Enfants en rétention : c’est fini !

L'aire de jeu du CRA de Rennes Saint-Jacques ne servira plus !

Les préfets ont reçu vendredi soir une circulaire du ministre de l’intérieur, mettant un terme au placement des enfants, et donc des familles, en rétention. Cette mesure attendue avec impatience par les associations et par les étrangers en situations irrégulières est un progrès essentiel, qui remet la France en conformité avec le droit européen, après avoir été condamnée à de multiples reprises par la cour de justice européenne et la cour européenne des droits de l’Homme. Un conseiller du ministre a déclaré : «L’idée, c’est que la lutte légitime contre l’immigration irrégulière doit être menée dans le respect des personnes, et surtout des enfants» (Libération). Lire aussi l’article paru dans Le Monde.

Cette mesure ne doit cependant pas nous faire oublier l’essentiel : il faut, et d’urgence, un moratoire sur les expulsions. On sait que le ministre prépare un autre texte, plus général, sur l’immigration, et il a annoncé qu’il allait mettre en place des critères précis pour l’obtention des titres de séjour. Une annonce en contradiction avec celle du maintien du quota annuel de 30000 expulsions : si on ne trouve pas 30000 étrangers ne répondant pas aux critères, que se passera-t-il ? On modifiera les critères, pour ajuster les chiffres ? Les associations ont toutes dénoncé cette histoire de quotas, et elles demandent toutes l’application immédiate d’un moratoire. Comment pourrait-on expulser aujourd’hui quelqu’un qui demain aurait rempli les conditions pour obtenir un titre de séjour ?

L’observatoire de l’enferment des étrangers (OEE) va plus loin (voir communiqué ci-dessous), et demande un moratoire sur le placement en rétention. Il demande également que les nouvelles règles s’appliquent également à Mayotte, où s’applique pour le moment un régime spécial. La circulaire signée vendredi soir par le ministre interdisant le placement des enfants en rétention ne s’applique pas non plus à Mayotte. Le ministère se justifie en disant que Mayotte connaît une «situation territoriale d’exception, cas singulier et préoccupant» (Libération).

Une autre circulaire est prévue dans le courant de l’été, pour supprimer ce qu’on a appelé « le délit de solidarité » : apporter une aide à un sans papier pouvait déclencher des poursuites pénales. Un délit que le sinistre Besson s’est appliqué à nier avec une morgue incomparable.

 

Le communiqué de l’OEE :

L’observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) salue la décision prise hier par la Cour de Cassation de mettre fin à la garde à vue des étrangers pour le simple fait de séjour irrégulier.

Elle démontre une nouvelle fois la nécessité d’une réforme de fond de la législation relative à l’immigration, qui puisse replacer enfin au cœur de ces dispositions le respect des droits et de la dignité des personnes et remettre à plat le dispositif actuel de d’enfermement, emblématique des pratiques administratives les plus abusives.

Cet objectif s’inscrit dans la droite ligne des engagements du président, François Hollande qui lors de la campagne pour l’élection présidentielle, a fermement dénoncé « l’instabilité et même l’irresponsabilité en matière migratoire » de la politique menée sous la présidence  de Nicolas Sarkozy. Répondant aux appels de différentes associations et collectifs associatifs, il s’est notamment engagé à mener « une politique migratoire fondée sur des règles transparentes, stables et justes (…) [qui], dans tous ses volets, devra être conduite dans le respect de la dignité de tous les êtres humains qui sont sur notre territoire ».

Nos associations, membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) ont été particulièrement sensibles à la critique de la façon dont le précédent gouvernement « a banalisé la rétention, [en en faisant] un instrument de sa politique du chiffre alors même que, comme toute privation de liberté, elle doit rester exceptionnelle et n’être utilisée qu’en dernier ressort ».

Conscient de ce qu’une telle réforme législative ne peut être immédiatement mise en œuvre et nécessite un débat, tant parlementaire que public, l’OEE s’associe aux appels des organisations demandant que, en attendant la réalisation de cette perspective, le gouvernement décide d’un moratoire sur les expulsions des étrangers.

Dans cet esprit, nous demandons instamment de suspendre tout placement en rétention, celui-ci n’ayant pour l’heure d’autre finalité que d’être un instrument banal d’enfermement aux conséquences dramatiques pour les étrangers. Le dispositif actuel, en maintenant son fonctionnement à l’identique, continue chaque jour de porter atteintes aux droits et à la dignité des personnes, comme aux valeurs garantes de notre Etat de Droit.

Nos associations insistent sur la nécessité que ce moratoire s’étende à tout le territoire de la République, y compris outremer et à Mayotte où les atteintes aux droits sont d’une gravité exceptionnelle.

Une telle décision aurait une valeur de symbole fort de la rupture que le gouvernement entend marquer par rapport à la politique de gestion des flux migratoires menée depuis 2002 et ne manquerait pas de donner un signal au monde sur le retour de la France dans le combat qu’elle n’aurait jamais dû quitter pour l’universalité des droits de l’Homme !

http://observatoireenfermement.blogspot.fr/