Marche mondiale des femmes : « Il faut soutenir les femmes du Kivu »

L’association « Marche mondiale des femmes » appelle à soutenir les femmes congolaises de la province du Kivu,  victimes de viols perpétrés par des groupes armés. Sa campagne consiste à adresser le courrier ci-dessous (et téléchargeable ici) à Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères chargée de la francophonie.
Catherine Desbruyères, correspondante de l’association dans les Côtes d’Armor, explique la situation : « En octobre 2010, une marche a été organisée à Bukavu, au sud Kivu,  par l’association « Marche Mondiale des Femmes », qui milite pour les droits des femmes dans le monde.
J’ai participé à cette marche dans la délégation française, et nous avons entendu les témoignages de ces femmes victimes de viols par des groupes armés dont le but essentiel est de faire fuir la population pour s’emparer des richesses minières qui s’y trouvent. Et ce depuis plus de quinze ans, dans une indifférence médiatique quasi générale.
Nous avons eu des messages de ces femmes congolaises, avec lesquelles nous restons en contact. Elles nous parlent de  la reprise des exactions, cette fois par les rebelles du M23 (1), ce que recoupent les informations envoyées par les correspondants de presse.
C’est dans ce cadre que nous essayons de faire pression sur la diplomatie française.
Merci beaucoup de les soutenir ».
(1) Mouvement du 23-mars
, également appelé M23. Groupe créé suite à la guerre du Kivu et composé d’ex-rebelles du CNDP réintégrés dans l’armée congolaise suite à un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. Ils se sont ensuite mutinés en avril 2012. Leur nom provient des accords du 23 mars 2009, car les membres considèrent que le gouvernement congolais n’a pas respecté les modalités de celui-ci soutenus par le Rwanda.  

La lettre à Yasmina Benguigui (téléchargeable ici).

Madame Yamina Benguigui
Ministre déléguée auprés du Ministre des Affaires étrangeres
Chargée de Ia Francophonie
37 quai d’Orsay 75351 Paris
Madame la Ministre
Nous avons été alerté-es par la presse sur la situation des populations civiles des provinces du KIVU en République Démocratique du Congo ; une réunion-débat organisée par l’association Marche Mondiale des Femmes.22 nous a également alerté-es.
Cette réunion avait pour objet de témoigner de la situation des femmes du KIVU, victimes depuis plus de quinze ans de viols massifs, utilisés comme arme de guerre.
Ce témoignage reposait sur des rencontres lors d’une marche organisée en octobre 2010 à Bukavu, capitale du sud KIVU, par l’association Marche Mondiale des Femmes.
Participaient à cette marche des femmes africaines, en particulier des différentes provinces du Congo, des femmes américaines, asiatiques et européennes dont 6 françaises.
Nous sommes de nouveau en pleine actualité comme en témoignent les messages venant des femmes congolaises, reçus ces dernières semaines par les membres de l’association Marche Mondiale des Femmes.
Des rebelles du M23 ont, selon un rapport des Nations Unies, repris le conflit tuant des civils et provoquant la fuite de milliers de réfugiés; ces rebelles, selon plusieurs rapports onusiens, sont soutenus militairement par des états voisins et particulièrement par le Rwanda.  Même si leur retrait de Goma semble se dessiner, la question de ces nombreux groupes militaires n’est nullement résolue et les femmes vont continuer à être victimes de cette barbarie.
Nous savons que la France a proposé une résolution au Conseil de sécurité de l`ONU et que cette résolution a été adoptée.
Mais il n’est pas acceptable pour nous que la communauté internationale, et en particulier l’Europe et la France, se contente de déclarations.
Il faut a minima :
• modifier le mandat de la Monusco pour que la protection des populations civiles soit effective ;
• condamner et sanctionner les états coupables d’attiser la guerre au KIVU ;
• participer avec les peuples des états impliqués, a une réflexion sur le pillage des ressources minières de cette région ;
• repérer et sanctionner les nombreuses compagnies internationales qui exploitent en toute impunité cette situation ;
Nous savons que vous avez été, vous aussi, alertée par cette situation, nous vous demandons de travailler pour que le gouvernement français, la communauté francophone et l’Europe passent aux actes.
Recevez, madame la Ministre, nos respectueuses salutations.
Saint Brieuc, le

L’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité

L’appel des femmes arabes pour la dignité et l’égalité, paru jeudi 8 mars dans le journal Le Monde.

Nous, femmes arabes impliquées dans les luttes pour la démocratie, la dignité et l’égalité, nous, actrices au premier plan des changements exceptionnels que connait le monde arabe, tenons à rappeler à l’opinion publique que les femmes sont en droit de bénéficier au même titre que les hommes du souffle de liberté et de dignité qui gagne cette région du monde.

Depuis toujours, les femmes mènent des luttes pour obtenir des acquis, plus ou moins importants selon les pays. Mais ces acquis demeurent en deçà de leurs aspirations et font de leur statut un des plus recules dans le monde.

Les violences demeurent répandues tant dans l’espace public que privé et très peu de mesures sont prises pour mettre fin à ce fléau. Les codes de la famille ne sont dans la plupart des pays arabes que des textes instituant l’exclusion et la discrimination.

Les autres lois que sont le code de la nationalité, certains codes civils et les lois pénales ne font que renforcer ces discriminations. Ces lois violent les droits les plus élémentaires et les libertés fondamentales des femmes et des fillettes par l’usage de la polygamie, le mariage des mineures, les inégalités en matière de mariage, de divorce, de tutelle sur les enfants ou encore l’accès à la propriété et à l’héritage.

Certaines lois permettent même à la parentèle masculine de tuer des femmes et des filles avec le bénéfice de circonstances atténuantes dans le cadre des crimes d’honneur.

Si la majorité des pays arabes (à l’exception du Soudan, et de la Somalie) a ratifie avec plus ou moins d’empressement la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (Cedaw), adoptée par l’ONU en 1979, ces ratifications sont restées sans impact réel sur le statut et la condition des femmes.

Aujourd’hui que le monde arabe est en phase de construction démocratique pour la consolidation de l’Etat de droit et des droits humains, nous considérons que si l’égalité ne peut se réaliser sans la démocratie, la pleine jouissance de cette démocratie ne peut se réaliser sans une égalité totale entre les hommes et les femmes.

C’est pourquoi nous appelons les États, les partis politiques et la Société civile dans ces pays à tout faire pour que la dignité des femmes et leur égalité avec les hommes ne soient pas une fois de plus sacrifiées au nom de prétendues priorités.

Aucune démocratie en effet ne peut se construire au détriment de la moitié de la société. Ensemble nous avons fait notre présent, ensemble nous construirons un avenir meilleur.

Nous exigeons :

  • la préservation des acquis, l’égalité totale et effective et l’inscription des droits des femmes dans les constitutions ;
  • les mesures Législatives et administratives afin d’éradiquer les violences faites aux femmes ;
  • la ratification et le respect de la Cedaw sans réserve dans son esprit et dans toutes ses implications concrètes ;
  • l’adoption de lois qui protègent les femmes des inégalités sociales et économiques, des discriminations, en particulier familiale ;
  • les mesures d’action positive afin d’assurer l’accès des femmes aux postes de décision et ei leur pleine participation à la vie politique et associative ;
  • la dénonciation des voix qui s’élèvent ici et là pour discriminer les femmes au nom d’une lecture rétrograde des préceptes religieux ainsi que celles qui voudraient leur interdire une participation pleine et entière à une vie digne et respectueuse des droits humains.

Les huit signataires de l’appel :

  • Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), tunisienne ;
  • Bochra Belhadj Hmida, avocate, cofondatrice et ex-présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates, tunisienne ;
  • Shahinaz Abdel Salam, bloggeuse et activiste, égyptienne ;
  • Nawal El Saadawi, médecin psychiatre, écrivain et féministe historique, égyptienne ;
  • Tahani Rached, réalisatrice, égyptienne ;
  • Samar Yazbek, écrivain, syrienne ;
  • Azza Kamel Maghur, avocate internationale et membre du Conseil Libyen des Droits de l’Homme, Libyenne ;
  • Wassyla Tamzali, féministe et essayiste, algérienne.

Soutenues par : Sylviane Agacinski, philosophe ; Keren Ann, chanteuse ; Élisabeth Badinter, philosophe ; Josiane Balasko, comédienne ; Juliette Binoche, comédienne ; Dominique Blanc, comédienne ; Louis Chedid, chanteur ; Umberto Eco, écrivain ; Marianne Faithfull, chanteuse ; René Frydman, obstétricien ; Juliette Gréco, chanteuse ; Claudie Haigneré, astronaute et femme politique ; Françoise Héritier, anthropologue ; Isabelle Huppert, comédienne ; Axel Kahn, généticien ; La Grande Sophie, chanteuse ; Talisma Nasreen, écrivain ; Olivia Ruiz, chanteuse ; Rayhana, auteure et comédienne ; Annette Wieviorka, historienne ; Mazarine Pingeot, professeure de philosophie et écrivain.