincennes, a été expulsé le 3 juillet. Amené à Roissy, Il y a été frappé, ligoté, porté comme un paquet dans l’avion en direction de Conakry. Il s’est  débattu, a crié, des passagers s’en sont indignés et ont refusé de voyager dans de telles conditions. Départ de l’avion retardé. Les policiers interviennent, menacent d’interpeler les passagers protestataires. Ils finissent par obtenir un calme relatif en prétendant que Maurice est un terroriste. 17h05 l’avion décolle avec presque deux heures de retard.

Maurice est arrivé en France à l’âge de 15 ans. D’abord pris en charge comme mineur à Epinal, sa minorité a ensuite été contestée… comme c’est le cas pour des centaines de mineurs étrangers dans de nombreux départements, dont la politique d’accueil se fonde sur la suspicion systématique de la minorité rejetant à la rue des enfants, des enfants dont ils font des SDF.

Maurice ne s’est pas laissé abattre. Aidé par des associations, parfois hébergé par des habitants, il est devenu apprenti en restauration : cours au CFA de Laon et travail en alternance dans les restaurants de son patron. Très content de son travail, ce patron voulait l’embaucher en CDI.

Maurice est dans un de ces restaurants à Amiens en juillet 2021 au moment où le préfet de l’Aisne décide de lui délivrer une obligation de quitter le territoire en réponse à sa demande de régularisation. Maurice n’a pas reçu le courrier et il laisse passer le délai du recours. Placé en mai dernier en rétention au CRA de Vincennes suite à un contrôle d’identité, Maurice est expulsé au bout de deux mois de rétention.  

Cette expulsion et les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée sont proprement scandaleuses. Elle n’est pas la seule et ne sera la dernière. Ce gouvernement affiche son intention d’accroître les expulsions et n’aura aucun mal pour trouver à sa droite extrême de quoi faire voter des lois encore plus dures. Il doit entendre aussi qu’une large part de la société s’en indigne et saura exprimer refus et solidarité.

Maurice doit revenir, ses amis, ses proches, son patron aussi, l’attendent.

Paris, le 6 juillet 2022

RESF – Ligue des Droits de l’Homme – Patron.ne.s Solidaires

(Antennes 56,49,44)

Contact Presse : Marie-Pierre BARRIERE 06 79 50 29 87

« La disparition de Dom Phillips et Bruno Pereira marque un basculement dans la guerre contre l’Amazonie »

Publié sur Basta! le 16 juin 2022

Le journaliste Dom Phillips et le chercheur Bruno Pereira ont disparu depuis une semaine en Amazonie, probablement assassinés. Pour l’écrivaine Eliane Brum, « ils sont les toutes dernières victimes de la guerre menée par Bolsonaro contre la forêt. »

Tôt, le lundi matin du 6 juin, j’ai été surprise par un message sur WhatsApp. On me demandait si Tom Phillips, le correspondant du Guardian au Brésil, était porté disparu dans la vallée de Javari, l’une des régions les plus dangereuses de l’Amazonie. Mon mari, Jonathan Watts, qui est rédacteur en chef de la rubrique environnement du journal britannique, vit en Amazonie avec moi. Tom, qui était chez lui à Rio de Janeiro, a rapidement répondu au téléphone. Si ce n’était pas Tom, qui avait alors disparu ? Nous avons immédiatement pensé à Dom Phillips.

La différence d’une lettre à peine dans les noms de deux journalistes qui écrivent pour The Guardian au Brésil prête souvent à confusion. Dom est un gars adorable, excellent journaliste, reporter expérimenté et responsable. Nous savions que Dom travaillait à la rédaction d’un livre sur la forêt. J’ai donc demandé à un dirigeant autochtone de la vallée de Javari de m’envoyer une photo de la personne disparue, afin que nous puissions en être sûrs. Avec l’image s’ouvrant à l’écran du téléphone, la certitude nous tordit l’estomac. C’était bien Dom. Notre Dom bien-aimé, avec le visage ensoleillé de celui qui n’a rien à cacher au monde, vêtu du vert de la forêt qui l’entourait.

La douleur est alors devenue plus poignante. Il fallait dire à sa femme, notre amie Alessandra, et à sa famille en Angleterre que Dom avait disparu depuis 24 heures. Il était également nécessaire d’informer le Guardian, le journal avec lequel Dom collabore le plus fréquemment. La personne qui voyageait avec Dom, Bruno Pereira, était l’un des leaders indigènes les plus importants de sa génération, démis de son poste à la FUNAI (Fondation nationale de l’indien) en 2019, par l’ancien ministre de la Justice Sergio Moro, pour avoir commandité une opération de répression des exploitations minières illégales. Bruno avait dû demander congé pour continuer à protéger les autochtones : sous le gouvernement de Bolsonaro, la FUNAI est devenue un organisme hostile aux autochtones.

Nous devions agir très rapidement, car nous savions que le gouvernement Bolsonaro ne ferait rien sans forte pression. Notre crainte allait bientôt s’avérer légitime : le retard délibéré du gouvernement dans la mobilisation des ressources humaines et matérielles pour retrouver les disparus est devenu une évidence dès le premier jour. « L’ordre » de déclencher les « missions humanitaires de recherche et de sauvetage » a mis longtemps à arriver. En tant que journalistes qui couvrons et vivons en Amazonie, nous savons que dans la forêt, le temps est un élément crucial. Chaque seconde compte.

Ce lundi 13 juin, je me suis réveillée d’une mauvaise nuit en apprenant que les corps avaient été retrouvés attachés à un arbre. Depuis la découverte du sac à dos, des vêtements, des bottes, restes matériels d’une vie, de gestes interrompus et de désirs, un froid s’est installé en moi, de l’intérieur vers l’extérieur, et j’ai passé la nuit à frissonner. Pour ce froid, il n’y a pas de couverture. Pour ce froid, il n’y aura jamais de couverture. Un peu plus tard, la nouvelle a été démentie. Les objets leur appartenaient, mais il n’y aurait toujours pas de corps. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons toujours pas si les corps ont été retrouvés ou non. C’est une obscénité de plus de la situation actuelle du Brésil.

Depuis la semaine dernière, ma plus grande crainte était que les corps ne soient pas retrouvés car je partage la douleur déchirante des membres des familles de disparus politiques de la dictature militaro-entrepreneuriale que Jair Bolsonaro vante tant. Ne pas avoir de corps à pleurer, c’est la torture qui ne s’arrête jamais, c’est le deuil qui ne peut se faire et qui ne sera donc jamais surmonté. Pourtant, j’ai découvert ce lundi matin, qu’il y avait quelque chose en moi qui attendait un miracle parce que j’ai craqué. Il m’a fallu quelques heures pour rassembler ma colère et me remettre sur pied pour écrire ce texte. Et puis, j’ai craqué à nouveau devant l’horreur de ne pas savoir ce qui est vrai ou pas.

Bolsonaro en guerre contre l’Amazonie

Dom et Bruno sont probablement morts. Ils sont les toutes dernières victimes de la guerre menée par Bolsonaro contre la forêt, ses peuples et tous ceux qui luttent pour défendre l’Amazonie.

C’est ça le problème.

La disparition de Dom et Bruno n’est que la dernière violence en date dans une Amazonie piégée dans ce pays appelé Brésil, dirigé par un partisan de la dictature, des exécutions et de la torture appelé Jair Bolsonaro. Nous sommes en guerre. Et affirmer cela n’est pas de la rhétorique.

C’est désespérant de continuer à crier que nous sommes en guerre et de ne pas être compris. Parce que comprendre, ce n’est pas être d’accord, retweeter ou liker ; c’est quelque chose de plus difficile : c’est agir comme des gens qui vivent une guerre. Si, au Brésil et dans le monde, les gens ne comprennent pas cela, les vies de ceux qui se trouvent sur le sol de la forêt, avec leurs corps en première ligne, auront encore moins de valeur qu’aujourd’hui. Et lorsque les leaders des peuples de la forêt, les environnementalistes, les défenseurs et les journalistes en première ligne seront morts, la forêt le sera aussi. Sans la forêt, l’avenir sera hostile pour les enfants déjà nés. Enfants, neveux, petits-enfants, frères et sœurs de ceux qui lisent ce texte. Vos proches. Vous.

Il est indéniable que l’émoi national et international suscité par cette disparition est plus important du fait que Dom Phillips est blanc et citoyen britannique. C’est un fait facilement vérifiable si on le compare aux meurtres qui ont ouvert la saison des exécutions cette année en Amazonie, à São Félix do Xingu, la municipalité qui possède le plus grand troupeau de bétail du Brésil. Protecteurs anonymes de la forêt, sans amis influents, José Gomes, Zé do Lago, sa femme, Márcia Nunes Lisboa, et leur fille de 17 ans, Joane Nunes Lisboa, ont été peu pleurés et le crime reste impuni à ce jour. De même, en 2019, Maxciel Pereira dos Santos, collaborateur de la FUNAI depuis plus de dix ans, a été exécuté de deux balles dans la nuque sans que le monde ne bouge. Comme la plupart des crimes contre les personnes invisibilisées, le sien reste également impuni.

Ce que je veux dire, c’est que cet immense mouvement, si fort et si puissant, qui a été lancé pour Dom et Bruno, et dont j’ai fait partie dès la première minute, doit maintenant être animé par tout le monde.

Tous. Toutes. Tou.tes.

Ou nous succomberons. Ceux qui se trouvent sur le sol de la forêt, dans le sang. Ceux qui vivent dans les grandes villes du Brésil et du monde, impactées par le climat, dont la pandémie de covid-19 n’a été qu’un des premiers moments de la catastrophe.

…/… (la suite sur le site Basta!)

Au Mali comme en Ukraine, les responsables de crimes de guerre doivent être jugés

Le recours à la justice pour lutter contre l’impunité, d’effet limité dans l’immédiat, est un levier et un instrument indispensable pour peser sur les responsables des atrocités commises. La LDH y apportera sa contribution en liaison avec la FIDH, très engagée dans le combat pour une justice internationale effective, notamment par le recours au mécanisme de la compétence universelle qui permet de poursuivre ces criminels hors de leur pays.  D’ores et déjà, il y a lieu de documenter les violations commises et de rassembler un maximum de preuves pour pouvoir ensuite diligenter les enquêtes et procédures de poursuite des responsables qui devront être engagées. Rappelons que si ni la Russie ni l’Ukraine n’ont adhéré au statut de la Cour pénale internationale (CPI), l’Ukraine a accepté en 2014 de se soumettre à la compétence de cette juridiction pour les crimes de guerre ou contre l’humanité perpétrés en Ukraine. 

LDH

Editorial du Monde publié le 5 avril 2022

L’armée malienne et des miliciens russes sont accusés d’avoir tués des centaines d’habitants de Moura, fin mars. Comme en Ukraine, des forces aux ordres de Vladimir Poutine sont impliquées. La Cour pénale internationale se doit d’enquêter et de traduire en justice les dirigeants incriminés.

Editorial du « Monde ». Certaines concomitances renforcent le caractère tragique de l’actualité. Au moment même où, dimanche 3 avril, à Boutcha, en Ukraine, étaient découverts des centaines de cadavres de civils après le départ de l’armée russe, un autre massacre était révélé : celui dont ont été victimes, entre le 27 et le 31 mars, des centaines d’habitants de Moura, un village situé au centre du Mali. Dans cette zone contrôlée par des djihadistes affiliés à Al-Qaida, les forces armées maliennes et des paramilitaires blancs identifiés comme appartenant au groupe russe Wagner ont, lors d’une opération antiterroriste, tué des centaines d’habitants.

Des soldats maliens et des miliciens russes ont rassemblé des hommes et procédé à des exécutions sommaires. Des fosses communes auraient été creusées par les villageois eux-mêmes. Ce scénario de l’horreur, recoupé par plusieurs sources, s’est soldé par la mort de « 203 combattants », selon le communiqué triomphant de l’armée malienne, qui se félicite d’avoir « procédé aux nettoyages systématiques de toute la zone ». Un bilan que l’ONG Human Rights Watch porte à « environ 300 hommes civils, dont certains soupçonnés d’être des combattants islamistes ».

La résonance entre le massacre de Boutcha et celui de Moura ne se limite pas à leur simultanéité et à une logique comparable, qui évoque clairement des crimes de guerre. Elle tient à l’implication, dans les deux cas, de forces aux ordres de Vladimir Poutine, puisque sont avérés les liens de la milice Wagner avec le président russe. Seule différence notable : alors que les événements d’Ukraine sont amplement médiatisés, images et témoignages de journalistes à l’appui, ceux du Mali se sont déroulés sans aucun témoin extérieur. La présence du millier de mercenaires russes continue même d’être niée par les militaires putschistes au pouvoir à Bamako.

Logique de « nettoyage »

Tout se passe comme si le départ programmé des troupes françaises de l’opération « Barkhane » précipitait la fuite en avant autoritaire des militaires maliens et leur collaboration avec le régime russe. Le Mali, où des médias sont bâillonnés et les voix discordantes menacées, est en proie à un inquiétant déchaînement de violence. Recrudescence de la violence djihadiste d’un côté, massacres de civils perpétrés par l’armée malienne épaulée par Wagner de l’autre, avec un niveau de brutalité jamais atteint.

L’arrivée des mercenaires russes, connus pour leurs exactions en Libye et en Centrafrique, accélère une dérive marquée par une logique de « nettoyage ». Particulièrement alarmant apparaît le déferlement de ferveur patriotique que la junte malienne parvient à susciter à chaque « succès éclatant » des forces armées, dans un pays secoué depuis plus d’une décennie par le djihadisme et menacé d’éclatement.

En Afrique comme en Ukraine, les responsables de crimes de guerre doivent être jugés. La justice internationale doit être dotée de tous les moyens pour enquêter sur les massacres qui, en suscitant haine et désir de vengeance, ne font qu’alimenter une spirale de violence destructrice. Les exemples de l’ancien président du Liberia Charles Taylor, condamné à cinquante ans de prison en 2012 pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, ou celui de l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, mort en 2006 en prison, montrent que des dirigeants impliqués dans de telles atteintes à la vie humaine peuvent être dûment traduits en justice.

Le Monde