Exigeons l’amnistie des Gilets Jaunes : Signez la pétition

Publié sur Mediapart

« Nous ne reprendrons pas le cours de nos vies », disiez-vous Monsieur le Président, le 10 décembre 2018. Nous ne reprendrons pas le cours de nos vies tant que nos concitoyens n’auront pas pleinement retrouvé la leur.

Ils n’étaient pas venus à Paris, Bordeaux, Toulouse, et tant d’autres villes, pour en découdre avec les forces de l’ordre. Ils étaient venus pour défendre leurs vies menacées, dégradées par la précarité, mises en joue par un pouvoir prêt à faire les poches de leurs parents retraités comme de leurs enfants étudiants, afin de valoriser le patrimoine financier des plus riches. Ils étaient venus pour protéger leurs droits fondamentaux, et aussi une certaine conception de la justice sociale, qui a longtemps fait l’honneur de la France.

La stratégie de la tension, délibérément choisie par le pouvoir, ne leur a pas laissé la chance d’une protestation pacifique. Gazage, nassage et brimades en tout genre, puis au fil des semaines, matraquages, tirs de flashballs et grenades mutilantes, pour la première fois de leur existence, beaucoup de « Gilets jaunes » ont été confrontés à des brutalités policières indignes d’une démocratie, que des organisations comme Amnesty international ont elles-mêmes dénoncées.

On ne compte désormais plus le nombre de manifestants, au casier vierge, mis en garde à vue, condamnés en comparution immédiate, ou aujourd’hui en instance de jugement. Certains connaîtront la prison, qui détruit, qui humilie. D’autres ne retrouveront jamais d’emploi. Un grand nombre d’entre eux verront leurs vies brisées à jamais. Nous ne pouvons accepter qu’une protestation contre une politique massivement rejetée par la population détruise ainsi des êtres pris pour boucs émissaires. Nous ne pouvons accepter qu’un pouvoir, qui a sciemment fait le choix de la confrontation, se serve d’eux pour intimider tout un peuple. Nous ne pouvons accepter l’idée d’une vengeance d’Etat.

C’est pourquoi nous appelons le Président de la République, Emmanuel Macron, et son Premier Ministre, Edouard Philippe, à mettre à l’ordre du jour une loi d’amnistie en faveur des hommes et des femmes aujourd’hui persécutés, mis en examen, ou détenus pour avoir participé à ce mouvement social d’ampleur historique. C’est pourquoi nous appelons dès aujourd’hui à l’arrêt des procédures en cours, à l’effacement des peines prononcées, et à ce qu’une réponse enfin politique, et pas seulement sécuritaire et judiciaire, soit donnée aux événements hors du commun que la France est en train de vivre.

Une telle amnistie est prévue par l’article 133-9 du Code pénal et légitimée par la tradition française, de nombreuses lois d’amnistie ayant ainsi été votées depuis le début de la 5ème République, notamment dans le cadre d’activités protestataires.

Un tel geste serait seul en mesure de commencer à rendre au pays l’apaisement qu’il ne saurait retrouver sur fond de persécutions pour l’exemple. « Nous ne reprendrons pas le cours de nos vies », disiez-vous Monsieur le Président, le 10 décembre 2018. Nous ne reprendrons pas le cours de nos vies tant que nos concitoyens n’auront pas pleinement retrouvé la leur.

fleche2 POUR SIGNER LA PETITION

LES PREMIERS SIGNATAIRES

  • Isabelle Alonso (écrivaine)
  • Alain Badiou (philosophe)
  • François Bégaudeau (écrivain)
  • Juan Branco (avocat)
  • Stéphane Brizé (réalisateur)
  • Mathieu Burnel (ex-inculpé dans l’affaire Tarnac)
  • Annick Coupé (secrétaire générale d’Attac)
  • Alain Damasio (écrivain)
  • Eric Drouet (gilet jaune)
  • Annie Ernaux (écrivain)
  • Gérard Filoche (membre de la CGT, Attac, fondation Copernic)
  • Bernard Friot (sociologue et économiste)
  • Thomas Guénolé (politologue)
  • Eric Hazan (éditeur)
  • Anasse Kazib (délégué Sud Rail)
  • Zoé Konstantopoulou (avocate, ex-présidente du parlement grec)
  • David Koubbi (avocat)
  • Mourad Laffitte (réalisateur)
  • Aude Lancelin (directrice de publication Le Média)
  • Franck Lepage (éducateur populaire)
  • David Libeskind (avocat, collectif « robe noire et gilet jaune »)
  • Henri Maler (fondateur d’Acrimed)
  • Jean-Claude Michéa (philosophe)
  • Gérard Mordillat (réalisateur)
  • Maxime Nicolle (gilet jaune)
  • Gérard Noiriel (historien)
  • Osons causer (YouTuber)
  • Gilles Perret (réalisateur)
  • Pierre Perret (auteur-compositeur-interprète)
  • Thomas Portes (PCF, syndicaliste CGT-cheminots)
  • Bernard Stiegler (philosophe)
  • Assa Traoré (comité Adama)
  • Eric Vuillard (écrivain)
  • Joseph Andras (écrivain)
  • Fabien Archambault (historien)
  • Dorian Astor (philosophe)
  • Marc Belissa (historien)
  • Yves Bernanos (réalisateur)
  • Olivier Berruyer (fondateur du blog « Les Crises »)
  • Olivier Besancenot (porte-parole du NPA, facteur)
  • Alain Bihr (professeur émérite de sociologie)
  • Laurent Binet (écrivain)
  • Irène Bonnaud (metteuse en scène, traductrice)
  • Véronique Bontemps (anthropologue, CNRS)
  • Yannick Bosc (historien)
  • Alain Boscus (historien)
  • Youcef Brakni (comité Adama)
  • Gérard Bras (philosophe)
  • Mathieu Brunet (enseignant chercheur)
  • Gael Brustier (écrivain)
  • Emmanuel Burdeau (critique de cinéma)
  • Pascal Buresi (historien, CNRS)
  • Vanessa Caru (historienne, CNRS)
  • Martial Cavatz (enseignant)
  • Vincent Cespedes (philosophe)
  • Alexis Charansonnet (historien)
  • Yves Cohen (historien)
  • Francis Combes (poète, éditeur)
  • Mirabelle Cruells Thouvenot (attachée territoriale)
  • François Cusset (écrivain)
  • Sonia Dayan-Herzbrun (sociologue)
  • Laurence De Cock (historienne, fondation Copernic)
  • Christine Delphy (sociologue, CNRS)
  • Martine Derrier (spectacle vivant)
  • Dany-Robert Dufour (philosophe)
  • François Dumasy (historien)
  • Bertrand Dumenieu (ingénieur)
  • Mireille Fanon-Mendès-France (ancienne experte de l’ONU)
  • Pascale Fautrier (écrivaine)
  • Christian Ferrié (enseignant)
  • Geneviève Fraisse (CNRS)
  • Bruno Gaccio (scénariste et producteur)
  • Fanny Gallot (historienne)
  • Susan George (présidente d’ATTAC)
  • Laurence Giavarini (universitaire)
  • Boris Gobille (sciences politiques)
  • François Godicheau (historien)
  • Maurizio Gribaudi (historien)
  • Nacira Guénif (sociologue)
  • Pierre Guéry (auteur)
  • André Gunthert (historien)
  • Elie Haddad (historien, CNRS)
  • Florence Johsua (politiste)
  • Leslie Kaplan (écrivaine)
  • Sam Karmann (acteur)
  • Pierre Khalfa (syndicaliste)
  • Stéphane Kipfer (politiste, géographe, Toronto)
  • Isabelle Krzywkowski (universitaire, SNESUP-FSU)
  • Jérôme Lamy (historien)
  • Dany Lang (économiste)
  • Mathieu Larnaudie (écrivain)
  • Olivier Le Cour Grandmaison (universitaire)
  • Gildas Le Dem (journaliste)
  • Frédéric Lebaron (sociologue)
  • Marie-Thérèse Lenoir (MRAP migrations)
  • François Lescure (mathématicien)
  • Michel Letté (historien)
  • Ivan Marin (mathématicien)
  • Céline Martin (historienne)
  • Marion Messina (écrivain)
  • Régis Meyran (chercheur en sciences sociales, journaliste)
  • René Monzat (auteur, réalisateur)
  • Dominique Natanson (union française des juifs pour la paix)
  • Heitor O’Dwyer de Macedo (psychanalyste)
  • Ugo Palheta (sociologue)
  • Willy Pelletier (sociologue, fondation Copernic)
  • Roland Pfefferkorn (sociologue)
  • Emmanuelle Posse (professeur de philosophie, mère d’un gilet jaune condamné)
  • Raphaël Pradeau (porte-parole d’ATTAC)
  • Olivier Rabourdin (acteur)
  • Jacques Rancière (philosophe)
  • Eugenio Renzi (critique de cinéma, professeur de philosophie)
  • Fabrice Riceputi (historien)
  • Michèle Riot-Sarcey (historienne)
  • Laurent Ripart (historien)
  • Juliette Rousseau (militante, autrice)
  • Arnaud Saint-Martin (citoyen)
  • Catherine Samary (économiste)
  • Benoît Schneckenburger (agrégé de philosophie)
  • Todd Shepard (historien)
  • Patrick Simon (revue Mouvements)
  • Danielle Simonnet (conseillère de Paris)
  • Yves Sintomer (sciences politiques)
  • Eyal Sivan (cinéaste)
  • Arnaud Skornicki (politiste)
  • Joy Sorman (écrivain)
  • Catherine Stern (PCF – 28 Migrations)
  • Federico Tarragoni (sociologue)
  • Julien Théry (historien)
  • Enzo Traverso (historien)
  • Yves Vargas (professeur de philosophie)
  • Eleni Varikas (professeur de théorie politique)
  • Nicolas Vieillescazes (éditeur)
  • Xavier Vigna (historien)
  • Julien Vincent (historien)
  • Fabrice Virgili (historien)
  • Louis Weber (éditeur)
  • Hela Yousfi (universitaire)
  • Sophie Zafari (syndicaliste)
  • Jean-Claude Zancarini (italianiste)
  • Michelle Zancarini-Fournel (historienne)

Répression des Gilets jaunes : le rapport accablant d’Amnesty International

USAGE EXCESSIF DE LA FORCE LORS DES MANIFESTATIONS DES « GILETS JAUNES »

Ce que la LDH a constaté ici et ailleurs:

  • un usage de la force sans sommation,
  • des tirs nourris de grenades lacrymogène sur l’ensemble des manifestants,
  • des matraquages en règle,
  • de nombreuses interpellations proches de rafles,
  • l’utilisation d’armes dangereuses et mutilantes :  flashball, grenades de désencerclement  (GLI-F4), lanceurs de balles de défense (LBD 40) – lire le communiqué de la LDH
             Voir le décompte des blessés graves (au 14 janvier)
Voici le Le rapport d’Amnesty International publié sur son site

le 17.12.2018

« Les forces de l’ordre ont utilisé des flashball, des grenades de désencerclement et des gaz lacrymogènes contre des manifestants majoritairement pacifiques. Nous avons pu recenser de nombreux cas de recours excessifs à la force par des policiers.

Il est vrai que le maintien de l’ordre pendant les manifestations est une tâche délicate et que certains manifestants ont commis des actes violents et illégaux, mais il n’en reste pas moins indispensable de respecter le droit français.

Les policiers ont le devoir de maintenir l’ordre public et, ce faisant, ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire. Lorsque le recours à la force est inévitable, ils doivent en user avec retenue. »…

LES JOURNALISTES DANS LE VISEUR

« Des récits de victimes et de témoins, ainsi que des vidéos que nous avons examinées montrent que la police a fait un usage inapproprié des flashball, en tirant sur la foule. Elle a aussi lancé des grenades de désencerclement, qui ne devraient jamais être utilisées dans des opérations de maintien de l’ordre.

Audrey, une secouriste qui se trouvait sur place a indiqué que dix des quinze personnes soignées par son équipe avaient été blessées par des flashball, dont une à la tête.

Outre des manifestants, de nombreux journalistes ont été blessés, et certains ont affirmé avoir été délibérément visés. Une vidéo montre un journaliste portant un casque de presse touché dans le dos par une grenade de désencerclement alors qu’il s’éloignait du cordon de policiers. »

« Les photographes étaient vraiment ciblés. « 

Thierry Olivier, photojournaliste

« Un autre journaliste, qui a souhaité rester anonyme, a raconté que lui et ses collègues avaient été « visés à plusieurs reprises par des tirs de flashball de la part des forces de l’ordre ».

Thomas Morel-Fort, journaliste également, souffre de multiples fractures à la main après avoir été touché par un tir de flashball, alors qu’il portait un casque sur les deux côtés duquel figurait clairement la mention « presse ». »

FOUILLES ET CONFISCATIONS

« Les forces de l’ordre semblent avoir adopté une tactique délibérée consistant à installer des barrages pour fouiller toutes les personnes qui se rendaient aux manifestations, afin de confisquer les équipements de protection des manifestants, des journalistes et même du personnel médical.

Lire aussi : Droit de manifester en France : témoignages de journalistes

Denis Meyer, photographe, a raconté que des policiers lui avaient confisqué son casque, ses lunettes de protection et son masque, et qu’il avait par la suite été blessé par une balle de flashball tirée à faible distance.

Je marchais, mon œil devant le viseur de mon appareil photo, j’ai reçu un tir de flashball à une distance d’une dizaine de mètres. »

Denis Meyer, photographe

 

Audrey, la secouriste, a indiqué qu’elle s’était fait confisquer non seulement ses propres équipements de sécurité, mais aussi ceux qu’elle avait dans son sac pour les personnes blessées : « Ils m’ont confisqué mon casque de protection blanc avec une croix rouge, mes lunettes de protection transparentes, ainsi que les autres masques et lunettes que j’avais en plus. »

Elle ne saurait dire combien de victimes du gaz lacrymogène elle a soignées. « Le gaz lacrymogène a commencé vers 10 heures du matin et a été continu pendant quatre ou cinq heures. Des gens avaient du mal à se déplacer. Un homme a inhalé tellement de lacrymo qu’il s’est retrouvé à genoux avec des spasmes, il tremblait de partout. »

La police a aussi pris des mesures préventives, fouillant des gens qui ne présentaient pas forcément un risque de violence imminent.

Non seulement ces personnes se sont fait confisquer leurs équipements de protection, mais en plus le simple fait qu’elles soient en possession de tels équipements a été utilisé comme prétexte pour les arrêter.

Le 8 décembre, près de 400 personnes qui se rendaient aux manifestations ont été arrêtées à Paris après avoir été fouillées à des barrages de police. Ces « arrestations préventives » ont été rendues possible par l’autorisation accordée aux policiers, sur réquisitions du procureur de la République, de mener des opérations de fouilles dans certaines zones.

De nombreuses personnes trouvées en possession d’objets tels que des casques, de la peinture ou des masques ont été arrêtées pour « délit de participation à un groupement violent ».

Beaucoup ont été libérées dès le lendemain faute de preuves suffisantes. Selon les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, au total 1 082 personnes ont été arrêtées à Paris le 8 décembre, dont 100 mineurs.

LES LYCÉENS ÉGALEMENT DANS LE VISEUR

« Parallèlement au mouvement des « gilets jaunes », un mouvement de lycéens a débuté le lundi 3 décembre, initialement pour protester contre la réforme du baccalauréat et la procédure d’admission à l’université. Dans la semaine qui a suivi, plus de 200 lycées à travers la France ont été bloqués par des élèves.

Mathieu Barraquier, enseignant à Garges-lès-Gonesse, dans la banlieue de Paris, a raconté avoir vu la tension monter d’un cran le 5 décembre devant le lycée Simone de Beauvoir, après qu’un arbre eut été incendié et que les policiers eurent commencé à revêtir leurs équipements anti-émeutes.

Certains jeunes ont commencé à lancer des pierres, ainsi qu’un petit projectile enflammé en direction des forces de l’ordre, qui se trouvaient à environ 30 mètres. « Soudain, sans qu’il n’y ait eu d’éléments tangibles, j’ai entendu un tir de flashball et j’ai vu un élève s’effondrer. Je me suis approché de lui le plus rapidement possible, et quand il s’est retourné j’ai vu qu’il avait la joue ouverte, comme une grenade (le fruit). Il n’avait pas lancé de pierres, il était en train de parler tranquillement. »L’adolescent est resté deux jours à l’hôpital.

Le 6 décembre, des affrontements ont éclaté entre la police et des élèves du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie, en banlieue parisienne. Au total, 163 élèves, dont les plus jeunes n’avaient que 13 ans, ont été arrêtés. Une vidéo montrant des dizaines de lycéens contraints de s’agenouiller, les mains derrière la tête ou menottées dans le dos, est devenue virale.

Selon Mourad Battikh, avocat de plusieurs de ces jeunes, certains ont été maintenus jusqu’à quatre heures dans cette position. Le maintien des élèves dans une telle position pendant si longtemps, s’il est confirmé, s’apparente à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, interdit en toutes circonstances par le droit international.

Une avocate de lycéens concernés a dit que certains n’avaient pas eu à manger ni été examinés par un médecin avant d’être interrogés. Leurs interrogatoires par la police n’ont pas été enregistrés, alors que la loi française impose un enregistrement audiovisuel. En outre, des avocats n’ont pas été autorisés à assister aux interrogatoires.

Quand je suis arrivée au commissariat, les officiers de police judiciaire m’ont dit qu’ils avaient déjà commencé l’audition de l’un des deux mineurs. Je leur ai dit : ”Ce n’est pas possible, il est mineur”, et j’ai demandé l’interruption de l’audition. Ils m’ont dit qu’ils comprenaient mais ont continué l’audition sans ma présence. »

Leila Volle, avocate de deux adolescents de 15 ans

« Les autorités doivent assurer la sécurité de toute personne et veiller à ce que le droit de manifester pacifiquement soit respecté. Elles doivent prendre des mesures légales et proportionnées pour protéger la vie et l’ordre public, en évitant de recourir à une force excessive.

Le port d’équipements de protection contre les gaz lacrymogènes, les flashball ou les grenades de désencerclement ne saurait être assimilé à une intention de commettre des violences, et les personnes arrêtées uniquement pour ce motif doivent être libérées. »