Suppression du droit d’entrée à l’aide médicale d’Etat : une bonne mesure, mais…

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a annoncé de supprimer le droit d’entrée de 30€ à l’Aide Médicale d’État (AME) pour les étrangers sans-papiers résidant en France. Une mesure de bon sens et de justice. De bon sens, parce que les étrangers sans-papiers, population par définition fragile et vulnérable, sont plus que d’autres victimes de problèmes de santé, et que la situation sanitaire des sans-papiers peut vite devenir un problème de santé publique. Et une mesure de justice, parce qu’il est inconcevable qu’une femme ou qu’un homme puisse rester sans soin.

La droite se déchaîne déjà contre cette mesure : démagogie, dit-elle. Effectivement, 30€, ça n’est pas grand-chose. Mais ces 30€, qui pour les personnes concernées, représentent une somme importante, s’ajoute au racket organisé par la droite au pouvoir à l’encontre des demandeurs d’asile : augmentation des taxes sur les demandes et obtentions de titres de séjour, par exemple. Sans même possibilité de remboursement lorsque la demande est rejetée. Le nouveau gouvernement va devoir également s’attaquer à ce problème, rapidement.

Les associations se sont ausitôt réjouies de cette décision. Cependant, elles demandent au gouvernement d’aller plus loin, et de procéder à un refonte totale du système existant aujourd’hui. Leurs revendications se trouvent dans le communiqué publié par l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), reproduit ci-dessous.

Hier 2 juillet, la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, Marisol Touraine a annoncé sa volonté de supprimer le droit d’entrée de 30 euros à l’Aide Médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers résidant en France. Pour l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), cette décision va dans le bon sens car elle met un terme à une absurdité économique et sanitaire. Mais elle est encore insuffisante, et doit s’accompagner d’une réflexion de fond afin d’intégrer l’AME dans le dispositif CMU, et d’en finir avec un régime « spécial sans-papiers » qui a montré ses limites.

L’Aide médicale d’Etat (AME) est un dispositif permettant aux personnes sans-papiers les plus démunies un accès gratuit aux soins. Fin 2010, 220.000 personnes en bénéficiaient. A l’initiative de parlementaires de l’ancienne majorité, la loi de finances pour 2011 a considérablement durci ce dispositif, en instaurant un droit d’entrée de 30 euros et en réduisant fortement le panier de soins couvert par l’AME.

Depuis cette date, l’ODSE n’a cessé de dénoncer les effets pervers de cette disposition.

Sur le plan individuel, ce droit d’entrée contraint les sans-papiers malades à retarder, voire à renoncer à des soins, menaçant directement leur état de santé.

Sur le plan collectif, il favorise la propagation d’épidémies dans la population, en laissant des personnes malades sans accès aux soins ou à la prévention, entrainant interruptions de traitements et développement de résistances.

Sur le plan économique, selon un rapport de l’IGAS et de l’IGF[2] rendu public en décembre 2010, le surcoût pour la collectivité de ces retards à la prise en charge est estimé à 20 millions d’euros. Montant bien supérieur aux 6 millions d’euros que les parlementaires entendaient économiser avec ce droit d’entrée.

Une mesure de bon sens mais insuffisante.

Pour les associations membres de l’ODSE, cette suppression est un bon début mais il faut aller plus loin. Il est temps d’engager une réflexion de fond pour une réelle égalité devant le soin, seule garante d’une politique de santé publique efficace. Une mesure résolument courageuse serait d’intégrer le dispositif de l’AME dans celui de la Couverture maladie universelle (CMU). Dans l’attente de cette refonte ambitieuse, elles appellent la Ministre à ne pas se contenter de la suppression de ce droit d’entrée. Il faut revenir également sur toutes les restrictions introduites ces dernières années, notamment celles portant sur le panier de soins et l’obligation de l’agrément hospitalier pour les soins coûteux.


[1] Organisations membres de l’ODSE : ACT UP Paris, l’AFVS, AIDES, ARCAT, le CATRED, le CoMeGAS, le COMEDE, le CIMADE, CRETEIL-SOLIDARITE, la FASTI, la FTCR, le GISTI, la Ligue des Droits de l’Homme, MEDECINS DU MONDE, MEDECINS SANS FRONTIERES, le Mouvement français pour le planning familial, le MRAP, PASTT, Association PRIMO LEVI, SIDA INFO SERVICE et SOLIDARITE SIDA.

 [2] http://osi.bouake.free.fr/IMG/pdf/Rapport_IGAS_AME_2011.pdf