La section LDH de Saint-Malo et la justice

La section Ligue des droits de l’Homme de Saint-Malo est engagée depuis longtemps auprès du ministère de la Justice. C’est ainsi qu’elle a de nouveau été invitée à siéger au Conseil d’évaluation de la maison d’arrêt de Saint-Malo (contrairement à la Fédération des Côtes d’Armor dont le préfet n’a pas jugé utile de renouveler le mandat).

Une nouveauté : Jeanine Pichavant, présidente de la section, a été sollicitée pour participer à un atelier citoyen organisé par l’association« etc.association », présidée par Virginie Dubois de Prisque. Cet atelier s’est déroulé sur trois journées, fin juin.

Ce stage de citoyenneté a été introduit en droit français par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Il peut être prescrit comme une alternative aux poursuites, à la place de l’emprisonnement et comme peine principale ou complémentaire.

Ce stage est prescrit pour des délits comme:

  • dégradation de biens publics
  • outrages à des personnes dépositaires de l’autorité publique
  • actes de rébellion
  • violences verbales ou physiques dans les transports ou sur la voie publique.

L’atelier citoyen se déroule en milieu ouvert, donc hors de la prison, et il destiné à favoriser la mise en place d’une réflexion sur les voies possibles d’une réconciliation avec le collectif, en invitant l’individu à devenir acteur de son propre destin et de la société dans laquelle il vit.

L’organisation se fait en accord avec l’équipe du SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) et la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse).

Ce stage, qui a rassemblée onze personnes, a permis à Jeanine Pichavant, qui intervenait en tant que présidente d’une section de la Ligue des droits de l’homme, de rappeler aux participants les valeurs des « Droits de l’Homme » ; rappel qui a semblé les intéresser.

Coïncidence : ce matin, Christiane Taubira, garde des sceaux ministre de la justice, a annoncé l’annulation de la création de 8000 nouvelles places de prison. Ce projet faisait partie des propositions de l’ancien président de la République pendant la campagne présidentielle. Un projet « démagogique », a jugé la ministre. Et on pourrait ajouter « ridicule » : on sait la création de nouvelles places de prison ne permet pas de désengorger les établissements, mais d’emprisonner davantage de personnes. 8000 places de plus, ce sont 8000 prisonniers de plus. Voir à ce sujet la vidéo de la conférence d’Henri Leclerc à Quimper.

Cette participation est un des volets des actions d’une section de la Ligue des droits de l’Homme, qui est également très présente dans les centres de rétention administratives, et particulièrement celui de Rennes.

 

Une tribune de la section LDH de la Réunion

La section de La Réunion de la Ligue des droits de l’Homme vient de publier une tribune qui est à la fois une analyse de la situation politique sur l’île, et en métropole, et un appel. L’analyse est claire : « le quinquennat précédent laisse un paysage désolé et désolant ». L‘appel en est la conséquence directe : « La période qui s’ouvre appelle donc maintenant un dialogue social et civil qui soit à la hauteur des enjeux. Au plan local, le refus de ce dialogue constituerait un aveuglement criminel ». Pas seulement au plan local !

14 juillet 2012 :

Faire vivre à la Réunion la devise de la République « Liberté, égalité, fraternité »,  reconnaître l’urgence de refonder notre socle républicain

 Le moment présent se tisse de soulagement, d’espérances, d’attentes  et d’inquiétudes.

Aussi bien à la Réunion que dans la France hexagonale. Pour des raisons à la fois semblables et différentes.

Soulagement de voir enfin s’achever une période où le pouvoir politique a si profondément porté atteinte aux valeurs essentielles de la République. Il est inutile d’y revenir : la Ligue n’a cessé de le dénoncer.

Espérance suscitée par une série de signaux positifs : un gouvernement paritaire, composé de ministres ayant sollicité et recueilli les suffrages du peuple, le rôle de l’Ecole de la République confortée par des annonces de création de postes, une circulaire Guéant expulsée, la mise en œuvre d’une méthode de concertation sociale rompant avec l’autoritarisme et le mépris, et le refus de  se soumettre à un pure logique d’austérité.

La Ligue des droits de l’Homme se félicite des références nombreuses et fortes faites par le nouvel exécutif aux valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice, comme facteurs de cohésion, d’efficacité et de progrès, et constitutives de notre pacte républicain. Elle apprécie la volonté affichée de faire jouer tout son rôle à l’Etat et au service public, au regard de ses valeurs, en termes de responsabilités et de moyens.

Les attentes et inquiétudes naissent de la situation économique, politique et morale.

Le quinquennat précédent laisse un paysage désolé et désolant.

En raison de la situation économique et sociale et des compromissions d’un pouvoir dévoyé qui prétendait ouvertement se fonder sur la xénophobie et l’autoritarisme, le score du Front national n’a jamais été aussi menaçant. Et la Réunion n’échappe pas à cette dérive.

L’abstention atteint un seuil dangereux, puisque nos nouveaux élus ont été choisis par un quart des citoyens en âge de voter (en tenant compte des non-inscriptions sur les listes électorales, des abstentions et des votes blancs et nuls). Et la Réunion connait à cet égard une situation plus grave.

Les perspectives économiques et sociales, sur les plans national, européen et mondial, ne promettent pas des lendemains qui chantent. Et la Réunion constate que son modèle de développement arrive en fin de cycle : ses évidentes limites imposent désormais des choix urgents.

La période qui s’ouvre appelle donc maintenant un dialogue social et civil qui soit à la hauteur des enjeux. Au plan local, le refus de ce dialogue constituerait un aveuglement criminel.

La Ligue des droits de l’Homme à la Réunion entend participer, à sa place et en toute indépendance, aux concertations citoyennes qu’appellent les défis de la période, singulièrement dans leur dimension d’urgence sociale et démocratique à la Réunion, pour l’égalité et l’effectivité des droits.

Car nous devons collectivement le réaffirmer avec force, ici et maintenant, dans l’action publique :

  • l’intérêt général doit être réhabilité comme étant l’objet même du travail démocratique, ce qui lui donne du corps et du sens.
  • la démocratie vivante est mille fois plus efficace que les « actes de contrition et de renoncement», auxquels nous convient agences de notations et autres acteurs des marchés financiers.
  • l’indivisibilité et l’universalité des droits fondent le vivre ensemble républicain, la société de solidarité que nous appelons de nos vœux.

Notre démarche démocratique locale doit être portée par tous les acteurs publics et les citoyens, pour se reconstruire, une nouvelle fois,  à travers des propositions et des projets concrets, fondés sur nos valeurs républicaines. Elle doit être intransigeante, au quotidien, dans la dénonciation des injustices, contre les pratiques administratives illégitimes et les discriminations. Elle doit contribuer à créer des alternatives fortes et rassembleuses, à inventer de nouvelles pratiques citoyennes.

Comme elle l’a fait au plan national en écrivant au Président de la République, au Premier Ministre et au ministre de la Justice, la Ligue des droits de l’Homme à la Réunion, fidèle à la conception qu’elle a toujours défendue des rapports entre société civile et représentation politique, souhaite s’inscrire pleinement dans cette démarche.

En ce 14 juillet 2012, au-delà des cérémonies de la fête nationale, la Ligue entend ainsi appeler solennellement l’attention de tous sur cette exigence forte et pressante d’un dialogue social et politique renouvelé, authentiquement ancré dans les réalités et attentes locales, faisant vivre une REPUBLIQUE où chacun puisse se sentir fier d’être reconnu comme CITOYEN.

Saint-Denis de la Réunion, le 12/07/2012

Le Bureau de la Ligue des Droits de l’Homme à la Réunion.

Section de La Réunion

20 Rue Lislet Geoffroy – ZI Chaudron – 97490 Sainte-Clotilde – Tel : 0692 69 01 71

http://www.ldh-france.org/section/saintdenis-reunion/

 

L’union européenne satisfaite des premiers pas de M. Valls en matière d’immigration

Michele Cercone, porte-parole de Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée des affaires intérieure, a salué le « changement d’attitude » de la France sur le dossier de l’immigration. On se souvient qu’à de nombreuses reprises, l’Europe avait dénoncé l’attitude de la France, notamment après le tristement célèbre « discours de Grenoble » où l’ancien président de la République avait stigmatisé les Rroms et ouvert une campagne de destruction de leurs campements.

C’est au cours d’une rencontre avec Manuel Valls, ministre français de l’intérieur, que la commissaire européenne a pu évaluer l’évolution de la position française : « Il y a convergence sur pas mal de dossier » a déclaré Michele Cercone. Cecilia Malmström s’est exprimée par ailleurs « sur l’accord passé entre les pays membres de l’espace Schengen sur la possibilité de rétablir, de façon temporaire, les contrôles aux frontières nationales en cas de pression migratoire incontrôlable à une de leurs frontières nationales » : elle considère qu’il ne s’agit « pas d’un mécanisme européen ».

Il ne faudrait pas que ces félicitations fassent croire à Manuel Valls que le travail est terminé !

Lire ici l’article du journal Le Monde.

Lettre ouverte de l’observatoire de l’enfermement des étrangers écrit à Jean-Marc Ayrault

L’observatoire de l’enferment des étrangers (OEE) vient d’adresser une lettre ouverte au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, pour lui demander une réforme du droit d’accès des associations aux centres de rétentions, et plus généralement, aux « lieux d’enfermement des étrangers » (comme à Roissy, par exemple). Ce droit a en effet été sérieusement limité par un décret de juillet 2011 : habilitation des associations autorisée à visiter les étrangers par le ministère de l’intérieur, limitation du nombre de personnes autorisées, obligation de prévenir de la visite, etc… Il faut savoir que les associations jouent un rôle essentiel dans les centres de rétention : ce sont elles, et elles seules, qui peuvent dire leurs droits aux personnes retenues, elles qui les aide à monter leurs dossiers, les mettent en contact avec les avocats… toutes choses rendues très difficiles par cette réglementation, alors que ce travail est déjà difficile même quand il est effectué dans de bonnes conditions.

Cette lettre ouverte est accompagnée d’un document plus complet que vous pouvez télécharger ici.

Paris, le 6juillet 2012

Lettre ouverte

Monsieur le Premier ministre,

La législation européenne oblige la France à prévoir un droit d’accès des associations dans les lieux ou sont enfermés les étrangers pour la seule raison qu’ils ne disposent pas d’un titre de séjour en règle. Le décret du 8 juillet 2011, pris en application de la loi de juin 2011 réformant le Code de l‘entrée et du séjour des étrangers, définit ce droit d’accès de manière très restrictive. Parmi les conditions qui nous semblent aller à l’encontre de l’objectif de transparence qui devrait prévaloir, on retient que :

  • le ministère de l’intérieur a les pleins pouvoir pour habiliter les associations ;
  • les associations ne peuvent habiliter que cinq personnes pour exercer leur droit d’accès ;
  • le droit d’accès dans un lieu de rétention est limité à une seule association à la fois ;
  • les associations sont tenues de prévenir de leur visite vingt-quatre heures à l’avance ;
  • le décret ne précise pas l’étendue des locaux accessibles dans le cadre du droit d’acces.

Sur requête des organisations membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE), le Conseil d’État a déjà annulé une disposition abusive du décret, qui entendait interdire le droit d’accès aux associations conventionnées par l’État pour apporter aux étrangers une aide à l’exercice de leurs droits dans les lieux de rétention.

Pour autant, ce décret reste en l’état inacceptable. Votre gouvernement doit l’abroger et garantir la transparence des lieux d’ent`ermen‘1ent administratif des étrangers sur la base d’un nouveau texte. En particulier,

  • le droit d’accès des associations doit être garanti par la loi ;
  • il doit bénéficier de droit é toutes les associations qui se donnent pour but la défense des droits des étrangers, sans autre restriction ;
  • il doit pouvoir être exercé sans information préalable de l’administration ;
  • il doit donner accès à tous les locaux relevant des dispositifs d’enfermement administratif des étrangers et à l’ensemble de leurs annexes ;
  • il doit permettre un accès non restreint a priori à toutes les personnes enfermées ainsi qu’à tous les personnels intervenant dans les lieux d’enfermement ;
  • l’habilitation des associations doit être délivrée par une autorité administrative indépendante, qui précisera les modalités pratiques de l’exercice de ce droit par les membres de l’association.

Ces principes sont rassemblés dans la « Platef0rme de revendications pour un droit d’accès associatif dans les lieux d’enfermement des étrangers » que l’OEE rend publique ce jour, et que vous trouverez ci-joint. Les organisations membres de l’OEE vous demandent de les mettre en œuvre. Dans cette perspective, nous vous saurions gré de bien vouloir nous accorder une entrevue, dans un délai que nous espérons rapide.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Premier Ministre, à l’expression de notre haute considération.

Pour l’Observatoire de l’enfermement des étrangers,

Florence Boreil (ACAT)

 

 

La « plateforme prisons » écrit une lettre ouverte à Christiane Taubira, garde des sceaux et ministre de la justice

L’élection de François Hollande, et d’une majorité de gauche au Parlement, ont suscité un immense espoir chez les défenseurs des droits de l’Homme. Ils sont bien entendu très attentifs aux premiers gestes du nouveau gouvernement dans ce domaine. Et il se trouve qu’ils ne s’y retrouvent pas tout le temps : c’est le cas avec Manuel Valls, qui, pendant qu’il interdit la mise en rétention des enfants, et, par conséquent des familles, indique qu’il y aura un quota d’expulsions de 30000 personnes par an. Pourquoi 30000, et pas 15292 ou 31230 ?

On retrouve le même problème avec Christiane Taubira, garde des sceaux et ministre de la justice, qu’on ne peut pas soupçonner d’arrières pensées droitières. Ses premières déclarations avaient été encourageantes, à tel point qu’elle avait été applaudie par les magistrats lorsqu’elle les a rencontrés la première fois. Et voilà qu’elle indique qu’elle souhaite créer 6000 places de prison supplémentaires. Alors qu’on sait pertinemment, et Henri Leclerc, dont on ne peut nier l’expertise dans ce domaine, le rappelait, dans sa conférence à Quimper, le 17 février dernier : créer x places de prisons supplémentaires, revient à créer x prisonniers supplémentaires. Le nombre d’incarcérations supplémentaires qui font suite à une augmentation des places en prison sont, à l’unité près, identiques. Toutes les statistiques le prouvent, y compris celles qui viennent du ministère de la justice.

C’est la raison pour laquelle la « Plateforme prison », qui regroupe plusieurs associations, (voir ci-dessous) dont la Ligue des droits de l’Homme, lui a écrit, pour lui demander un rendez-vous, afin de clarifier les choses. Il s’agit là d’un problème essentiel.

Lettre ouverte à Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Madame le Garde des Sceaux,

Nos organisations, syndicats ou associations, observateurs et acteurs du champ pénal, ont eu l’occasion d’exprimer leur désaccord avec la plupart des dispositions de la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines, qui a notamment prévu de porter à 80 000 le nombre de places de prisons dans notre pays.

Par courrier du 25 mai 2012, nous avons sollicité un rendez-vous avec vous afin de vous faire part de notre analyse et d’entendre votre appréciation des multiples sujets de fond soulevés par cette loi. En l’absence de réponse à notre courrier, nous réitérons aujourd’hui notre demande.

En effet, nous sommes vivement surpris par les orientations relayées par la presse, selon lesquelles la construction de 6000 places de prison supplémentaires vous apparaitrait nécessaire.

Nous nous inquiétons de la nature même de ce projet de construction. S’agit-il de la poursuite d’un programme antérieur (programme 13 200, Nouveau Programme Immobilier… ?) ou d’un autre programme immobilier du nouveau gouvernement ?

Nous sommes convaincus que l’extension du parc pénitentiaire – de 6.000 comme de 24.000 places – ne constitue en rien une solution aux problèmes d’insalubrité ou de surpopulation. Bien au contraire, cela renforce la conception selon laquelle la prison est la peine de référence ; cela risque de conduire à une augmentation du nombre d’incarcérations, ce qui est contradictoire avec l’esprit des recommandations du Conseil de l’Europe et de la loi pénitentiaire. Notre argumentaire sur le sujet, paru le 17 janvier 2012, a bien mis en évidence, à notre sens, en quoi il s’agissait d’«un non-sens humain, économique et juridique».

Pour éviter toute incompréhension des projets dont vous envisagez la mise en œuvre, nous réitérons notre demande qu’une délégation de notre collectif puisse vous rencontrer. Nous nous tenons donc à votre disposition pour participer à une concertation sur ces sujets.

Nous vous prions d’agréer, Madame le Garde des Sceaux, l’expression de notre haute considération.

Les membres de la plateforme prison

organisations signataires :

L’ACAT France / l’AFC / l’ANJAP / Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions Sexuelles / L’association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire – ASPMP /  Aumônerie Musulmane des Prisons/ Ban Public / la Cimade /la CGT des chancelleries & services judiciaires / la CGT justice PJJ / la CGT pénitentiaire / Citoyens et Justice / la Croix Rouge / Droit d’Urgence / Emmaüs France / FARAPEJ / FO Syndicat National de Magistrats / le Genepi /  la Ligue des droits de l’Homme / l’Observatoire International des Prisons / le Secours Catholique / le SNEPAP-FSU /  le SNEPES-PJJ-FSU / le Syndicat de la Magistrature / Le syndicat des avocats de France

Fonder l’effectivité des droits sur la démocratie

Dans un communiqué, la Ligue des droits de l’Homme analyse et donne son avis sur le discours de politique générale prononcé par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, devant l’Assemblée nationale. Elle se félicite des points positifs : réforme de l’école, suppression de la réforme territoriale, proportionnelle aux législatives, suppression du cumul des mandats, droit au mariage et à l’adoption entre couples du même sexe, refonte du conseil supérieur de la magistrature et indépendance de la justice, droit de vote aux étrangers (et d’éligibilité !). Et elle exprime ses inquiétudes sur un sujet capital : l’immigration. Malgré des avancées importantes (abrogation de la circulaire du 31 mai sur les étudiants étrangers, interdiction de placer des familles en centre de rétention, suppression du « droit » d’entrée à l’aide médicale d’Etat, suppression annoncée du « délit de solidarité, il reste des points à clarifier, notamment en ce qui concerne les régularisations et le quota d’expulsion que le ministre de l’intérieur maintient à 30000 personnes par an.

Le communiqué

Fonder l’effectivité des droits sur la démocratie

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault, prononcé devant l’Assemblée nationale, s’est inscrit dans la droite ligne des principales promesses du candidat François Hollande. La Ligue des droits de l’Homme se félicite des références nombreuses et fortes faites aux valeurs d’égalité, de démocratie, de solidarité, de justice, évoquées comme des facteurs de cohésion, d’efficacité et de progrès, comme constitutives du pacte républicain. Elle apprécie de même la volonté affichée de faire jouer tout son rôle à l’Etat au regard de ses valeurs, en termes de responsabilités et de moyens.

Au chapitre des annonces, la consultation sur la réforme de l’école lancée dès ce 5 juillet, pour préparer une  « loi de programmation » pour début 2013, la suppression de la réforme territoriale et d’un projet de loi sur les collectivités locales avant la fin de l’année, l’introduction d’une part de proportionnelle aux législatives et d’une loi sur le cumul des mandats « applicable avant 2014 », ainsi que sur le respect de la parité dans la représentation politique, du droit au mariage et à l’adoption entre couples du même sexe, sont autant d’annonces positives.

Il en va de même de l’annonce de la refonte du Conseil supérieur de la magistrature et de la volonté affichée d’assurer l’indépendance de la justice, tout en engageant la mise en chantier d’une nouvelle politique pénale. La Ligue des droits de l’Homme se félicite tout particulièrement du maintien de la proposition d’accorder le droit de vote des étrangers aux élections municipales, droit dont elle rappelle qu’il doit se doubler d’un droit d’éligibilité à ces mêmes élections et dont elle demande que son processus de mise en œuvre soit enclenché sans tarder.

Concernant la régularisation des sans-papiers, elle regrette que le gouvernement semble évacuer l’hypothèse de régularisations larges, alors même qu’elles pourraient parfaitement s’effectuer sur les critères « précis objectifs et uniformes au plan national » évoqués par le Premier ministre, lesquels pourraient s’appuyer notamment sur les avancées consécutives au conflit des travailleurs sans papiers et au combat mené pour les familles et les jeunes scolarisés. Elle retient la promesse faite solennellement par le Premier ministre qu’aucun enfant, aucune famille ne sera placé en centre de rétention et souhaite que le gouvernement fasse tout pour que les préfectures soient mises en demeure de la respecter. Elle réitère sa proposition d’un débat national articulant enfin les enjeux migratoires et le projet d’une société d’égalité, solidaire et démocratique en vue d’une réforme du Ceseda, code qui régit le statut des étrangers et du droit d’asile.

Enfin, la LDH, qui a noté avec intérêt l’insistance mise par le Premier ministre à souligner qu’aucun marché, qu’aucune agence de notation, ne peut l’emporter sur l’expression du suffrage universel, rappelle qu’aucun des droits fondamentaux ne peut être garanti sans rupture avec les politiques déflationnistes imposées notamment par les accords européens négociés ces derniers mois et avec les orientations qui plongent de plus en plus de pays européens dans une spirale de pauvreté, de chômage et de précarité massive. Là est l’enjeu le plus lourd des mois et des années qui viennent pour l’effectivité des droits de tous.

 

 

Enfants en rétention : c’est fini !

L'aire de jeu du CRA de Rennes Saint-Jacques ne servira plus !

Les préfets ont reçu vendredi soir une circulaire du ministre de l’intérieur, mettant un terme au placement des enfants, et donc des familles, en rétention. Cette mesure attendue avec impatience par les associations et par les étrangers en situations irrégulières est un progrès essentiel, qui remet la France en conformité avec le droit européen, après avoir été condamnée à de multiples reprises par la cour de justice européenne et la cour européenne des droits de l’Homme. Un conseiller du ministre a déclaré : «L’idée, c’est que la lutte légitime contre l’immigration irrégulière doit être menée dans le respect des personnes, et surtout des enfants» (Libération). Lire aussi l’article paru dans Le Monde.

Cette mesure ne doit cependant pas nous faire oublier l’essentiel : il faut, et d’urgence, un moratoire sur les expulsions. On sait que le ministre prépare un autre texte, plus général, sur l’immigration, et il a annoncé qu’il allait mettre en place des critères précis pour l’obtention des titres de séjour. Une annonce en contradiction avec celle du maintien du quota annuel de 30000 expulsions : si on ne trouve pas 30000 étrangers ne répondant pas aux critères, que se passera-t-il ? On modifiera les critères, pour ajuster les chiffres ? Les associations ont toutes dénoncé cette histoire de quotas, et elles demandent toutes l’application immédiate d’un moratoire. Comment pourrait-on expulser aujourd’hui quelqu’un qui demain aurait rempli les conditions pour obtenir un titre de séjour ?

L’observatoire de l’enferment des étrangers (OEE) va plus loin (voir communiqué ci-dessous), et demande un moratoire sur le placement en rétention. Il demande également que les nouvelles règles s’appliquent également à Mayotte, où s’applique pour le moment un régime spécial. La circulaire signée vendredi soir par le ministre interdisant le placement des enfants en rétention ne s’applique pas non plus à Mayotte. Le ministère se justifie en disant que Mayotte connaît une «situation territoriale d’exception, cas singulier et préoccupant» (Libération).

Une autre circulaire est prévue dans le courant de l’été, pour supprimer ce qu’on a appelé « le délit de solidarité » : apporter une aide à un sans papier pouvait déclencher des poursuites pénales. Un délit que le sinistre Besson s’est appliqué à nier avec une morgue incomparable.

 

Le communiqué de l’OEE :

L’observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) salue la décision prise hier par la Cour de Cassation de mettre fin à la garde à vue des étrangers pour le simple fait de séjour irrégulier.

Elle démontre une nouvelle fois la nécessité d’une réforme de fond de la législation relative à l’immigration, qui puisse replacer enfin au cœur de ces dispositions le respect des droits et de la dignité des personnes et remettre à plat le dispositif actuel de d’enfermement, emblématique des pratiques administratives les plus abusives.

Cet objectif s’inscrit dans la droite ligne des engagements du président, François Hollande qui lors de la campagne pour l’élection présidentielle, a fermement dénoncé « l’instabilité et même l’irresponsabilité en matière migratoire » de la politique menée sous la présidence  de Nicolas Sarkozy. Répondant aux appels de différentes associations et collectifs associatifs, il s’est notamment engagé à mener « une politique migratoire fondée sur des règles transparentes, stables et justes (…) [qui], dans tous ses volets, devra être conduite dans le respect de la dignité de tous les êtres humains qui sont sur notre territoire ».

Nos associations, membres de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) ont été particulièrement sensibles à la critique de la façon dont le précédent gouvernement « a banalisé la rétention, [en en faisant] un instrument de sa politique du chiffre alors même que, comme toute privation de liberté, elle doit rester exceptionnelle et n’être utilisée qu’en dernier ressort ».

Conscient de ce qu’une telle réforme législative ne peut être immédiatement mise en œuvre et nécessite un débat, tant parlementaire que public, l’OEE s’associe aux appels des organisations demandant que, en attendant la réalisation de cette perspective, le gouvernement décide d’un moratoire sur les expulsions des étrangers.

Dans cet esprit, nous demandons instamment de suspendre tout placement en rétention, celui-ci n’ayant pour l’heure d’autre finalité que d’être un instrument banal d’enfermement aux conséquences dramatiques pour les étrangers. Le dispositif actuel, en maintenant son fonctionnement à l’identique, continue chaque jour de porter atteintes aux droits et à la dignité des personnes, comme aux valeurs garantes de notre Etat de Droit.

Nos associations insistent sur la nécessité que ce moratoire s’étende à tout le territoire de la République, y compris outremer et à Mayotte où les atteintes aux droits sont d’une gravité exceptionnelle.

Une telle décision aurait une valeur de symbole fort de la rupture que le gouvernement entend marquer par rapport à la politique de gestion des flux migratoires menée depuis 2002 et ne manquerait pas de donner un signal au monde sur le retour de la France dans le combat qu’elle n’aurait jamais dû quitter pour l’universalité des droits de l’Homme !

http://observatoireenfermement.blogspot.fr/

 

Pierre Tartakowsky : refonder le socle républicain

Éditorial de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, dans LDH info n°222, le bulletin national mensuel de la Ligue des droits de l’Homme.

Le moment présent se tisse de soulagement, d’espérances, d’interrogations et d’inquiétudes.

Inutile de développer les raisons du soulagement éprouvé au limogeage de Nicolas Sarkozy.

Les espérances sont évidemment alimentées par une série de signaux positifs envoyés par le nouvel exécutif : un gouvernement paritaire, compose de ministres ayant par ailleurs sollicité et recueilli les suffrages du peuple, des annonces de création de postes dans l‘Éducation nationale, une circulaire Guéant expulsée, un sommet social annoncé pour juillet et préparé selon une méthode qui rompt avec l’autoritarisme et le mépris, le refus de s’enfermer dans une austérité de principe. D’autres signaux, moins positifs, nourrissent des interrogations. On pense à l’état de la négociation européenne, au traitement des étrangers – qu’il s’agisse de la naturalisation, laissée aux mains du ministère de l’Intérieur, des camps de Roms que l’on continue de démanteler…

Les inquiétudes, quant a elles, tiennent d‘abord au rapport de forces postélectoral. Le quinquennat de Nicolas Sarkozy nous laisse un paysage désolé et désolant. Le score du Front national est d‘autant plus inquiétant qu’il s’articule à un arrière-pays de droites extrêmes, prêtes à se rejoindre, s’unir et à ouvrir la page d‘un projet gouvernemental combinant ouvertement xénophobie et autoritarisme. La droite traditionnelle, si elle a été battue, n’a pas été sanctionnée, et ses débats internes quant à sa stratégie n’ont rien d’autocritiques. L’abstention, enfin, fait que François Hollande, puis le PS, ont été choisis par un quart des citoyens en âge de voter (en tenant compte des non-inscriptions sur les listes électorales, des abstentions et des votes blancs et nuls).

Face au sentiment de délitement, d’usure, de désamour qui sature la sphère de l’action et de la représentation publiques, la Ligue des droits de l’Homme a des responsabilités singulières. Il lui revient de travailler à refonder le socle républicain du vivre ensemble.

Il s’agit d‘abord de réaffirmer l’indivisibilité et l’universalité des droits, parce que c’est le cœur de notre réacteur intellectuel. C’est cette double caractéristique – indivisibilité et universalité – qui fonde le vivre ensemble républicain, la société de solidarité que nous appelons de nos vœux.

Il nous faut corrélativement réhabiliter la notion d’intérêt général, sans laquelle il n‘est pas possible de penser une éthique de l’engagement politique. Il est temps de réaffirmer que l‘intérêt général est l’objet même du travail démocratique, ce qui lui donne du corps et du sens.

Il nous faut réaffirmer que cette démocratie est mille fois plus efficace que les « actes de contrition et de renoncement », auxquels nous convient agences de notations et autres acteurs des marchés financiers.

Cette obsession démocratique doit se construire à travers des propositions concrètes et des projets, des valeurs. Elle doit être défendue, au quotidien, dans les dénonciations et les oppositions aux injustices, aux pratiques administratives illégitimes, aux discriminations, quelles qu’elles soient. Elle doit contribuer à créer des alternatives fortes et rassembleuses, à ouvrir des voies à d’autres pratiques citoyennes, démocratiques.

Forte de la conviction que les changements nécessaires ne peuvent se construire que sur la base des droits fondamentaux et de la devise républicaine qui les résume, la LDH s‘est adressée au président de la République à propos des institutions, dont il est garant, et des modifications nécessaires pour leur assurer un fonctionnement plus démocratique. Elle a également adressé trois missives au Premier ministre : la première concerne le fonctionnement de la Justice, le respect des droits, la nécessité de mettre fin aux dérives sécuritaires et intrusives. La deuxième porte sur les droits des étrangers et sur l‘impérieuse nécessité de rompre avec une ère de défiance et de répression, au bénéfice d’un moratoire des expulsions, de réformes immédiates et de l’organisation d‘un vaste débat national. La troisième porte, enfin, sur une demande de loi d‘amnistie pour les citoyennes et citoyens dont l’engagement syndical et social a donné lieu à des mesures s‘inscrivant dans la tentative de criminalisation de la protestation sociale et civique.

La LDH entend ainsi réaffirmer solennellement sa responsabilité et sa disponibilité pour tout examen vis à inscrire ses propositions dans une réflexion gouvernementale et législative.

 

Suppression du droit d’entrée à l’aide médicale d’Etat : une bonne mesure, mais…

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a annoncé de supprimer le droit d’entrée de 30€ à l’Aide Médicale d’État (AME) pour les étrangers sans-papiers résidant en France. Une mesure de bon sens et de justice. De bon sens, parce que les étrangers sans-papiers, population par définition fragile et vulnérable, sont plus que d’autres victimes de problèmes de santé, et que la situation sanitaire des sans-papiers peut vite devenir un problème de santé publique. Et une mesure de justice, parce qu’il est inconcevable qu’une femme ou qu’un homme puisse rester sans soin.

La droite se déchaîne déjà contre cette mesure : démagogie, dit-elle. Effectivement, 30€, ça n’est pas grand-chose. Mais ces 30€, qui pour les personnes concernées, représentent une somme importante, s’ajoute au racket organisé par la droite au pouvoir à l’encontre des demandeurs d’asile : augmentation des taxes sur les demandes et obtentions de titres de séjour, par exemple. Sans même possibilité de remboursement lorsque la demande est rejetée. Le nouveau gouvernement va devoir également s’attaquer à ce problème, rapidement.

Les associations se sont ausitôt réjouies de cette décision. Cependant, elles demandent au gouvernement d’aller plus loin, et de procéder à un refonte totale du système existant aujourd’hui. Leurs revendications se trouvent dans le communiqué publié par l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), reproduit ci-dessous.

Hier 2 juillet, la Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, Marisol Touraine a annoncé sa volonté de supprimer le droit d’entrée de 30 euros à l’Aide Médicale d’Etat (AME) pour les sans-papiers résidant en France. Pour l’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), cette décision va dans le bon sens car elle met un terme à une absurdité économique et sanitaire. Mais elle est encore insuffisante, et doit s’accompagner d’une réflexion de fond afin d’intégrer l’AME dans le dispositif CMU, et d’en finir avec un régime « spécial sans-papiers » qui a montré ses limites.

L’Aide médicale d’Etat (AME) est un dispositif permettant aux personnes sans-papiers les plus démunies un accès gratuit aux soins. Fin 2010, 220.000 personnes en bénéficiaient. A l’initiative de parlementaires de l’ancienne majorité, la loi de finances pour 2011 a considérablement durci ce dispositif, en instaurant un droit d’entrée de 30 euros et en réduisant fortement le panier de soins couvert par l’AME.

Depuis cette date, l’ODSE n’a cessé de dénoncer les effets pervers de cette disposition.

Sur le plan individuel, ce droit d’entrée contraint les sans-papiers malades à retarder, voire à renoncer à des soins, menaçant directement leur état de santé.

Sur le plan collectif, il favorise la propagation d’épidémies dans la population, en laissant des personnes malades sans accès aux soins ou à la prévention, entrainant interruptions de traitements et développement de résistances.

Sur le plan économique, selon un rapport de l’IGAS et de l’IGF[2] rendu public en décembre 2010, le surcoût pour la collectivité de ces retards à la prise en charge est estimé à 20 millions d’euros. Montant bien supérieur aux 6 millions d’euros que les parlementaires entendaient économiser avec ce droit d’entrée.

Une mesure de bon sens mais insuffisante.

Pour les associations membres de l’ODSE, cette suppression est un bon début mais il faut aller plus loin. Il est temps d’engager une réflexion de fond pour une réelle égalité devant le soin, seule garante d’une politique de santé publique efficace. Une mesure résolument courageuse serait d’intégrer le dispositif de l’AME dans celui de la Couverture maladie universelle (CMU). Dans l’attente de cette refonte ambitieuse, elles appellent la Ministre à ne pas se contenter de la suppression de ce droit d’entrée. Il faut revenir également sur toutes les restrictions introduites ces dernières années, notamment celles portant sur le panier de soins et l’obligation de l’agrément hospitalier pour les soins coûteux.


[1] Organisations membres de l’ODSE : ACT UP Paris, l’AFVS, AIDES, ARCAT, le CATRED, le CoMeGAS, le COMEDE, le CIMADE, CRETEIL-SOLIDARITE, la FASTI, la FTCR, le GISTI, la Ligue des Droits de l’Homme, MEDECINS DU MONDE, MEDECINS SANS FRONTIERES, le Mouvement français pour le planning familial, le MRAP, PASTT, Association PRIMO LEVI, SIDA INFO SERVICE et SOLIDARITE SIDA.

 [2] http://osi.bouake.free.fr/IMG/pdf/Rapport_IGAS_AME_2011.pdf