Trente organisations veulent « libérer les élections »

La Ligue des droits de l’Homme est associée à l’appel lancé par plus de trente associations : « Libérons les élections ».

« LIBERONS LES ELECTIONS » :

Mode d’emploi pour la mobilisation des réseaux

– Quels sont les objectifs de la dynamique collective ?

– Tous les thèmes peuvent-ils être abordés?

– Comment se mobiliser ?

– Quand se mobiliser?

– Quels moyens ?

Quels sont les objectifs de la dynamique collective « Libérons les élections » ?

  • rendre visible les propositions des mouvements citoyens

Dans le cadre des élections de 2012, plus de 30 organisations, réseaux et plateformes ont décidé de réunir leurs forces, leur diversité et leur créativité pour donner à voir combien les alternatives pour une société plus solidaire existent déjà et comment les organisations/mouvements citoyens en sont porteurs. (Cf. Appel en annexe).

Nous souhaitons les faire connaître :

  • aux militants et sympathisants des autres organisations
  • aux médias nationaux et locaux
  • à tou-te-s les citoyen-ne-s

Ainsi, notre démarche ne vise pas spécifiquement l’interpellation directe des candidats ; en effet nos réseaux/organisations le font déjà en portant leurs propositions dans le cadre de leur propre stratégie de plaidoyer. Nous comptons néanmoins sur le fait que les candidat-e-s aux élections s’intéressent à notre démarche parce que nous aurons réussi à toucher le grand public et les médias.

  • donner envie aux citoyen.ne.s de débattre aussi des questions qui les concernent

Pour les organisations signataires partie prenante de l’initiative collective « Libérons les élections », il est essentiel de lutter contre le sentiment d’impuissance qui gagne de plus en plus de citoyen.ne.s qui ne se sentent pas entendu.e.s, ou qui ne voient pas comment être acteur.rice.s dans notre société. La confiscation du débat public par des cercles étroits de « décideurs », politiques, économiques, financiers ou de médias,… appauvrit en effet la vie démocratique de notre pays. Cette situation met à mal notre capacité à vivre ensemble et favorise les campagnes invitant à la peur de l’autre, à la stigmatisation des plus faibles, des exclus, au rejet des altérités.

Face à ce constat, il est urgent de redonner du sens au politique et d’encourager chacun.e individuellement et collectivement à retrouver le goût de la « chose politique », l’envie de se questionner et de s’investir dans le débat public.

Tous les thèmes peuvent-ils être abordés?

A l’image de la diversité des organisations qui animent cette initiative, ces propositions concernent des domaines très différents. Sans être exhaustive, la liste qui suit recense quelques-uns des thèmes phares de mobilisation de nos réseaux :

  • l’enjeu démocratique : citoyenneté, participation, éducation, enjeux institutionnels, culture, éducation populaire, vie associative
  • les questions de migration, de racisme, d’interculturalité
  • les nouveaux modèles de développement (production, consommation, transport, énergie…) pour assumer les transitions écologique sociale et démocratique
  • la politique étrangère et de coopération de la France, dans une optique responsable, transparente et respectueuse des populations
  • la garantie de l’accès aux droits fondamentaux et aux services publics.
  • la régulation financière et économique : justice fiscale, redistribution, normes contraignantes de responsabilité sociale et environnementale…

Comment se mobiliser ?

  • Mettre en place / rejoindre des dynamiques collectives au niveau des territoires

Bien que cela ne soit pas un « impératif » nous encourageons les acteurs locaux à s’inscrire dans des dynamiques collectives, voire les initier… L’originalité de cette initiative est en effet dans ces passerelles proposées entre des enjeux locaux, nationaux et des enjeux dits internationaux.

  • Favoriser la créativité et l’expression citoyenne

En fonction du public et de l’objectif recherché, différentes formes d’animations peuvent être privilégiées, des plus classiques aux plus originales. Les idées ne manquent pas et nous ferons en sorte qu’elles puissent être mutualisées, notamment sur le site. Nous encourageons les acteurs locaux à privilégier les modes d’animations qui favorisent l’appropriation de l’espace public. Nous pouvons citer d’ores et déjà, à titre d’exemple : le théâtre forum ; les marches ; les murs de parole ; etc.

Pour ce qui est des débats, nous attirons l’attention sur le fait que la qualité d’écoute et du dialogue sera un élément clé. L’émergence des paroles et préoccupations doit constituer le pendant concret de nos souhaits de faire monter la question et les exigences démocratiques. De nombreuses techniques d’animations peuvent être utilisées pour faire en sorte qu’un débat reste constructif et permette à chacun de s’exprimer librement.

  • Et enfin, valoriser le label commun « Libérons les élections »

L’enjeu étant d’élargir la base des participant.e.s et d’accroître notre visibilité, nous proposons la mise en place d’un label commun qui facilitera l’identification des initiatives et leur cartographie. Il montrera que les initiatives/propositions portées par nos réseaux sont complémentaires et participent d’une même vision de la démocratie.

Chaque groupe, collectif ou antenne local des organisations qui ont signé l’Appel peut par conséquent affirmer son adhésion à la démarche collective, en se saisissant du « label » « LIBERONS LES ELECTIONS » : nous invitons les groupes, collectifs ou antennes locaux à inscrire leurs initiatives dans l’agenda commun du site web et à utiliser les supports de communication du label.

Quand mobiliser ?

Bien que la mobilisation ait parfois déjà commencé sur certains territoires, il semble que c’est globalement à partir de maintenant qu’elle va prendre corps et durer jusqu’à la fin des élections législatives.

Voici d’ores et déjà quelques repères qui peuvent aider à définir les choix que vous ferez localement. Les initiatives peuvent en effet s’organiser autour des temps suivants :

Dès maintenant : vous pouvez inscrire vos activités sous le label « Libérons les élections »

  • le 31 mars : un temps fort à Paris et en région

Le détail de cet événement vous sera communiqué ultérieurement mais il est d’ores et déjà acquis que vous pourrez le reprendre localement.

  • avril et mai : le temps de l’élection présidentielle
  • mai et juin : les élections législatives

Quels moyens au service de l’initiative ?

  • Dés maintenant : une adresse mail : mobilisation@liberonsleselections.org
    Le groupe de travail chargé de la mobilisation des réseaux dans le cadre de l’initiative propose la mise en place d’une adresse unique pour toutes les questions que vous pouvez vous posez :  qui contacter localement ? qu’est-ce qui se passe sur mon territoire? Etc.
  • Fin février : un site internet spécial www.liberonsleselections.org
    Destiné à être l’outil principal de la mobilisation, le site permettra aux acteurs d’identifier les personnes référentes des différents réseaux sur leur territoire, de faire connaître leur initiative, de mutualiser les expériences. Il constituera aussi une source d’information sur toutes les propositions des différentes thématiques et répertoriera les initiatives prévues dans un agenda avec géolocalisation des événements.
  • Des supports de communication facilement appropriables par les acteurs locaux : visuel, logo…
  • Une campagne de communication nationale pour faire connaître l’initiative : outils vidéos, relations médias…

En annexe : l’appel « Libérons les élections » et la liste des signataires à ce jour

Libérons les élections

Des alternatives pour réinventer la démocratie

Les élections présidentielles et législatives de 2012 vont être l’occasion de choix majeurs. Le contexte de crise et la gravité des effets sur les citoyens des mesures censées y répondre rendent ces choix aussi difficiles qu’essentiels pour l’avenir, selon qu’ils chercheront ou non à redéfinir les bases de notre contrat social.

Parce que nous sommes des organisations associatives, des réseaux, des collectifs divers, nous ne voterons sans doute pas pour les mêmes candidats. Cette diversité est normale, elle s’inscrit dans la démocratie vivante. Mais nous nous rassemblons dans le refus d’un discours basé sur la peur, prônant des mesures régressives et discriminantes. Nous pensons au contraire que ces élections doivent être l’occasion de proposer une ambition politique et démocratique au pays et à ses habitant-e-s fondée sur la défense et la promotion des droits fondamentaux partout et pour tou(te)s ainsi que des réformes institutionnelles profondes dont notre pays a besoin.

Depuis de trop longues années, les principes de respect de l’altérité et de solidarité sont régulièrement sapés au profit d’un discours qui fait du tout sécuritaire et de la concurrence de tous contre tous le fondement de toute richesse et de la crainte de l’autre le fondement de la vie sociale.

Citoyens en actes, nous ne nous résignons pas à cette conception mortifère des rapports entre les êtres humains. Nous n’acceptons pas que la concurrence soit le seul horizon de nos vies. Nous ne voulons pas que le chacun pour soi détruise la noblesse de l’engagement collectif, pas plus que nous n’acceptons que l’action publique ne se réduise à des mesures sécuritaires ou à l’accentuation des inégalités de revenus et de positions sociales.

Il est possible de vivre bien sur la planète, non pas malgré les autres mais avec les autres, non pas de la spéculation mais de son travail, et sans qu’il ne soit nécessaire pour cela de piller les ressources naturelles et de fouler aux pieds la dignité des personnes.

Nous pensons que la recherche du bien-être peut se passer du moteur de l’avidité et de l’illusion de l’accumulation infinie de puissance et de pouvoir révélée par la crise financière de 2008.

Nous pensons que la conquête des droits fondamentaux n’est pas une option, mais une urgence pour toutes les femmes et tous les hommes partout dans le monde, et que la paix ne peut être garantie sans le respect du droit à l’autodétermination de tous les peuples.

Nous sommes confiants dans l’avenir parce que nous sommes convaincus que nous pouvons faire en sorte qu’il réponde aux aspirations et aux espoirs des peuples. Encore faut-il pour cela promouvoir d’autres politiques que celles qui ont failli. D’autres voies, d’autres expériences sont possibles, sur la base de notre diversité, de nos débats, de nos initiatives.

A cet égard, la discussion, la participation, la recherche du bien commun, sont plus pertinents et plus efficaces que les solutions imposées et les critiques muselées.

Nous pensons que la participation à la vie démocratique ne se résume pas aux échéances électorales mais qu’elle s’exerce aussi au quotidien, par des débats, des propositions d’alternatives et des actions comme celles que nous portons.

Pour le dire et le montrer à l’occasion de ces élections, nous souhaitons organiser des évènements publics visibles et médiatisés pour que le maximum de résonance soit donné aux initiatives issues de la société civile, de manière à ce que nos valeurs et les perspectives qu’elles ouvrent pour nos sociétés soient présentes dans le débat public électoral et ce, en toute indépendance.

Nous appelons toutes les organisations, mouvements, collectifs, réseaux de citoyens qui se reconnaissent dans ces valeurs et cette démarche à nous rejoindre pour la concrétiser.

Signataires au 23 janvier 2012 :

Accueil Paysan, les Amis de la Terre, Fédération Artisans du Monde, ATTAC, CCFD-Terre Solidaire, la Cimade, Colibris, Collectif Citoyen Ile-de-France non-aux-gaz et pétrole de schiste, Collectif des Innovations/Illuminations politiques, Collectif Ethique sur l’étiquette, Comité National de Liaison des régies de quartier, Convergence citoyenne pour une transition énergétique, Convergence nationale défense et développement des services publics, CRID (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement), Des Ponts pas des murs, Fondation France Libertés , Fondation Sciences Citoyennes, Ingénieurs Sans Frontières, IPAM (Initiatives pour un autre monde), Ligue des Droits de l’Homme, MES (Mouvement  pour l’Économie Solidaire), Oxfam France, Pacte civique, Peuple et culture, Peuples Solidaires, Récit, Ritimo, Sauvons la Recherche, Secours Catholique-Caritas France, Terre des Hommes France, UJFP (Union juive française pour la paix).

Procès des violences policières à Nantes : déclaration de Dominique Guibert

Mercredi 7 mars, avait lieu le procès intenté contre un fonctionnaire de police responsable d’un tir tendu au flash Ball sur un jeune homme à l’époque lycéen de 16 ans. C’était à la fois la mise en cause d’une arme dangereuse, de la responsabilité de l’utilisateur, mais aussi de sa hiérarchie, et au-delà de l’autorité politique. Vous trouverez l’intervention faite devant le Palais de Justice de Nantes par Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH.

Quand une garde à vue, une interpellation, un contrôle d’identité, une opération de maintien de l’ordre se termine par une atteinte corporelle irréversible ou par la mort d’un homme, la question est légitime de connaître les conditions dans lesquelles les forces de police responsables de l’acte ont opéré. Non pas pour systématiquement les transformer en coupables, mais parce que la mise à la disposition de personnes de moyens physiques et techniques pour pratiquer la coercition implique une croyance absolue des citoyens dans la légitimité de l’usage. Le « lanceur de balles de défense », dit flash Ball, en accusation ici à Nantes est l’une de ses armes des plus dangereuses : 4 jeunes gens en vivent aujourd’hui les effets.

Ces dernières années à Colmar, à Strasbourg, à Cannes, à Nantes, et il y a peu à Clermont-Ferrand, la police a fait un usage disproportionné de la force. On ne peut pas dès lors se réfugier derrière l’état de santé présumé déficient des victimes ou de leur présence dans une manifestation pour arguer de l’innocence des méthodes. Car s’il y a eu blessure ou décès, c’est parce qu’il y a eu violence.

Les rapports de feu la CNDS, Commission nationale de déontologie de la sécurité, dont les tâches ont été transférées au Défenseur des droits ont affirmé sans ambiguïté, tant dans celui qui a eu à connaître de la mort d’Hakim Ajimi que dans celui qui concernait l’utilisation du flasball à Nantes que la violence utilisée par les services de police était disproportionné. Plus, la CNDS avait prévenu le gouvernement de la dangerosité du flash Ball, en particulier dans le maintien de l’ordre et avait recommandé de ne pas l’utiliser. Un principe de précaution, très en vogue habituellement dans les sphères du pouvoir, et qui en l’occurrence n’a pas été retenu.

Mais qu’est qui fait que les forces de police, comme le montre les nombreux blessés par l’usage de moyens dangereux ou les décès après une interpellation fatale, se croient autorisées, voire légitimées, dans cette disproportion des faits et des moyens ? Même s’il faut juger de la responsabilité individuelle de chaque fonctionnaire de police impliqué, le gouvernement ne peut se défausser de sa responsabilité principale, celle du donneur d’ordre. La Ligue des droits de l’Homme affirme que la stigmatisation permanente de certains composantes de la population, jeune, sans-papiers, militants, opposants, Roms, l’assimilation hâtive et fausse de toute une communauté à la fraude, l’accumulation de petites phrases insultantes en raison de l’origine supposée ou réelle, l’égalité proclamée jusqu’à la nausée entre l’immigration et les banlieues et délinquance et le crime, la criminalisation des acteurs des mouvements sociaux, la transformation des jeunes en classe dangereuse, délivrent les policiers d’une analyse critique de l’exercice de leur métier. Dans des situations de tension, comme celles que peuvent entraîner des manifestations, celles que peuvent connaître les quartiers d’exil des grands métropoles, dans des moments de montée des effets sociaux de la crise, le gouvernement, du président au ministre de l’Intérieur, jouent les boutes feux du rétablissement de l’ordre à tout prix, et légitiment une violence illégale.

La LDH constate qu’il règne un climat délétère et dangereux. Aux fins électorales de son maintien au pouvoir à tout prix, le gouvernement choisit de développer une stratégie de tension pour resserrer les rangs d’électeurs apeurés. C’est dans ce climat que la répétition d’une utilisation disproportionnée de la force provoque des « bavures » dont le nombre et la répétition font sens. La question, au-delà des actes personnels, est : quels ont été les ordres donnés et qui en sont les auteurs ?

La LDH dénonce la stigmatisation des déviants de toute espèce qui les désignent comme les fauteurs de troubles et semble justifier l’utilisation à leur encontre  d’une violence démesurée de la force publique. La LDH demande que toute la lumière soit faite lors des procédures judiciaires intentées par les victimes et ou leur famille sur les responsabilités respectives des différents échelons de la police nationale, pas seulement du fonctionnaire final, premier responsable mais dernier échelon d’une chaîne de commandement qui remonte au plus haut de la hiérarchie. La LDH attend enfin de l’organisme qui a pris la place de la CNDS auprès du Défenseur des droits, qu’il prenne toute sa place dans la définition d’une doctrine républicaine de l’utilisation de la force publique.

Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH.

Monde arabe, quel printemps pour les femmes ?

À l’occasion de la journée internationale des femmes, la FIDH lance une publication sur le rôle des femmes dans les mouvements de contestations, les révolutions et les transitions dans le monde arabe et propose 20 mesures pour consacrer l’égalité. On peut lire ce texte sur son site.

Les femmes, aux côtés des hommes, ont été actrices des mouvements contestataires qui ont secoue le monde arabe en 2011. Avec les hommes, elles ont demandé vainement de sociétés démocratiques fondées sur la liberté, l’égalité, la justice et le respect des droits humains.

« Pour cet engagement en faveur de la démocratie, les femmes ont elles aussi payé le prix fort, elles doivent aujourd’hui participer pleinement é la vie politique de leur pays », a déclaré Souhayr Belhessen, présidente de la FIDH. « Nous n’aurons d’ailleurs de cesse de rappeler que la participation égale des hommes et des femmes dans toutes les sphères de la société demeure une condition essentielle à la démocratie et la justice sociale, revendiquées par l’ensemble des manifestants », a-t-elle ajouté.

Le rapport est disponible au lien suivant : http://arabwomenspring.fidhnet (en anglais).

Les révolutions et les mouvements de contestation représentent de véritables opportunités pour faire évoluer les droits des femmes dans des pays ou semblait régner un ordre immuable. Mais les événements récents montrent aussi qu‘il faut rester vigilant, car les femmes font face à des risques accrus de confiscation d‘une révolution qui était aussi la leur.

Lire les 20 mesures pour consacrer l’égalité : httg://arabwomensgringfidh.nst/ind… (en français).

« Alors que tous les efforts se focalisent aujourd’hui sur la chute des régimes et le démantèlement des anciens appareils d’État, les revendications relatives aux droits des femmes ont tendance ai être marginalisées. Cela nous inquiète au plus haut point », a déclaré Sophie Bessis, Secrétaire générale adjointe de la FIDH. « L’histoire récente montre que la présence massive des femmes dans l’espace public pendant les révolutions ne leur garantit en aucun cas un rôle dans la vie politique. Nous savons que ces moments d’effervescence peuvent même conduire à un véritable recul de leurs droits », a-t-elle poursuivi. Si la situation des femmes varie selon les pays concernés, les menaces convergent. Les femmes sont aujourd’hui confrontées à des tentatives d’exclusion de la vie publique.

Dans les pays en transition, les femmes se trouvent d’ores et deja marginalisees de la vie politique. En Égypte, aucune femme n’a intégré les deux Comites charge de rédiger la nouvelle constitution. Une nouvelle loi a abroge les dispositions législatives qui garantissaient une représentation minimum des femmes au parlement et les femmes n’ont obtenu que 2% des sièges lors des élections récentes. En Libye, le code électoral adopté par le Conseil national de transition (CNT) en janvier 2012 ne prévoit aucun quota de représentation des femmes au sein des nouvelles instances élues. Au Maroc, une loi adoptée en octobre 2011 établit un quota de seulement 15 % de femmes et en Tunisie, le nouveau gouvernement de 41 ministres nomme en décembre 2011 ne compte que 3 femmes.

« Dans ce contexte de transition, ou l’on observe déjà une montée en puissance des forces conservatrices, il est plus que jamais nécessaire de prendre des mesures pour consacrer l’égalité entre hommes et femmes, fondement indispensable d’une société démocratique. Nous voulons alerter les gouvernements, les opinions publiques et la communauté internationale et leur adresser ce message : les droits des femmes sont une priorité qui doit être au cœur des reformes politiques », a conclu Khadija Cherif, Secrétaire générale de la FIDH.

L’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité

L’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité, paru jeudi 8 mars dans le journal Le Monde.

Nous, femmes arabes impliquées dans les luttes pour la démocratie, la dignité et l’égalité, nous, actrices au premier plan des changements exceptionnels que connait le monde arabe, tenons à rappeler à l’opinion publique que les femmes sont en droit de bénéficier au même titre que les hommes du souffle de liberté et de dignité qui gagne cette région du monde.

Depuis toujours, les femmes mènent des luttes pour obtenir des acquis, plus ou moins importants selon les pays. Mais ces acquis demeurent en deçà de leurs aspirations et font de leur statut un des plus recules dans le monde.

Les violences demeurent répandues tant dans l’espace public que privé et très peu de mesures sont prises pour mettre fin à ce fléau. Les codes de la famille ne sont dans la plupart des pays arabes que des textes instituant l’exclusion et la discrimination.

Les autres lois que sont le code de la nationalité, certains codes civils et les lois pénales ne font que renforcer ces discriminations. Ces lois violent les droits les plus élémentaires et les libertés fondamentales des femmes et des fillettes par l’usage de la polygamie, le mariage des mineures, les inégalités en matière de mariage, de divorce, de tutelle sur les enfants ou encore l’accès à la propriété et à l’héritage.

Certaines lois permettent même à la parentèle masculine de tuer des femmes et des filles avec le bénéfice de circonstances atténuantes dans le cadre des crimes d’honneur.

Si la majorité des pays arabes (à l’exception du Soudan, et de la Somalie) a ratifie avec plus ou moins d’empressement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), adoptée par l’ONU en 1979, ces ratifications sont restées sans impact réel sur le statut et la condition des femmes.

Aujourd’hui que le monde arabe est en phase de construction démocratique pour la consolidation de l’Etat de droit et des droits humains, nous considérons que si l’égalité ne peut se réaliser sans la démocratie, la pleine jouissance de cette démocratie ne peut se réaliser sans une égalité totale entre les hommes et les femmes.

C’est pourquoi nous appelons les États, les partis politiques et la Société civile dans ces pays à tout faire pour que la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes ne soient pas une fois de plus sacrifiées au nom de prétendues priorités.

Aucune démocratie en effet ne peut se construire au détriment de la moitié de la société. Ensemble nous avons fait notre présent, ensemble nous construirons un avenir meilleur.

Nous exigeons :

  • la préservation des acquis, l’égalité totale et effective et l’inscription des droits des femmes dans les constitutions ;
  • les mesures Législatives et administratives afin d’éradiquer les violences faites aux femmes ;
  • la ratification et le respect de la Cedaw sans réserve dans son esprit et dans toutes ses implications concrètes ;
  • l’adoption de lois qui protègent les femmes des inégalités sociales et économiques, des discriminations, en particulier familiale ;
  • les mesures d’action positive afin d’assurer l’accès des femmes aux postes de décision et ei leur pleine participation à la vie politique et associative ;
  • la dénonciation des voix qui s’élèvent ici et là pour discriminer les femmes au nom d’une lecture rétrograde des préceptes religieux ainsi que celles qui voudraient leur interdire une participation pleine et entière à une vie digne et respectueuse des droits humains.

Les huit signataires de l’appel :

  • Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), tunisienne ;
  • Bochra Belhadj Hmida, avocate, cofondatrice et ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, tunisienne ;
  • Shahinaz Abdel Salam, bloggeuse et activiste, égyptienne ;
  • Nawal El Saadawi, médecin psychiatre, écrivain et féministe historique, égyptienne ;
  • Tahani Rached, réalisatrice, égyptienne ;
  • Samar Yazbek, écrivain, syrienne ;
  • Azza Kamel Maghur, avocate internationale et membre du Conseil Libyen des Droits de l’Homme, Libyenne ;
  • Wassyla Tamzali, féministe et essayiste, algérienne.

Soutenues par : Sylviane Agacinski, philosophe ; Keren Ann, chanteuse ; Élisabeth Badinter, philosophe ; Josiane Balasko, comédienne ; Juliette Binoche, comédienne ; Dominique Blanc, comédienne ; Louis Chedid, chanteur ; Umberto Eco, écrivain ; Marianne Faithfull, chanteuse ; René Frydman, obstétricien ; Juliette Gréco, chanteuse ; Claudie Haigneré, astronaute et femme politique ; Françoise Héritier, anthropologue ; Isabelle Huppert, comédienne ; Axel Kahn, généticien ; La Grande Sophie, chanteuse ; Talisma Nasreen, écrivain ; Olivia Ruiz, chanteuse ; Rayhana, auteure et comédienne ; Annette Wieviorka, historienne ; Mazarine Pingeot, professeure de philosophie et écrivain.

Les migrations, une question de droits

La section de Royan et du pays royannais de la Ligue des droits de l’Homme organisait, le week-end du 25 février, la première « Rencontre du livre et du citoyen », en partenariat avec la région Poitou-Charente et le département de la Charente-maritime. Le thème de cette première édition était « Peuples et migrations ». Il a été l’occasion, pour le secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme, Dominique Guibert, d’introduire une réflexion sur les migrations. Voici son texte.

Les migrations, une question de droits

Dans ces deux jours de débats, nous allons faire des rencontres, partager des histoires, rencontrer l’histoire, revendiquer l’universel, confronter le particulier. On pourrait dire fréquenter l’autre, accueillir les autres. Mais un tel programme ne peut se contenter d’évoquer leur essence sans se préoccuper de leur existence.

Vous le savez, la situation faite aux migrants et plus largement le sort des étrangers est l’un des fils rouges du travail de la Ligue des droits de l’Homme à tous ses niveaux. Au jour le jour, nos équipes locales auprès des sans-papiers, des familles d’enfants scolarisés, auprès des Roms font valoir que les droits sont universels.

Derrière ces dossiers, ces lettres, ces démarches, ces données administratives et judiciaires, il y a une politique. Il y a des lois. Celles qui, depuis tant d’années, font de la vie de tant d’êtres humains une succession d’épreuves et d’angoisses.

Ces lois, elles disent successivement vouloir « maîtriser » l’immigration, Puis elles disent lutter contre une « immigration subie », enfin organiser une « immigration choisie ». Elles ont en commun une certaine conception  de l’« identité nationale », qui rend toujours plus difficile l’entrée des étrangers sur le territoire français, qu’ils viennent travailler, étudier ou tout simplement vivre en famille. Il s’agit de mener avec rigueur une « politique du chiffre » qui produit son lot quotidien de drames, d’injustices et d’inhumanité.

Drames, inhumanité : ce n’est pas une exagération de « droitsdel’hommistes » cherchant à jouer sur l’émotion. La vie des migrants, c’est la précarité mais c’est aussi ces regards, ces façons de mettre en cause leur altérité.

Ce sont ces enfants laissés seuls, ici dans un camp de Roms après que les adultes ont été embarqués, là dans un appartement où personne ne se demande comment ils subviendront à leurs besoins. Et ces autres, parfois des bébés, enfermés dans des centres de rétention, des enfants que l’on embarque ensuite de force avec leurs parents dans des avions qui les renvoient vers la misère et l’inconnu.

C’est l’humiliation des contrôles au faciès, des expertises osseuses, et même parfois ces examens pileux et génitaux, visant à démontrer qu’un enfant est plus âgé qu’il n’y paraît, afin de pouvoir le bouter de France. C’est l’expulsion des étrangers malades vers des pays où chacun sait qu’ils ne pourront être soignés.

C’est pour les cas les plus graves, ces femmes et ces hommes renvoyés vers le danger voire la mort, parce que leur pays figure sur la liste des pays sûrs, qui permet à l’OFPRA une gestion a minima des demandes d’asile.

Si l’on ne veut pas se complaire dans la si habituelle euphémisation des temps d’aujourd’hui, il fallait bien parler de ces choses qui fâchent. Dire ce qui se cache derrière la politique d’immigration, celle qui tend vers une certaine xénophobie d’État. Le tableau est noir. Prenons conscience de ce double symbole. D’un côté des « gated communities » qui interdisent qu’on y rentre si l’on est étranger, et de l’autre des lieux d’enfermement, qui interdisent aux étrangers d’en sortir. La migration est une réalité parce que le droit de circulation est un droit de l’Homme, garanti par les textes internationaux. Il vaut le coup que l’on se batte pour lui.

Mais les femmes et les hommes « contre » agissent. L’engagement des « délinquants de la solidarité », dans le Réseau Éducation sans frontières, à la Ligue des droits de l’Homme ou dans d’autres organisations associatives ou syndicales, non seulement apporte aide et solidarité, mais pose dans les faits que ce n’est pas la nécessité qui fait loi, mais que ce sont les droits qui sont la loi. Le mouvement de grève des travailleurs sans papiers, avec un fort soutien syndical et associatif pour la régularisation de leur situation, pose dans les faits la nécessité de lutter contre une surexploitation contre laquelle il se révolte. Ensemble, ces actions citoyennes montrent que les habitants de France profiteraient d’un changement profond de politique, qui prendrait au sérieux l’universalité des droits.

Car le statut des étrangers, dans une société démocratique est emblématique de l’état des droits. Aucune considération politique ou économique ne saurait  justifier la méconnaissance de droits universels indissociables du respect de la dignité humaine. Des droits aussi fondamentaux que le droit d’asile, le droit à la santé, au logement, à l’éducation, au respect du droit du travail ou encore de la vie privée et familiale ne peuvent être refusés à aucun être humain présent sur le territoire d’un État : l’égalité en dignité et en droits exclut toute discrimination fondée soit sur la nationalité soit sur la régularité du séjour.

À une époque marquée par l’accélération de la globalisation, c’est-à-dire par la circulation, de moins en moins limitée par des frontières, des capitaux, des marchandises et des services, il est injustifié que des êtres humains – ou plus exactement une partie d’entre eux, ceux dont les pays sont catalogués « à risque migratoire » ‑ se voient assignés à résidence au risque de la misère et parfois de la terreur.

Il est à la fois injuste et, au regard des raisons multiples des migrations, absurdement inutile, de continuer à refuser le droit d’entrée sur le territoire et, plus largement, sur celui de l’Union européenne. Ces restrictions instituent l’arbitraire : séparation des familles, trafic de visas en tous genres, traitement indigne des étrangers lorsqu’ils présentent une demande de visa, imprévisibilité des décisions prises… Elles nourrissent en outre les réseaux, parfois mafieux, qui profitent des limitations apportées à l’entrée des étrangers pour s’enrichir, au risque de la mort de ceux qui y ont recours. Il y a une hypocrisie insupportable dans l’attitude des États qui affirment leur volonté de réprimer de plus en plus sévèrement les organisateurs de ces réseaux, alors que ceux-ci ne peuvent prospérer que grâce aux entraves mises par ces mêmes États à la liberté de circulation.

Liberté de circulation, liberté d’établissement, voyager, visiter, partir, revenir, s’établir dans le pays de son choix : ce sont des libertés essentielles auxquelles il est possible, comme à toutes les libertés, d’apporter des restrictions, mais qui ne doivent pas être sacrifiées aux politiques protectionnistes des États. En tout état de cause, le recours à une politique unilatérale de quotas, y compris professionnels, ne peut être une réponse acceptable, dès lors qu’elle peut conduire à priver les pays les plus pauvres de personnes formées dont ils ont besoin.

Si un État entend réglementer ce droit au séjour durable, c’est-à-dire conférer ou non la qualité de « résident » (au-delà du court séjour lié à l’exercice de la liberté de circulation), ce ne devrait être qu’en fonction de sa capacité de garantir concrètement l’exercice de leurs droits aux migrants, en apportant la preuve des difficultés qu’il invoquerait pour expliquer cette restriction et en instituant des mécanismes assurant la protection des droits universels (santé, éducation, vie familiale normale) contre l’arbitraire, l’égalité réelle d’accès au droit au recours et le caractère suspensif des recours étant ici d’une importance décisive.

En un mot, nous ne retrouverons le chemin de l’humanité commune qu’en refondant les politiques migratoires sur le respect de tous les droits partout et pour tous.

C’est pourquoi la Ligue des droits de l’Homme se bat pour l’abrogation des visas de court séjour, pour la dépénalisation du séjour irrégulier, pour la suppression effective de la « double peine », pour la suppression des zones d’attente et des centres de rétention, pour l’interdiction d’expulser des étrangers installés durablement en France ou en Europe, pour la généralisation du caractère suspensif des recours judiciaires et administratifs concernant le séjour des étrangers, pour le rétablissement du droit au travail pour les demandeurs d’asile, et pour la ratification de la Convention des Nations unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

En rappelant ces principes et en formulant ces revendications, la LDH poursuit l’œuvre qu’elle a entreprise depuis sa fondation : porter assistance à ceux qui sont victimes de l’injustice et de l’arbitraire, mais aussi restituer à l’humanité tout entière l’universalité et l’indivisibilité de ses droits.

Dominique Guibert, secrétaire général de la LDH

Défendre le droit à l’information et à l’éducation à la sexualité pour toutes et tous : c’est maintenant !

Les attaques contre le droit à la contraception, contre le droit à l’avortement se sont multipliées ces derniers temps, avec des campagnes orchestrées par l’extrême droite et les intégristes catholiques. La diminution drastique des subventions accordées aux associations qui militent pour la défense de ces droits les met dans une situation particulièrement délicate. Il est donc grand temps de réagir.

C’est la raison pour laquelle la Ligue des droits de l’Homme s’associe à la campagne du Planning familiale, et invite à signer la pétition pour la défense du droit à l’information et à l’éducation à la sexualité. Voici le texte de cet appel.

Défendre le droit à l’information et à l’éducation à la sexualité pour toutes et tous : c’est maintenant !

Signez la pétition du Planning Familial

En 2012, l’État « a perdu » 500 000 € affectés au financement des Établissements d‘information, de conseil conjugal et familial (EICCF).

20% de la ligne budgétaire promise, prévue et votée dans la loi de finances pour 2012 ont disparu. Cela compromet de fait l’accès à l’information et à l’éducation à la sexualité pour toutes et tous.

Pour autant, rapports après rapports, il est rappelé l’importance de cette mission d’information que l’État considère depuis 45 ans comme relevant de sa responsabilité (art1, loi créant le Conseil supérieur de l’Information sexuelle).

Déjà sous financés, l’accueil, l’informati0n et l’orientation sur les questions concernant la sexualité, la contraception, la vie relationnelle seront demain réduits à la portion congrue !

Pas plus aujourd’hui qu’en 2009, le Planning Familial, mouvement féministe et d’éducation populaire, n’acceptera la mise en danger de l’information sur les droits sexuels et reproductifs par un tour de passe-passe dans le budget de l’État.

L’évolution de la société et les changements de mentalités passent par la possibilité de chacune et de chacun à se construire à travers une approche globale et positive de la sexualité, pour peu qu’on lui en donne les moyens : l`information et l’éducation en font partie.

Le Planning Familial appelle à signer et faire cette pétition pour:

    • Contribuer à construire une société égalitaire entre les femmes et les hommes
    • Prévenir les grossesses non souhaitées et les IST dont le VIH
    • Lutter contre les violences faites aux femmes
  • Contribuer à faire des jeunes d’auj0urd’hui les adultes responsables de demain


La Ligue des droits de l’Homme dans les campagnes électorales

Trop souvent, nous assistons à une soumission du débat politique à l’unique échéance de l’élection présidentielle. Commentaire par ci, sondage par là, phrase choc d’un côté, petite phrase de l’autre. Si le spectacle n’est guère réjouissant, il a surtout plein de défauts : faire de la politique un repoussoir à idées ; focaliser sur la personnalité des candidats présidentiels et leurs qualités supposées ; réduire le débat à l’exercice du pouvoir ; privilégier la forme du débat plutôt que le fond.

La LDH ne peut se satisfaire de cette façon de faire de la politique. La LDH ne peut se soumettre à ce calendrier rabougri. Nous nous situons dans un horizon qui, même s’il ne peut ignorer les échéances électorales, ne s’y limite pas.

Pour répondre à cet impératif, pour nous catégorique, une série de tracts et maintenant disponible. Ces tracts reposent sur l’unité stratégique suivante :

  • Ils se situent dans le cadre du Pacte pour les droits et la Citoyenneté, en faisant des propositions sur les thèmes qui sont ceux du pacte ;
  • Ils ne visent pas à poser des questions aux candidats et aux partis, mais à les interpeller sur les propositions qui sont les nôtres ;
  • Ils répondent au souhait que nous avons de ne pas se satisfaire d’être des femmes et des hommes « contre » ;
  • Ils apportent des réponses concrètes sur nos terrains d’intervention.

Ces tracts reprennent six thématiques et sont téléchargeables :

  1. Et la justice ?
  2. Et les conditions de vie ?
  3. Et la démocratie ?
  4. Et les étrangers ?
  5. Et le logement ?
  6. L’année des droits ?

60 millions de suspects fichés

La nouvelle carte d’identité que le gouvernement entend introduire est une arme de guerre : elle contiendra des données biométriques, et son utilisation reviendra à créer un fichier de l’ensemble de la population française, accessible par la police et autres services. Tous les avertissements lancés par les spécialistes (voir ici l’article de Jean-Marc Manach, sur le « fichier des gens honnêtes), et par les partis d’opposition ont été vains : la vision sécuritaire et suspicieuse de la majorité l’a emporté.

Une pétition est en ligne en ce moment, pour tenter à nouveau d’empêcher cette opération. Intitulée « en 2012, sauvons la vie privée », elle a reçu le soutien de très nombreuses associations (dont la Ligue des droits de l’Homme) et de nombreuses personnalités. Il est urgent de la signer ici. En voici le texte.

Pétition : En 2012, sauvons la vie privée !

Pour un véritable droit d’opposition à l’informatisation de nos données personnelles.

Pour signer la pétition rendez-vous ici.

Notre vie privée est en danger ! Dans tous les domaines de la vie socio-économique – éducation, santé, protection sociale, administrations locales et centrales, instances financières et policières, etc. -, chacun d’entre nous se retrouve dépossédé arbitrairement de ses propres données personnelles, pour devenir l’objet d’une surveillance insidieuse échappant à tout contrôle légal réel.

Un contrôle informatique total

En ce début 2012, en dépit des apparences, nous voici passés sans coup férir d’une société démocratique à une société de suspicion généralisée, perturbant gravement notre relation aux autres et au monde. Sans parler de la prolifération des autres méthodes de « protection » électronique susceptibles de vérifier nos moindres faits et gestes (puces RFID d’identification par radiofréquence, géolocalisation par GPS, vidéosurveillance, biométrie, titres de transport, Internet, téléphones mobiles, etc.), l’informatisation de nos données personnelles s’effectue aujourd’hui de façon occulte et accélérée, sans réelle information, sans réel consentement. Ce fichage tentaculaire intéresse aussi bien l’Education nationale (Base élèves, fichier SCONET pour le secondaire, fichage des décrocheurs…), le travail social (action sociale des Conseils généraux, mairies et CCAS, allocataires de minima sociaux, SIAO pour les sans domicile…), les contribuables et les consommateurs, les clients des banques et des assurances, les personnes de nationalité étrangère (fichiers OSCAR de l’aide au retour, application de gestion AGDREF…), celles placées sous main de justice (gestion informatique des détenus GIDE, fichier FIJAIS des auteurs d’infractions sexuelles…), celles suivies en psychiatrie (RIMP, HOPSY)… Cependant que l’on dénombre environ 80 fichiers de police, catalogues présomptifs truffés d’erreurs concernant par dizaines de millions les simples suspects de délits commis ou à venir, et même les simples opposants politiques (fichiers STIC des infractions constatées, FNAEG des empreintes génétiques, PASP des atteintes à la sécurité publique, projet de fichier centralisé des données identitaires et biométriques, etc.).

C’est ainsi l’ensemble des populations susceptibles de poser problème à l’ordre en place qui sont fichées, et finalement nous tous, notamment avec le Livret personnel de compétences expérimental qui livrera bientôt notre parcours scolaire puis professionnel au bon vouloir des employeurs. Notre vie privée devient malgré nous d’autant plus dévoilée que l’interconnexion entre ces fichiers progresse à grands pas, autorisée par le répertoire de protection sociale RNCPS, le fichier du RSA ou les fichiers fiscaux pour la chasse aux fraudeurs et autres mauvais payeurs, par la LOPPSI II pour les fichiers de police, enfin par la loi Warsmann de « simplification du droit », qui permet désormais l’échange des données personnelles par toutes les administrations…

Comment sélectionner les populations en douceur

S’imposant à coups de lois, de simples arrêtés et de décrets incessants, on constate que ce fichage illimité s’effectue sous le couvert de la neutralité technique et comptable : « qualité » du service rendu, connaissance statistique et « traçabilité » des informations, « gestion » de telle ou telle catégorie (élèves, étrangers, pauvres, « vulnérables »…), « sécurité » publique et plus particulièrement lutte contre la fraude et contre la délinquance, ou encore « prévention » des comportements dangereux (enfants « à haut risque », détenus suicidaires, malades mentaux…). Mais en réalité, un tel « traitement » a pour principal résultat d’effectuer un tri des populations concernées, pour en assurer le contrôle socio-économique : tous ceux qui « ne rentrent pas dans les cases » des critères autorisés sont automatiquement repérés pour être pénalisés.

Contrairement à ce que les instances officielles comme la CNIL mettent en avant, le respect de la confidentialité des données personnelles par la multitude d’agents sociaux qui y ont accès (agents dont le secret professionnel légalement garanti deviendrait « partagé »), n’est donc pas le seul problème soulevé par le fichage. Certes, des affaires de piratage ou de divulgation à grande échelle ont défrayé la chronique ces dernières années, révélant qu’il est facile de pénétrer ou de détourner les fichiers informatiques aussi étroitement « sécurisés » soient-ils. Mais un danger encore plus grand pour les libertés publiques réside dans l’existence d’une finalité discriminatoire qui sauterait aux yeux si elle n’était massivement niée : en fait, l’usage normatif de toute cette technologie de contrôle numérique est la sélection concurrentielle – écarter « en douceur » les incapables et les déviants, pour mieux convaincre la plupart de s’y soumettre aveuglément !

L’informatisation aurait-elle tous les droits ?

Pourtant, la vie privée est protégée par la loi : Code civil, Convention européenne des droits de l’Homme, Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 enfin : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée (…). Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions (…) » (article 12). Par ailleurs, « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression », droits imprescriptibles de l’Homme inscrits dans la Constitution, constituent une norme légale supérieure à toute décision possiblement arbitraire de l’Etat. Enfin, le principe républicain d’égalité fait obstacle à toute entreprise de compétition ou de sélection à laquelle les citoyens seraient abusivement contraints de participer…

Force est cependant de constater que dans la révision de 2004 de la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés », le législateur n’a pas respecté cette hiérarchie des normes essentielle à la protection des libertés fondamentales : la nécessité du consentement individuel est bien rappelée, autrement dit la légitimité du droit d’opposition à l’informatisation de ses données personnelles (articles 7, 8 et 38). Mais pour disparaître comme par enchantement « lorsque le traitement (informatique) répond à une obligation légale » ! Quant à la CNIL, elle a été vidée de tout rôle décisionnel : les rares réserves qu’elle émet quand elle est consultée ne pèsent pas lourd face au déferlement des dispositions gouvernementales ou législatives, la conduisant finalement à cautionner la finalité « loyale, déterminée, explicite et légitime » du fichage généralisé qui se met en place (article 6). Pourtant, le rôle de la CNIL devrait être de défendre sans relâche la loi en question : « L’informatique ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’Homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques » (article 1er). De fait, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne confirme clairement que les données personnelles doivent être traitées « sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi » (article 8). C’est pourquoi le Conseil d’Etat a reconnu en juillet 2010 la légitimité du droit d’opposition au fichier Base élèves, et plusieurs Conseils régionaux viennent de se prononcer comme en Midi-Pyrénées pour demander « le retrait de tous les outils de fichage numérique notamment dans l’Education nationale ». Jusqu’au Code pénal qui punit « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne » (article 226-18) !

Aux chiffons les fichiers !

En ce début 2012, contre un fichage informatique des données personnelles aussi profondément abusif, au point de se ficher de la loi elle-même, il est grand temps de rééquilibrer la balance ! Comme leur nom l’indique, nos données personnelles relèvent strictement de notre vie privée, et nulle autre instance n’est habilitée à se les approprier et en faire usage sans attenter gravement aux droits fondamentaux de chacun et de tous. Agissons sans tarder pour défendre notre vie privée et nos libertés individuelles et publiques :

  • Que chaque usager, chaque citoyen concerné n’hésite pas à s’opposer par toute action en justice appropriée à l’atteinte illégale à la vie privée que représente l’informatisation contrainte et forcée de ses données personnelles ;
  • Que chaque acteur du sanitaire et du social soumis au secret professionnel défende son respect le plus strict. En tout état de cause, hors usage administratif très étroitement encadré, l’informatisation devrait rester restreinte et facultative, pour ne pas risquer de trier les usagers et de déposséder les professionnels du sens de leur métier en les transformant en agents de contrôle social et comptable ;
  • Que la CNIL fasse désormais preuve d’une réelle indépendance démocratique, pour devenir une « Commission nationale des libertés face à l’informatique » (CNLI), aux prérogatives judiciaires affirmées. En particulier, elle doit faire valoir son opposition la plus claire à toute extension et toute interconnexion des fichiers de contrôle et de sélection socio-économiques, réclamer la révision des lois abusives récentes qui ont rendus ces derniers possibles, et faire respecter en toute circonstance l’obligation légale supérieure de recourir au consentement des personnes concernées ;
  • Enfin, que le Conseil constitutionnel établisse le consentement individuel, et partant le droit d’opposition à l’informatisation de ses données personnelles, pour toutes les raisons que nous avons évoquées, comme un droit constitutionnel imprescriptible.

Nous attendons que les candidats à l’élection présidentielle de mai 2012 prennent position et s’engagent sur ces différents points.

EN 2012, REFUSONS LE FICHAGE INFORMATIQUE !

Premières organisations signataires :

Advocacy France – Association nationale des assistants de service social (ANAS) – Appel des appels – Association suicides dépressions professionnels (ASD Pro) – Association pour la taxation des transactions et l’action citoyenne (ATTAC France) – Collectif contre la nuit sécuritaire (les 39) – Collectif contre la politique de la peur – Collectif « Mais c’est un homme » – Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE) – Convergence services publics – Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité – Droits et libertés face à l’informatisation de la société, santé mentale Rhônes-Alpes (DELIS smra) – Fondation Copernic – Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI) – Ligue des droits de l’Homme (LDH) – Mouvement antidélation – Nouveau parti anticapitaliste (NPA) – Observatoire international des prisons (OIP) – Parti de gauche (PG) – Parti communiste français (PCF) – Privacy France – Sud santé sociaux – Syndicat de la magistrature – Syndicat de la médecine générale (SMG) – Syndicat national unitaire des agents des collectivités locales, des ministères de l’intérieur, des affaires sociales et des finances (SNUCLIAS-FSU) – Union des familles laïques (UFAL) – Union syndicale de la psychiatrie (USP).

Premières personnes signataires :

  • Michel Antony, responsable national associatif
  • Mathieu Bellahsen, psychiatre de secteur, Paris
  • Annelyse Benoît, directrice d’école, résistante au fichage des enfants par Base élèves
  • Martine Billard, députée de Paris, co-présidente du Parti de Gauche
  • Matthieu Bonduelle, président du Syndicat de la magistrature
  • Philippe Borrel, réalisateur, Paris
  • Martine Boudet, professeure de Lettres, responsable associative
  • Christine Buzzini, directrice d’école, résistante au fichage des enfants par Base élèves
  • Alain Chabert, psychiatre
  • Mireille Charpy, militante SNUIPP et LDH, Grenoble
  • Patrick Chemla, psychiatre
  • Thomas Coutrot, économiste
  • Nadia Doghramadjian, Secrétaire Générale adjointe de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Jean-Pierre Dubois, Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Françoise Dumont, Vice-Présidente de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Martine Dutoit
  • Hélène Franco, membre du Conseil national de campagne du Front de Gauche, coordinatrice du Front de Gauche thématique « droits, justice, libertés »
  • Véronique Gallais, co-fondatrice d’Action Consommation, membre du conseil scientifique d’ATTAC France
  • Philippe Gasser, psychiatre
  • Samuel Gautier, Observatoire international des prisons (OIP)
  • Claire Gekière, psychiatre
  • Roland Gori, professeur émérite de psychopathologie à l’université d’Aix Marseille, psychanalyste
  • Odile Gormally, secrétaire DELIS SMRA, psychologue
  • Catherine Grèze, députée européenne
  • Catherine Jouanneau, secrétaire nationale du Parti de Gauche chargée de la santé
  • Serge Klopp, responsable psychiatrie du PCF, collectif des 39 contre la nuit sécuritaire
  • Olivier Labouret, psychiatre, président de l’USP
  • Michel Lallier, représentant syndical CGT au sein du Haut Comité à la transparence nucléaire
  • Christian Laval
  • Christian Lehmann, médecin généraliste, écrivain
  • Danièle Lochak, juriste-universitaire
  • Claude Louzoun, collectif « Mais c’est un homme », Comité européen droit, éthique et psychiatrie
  • Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche à l’élection présidentielle, député européen
  • Jean-François Mignard, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Odile Morvan, psychologue clinicienne, docteur en psychologie, psychanalyste (SPP)
  • François Nadiras, militant LDH, Toulon
  • Pierre Paresys, psychiatre, USP
  • Bruno Percebois, Seine Saint Denis, Syndicat national des médecins de PMI
  • Philippe Pineau, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Anne-Marie Pons, directrice d’école, résistante au fichage des enfants par Base élèves
  • Michel Poulet, secrétaire-adjoint du SDAS 67 cgt-FO
  • Gislhaine Rivet, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Didier Rod, médecin, ancien député européen
  • Malik Salemkour, Vice-Président de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Evelyne Sire-Marin, magistrat, membre de la Fondation Copernic
  • Mylène Stambouli, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Pierre Tartakowsky, Président de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Jérôme Thorel, Privacy France
  • Christine Tréguier, membre de Privacy France
  • Michel Tubiana, Président d’Honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
  • Joseph Ulla, enseignant, Aveyron
  • François Vaillant, rédacteur en chef
  • Jean-Claude Vitran, militant des droits de l’homme
  • Elisabeth Weissman, journaliste, essayiste

Xavier Bertrand et les fraudeurs : le point de vue de Pierre Tartakowsky

La proposition de Xavier Bertrand de publier dans la presse les noms des fraudeurs aux allocations familiales a fait réagir Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme. Il l’a fait dans une tribune parue le 6 février sur le site Mediapart.

Xavier Bertrand ou la République fraudée

Mediapart – 6 février 2012

«Il ne s’agit pas d’être dur pour être dur, il s’agit tout simplement d’être juste.» Ce truisme est gouvernemental; l’air vif des Vosges a, semble-t-il, ce genre d’effet stimulant sur les ministres en recherche d’échos médiatiques. Ce jeudi 26 janvier dernier, donc, Xavier Bertrand, encore en charge du Travail et débonnaire comme toujours, livre à la presse sa modeste contribution à l’entreprise élyséenne de récupération de voix portées sur le muscle, l’ordre et la muselière.

Confronté aux périls qui menacent les équilibres macro-économiques du pays, au chômage persistant et croissant, aux périls qui planent sur l’emploi industriel et ainsi qu’à quelques autres broutilles, Xavier Bertrand récidive sans hésitation et pointe du doigt un cancer majeur: les fraudeurs aux allocations sociales. Prenant le taureau par les cornes, il suggère –à titre de mesure dissuasive– que les noms des dits fraudeurs soient publiés dans la presse. Tout en précisant dans la foulée que ladite publication devrait suivre –et non précéder– une décision judiciaire. On respire…

La fraude sociale n’est certes pas un mal à prendre à la légère, puisque la Cour des comptes l’estime entre deux et trois milliards d’euros par an. Reste que c’est peu au regard des fraudes aux cotisations –largement dues aux employeurs mauvais payeurs et au travail au noir–, estimées entre 8 et 15,8 milliards d’euros. «Moi, je mets la même énergie à traquer les salariés qui fraudent qu’à traquer les patrons qui ont recours au travail dissimulé», avait d’ailleurs assuré en son temps le ministre du Travail dans Direct Matin. On ne sache pas, pourtant, qu’il ait proposé de rendre publique par voie de presse l’identité des employeurs fraudeurs. On croit même garder le souvenir lointain d’une liste d’entreprises «mauvaises élèves» au chapitre de la responsabilité sociale, affichée sur le site Internet du ministère de l’Environnement et qui en avait prestement été enlevée. Xavier Bertrand était alors ministre en charge; sans doute la méthode avait-elle été jugée, pour le coup, «dure pour être dure».

Quelques années plus tard et à l’orée d’une présidentielle difficile, brandir la menace d’une peine de publication redevient donc tendance. On frémit à l’idée de ce que pourrait entrainer sa mise en œuvre, fatalement élargie. Pourquoi la justice se cantonnerait-elle en effet aux seuls «fraudeurs»; les surendettés, petits délinquants, toxicomanes et contrevenants au code de la route auraient très vite, eux aussi, l’honneur douteux de la publication, sans parler, car cela va sans dire, des délinquants sexuels. Dénoncés par l’Etat à la vindicte populaire et sans aucun droit à l’oubli, tous ces «voleurs du peuple» devraient le cas échéant affronter la conception de la justice de leur voisinage… Cela ne sent pas encore le bûcher, mais le goudron et les plumes ne sont pas loin.

Xavier Bertrand est trop ministre pour l’ignorer et sa sortie n’en est que plus ignoble. Du moins a-t-elle le mérite de nous renseigner sur l’ordre social qui lui est cher, dur aux faibles et compréhensif aux puissants.

Elle dessine également sa vision de la justice, une justice dont la vertu tiendrait strictement à sa nature répressive, voire terrorisante. Cette conception s’est largement traduite durant la législature par plusieurs dizaines de modifications du code pénal et la multiplication de gadgets sécuritaires allant de la systématisation de la vidéo surveillance aux «voisins vigilants». Qu’y a-t-il au bout de cette course folle ? La délation généralisée, le pilori aux carrefours des villes ? Et après ?

La République a su abolir la peine de mort parce qu’elle a, enfin, constaté l’absence de lien entre la férocité de la peine et son efficacité; parce qu’elle a préféré la sérénité de la justice à l’exemplarité supposée de la vengeance.

Mais d’évidence, ce 26 janvier, dans les Vosges, Xavier Bertrand était davantage en mission de rabattage électoral qu’en mission de ministre de la République. Fraude lourde.

Estrosi voudrait censurer la Ligue des droits de l’Homme, mais il ne le peut pas

Lire en fin d’article les communiqués de la section de Cannes, celui de Pierre Tartakowsky, président de la LDH, et la lettre de Pierre Tartakowsky à Guéant.

Pauvre Christian Estrosi… Celui que le Canard Enchaîné avait surnommé « le motodidacte » (pour ces exploits moto-cycliques, lorsqu’il était champion du monde) enrage. Il voudrait bien interdire un colloque, organisé par la Ligue des droits de l’Homme, à Nice, à l’occasion du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie, mais, regrette-t-il, « je ne peux toutefois pas m’y opposer »… Ben oui, il reste encore quelques libertés, en France. Et la Ligue des droits de l’Homme entend bien les utiliser.

Quel est le problème ? La ville de Nice va célébrer ce cinquantième anniversaire tout au long de l’année 2012. Il se trouve que dans la région, on a parfois des façons particulières de commémorer ces événements tragiques : il arrive, par exemple, qu’on érige des stèles à la gloire des personnages aussi héroïques que les assassins de l’OAS. Dans le site de la section LDH de Toulon, François Nadiras, son responsable, explique les objectifs poursuivis par la Ligue à travers le colloque qu’elle organise :

La Ligue des droits de l’Homme organise à Nice les 10 et 11 février prochains, un colloque sur le thème “Algérie 1962, pourquoi une fin de guerre si tragique ?”

La LDH, qui a toujours agi dans le respect des victimes de ce conflit, refuse de céder à la pression de Christian Estrosi, maire de Nice, qui lui demande de “sursoir à la tenue de ce colloque”, au motif que celui-ci ne s’inscrit pas dans “l’esprit” de la commémoration organisée par sa municipalité.

Le maire de Nice a pour sa part publié le communiqué suivant (source site LDH Toulon) :

Colloque organisé par la Ligue des Droits de l’Homme, le 10 février prochain

Christian Estrosi, Maire de Nice, Président de Nice Côte d’Azur, désapprouve cette démarche :

« J’ai appris avec étonnement qu’une structure associative de Nice a accordé à la Ligue des droits de l’Homme de Toulon et de Nice, une salle pour l’organisation d’un colloque les 10 et 11 février prochains, sur le thème du “ cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie”.

Je tiens à dire que je partage entièrement la légitime émotion des rapatriés niçois et des membres d’associations de français d’Algérie. J’ai d’ailleurs fait aussitôt connaître par courrier à la Ligue des droits de l’homme, ma totale désapprobation quant à cette démarche, qui ne s’inscrit en aucune manière dans le cadre ou l’esprit, de la commémoration du Cinquantenaire à Nice.

En effet, j’ai souhaité que cette année du Cinquantenaire du Rapatriement d’Algérie à Nice soit dédiée à nos compatriotes rapatriés de toutes confessions. Le programme mis en place par la Ville de Nice a été élaboré en commun puis validé par les associations de rapatriés et de Harkis et placé sous le Haut Patronage de la Présidence de la République.

Ainsi, je demande à la Ligue des Droits de l’Homme de Nice et de Toulon, de veiller à se montrer respectueuse des rapatriés et Harkis et à sursoir, dans un esprit de sagesse et d’apaisement, à la tenue de ce colloque, auquel je ne peux toutefois pas m’opposer juridiquement. »

Merci par avance de l’écho que vous pourrez réserver à cette information.

Estrosi avait auparavant été interpellé par Jean-Paul Selles, président de  l’Union des Français d’Afrique du Nord (UNFAN), en ces termes (NDLR : caractères gras ajoutés par nos soins et erreurs typographiques et fautes d’orthographes et de ssyntaxe respectées scrupuleusement) :

Monsieur le Maire,

Permettez moi de vous faire part de notre émoi provoqué par l’annonce d’un Colloque organisé par la LDH les 10 et 11 Février 2012 à la Salle Clairvallon à NICE.et qu’apparemment vous avez autorisée.

Aprés nous avoir imposé la statue du général de Gaulle,à NICE,la Mairie accueille dans les locaux de Clairvallon, 26 Avenue Scudéri, la Ligue des Droits de l’Homme(LDH) qui se livrera, comme à l’accoutumé, à leurs élucubrations habituelles visant notre communauté ,orpheline de l’Algérie.

Vous comprendrez que cette exhibition est inadmissible et nous attendons de vous,dans les plus brefs délais, un geste qui ne peut être que la ferme interdiction de la tenue de cette manifestation à caractère provocatrice et collaboratrice avec le FLN et ses porteurs de valise,qui furent les ennemis sanguinaires de la France, à une époque dramatique de l’histoire.

Vous devez également comprendre par ailleurs Monsieur le Maire, que notre Communauté est exaspérée, car subissant depuis 50 ans toutes sortes de mépris car n’ayant jamais eu d’échos à ses revendications justifiées.

Toutes ces manifestations organisées à l’occasion du Cinquantenaire de notre Exode qui a suivi la fin de la Guerre d’Algérie, sont censées réveiller des cicatrices,raviver des plaies,et conduiront inéxorablement la majorité de nos compatriotes,à réfléchir sérieusement quant à leurs choix électoraux prochains.

Nous sommes persuadés que vous voudrez bien vous pencher sur notre demande avec la plus grande attention, et par avance, vous en remercions

Dans l’attente d’une réponse qui se veut urgente vu la date du Colloque,

Nous vous prions de croire Monsieur le Maire, en l’expression de nos sentiments respectueux

Jean Paul SELLES, Union Nationale des Français d’Afrique du Nord ( UNFAN)

A l’heure où la campagne du toujours pas candidat à la présidentielle semble se droitiser, ce courrier, et l’attention que lui porte le maire de Nice sont significatifs.

Voici par ailleurs la réponse de la section de Nice de Ligue des droits de l’Homme :

Nice, le jeudi 9 février 2012

Refusons la peur, refusons la censure de Monsieur Estrosi

La LDH de Nice et ses partenaires organisent les 10 et 11 février un colloque à l’occasion du cinquantenaire de la fin de la Guerre d’Algérie. Au nom d’une prétendue mémoire unique des Français d’Algérie, dans une démarche sans précédent, le maire de Nice s’érige en détenteur de la vérité historique et somme la LDH d’annuler le colloque. Il suggère une faute de la structure associative qui accueille l’initiative, instrumentalise la souffrance, les sentiments et les émotions des rapatriés et des harkis. Enfin, sur un mode particulièrement agressif, il regrette de ne pouvoir l’interdire, suscitant par là même d’autres formes d’opposition.

La LDH de Nice et ses partenaires ne reculeront pas devant une telle intimidation ; ils ne plieront pas devant un maire qui démontre une fois de plus qu’il n’est pas le garant qu’il devrait pourtant être du pluralisme et de la démocratie.

La LDH de Nice, en plein accord avec la direction nationale de la Ligue des droits de l’Homme, maintient l’initiative prévue avec tous ses partenaires dans son intégralité. Face à la menace et à la peur, elle en appelle à l’opinion publique et aux citoyens pour que vive la démocratie.

LDH Section de Nice

Vous pouvez lire le programme de ce colloque ici, et l’article que Le Monde a consacré à cette affaire ici.

Communiqué de la section de Cannes :

La section LDH de Nice, en partenariat avec de nombreuses associations, organise ce week-end des 10 et 11 février un colloque sur le « cinquantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie » avec la participation d’historiens et de représentants des rapatriés. D’une manière totalement inattendue, tout autant que scandaleuse, par un communiqué, Monsieur Estrosi souhaite qu’elle soit annulée ! Inattendue, parce que l’on se demande à quel titre cet élu de citoyens divers se permet pareille exigence, et scandaleuse parce que conscient lui-même de son empêchement d’utiliser la voie judiciaire, il sollicite sournoisement la manière forte d’individus incontrôlés, pour parvenir à ses fins en s’affranchissant ainsi des lois de la République.

Ainsi, le gaulliste social qu’il prétend être, ne craint pas de prendre l’exact contre-pied de la politique conduite alors par le Général de Gaulle et confirmée par plusieurs référendums des peuples français et algériens, montrant ainsi son vrai visage partisan de la droite extrême, confondue avec l’extrême droite, en n’hésitant pas à souhaiter la censure même au prix de la violence.

Bien évidemment nos amis niçois maintiendront la tenue de ce colloque dont le haut niveau de réflexion est garanti par la qualité des participants dont ils ont su s’entourer. Ils le lui ont fait savoir par un communiqué. La section LDH Cannes-Grasse sera largement présente à leur côté pour les soutenir ; elle appelle ses amis du bassin cannois à la rejoindre au CLAJ, 26, rue Scudéri à Nice (quartier Cimiez) où se déroulera cette manifestation.

Communiqué de Pierre Tartakowsky pour la LDH :

Monsieur le Maire,

Vous avez cru devoir dans un communiqué de ce jour exprimer en des termes dont la violence est parfaitement claire, votre opposition au colloque que la section de Nice de la LDH organise les 10 et 11 février à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la Guerre d’Algérie.

Non seulement vous semblez donner à l’histoire le sens d’une vérité unique, mais en plus, en son nom, vous demandez l’annulation du colloque pour respecter une prétendue mémoire des rapatriés et des harkis dont vous vous sentez l’unique dépositaire.

La LDH, en parfait accord avec la conception qu’elle a de la démocratie, est attachée à l’expression de l’histoire dans sa complexité et ses contradictions. Elle ne fait donc pas de la Guerre d’Algérie l’occasion d’une manoeuvre électoraliste et clientéliste. Elle est partie prenante du colloque organisé à Nice, comme elle participera en mars prochain à celui d’Evian, qui analysera dans une perspective historique les accords qui ont mis fin à la Guerre d’Algérie.

La LDH considère, Monsieur le Maire, que vous portez l’entière responsabilité des événements qui pourraient avoir été suscités par votre démarche. Vous serez comptable de fait s’il se trouvait que des personnes se sentent autorisées à s’opposer par la force à la tenue d’un colloque que vous-même savez ne pas pouvoir interdire par la loi.

Nous avons saisi Monsieur le Ministre de l’Intérieur afin de prendre les mesures qui s’imposent pour faire respecter la liberté d’expression.

Veuillez croire, Monsieur le Maire, en notre respect des principes démocratiques.

Lettre de Pierre Tartakowky au ministre de l’Intérieur :

Monsieur le Ministre,

Dans un communiqué de ce jour, le maire de Nice a cru devoir exprimer en des termes dont la violence est parfaitement claire, son opposition au colloque que la section de Nice de la Ligue des droits de l’Homme organise les 10 et 11 février à l’occasion du cinquantième anniversaire de la fin de la Guerre d’Algérie.

M. Estrosi demande l’annulation du colloque pour respecter une prétendue mémoire des rapatriés et des harkis dont il se sent l’unique dépositaire.

La LDH, en parfait accord avec la conception qu’elle a de la démocratie, est attachée à l’expression de l’histoire dans sa complexité et ses contradictions. Elle ne fait donc pas de la Guerre d’Algérie l’occasion d’une manoeuvre électoraliste et clientéliste. Elle est partie prenante du colloque organisé à Nice, comme elle participera en mars prochain à celui d’Evian, qui analysera dans une perspective historique les accords qui pont mis fin à la Guerre d’Algérie.

La LDH considère, Monsieur le Ministre, que le maire de Nice porte l’entière responsabilité des événements qui pourraient avoir été suscités par sa démarche. Il sera comptable de fait s’il se trouvait que des personnes se sentent autorisées à s’opposer par la force à la tenue d’un colloque que lui-même sait ne pas pouvoir interdire par la loi.

Comptant que vous prendrez toutes les dispositions pour que la liberté d’expression ne soit pas entravée à Nice, veuillez croire, Monsieur le Ministre, en notre respect des principes démocratiques.