Immigration : isoler le ministre de l’Intérieur

Tribune collective publiée sur le club Médiapart publiée le 24 août 2022

Alors que Gérald Darmanin a annoncé sur RTL la présentation  d’une loi pour lever « les réserves » législatives empêchant l’expulsion du territoire d’étrangers délinquants, une centaine d’intellectuel·les et de militant·es appellent à une « campagne de mobilisation nationale ».  Ils et elles veulent vaincre la « politique de calculs rances et de cruautés démultipliées en lui opposant une logique de droits humains et démocratiques égalitaires ».

Gérald Darmanin a annoncé sur RTL la présentation, « à la rentrée de septembre », d’une loi pour lever « les réserves » législatives empêchant l’expulsion du territoire d’étrangers délinquants. Il a dit « assumer une forme de double peine » pour les étrangers délinquants qui, en conséquence, une fois leur condamnation effectuée seront expulsés, déclenchant les critiques à gauche ainsi que d’associations antiracistes, et l’ironie du RN qui estime qu’il « n’a pas les moyens » de l’appliquer.

Leur compétition est lancée. Ne pas la briser donnerait une victoire aux racistes et aux néo-fascistes.

Préposé aux violences d’État et aux rapprochements avec l’extrême-droite, le ministre de l’Intérieur – qui est aussi celui des Outremers (voilà revenu l’ordre colonial ?) – fait du zèle. 

Il l’a bien précisé : il souhaite retirer de cette loi la disposition selon laquelle un étranger arrivé en France avant l’âge de 13 ans n’est pas expulsable. Il a expliqué, pour sembler raisonnable, que cela ne s’appliquerait qu’en cas de « crimes et de délits graves ». Et, au nom du gouvernement, Olivier Véran soutient que cela sera discuté à l’Assemblée nationale car, selon lui, c’est ce qui a été entendu lors des campagnes électorales.

Dans la même veine, nous voyons émerger un projet de loi anti-immigration et une campagne anti-migrant·es. Menace également de restrictions sur le droit d’asile ; le gouvernement envisageant de supprimer la CNDA (Commission nationale du droit d’asile) au prétexte de « préciser » ce droit.

Le patron des sénateurs LR – Bruno Retailleau – s’est réjoui mercredi 27 juillet : dans la semaine du 10 octobre, un projet de loi sur l’immigration sera examiné en première lecture au Sénat. « Je l’avais demandé à la première ministre », s’est-il félicité. Tout cela s’accompagne d’une poussée de déclarations et d’actes islamophobes et xénophobes.

On sait bien qu’il s’agit de faire diversion par rapport aux revendications de justice sociale, de droit à la santé et à l’éducation, mais, en même temps, de souder de bonnes relations avec l’extrême droite.

Pas de temps à perdre. Il existe des signes de mobilisation. Il faut lancer une campagne nationale de rentrée : « Non aux racistes, non aux discriminations ». Nous savons que, quels que soient les matraquages médiatiques, ce refus existe, plus fort que jamais, dans l’opinion, et en particulier dans les jeunes générations ouvertes sur le monde et sur les autres cultures.

Nous pouvons, à partir du réseau du mouvement social, avec toutes les organisations possibles, dont celles des quartiers populaires, les premières concernées (Pas sans nous, FUIQP, On s’en mêle, etc.), rassembler celles et ceux qui étaient fédéré·es dans la marche des solidarités en 2020 et 2021 ; comme pour les mobilisations pour la régularisation des sans papiers, pour le droit au logement, pour la fermeture des CRA, pour les mineur·es non accompagné·es en danger dans la rue, etc.

Ces organisations ont fédéré plusieurs dizaines de collectifs locaux ou départementaux. Elles sont soutenues par des associations nationales (LDH, CIMADE, EGM, Syndicat des avocats de France ; Syndicat de la magistrature, etc.).

La politique autoritaire de Darmanin et de Macron ou l’affirmation des principes relatifs aux droits de l’Homme ? Voilà un axe clair et net pour une campagne qui peut réunir sur un programme alternatif et inclusif. Nous devons faire échouer cette politique de calculs rances et de cruautés démultipliées en lui opposant une logique de droits humains et démocratiques égalitaires. Il s’agit de délégitimer les pseudo-alternatives des diverses droites majoritaires électoralement. Cela impose d’œuvrer à une nouvelle architecture de droits, à l’échelle mondiale, notamment continentale.

Faire échec à Gérald Darmanin encouragera toutes celles et tous ceux qui se demandent comment transformer le rapport des forces politiques.

Puisque, suite au « grand débat », un pseudo « débat citoyen » est programmé avant le vote de la loi, nous serons là pour rejeter, ensemble, cette politique par la convergence des débats portés par les campagnes en cours pour la défense des libertés et des droits.

Signataires :

Faycal ben ABDALLAH, Fédération des tunisiens des deux rives (FTCR) ;
Gilbert ACHKAR, sociologue (Londres) ;
Étienne ADAM, syndicaliste, militant associatif, Ensemble (Caen) ;
Bernard ALLAIN, militant du Comité Continuons Ensemble ! (Marseille) ;
Sébastien ALLARY, militant Génération.s et militant associatif (Montpellier); 
Nils ANDERSSON, ancien éditeur, spécialiste de géopolitique (Paris) ;
Janie ARNEGUY, Ensemble ! Ex conseillère municipale (Gard) ;
Nadia AZOUG,Vice-présidente 93 – Enfance, prévention, parentalité – en charge des Mineurs Non accompagnés ;
Bernard BASSEMON, Attac (Vaucluse) ;
Stefan BEKIER, interprète de conférence, Ensemble ! (Val d’Oise) ;
Farid BENNAÏ, syndicaliste, militant du FUIQP ;
Marie Françoise BESOMBES,  RESF, retraitée CGT, Alternatives et Autogestion / PEPS   (81); 
Dominique BLANCHARD, alter-mondialiste et militant de la solidarité avec les migrants, Ensemble ! (Paris-13) ;
Philippe BLANCHET, sociolinguiste (Rennes) ;
Nadège BOIRASMÉ, conseillère municipale déléguée « intégration et citoyenneté des étrangers », (Nantes) ;
Bernadette BOUCHARD, militante retraitée, Ensemble ! (Alpes maritimes) ;
Martine BOUDET, didacticienne, ATTAC (Toulouse) ;
Sarah BOURSIER, militante féministe, anti-raciste, commission Immigration EELV, soutien aux associations d’aide aux migrants, (Bayonne 64) ;
Jean-Claude BRANCHEREAU, GDS, militant syndicaliste ;
Jean-Paul BRUCKERT, Ensemble ! (25), Retraité ;
Jean BRUNACCI, secrétaire régional de l’Union syndicale Solidaires des pays de la Loire ;
Claude CALAME, anthropologue EHESS, ATTAC, LDH, Ensemble ! ;
Anne CAUWEL, militante internationaliste, féministe, enseignante retraitée (Nice) ;
Anne CHARMASSONCREUS, militante de la solidarité avec les migrantEs ;
Mouhieddine CHERBIB, défenseur des droits humains ; Florence CIARAVOLA, militante féministe, syndicaliste, membre d’Ensemble! (06) ;
Collette CORFMAT, retraitée, (Paris-13) ;
Pierre COURS SALIES, sociologue, Ensemble ! ;
Armand CREUS, membre d’Ensemble ! (Lyon) et militant en soutien aux migrants ;
Alexis CUKIER philosophe ;
Anne DAUPHINE, citoyenne (Strasbourg) ;
Christiane DEDRYVER, Retraitée, Ensemble ! (Noisy le Grand) ;
Christian DELARUE, antiraciste (MRAP), syndicaliste (CGT), altermondialiste (ATTAC), (Rennes) ;
André DELCROIX Attac Métropole lilloise ; 
Bruno DELLA SUDDA, militant altermondialiste et autogestionnaire, membre d’Ensemble! (06) ;
Christian DELORD, Continuons Ensemble (Gard) ;
Daniel DESME, enseignant sociologie retraité, Ensemble ! ;
Tosse EKUE, animateur culturel (Toulouse) ;
Didier EPSZTAJN, animateur du blog « entre les lignes entre les mots » ;
Patrick FARBIAZ, PEPS pour une écologie populaire et sociale ;
Jean FAUCHE Alternatives et Autogestion / PEPS, RESF, CGT retraité.e.s (81) ;
Jean-Luc FAUGUET sociologue, Ensemble ! (Marseille) ; 
Jean-Michel FAURE professeur émérite (université de Nantes) ;
Georges FEDERMAN, psychiatre, Fondation Copernic (Strasbourg) ;
Yann FIEVET, socio-économiste (Dieulefit, Drôme) ;
Chafik FILALI, militant antiraciste (Vaulx en Velin) ;
Gérard FILOCHE, porte-parole de GDS ;
Jacques FONTAINE, géographe, Ensemble ! (01) ;
Jean-Marie FOUQUER, membre d’Ensemble ! (76) ;
Sophie GOURMELON adhérente EELV (92) ; 
Bénédicte GOUSSAULT ;
Marie-Claude HERBOUX, militante féministe ;
Alain JOB, militant soutien aux exilés dans l’Yonne, membre d’Ensemble ! ;
Houssein IBRAHIM HOUMED, membre du CA Copernic ;
Leïla KENNOUDA, membre du Conseil National du mouvement politique Génération.s, membre du pôle écologiste et membre du parlement NUPES, Syndicaliste CGT et VISA, Militante LDH ;
Nicole KLEMENTIK, professeur d’anglais en retraite, militante antiraciste (Béziers) ;
Pablo KRASNOPOLSKY, militant d’Ensemble! (94), militant syndicaliste et antiraciste ;
Thierry LABICA, snesup-fsu ;
Annie LAHMER, Conseillère régionale EELV d’Île-de-France (Val-de-Marne) ;
Jean‑Yves LALANNE, GDS, maire de Billères (64) ;
Michèle LECLERCOLIVE, universitaire, présidente des associations CORENS (Hauts-de-France) et CIBELE (Île-de-France) ; 
Olivier LE COUR‑GRANDMAISON, géopoliticien spécialiste du colonialisme ;
Gilles LEMEE, Ensemble ! (69) ;
Jean-Paul LEROUX, Ensemble ! (05) ;
Serge LE QUEAU, représentant de Solidaires au CESE ;
Jacqueline MADRENNES, Ensemble ! (Isère), Élue Grenoble Alpes Métropole ;
Christian MAHIEUX, syndicaliste, cheminot ;
Pascal MAILLARD, universitaire, responsable syndical SNESUP-FSU (Strasbourg) ;
Catherine MAITRE, militante soutien migrants (Auxerre) ;
Jean MALIFAUD, Fondation Copernic, militant SNESUP-FSU ;
Micheyle MARLIER, militante féministe et antiraciste, formatrice arts plastiques et conteuse (Saône et Loire) ;
Jean-Pierre MARTIN, psychiatre (75) ;
Denis MARX, Ensemble! (Lyon) ;
Margot MARX, collectif soutien migrants Croix Rousse (Lyon) ;
Michel MAS, syndicaliste, pacifiste et militant associatif (Aude) ;
Gustave MASSIAH, économiste altermondialiste ;
Ibrahim MBAMOKO, président de l’association Carré Géo & Environnement France ;
Denise MILBERGUE , syndicaliste, (Lyon) ;
André PACCO, militant soutien migrants (Auxerre) ;
Laurent PERIN, conseiller départemental du Nord, Génération-s ;
Marie-Odile PERRET, syndicaliste à la CGT et Gilet jaune (94, Maisons Alfort) ;
Évelyne PERRIN, présidente Stop précarité ;
Roland PFEFFERKORN, sociologue (Strasbourg) ;
François PRENEAU, Ensemble ! (44), syndicaliste retraité ; 
Jean PUYADE, professeur retraité (Paris), Collectif pour la libération des prisonniers politiques catalans et des réseaux européen et français de solidarité avec l’Ukraine ; 
Jacqueline SAINTIPOLY, retraitée, membre d’Ensemble ;
Catherine SAMARY, économiste, altermondialiste (Attac France) ;
Mariana SANCHEZ, membre d’Ensemble ! (92), du Collectif pour la libération des prisonniers catalans et des réseaux européen et français de solidarité avec l’Ukraine ;
Serge SENINSKY, retraité, commission Migrations d’Attac France (Paris) ;
Cécile SILHOUETTE, institutrice retraitée (Paris-11) ;
Docteur Nicole SMOLSKI, militante soutien migrantEs, (Lyon) ;
Fabien TARRIT, universitaire, collectif Sövkipeu (Reims) ; 
Gerard TAUTIL, auteur et militant occitaniste (Var);
Eric THOUZEAU, syndicaliste, militant GDS ;
Jean-Michel TOULOUSE, ancien directeur d’hôpital (Paris) ;
Patrick VASSALLO, militant Ensemble! (Montpellier) ;
Christiane VOLLAIRE, philosophe, revue Chimères (Paris) ;
Louis WEBER, éditeur ;
Pierre ZARKA,  Ensemble, Cerises la coopérative, ACU ;
Nicole ZIANI, militante associative (Gard).Recommandé (74)Partager sur Facebook

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Un nouveau dérapage de Viktor Orban indigne le comité d’Auschwitz

Ce n’est plus un dérapage, c’est le discours officiel d’un premier ministre d’un état membre de l’Union Européenne qui affiche ouvertement son racisme digne des années 30 en Allemagne sous le nazisme. Il serait urgent que tous les états et toutes les associations démocratiques condamnent ces propos abjectes pour isoler Orban. L’Union Européenne devrait évidemment faire de même. Orban contrôle l’ensemble de la télévision publique ainsi que les médias privés rachetés par les oligarques proches du pouvoir (80 % du paysage médiatique d’après wikipédia).

Publié sur france24 le 27 juillet 2023 avec AFP

Le comité international d’Auschwitz s’est dit, mardi, « horrifié » après des propos du Premier ministre hongrois contre « les races mixtes ». Le même jour, Zsuzsa Hegedus, une sociologue conseillant Viktor Orban depuis près de vingt ans, a remis sa démission en dénonçant « un pur texte nazi digne de Goebbels ».

Un discours qui ne passe pas. Le comité international d’Auschwitz a manifesté son indignation, mardi 26 juillet, suite aux propos tenus par Viktor Orban, lors d’un déplacement en Transylvanie roumaine. L’intervention du Premier ministre, « un pur texte nazi », a également poussé une conseillère du gouvernement, à remettre sa démission.

En Transylvanie roumaine, où réside une importante communauté hongroise, Viktor Orban, connu pour sa politique anti-migrants, a réaffirmé avec virulence son rejet d’une société « multi-ethnique ». « Nous ne voulons pas être une race mixte », qui se mélangerait avec « des non-Européens », a-t-il dit.

Les pays « où des peuples européens et extra-européens cohabitent ne sont plus des nations. Ces pays ne sont rien d’autre que des conglomérats de peuples », a encore lancé le Premier ministre de 59 ans, qui avait tenu des propos similaires dans le passé mais sans utiliser le terme de « race », selon des experts.

Il a aussi fait apparemment allusion aux chambres à gaz en fustigeant le plan de Bruxelles de diminuer de 15 % la demande européenne de gaz. « Je ne vois pas comment ils peuvent y contraindre les États membres, quoiqu’il existe un savoir-faire allemand dans ce domaine, comme le passé l’a montré », a-t-il ironisé.

Le comité international d’Auschwitz s’est dit, mardi, « horrifié » après ces propos contre « les races mixtes », appelant l’Union européenne à « prendre ses distances avec de tels relents racistes ». Le discours du dirigeant nationaliste, « stupide et dangereux », rappelle aux survivants de l’Holocauste « les périodes sombres de leur propre exclusion et persécution », a réagi Christoph Heubner, vice-président de l’organisation, dans une déclaration transmise à l’AFP.

Il a appelé le chancelier autrichien Karl Nehammer, qui accueille, jeudi, Viktor Orban en visite officielle à Vienne, à se démarquer au nom de l’UE. Il faut « faire comprendre au monde qu’un Monsieur Orban n’a pas d’avenir en Europe », dont il « nie sciemment les valeurs ».

« Position honteuse », idées « inacceptables »

Fait rare sous l’ère Orban, Zsuzsa Hegedus, une sociologue conseillant de longue date le Premier ministre hongrois, a aussi remis, mardi, sa démission. Dans une lettre diffusée par le média hongrois hvg.hu, celle qui revendique « une amitié de près de 20 ans » avec Viktor Orban, a dénoncé « une position honteuse » et « un pur texte nazi digne de (Joseph) Goebbels » – référence à l’ancien chef de la propagande de l’Allemagne nazie.

Disant « regretter une déclaration disgracieuse », Zsuzsa Hegedus a pointé du doigt un discours du Premier ministre hongrois « qui va à l’encontre de toutes (s)es valeurs fondamentales ». Et de poursuivre à l’attention de Viktor Orban : « Je ne sais pas comment vous n’avez pas réalisé que vous avez transformé votre (discours) anti-migrant et anti-européen en un pur texte nazi digne de Goebbels (…). Je ne peux pas, en raison de la gravité des faits, même après notre amitié de près de 20 ans, passer outre cette fois-ci. »

En réponse, Viktor Orban a mis en avant « la politique de tolérance zéro de son gouvernement quand il s’agit d’antisémitisme et de racisme », selon un courrier rendu public. « Tu ne peux pas sérieusement m’accuser de racisme après 20 ans de collaboration », s’est-il défendu. 

La communauté juive hongroise s’était également insurgée en début de semaine. « De nombreuses espèces différentes peuplent notre planète. Sur deux pattes, travaillant, parlant et pensant parfois, une seule espèce vit pourtant sur cette terre : l’Homo Sapiens Sapiens. Cette race est une et indivisible », a écrit sur Facebook le grand rabbin, Robert Frölich.

Dans la classe politique, le ministre roumain des Affaires étrangères, Bogdan Aurescu, a jugé « inacceptables » de telles « idées ».

Quant à la Commission européenne, elle a dit « ne jamais commenter les propos tenus par des responsables politiques européens ». « Ce qui est clair, c’est que l’UE a un certain nombre de valeurs qui sont inscrites dans les traités et elle met en œuvre des politiques qui sont en relation avec ces valeurs et ces articles du traité », s’est contenté de réagir le porte-parole Eric Mamer, interrogé lors du point presse habituel.

Avec AFP