Manuel Valls : ses propos sur l’immigration analysés par deux associations

L’interview donnée au journal Le Monde par Manuel Valls, le 28 juin, a déçu les défenseurs des droits, et les associations qui sont quotidiennement aux côtés des demandeurs d’asile et des sans-papiers. Il convient cependant de relire avec application cette interview. C’est ce qu’ont fait deux associations : le réseau éducation sans frontière (RESF), et France Terre d’asile.

Certains avaient conclu un peu rapidement que Valls avait enfilé les pantoufles de Guéant. C’était aller un peu vite en besogne. On se souvient du discours sans concession qu’il avait prononcé lors de la passation de pouvoir : les choses semblaient claires. Et on retrouve dans cette interview des points essentiels, qui peuvent rassurer les défenseurs des droits : la prise en compte de trois critères pour la régularisation (le temps de séjour en France, les relations familiales, l’intégration par le travail), la création d’un nouveau titre de séjour de 3 ans qui permettra d’amoindrir sensiblement la situation de précarité des personnes concernées, la facilitation des procédures de naturalisation.

Mais tout ceci est gâché par une ânerie, que dénoncent ensemble RESF et France Terre d’asile : le maintien d’un quota d’expulsions. Comme Sarkozy et Guéant, Manuel Valls prévoit 30000 expulsions par an. Mais alors, pourquoi dire que les régularisations se feront au cas par cas, à partir de critères clairs ? S’il ne trouve pas 30000 étrangers ne répondant pas aux critères qu’il annonce, et donc expulsables, que fera Manuel Valls ? Il changera les critères ?

Comme le dit Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile dans la tribune qu’il a publié dans le Nouvel Observateur, « cet imbroglio tient au fait que l’immigration est généralement encore un impensé à gauche. On s’en tient plutôt à distance, et, à gauche comme à droite, on a souvent tendance à calquer son opinion sur celle… du bistrot ! Des idées simples pour une problématique complexe, insuffisamment partagée à gauche ». Tout se passe comme si la gauche se croyait obligée de donner des assurances à la droite, comme si les Français étaient tous d’accord avec cette politique d’expulsions, de fermeture des frontières. Les sondages réalisés sur le droit de vote des étrangers extra-européens aux élections locales ont pourtant montré, les uns après les autres, qu’une large majorité de la population l’approuvait.

Les deux articles, de RESF et de France Terre d’asile ont le mérite de reposer calmement les choses, et de faire le tri entre positif et négatif.

Henri IV estimait que « Paris vaut bien une messe ». Il ne faudrait pas que la gauche se dise que « le pouvoir vaut bien un charter ».

Manuel Valls s’exprime sur l’immigration

Manuel Valls, dans une interview qu’il a accordée au journal Le Monde, commence à dévoiler ce qui sera sa politique en matière d’immigration. Il s’y exprime essentiellement sur le problème des étrangers en situation irrégulière, les « sans-papiers ».

1ère annonce, décevante : il n’y aura pas de régularisation massive. Avec un argument étrange : « être de gauche, ce n’est pas régulariser tous les sans-papiers ». Ah bon. Autre argument, celui-là faux : la situation de l’emploi en France ne le permet pas. Valls associe donc chômage et immigration, alors que toutes les études sérieuses prouvent qu’il n’y a pas de lien entre les deux.

Quelques motifs de satisfaction cependant. Si Valls n’a pas l’intention de réduire le nombre d’expulsion, il semble être décidé à en finir avec la politique du chiffre, et à mettre un peu de logique dans ces procédures. Il retient quelques critère qui plaideront en faveur de la régularisation : le temps passé en France, la situation de famille, la scolarisation (mais les familles ne sont pas toujours responsables de la non scolarisation des enfants, quand on voit ce qui s’est passé à Rubelles récemment). Il semble vouloir faire respecter l’État de droit, en faisant en sorte qu’il n’y ait pas de traitements différents d’une préfecture à l’autre.

Autre motif de satisfaction : le ministre ne veut plus d’enfants en centres de rétention. C’est bien le moins.

Manuel Valls veut par ailleurs créer un nouveau titre de séjour, de trois ans : « Le droit au séjour doit être rendu plus simple, plus lisible. Ce qui ne veut pas dire moins exigeant. Les difficultés à obtenir un titre de séjour sont des facteurs de fragilisation économique, psychologique, sociale, et donc des obstacles à l’intégration. Il nous faudrait essayer de légiférer cette année, et à ce titre, créer un titre de séjour intermédiaire d’une durée de trois ans qui permette de stabiliser ceux qui vivent et travaillent de manière régulière sur le sol national. J’ai, à ce propos, été révolté par le sort réservé à ces étrangers qui se retrouvent dans les files d’attente devant les préfectures pour renouveler leurs papiers pendant des heures, la nuit, ou dans le froid. Ça n’est pas ça, la France. »

Enfin, le ministre entend simplifier les procédures de naturalisation : « Elle ne doit plus être pensée comme l’issue d’un parcours du combattant mais comme l’issue d’un processus d’intégration ». En deux ans, le nombre de naturalisations a chuté de 40%, Manuel Valls veut inverser cette tendance. Et la situation des demandeurs d’asile est de plus en plus catastrophique, en terme de logement, de soin, mais aussi de démarches administratives.

Si les choses commencent à se clarifier, il est urgent que la ministère donne des instructions précises aux préfets : les expulsions arbitraires se poursuivent depuis le départ de Sarkozy et de Guéant.

 

 

Travailleurs et étudiants étrangers : la « Plateforme 12 » écrit au premier ministre

Communiqué.

Le 29 mai dernier, le Premier Ministre Jean-Marc AYRAULT a reçu en mains propres une lettre ouverte signée par les premiers dirigeants des douze organisations constituant la « Plateforme 12 » (CGT, FSU, UNEF, Autremonde, La Cimade , Collectif 31 mai, Femmes Égalité, JOC, LDH, MRAP, RESF, SOS Racisme) appelant à l’organisation d’une rapide rencontre sur la question des travailleurs-euses migrants sans papiers  et étudiant-e-s étranger-e-s.

Nos organisations se sont félicitées de l’abrogation de la scandaleuse circulaire du 31 mai 2011, dite circulaire Guéant. Elles souhaitent que le nouveau texte (31 mai 2012) paraisse rapidement au JO pour faciliter son application. Pour autant, de nombreuses questions concernant l’égalité de traitement entre étudiants français et étrangers restent pendantes.

Nous réaffirmons avec force, comme le proclame notre plate-forme commune, l’idée suivante : « Dans leur très grande majorité, les migrants, qu’ils soient avec ou sans papiers, sont des travailleurs-euses ou des futurs travailleurs-euses. Ils n’ont vocation, ni à être victimes de la déréglementation sociale, ni à en être les vecteurs. Ils ne prennent le travail de personne. Ils sont partie intégrante du salariat. »

Les élections, tant présidentielles que législatives, sont maintenant passées. Une majorité existe, qui a souvent exprimé sa solidarité vis à vis de ces travailleurs, étudiants et jeunes majeurs scolarisés.

Il est maintenant temps de construire les fondements d’une nouvelle politique assurant l’effectivité de « l’égalité de traitement entre Français et Étrangers dans les études comme au travail », garantie par des textes législatifs ou réglementaires.

Nous, acteurs sociaux, saurons y participer avec la sérénité et la  responsabilité qui s’imposent, et la rencontre que nous avons sollicitée auprès du Premier Ministre doit marquer l’ouverture de ce dialogue.

 

France Terre d’asile s’adresse au président de la République

Après la Ligue des droits de l’Homme, c’est l’association France Terre d’asile vient d’adresser un courrier à François Hollande, président de la République.

Elle lui fait part de ses inquiétudes en ce qui concerne l’attribution au ministère de l’intérieur de la gestion de l’immigration. France Terre d’asile rappelle au président ses déclarations de campagne électorale, et notamment la différence qu’il faisait entre « politique migratoire et politique d’asile » : l’association estime que « le pilotage de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent en effet d’un processus de justice et de solidarité nationale et internationale. Cela ne saurait signifier un quelconque laxisme, une absence de normes. C’est la garantie d’un traitement de dignité et de rigueur ».

Toutes les associations qui s’occupent des étrangers, demandeurs d’asile ou migrants, sont inquiètes de cette situation, et attendent avec impatience des indications claires sur ce que va être la nouvelle politique française dans ces deux domaine : politique migratoire et politique d’asile.

Voici le courrier de France Terre d’asile :

Vendredi, 22 Juin 2012 08:36

Monsieur le Président de la République,

Pendant la campagne présidentielle, vous avez clairement indiqué que l’immigration n’était pas le sujet central ni la préoccupation première de nos compatriotes. Cette stratégie s’est avérée gagnante face à l’instrumentalisation voulue par Nicolas Sarkozy sur ce sujet. Vient maintenant le temps du pouvoir et de la mise en œuvre du changement attendu et désiré par le Peuple français.

Ce changement, les défenseurs des droits de l’homme l’ont appelé de leurs vœux en matière de gouvernance des migrations, à travers leur action déterminée et continue.

Depuis cinq ans, intellectuels, syndicalistes, responsables associatifs, hommes et femmes politiques alors principalement dans l’opposition, nous n’avons cessé de dénoncer, ensemble, la prévalence de l’approche sécuritaire sur la protection des réfugiés et des étrangers malades. Nous avons répété que l’implication du ministère de l’Intérieur dans des domaines qui relèvent d’un accès juste et égalitaire à la procédure d’asile plutôt que du contrôle de l’entrée et séjour des migrants, entretenait la confusion.

Dans la lettre que vous aviez adressée à France terre d’asile au mois d’avril, on pouvait lire sous votre plume : « Je souhaite porter une nouvelle politique migratoire, responsable, fondée sur des règles claires, justes et stables… Vous évoquez la politique d’asile. Je veux souligner la nécessité de protéger et renforcer ce droit fondamental, d’ailleurs garanti par des règles internationales. II est aujourd’hui nécessaire de mettre en œuvre une autre politique de l’asile, détachée de la régulation des flux migratoires, par ailleurs nécessaire, car ne relevant pas de la même logique. »

Partageant pleinement cette sage vision, nous sommes préoccupés de constater que l’attribution de l’ensemble du secteur des migrations est maintenue au ministère de l’Intérieur, comme ce fut le cas durant les cinq années précédentes.

Nous pensons que l’asile doit être distingué de la question migratoire. Le pilotage de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent en effet d’un processus de justice et de solidarité nationale et internationale. Cela ne saurait signifier un quelconque laxisme, une absence de normes. C’est la garantie d’un traitement de dignité et de rigueur.

Par ailleurs, les politiques en faveur de l’intégration ne peuvent davantage relever du ministère de l’Intérieur. La politique linguistique, la refondation du contrat d’accueil et d’intégration sont des problématiques de solidarité et d’égalité qui doivent être portées au niveau local par les ministères normalement compétents sur ces sujets.

Enfin, les politiques de protection de la santé des étrangers atteints de maladie grave doivent désormais relever du ministère de la Santé. Les pressions exercées depuis 2003 par le ministère de l’Intérieur à l’encontre des médecins – incluant les médecins des Agences régionales de santé en charge d’évaluer les critères médicaux fixés par la loi – contreviennent non seulement à l’application sereine du droit au séjour pour raison médicale, mais plus largement aux garanties de protection de la santé pour tous, fixées par notre constitution.

L’espoir que vous incarnez, Monsieur le Président, c’est celui de doter la France d’une politique rénovée et plus respectueuse de la personne dans tous les domaines de la migration.  Le premier pas en ce sens serait de redonner à l’asile et à la protection internationale la place spécifique qu’elles méritent. Il en est de même pour l’intégration et pour la protection des étrangers malades, qui ne relèvent pas d’une logique sécuritaire ni de contrôle des flux. Cette reconnaissance par la mise en place d’une gouvernance appropriée de ces questions, qui relèvent plus de la solidarité que de la sécurité, permettrait de redonner à nos valeurs républicaines, qui ont été bien malmenées ces cinq dernières années, le sens qui fait l’honneur de la France.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très  haute considération.

Liste des associations et organisations signataires :

Accueil Insertion Rencontre, Lille ;  Act-Up ; Aides, Association pour le logement temporaire et l’hébergement d’Alençon (ALTHEA); Association Logement Accueil et Promotion (ALAP), Annecy ; Association chrétienne de coordination, d’entraide et de solidarité (ACCES),Mulhouse ; Catred ; Centre Primo Levi – Vivre après la torture ; Collectif Urgence Darfour ; Comité des médecins généralistes pour l’accès aux soins (Comégas) ; Comité médical pour les exilés (Comède) ; Confédération démocratique française du travail (CFDT) ; Créteil solidarité ; Droit et Démocratie ; Emmaüs Solidarité ; Association ESPOIR, Mulhouse ; Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives ; Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) ; Fédération nationale des Maisons des Potes ; Foyer Notre Dame, Strasbourg ; France terre d’asile ; Fondation Abbé Pierre ; Foyer d’accueil Chartrain, Chartres ; France Syrie Démocratie ; Association Mana, Bordeaux; Maavar ; MRAP; Paris Foot Gay ; SOS racisme ; Saint Benoit Labre, Nantes ; Syndicat de médecine générale (SMG) ; Toit du Monde, Poitiers ; Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).
Liste des signataires :

Christine Aubourg, Pdt. d’Accueil Insertion Rencontre ; Omar Benfaid, Secrétaire confédéral de la CFDT; Tarek Ben Hiba, Pdt. de la FTCR ; Pascal Brèthes, Pdt. de Paris Foot Gay ; Michel Brugière, Pdt. du Centre Primo Levi-Vivre après la torture ;  Jean-Pierre Charlier, Pdt. du Foyer d’accueil Chartrain ; Jacqueline Costa-Lascoux, Directrice de recherche honoraire au CNRS; Saïd Darwane, Conseiller national de l’UNSA ; Patrick Denelle, Directeur d’Accueil Insertion Rencontre ; Alexandre Dorna, Professeur des Universités;  Patrick Doutreligne, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre ; Sabrina Goldman, Avocate ; Pierre Henry, DG de France terre d’asile ; François Héran, Directeur de recherche à l’INED ; Yvan Kagan, Secrétaire confédéral de la CFDT ; Smaïn Laacher, Sociologue ; Pascal Lesot, DG d’Althea ; Cécile Lhuillier et Frédéric Navarro, Co-présidents d’Act Up-paris ; Nicole Maestracci, Pdt. de la FNARS ; Jean-Louis Malys, Secrétaire national de la CFDT ; Jacky Mamou, Pdt. du Collectif Urgence Darfour ; Claire Mestre, Membre du CA de l’association MANA ; Eléonore Morel, DG du Centre Primo Levi-Vivre après la torture ; Geneviève Mouillet, Pdt. de l’association ESPOIR ; Olivier Pasquiers, Photographe ; Marc Prévot, Pdt.  d’ Emmaüs Solidarité ; Nicole Questiaux, CA de France terre d’asile; Jacques Ribs, Pdt. de France terre d’asile et de Droit et Démocratie ; Frédéric Tiberghien, CA de France terre d’asile ; Samuel Thomas, Pdt. de la fédération nationale des Maisons des potes ; Bernard Schalscha, Secrétaire général de l’association France Syrie Démocratie ; Patrick Simon, Directeur de recherche à l’INED ; Dominique Sopo, Pdt. de SOS Racisme ; Bruno Spire, Pdt. d’AIDES ; Patrick Viveret, Philosophe et écrivain ; Arnaud Veisse, Directeur du Comède ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS (CERI) ; Marc Wluczka, ancien Directeur de la santé publique de l’OFII; Jean-Robert Yapoudjian, DG d’ACCES ; Breining Antoine, Pdt. de l’Association du Foyer Notre Dame ; Moreau Benoit, Pdt. de Saint Benoit Labre ; Marceau Joseph, DG de Maavar.

Rubelles la vie !

Ça n’est pas si souvent qu’on a de bonnes nouvelles : ne boudons pas notre plaisir !

Vous vous souvenez sans doute de cette lamentable affaire : le maire de Rubelles (Seine et Marne), Jacques Baumann, refusait depuis la rentrée de scolariser 18 enfants d’origine tchétchène, sri-lankaise, ingouche, au motif qu’il n’y avait pas de place dans les écoles de la commune. Ce que démentait l’inspection académique : deux classes d’initiation, destinées aux enfants non francophones, avaient été ouvertes.

Finalement, le 7 mai, le préfet est intervenu pour contraindre le maire à respecter la loi.

Cependant, tous ceux qui avaient soutenu ces familles, notamment RESF, Amnesty International  et la Ligue des droits de l’Homme, au sein du collectif « les enfants de Rubelles », ne sont pas entièrement satisfaits : « il n’y a pas encore à ce jour d’enquête administrative pour déterminer les responsabilités de ceux qui savaient et ont pourtant laissé la situation perdurer presque toute une année scolaire : mairie, préfecture, inspection académique », regrettent-ils.

Parents et élèves, et le collectif des enfants de Rubelles -RESF, LDH77 -Amnesty International Melun- remercient toutes les personnes et associations qui les ont soutenus et proposent une  petite vidéo, où voit que la vraie vie reprend ses droits, intitulée  « Rubelles la vie – les enfants font la fête ».

httpv://www.youtube.com/watch?v=r70IquAZbrg

 

 

 

Le préfet du Finistère s’exprime sur la situation des demandeurs d’asile dans son département

Le Préfet du Finistère s’est exprimé dans Le Télégramme sur la situation des demandeurs d’asile dans son département, qui accueille en ce moment, selon lui 630 personnes. Il déplore la faiblesse de moyens dont il dispose pour faire face à cette situation inédite : «Mon problème, c’est de mettre à l’abri ces personnes dans la précarité sociale. Or, nous n’avions plus de places disponibles. Nous avons donc recherché des hébergements temporaires. Ce n’est pas une politique glorieuse, je le sais, je suis allé vers le moins cher, c’est vrai, mais c’était cela ou les mettre à la rue. Or, je me refuse à régler le problème par la mise à la rue des gens», a-t-il assuré. Il ajoute : «Nous avons pratiquement épuisé, en cette fin de premier semestre, notre budget annuel, qui était de 3,1M€ en 2011, et je me refuse, pour le moment, à puiser dans les moyens du plan hivernal. Nous en avons alerté l’État bien avant le 6mai et sollicité le gouvernement pour des financements supplémentaires».

Le préfet semble montrer beaucoup de bonne volonté et d’humanité dans le traitement de cette situation, et a le courage de reconnaître des erreurs de la part de l’administration. Mais il dit une chose étonnante (dans la légende de la photo qui accompagne l’article) : «Aucune association qui nous critique n’apporte de solution, en dehors d’une association quimpéroise». Est-ce vraiment le rôle des associations d’apporter des solutions ? Celles qui sont habilitées ont vu leurs financements fondre comme neige au soleil. C’est tout de même bien au gouvernement d’élaborer les politiques publiques, et à veiller à leur application !

Cette situation n’est pas propre au Finistère. La section Loudéac centre Bretagne reçoit de plus en plus de demandeurs d’asile envoyés à Loudéac par la préfecture, sans aucun moyen en dehors du logement ; avec tous les problèmes que pose l’éloignement du chef lieu de département : cela multiplie les déplacements à la préfecture pour le suivi des dossiers.

 

La grève des avocats du droit d’asile se poursuit

Le mouvement de grève entamé le 14 mai dernier par les avocats qui plaident devant la cour nationale du droit d’asile (CNDA) a été reconduit, le lundi 21 mai. La Ligue des droits de l’Homme a publié à cette occasion un communiqué de soutien à ce mouvement, qui dénonce les conditions d’exercice du métier d’avocat devant cette cour, ainsi que l’attitude souvent discutable de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Lire l’article du journal La Croix.

Voici le communiqué publié par la Ligue des droits de l’Homme, puis la lettre ouverte des avocats.

Communiqué LDH

Paris, le 21 mai 2012

 Ofpra et CNDA : des institutions aux dépens des demandeurs d’asile ?

Depuis lundi 14 mai 2012, les avocats qui assurent la défense de ces demandeurs auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont en grève. La LDH leur apporte son soutien et exprime le souhait que s’ouvre une discussion au plus haut niveau avec les ministères concernés. Leur mouvement porte à la fois sur les conditions d’exercice de leur métier, notamment l’aide juridictionnelle mais aussi sur les puissants obstacles opposés aux demandeurs dans leur parcours. Ces manœuvres sont anciennes et les tensions qu’elles suscitent ont provoqué, il y a quelques mois déjà une grève du même type, puis l’instauration d’une permanence du Conseil de l’ordre pour tenter de régler les conflits quotidiens entre les avocats et les présidents des audiences, tels les refus de renvois, les mauvaises organisations des audiences, le recours à l’aide juridictionnelle… Mais après une rencontre qui n’a pas abouti en avril, les avocats ont jugé que la gravité de la situation exigeait la reprise de leur mouvement collectif.

La soumission des institutions compétentes au ministère de l’Intérieur chargé de faire appliquer les objectifs chiffrés de la politique de l’immigration réduit gravement les droits de la défense et donc les droits des réfugiés. C’est bien une mise en cause du droit d’asile par  la politique du chiffre à l’œuvre depuis cinq ans tant devant l’Ofpra que devant la CNDA, et dont les conséquences sont extrêmement graves pour les droits des personnes. Le réfugié est aujourd’hui réduit à un justiciable de seconde catégorie, suspect d’être un fraudeur venu en France pour détourner le droit d’asile à des fins purement économiques, alors que sa vulnérabilité commande une attention particulière. Cette politique du chiffre s’est traduite par une baisse inconsidérée du taux de reconnaissance tant à l’Office que devant la Cour et concrètement devant cette dernière par une dégradation du traitement des dossiers des réfugiés et des droits de la défense (non-respect du contradictoire, traitement en masse des dossiers, accélération de la procédure devant la Cour…).

La LDH, avec les avocats auprès de la CNDA, attend l’ouverture de discussions sur :

  • l’aide juridictionnelle, la désignation d’un interprète et d’un avocat dans un délai raisonnable, et une juste rémunération de leur mission ;
  • un double degré effectif de juridiction, pour maintenir l’Ofpra dans sa fonction administrative ;
  • la suppression des procédures prioritaires et par ordonnance, sans audition des demandeurs, hors les cas de forclusion ;
  • la suppression de la liste des pays dits « sûrs » ;
  • le rattachement de l’Ofpra et de la CNDA au ministère de la Justice.

Ci-dessous, la synthèse des avocats intervenant en matière de droit d’asile.

SYNTHÈSE

LETTRE OUVERTE DES AVOCATS INTERVENANT EN MATIÈRE D’ASILE

Ces dernières années ont été marquées par la primauté d’une vision mécanique et chiffrée au mépris d’un traitement apaisé et digne des dossiers de demande d’asile.

Le réfugié est aujourd’hui réduit à un justiciable de seconde catégorie, alors que sa vulnérabilité commande en revanche une attention particulière.

À cette vulnérabilité exceptionnelle s’ajoute une procédure dérogatoire et moins protectrice qu’en droit commun, notamment :

  • Rattachement de l’OFPRA au Ministère de l’Intérieur,
  • absence de double degré de juridiction,
  • délai de recours réduit à un mois,
  • délai de demande d’aide juridictionnelle limité à un mois,
  • désignation tardive des avocats à l’aide juridictionnelle,
  • refus du Bureau d’aide juridictionnelle de désigner un interprète,
  • indemnisations des avocats à l’aide juridictionnelle la plus basse de tous les contentieux…

Certains n’ont pas manqué de chercher à stigmatiser le réfugié qui serait un fraudeur venu en France pour détourner le droit d’asile à des fins purement économiques.

C’est dans cet esprit qu’un arsenal législatif et réglementaire a été déployé puis utilisé de façon abusive, notamment :

  • Inscriptions multiples et injustifiées de nouveaux pays dits sûrs malgré les rappels à l’ordre du Conseil d’Etat, privant les réfugiés d’un accès à la Cour et d’une procédure équitable,
  • multiplication des ordonnances de tri permettant le rejet des dossiers sans l’audition du demandeur ni de son avocat…

Cette politique du chiffre s’est traduite par une baisse inconsidérée du taux de reconnaissance tant à l’Office que devant la Cour et concrètement devant cette dernière par une dégradation du traitement des dossiers des réfugiés et des droits de la défense (non-respect du contradictoire, traitement en masse des dossiers, accélération de la procédure devant la Cour…).

C’est dans ce cadre que s’inscrit le mouvement des avocats qui, depuis le 14 mai 2012, font notamment la grève des audiences devant la Cour Nationale du Droit d’Asile et ont pris contact avec toutes les instances concernées pour que ces mauvaises pratiques cessent et pour que les textes actuellement en discussion mettent fin à ces graves atteintes aux droits de la défense.

Un certain nombre de solutions rapides peuvent être mises en œuvre sans délai par la Cour :

  • Moratoire des ordonnances dites de tri,
  • communication immédiate du dossier dès la constitution de l’avocat,
  • désignation de l’avocat à l’aide juridictionnelle avant l’audiencement et désignation concomitante d’un interprète dans la langue parlée par le requérant,
  • convocation à l’audience reçue par l’avocat et le requérant dans un délai minimum de cinq semaines,
  • contrôle par la Cour de la légalité externe des décisions de l’OFPRA en application de la décision des Sections réunies du 21 février 2012,
  • assistance du réfugié à l’entretien OFPRA par un avocat ou un tiers.

 

Centre de rétention de Rennes Saint-Jacques : paroles de « retenus » et de visiteurs

L'aire de jeux pour enfants du centre de rétention administrative de Rennes Saint-Jacques : quand on vous dit que ça n'est pas inhumain !

Lors des manifestations organisées devant le CRA de Rennes st Jacques, dans le cadre de la campagne « open access now », Annie Clénet, présidente de la section rennaise a rencontré les militants du réseau Welcome. Depuis, elle participe aux actions de ce réseau, en lien avec le MRAP et RESF. À ce titre, elle reçoit les compte-rendus des visites aux « retenus ». Elle a été particulièrement touchée par les récits de Jean, l’un des visiteurs. Pour plus d’informations sur la campagne Open access now, cliquer ici. Concernant le réseau Welcome, cliquer ici.

Par ailleurs :

Après Joël Labbé (sénateur EELV 56) le 26 mars et Nicole Kiil Nielsen (eurodéputée EELV) le 30 mars,  Marcel Rogemont (député PS 35) visitera le CRA de Rennes le lundi 23 avril à 14 h. Cette visite sera suivie d’une conférence de presse devant le CRA à 15 h. Soyez nombreux à soutenir cette intitiative en venant devant le CRA de Rennes lundi 23 avril à partir de 14h !

Figurez-vous que ce sont des gens comme nous ! Avec leurs chagrins, leurs joies, leurs projets (eh oui ! ils ont eux aussi des projets !), leurs amours, leurs chagrins d’amour, leurs soucis de tous les jours… La plupart d’entre eux ont fui un pays où leur vie, et celle de leurs proches étaient menacées. En s’exilant, ils ont renoncé à tout ce qui avait fait leur vie : leur métier, leurs connaissances, leurs biens, leur confort (ça, ce n’était pas souvent !). Arrivés en France, terre des droits de l’Homme, que découvrent-ils ? La haine, les tracas administratifs. Étonnamment, et c’est une bonne nouvelle, il arrive que ce soit leurs « geôliers » qui les rassurent et leur apportent du réconfort. Leurs geôliers ? Des policiers qui n’en peuvent plus de faire le « sale boulot ».  Ils appartiennent à la « Police de l’air et des frontières », corps dont Sihem Souïd a dénoncé le comportement de certains membres, et surtout de certains chefs, à Roissy, ce qui lui avait valu à l’époque d’être suspendue (elle décrit cette affaire dans ses ouvrages « Omerta dans la police » et « La suspendue de la République »). Au CRA de Rennes, on est loin de ces comportements.

Il arrive aussi que le commissaire du gouvernement lui-même, devant l’énormité de la charge, fabriquée de toute pièce par le pouvoir, surprenne tout le monde au tribunal administratif, en se faisant le défenseur du demandeur d’asile injustement enfermé au centre de rétention administrative. Sidéré, l’avocat ne sait quoi ajouter…

Cette action d’observation, menée par Annie et par Jean, rappelle celle menée par les militants de la section LDH de Toulouse, qui, certes dans un autre registre, ont suivi méthodiquement les procédures de comparution immédiate au tribunal correctionnel. Ils ont rassemblé leurs observations, menées de façon très rigoureuses, dans un ouvrage collectif qui vient d’être publié : « Comparutions immédiates : quelle justice ? »

Merci à Jean et Annie, et laissons leur la parole.

NOTES DU CRA

06 avril 2012, notes de Jean.

Ali M. a interrompu sa grève de la faim: «ça ne sert à rien »… Il dort mal malgré les somnifères, s’ennuie. Ali est tendu, stressé, révolté : « les étrangers sont traités comme des esclaves (en France), je ne veux pas demander l’asile ; depuis 11 ans, personne ne m’a aidé ! Si je suis libéré, je pars dans un autre pays, ni en Égypte qui ne m’a pas reconnu, ni en Tunisie dont le consulat ne répond pas… Je ne comprends pas pourquoi les retenus qui ont un passeport ne sont pas renvoyés dans leur pays, ni pourquoi les soudanais attendent 45 jours avant d’être libérés : on veut faire souffrir les étrangers, il n’y a plus de lois… »… Ali est révolté, par moments ne veut plus voir personne, se replie sur son malheur, en silence, laisse entendre que la colère intérieure pourrait éclater : contre lui ou contre qui ? et quand ? Il verra le juge de la liberté et de la détention (JLD) probablement lundi prochain. Il aura besoin de soutien (lundi, je ne suis pas sûr d’être personnellement à Rennes).

11 avril 2012, notes de Jean.

Ce matin, j’ai visité Ali M. qui sortait de la visite médicale : « le médecin me donne des somnifères, mais je ne dors pas, je pense toujours que ces 20 jours supplémentaires au CRA vont me détruire et détruire plein de choses dans ma vie : problèmes de famille, avec mon amie française, problèmes de papiers à aller chercher, d’argent, etc. Ça m’énerve. Demain, je vais au TA, mon avocat a fait appel du fait que la préfecture cherche un laissez-passer auprès de la Tunisie (ndlr, Ali est Égyptien !) : pourquoi la Tunisie ?  »

Ali supporte très mal de ne pouvoir rien faire pour régler tous les problèmes qui l’assaillent, dont surtout celui concernant son projet de mariage avec son amie. Notre entretien est interrompu d’autorité par un policier. Avant et après cette visite, j’ai croisé la fiancée de Karim Z., venue de Quimper pour lui soutenir le moral et lui apporter des cigarettes.

13 avril 2012, notes de Jean.

Ce matin, j’ai rendu visite à Tarek B., jeune Tunisien arrêté près de la gare d’Angers avant-hier Arrivé en France depuis 3 ou 4 mois par l’Italie. A vécu de petits boulots. Tarek qui maîtrise mal la langue française, a demandé un interprète : Ali M. ! D’où deux visites en une seule.

Tarek doit passer devant le J.L.D. lundi, et au consulat de Tunisie le même jour. Il ne veut pas faire de demande d’asile et Ali ne l’y encourage pas.
Ali  va toujours aussi mal, est toujours aussi nerveux ;  il ne dort pas et aurait pris 8 cachets de somnifère d’un coup, sans obtenir le sommeil ! Ali a des « idées noires »’ et pourrait mettre sa vie en danger sur un coup de tête.

Annie : « Suite à ce message, j’ai adressé à Ali, un message de soutien ».

Mes billets de mauvaise humeur !

12 avril

Je suis révoltée ! Révoltée de lire ces tristes messages, de voir cette souffrance. Eux, ce pourrait être moi, toi, nous ….

Cet après-midi, un demandeur d’asile au Tribunal Administratif. Perdu, stressé, égaré…. Heureusement je tiens à souligner l’humanité des policiers présents, de la juge, de la greffière, de l’avocate et de l’interprète. Les policiers ne semblent pas ravis de leur mission.

Heureusement, cela s’est momentanément « bien » terminé, mais le voir repartir avec son pauvre sac et ses maigres affaires dedans…. Lui et sa famille (une épouse et jeunes enfants), vivent avec euros par mois

Vous feriez comment, vous ? Je ferais comment ?

Je suis révoltée, je suis outrée, je suis triste.

La seule action possible, ne pas se résigner, et cheminer aux côtés de nos « frères humains », comme le chante si bien Catherine Ribeiro.

Notre place est auprès d’eux. Notre force doit être au service des plus faibles. C’est ainsi que je conçois une République laïque et démocratique.

13 avril

Au tribunal administratif, toute la journée. Les audiences se sont suivies mais ne se sont hélas pas ressemblé !

Ce matin, le représentant du préfet s’est fait avocat de la famille. Une belle démonstration d’honnêteté et la grande élégance républicaine. Réponse le 27 avril.

  • Cet après-midi, un somalien qui a demandé l’asile politique, que notre État lui refuse sous de multiples prétextes. Retour au CRA, mais peut-être des ouvertures car la CIMADE travaille sur le dossier. Juge des libertés et de la détention lundi.

Puis un ressortissant de la République du Congo. Arrivé de façon régulière en France. Problèmes de santé. Mal orienté il a attendu en vain les infos pour la constitution de son dossier. Retour au CRA mais juge des libertés et de la détention rapidement et une partie de la décision suspendue. Demande d’asile en cours. Ah ! ce petit goût du pouvoir de certains juges !

Toujours émue par la dignité de ces personnes, qui nous remercient d’être là. Mais comment être ailleurs ? Quand on le peut, notre place est à leurs côtés, histoire de leur montrer que la France porte aussi un bonnet phrygien et pas un sceptre déguisé.

  • O., Somalien, de Rennes hébergé, par le DAL, passe au TA à 14h.le 13avril.

Il est né en 1984, arrivé en France en 2011. Sa  femme et ses enfants vivent à Mogadiscio. Son père, son frère et sa sœur ont été exécutés par un clan ennemi ; il fait partie d’un clan minoritaire.

A fui par le Kenya, S’est mutilé pour effacer ses empreintes. C’est ce que l’OFPRA lui reproche. Il ne peut donc déposer sa demande d’asile au motif qu’on ne peut vérifier son identité.  Or son avocate, Maître Le Stratt, affirme qu’il y a d’autres moyens de vérifier sa nationalité en le questionnant sur les particularités de Mogadiscio, sur la langue, etc…

Persiste dans sa demande d’asile politique. N’a plus de nouvelles de sa famille depuis septembre 2011.

Normalement la Somalie, étant un pays en guerre, notre  accueil s’exerce…. Normalement !

  • A. I., République du Congo, arrêté à Angers.

Arrivé par visa de manière régulière. La préfecture ne conteste pas lademande de titre de séjour le 4 avril 2011 pour maladie (préfecture de Caen).

Il s’est rendu plusieurs fois à la préfecture et on lui a demandé d’attendre. Et problèmes de papiers : on ne lui a pas demandé de fournir la saisine du médecin inspecteur santé publique.
Demande d’asile faite lors de son séjour au CRA. Risque de persécutions.

Il est défendu par Me Marie BLANDIN. L’interdiction de séjourner sur le territoire pendant 2 ans est annulée mais pas le reste. Il va directement voir le juge des libertés et de la détention. Son avocate lui conseille de faire un recours de cette décision. Il aurait dû être libéré au vu du dossier.

Policiers très sympas, le soutenant moralement !

Noyade de 63 migrants en Méditerranée : l’armée française coupable de non assistance à personnes en danger ?

Il y a un an, 63 personnes mouraient dans le naufrage d’un bateau transportant des migrants, au large de la Libye. Aujourd’hui, des survivants de cette tragédie et des associations portent plainte contre l’armée française pour non assistance à personnes en danger. La raison de cette plainte ? De nombreux bateaux et avions de la marine française étaient présents sur la zone au moment du drame, et ils avaient forcément reçu les appels de détresse relayés par les Italiens. Un hélicoptère notamment avait survolé le bateau en détresse et lancé des bouteilles d’eau avant de repartir. «La connaissance par les militaires français du bateau en péril est avérée», indique ce projet de plainte. «L’armée française ne pouvait pas ignorer le péril pesant sur cette embarcation et le besoin d’assistance de ses passagers.»

C’est donc la justice qui va maintenant faire la lumière sur cette affaire qui témoigne du mépris porté aux personnes qui cherchent asile et protection.

Lire l’article de Libération.

Voici le communiqué de presse publié par la FIDH, le GISTI et Migreurop :

Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI)
Migreurop

Communiqué de presse conjoint

63 migrants morts en Méditerranée : l’armée française mise en cause pour non-assistance à personne en danger

http://www.fidh.org/63-migrants-morts-en-Mediterranee

 

Paris, le 11 avril 2012 – Un an après la mort de 63 migrants dans un bateau au large de la Libye, des survivants, avec le soutien d’une coalition d’ONG, ont déposé aujourd’hui en France une plainte mettant en cause l’armée française pour non assistance à personne en danger.

Mars 2011, le chaos s’installe en Libye et des milliers d’étrangers sont contraints de fuir le pays pour échapper aux violences. Parmi eux, 72 personnes d’origine éthiopienne, érythréenne, nigérienne, ghanéenne et soudanaise, embarquent dans la nuit du 27 mars à bord d’un zodiac à destination de l’Italie. Quelques heures après leur départ un avion de patrouille français survole leur bateau et le signale aux gardes-côtes italiens. Leur périple se transforme très rapidement en cauchemar. Ils manquent de carburant, de nourriture et d’eau potable et perdent le contrôle de l’embarcation. Par téléphone, ils lancent un S.O.S. reçu par les garde-côtes italiens qui adressent alors des messages de détresse aux bâtiments présents en mer Méditerranée en indiquant leur localisation. Ces appels seront renouvelés toutes les 4 heures pendant 10 jours. Les eaux au large de la Libye sont alors massivement occupées par les forces militaires qui disposent d’équipements sophistiqués. L’embarcation des migrants est survolée à deux reprises par des hélicoptères. L’un d’eux larguera même quelques bouteilles d’eau et biscuits aux passagers avant de repartir. Puis, rien!

Après 9 jours de dérive, alors que de nombreux occupants sont déjà morts, les migrants croisent un navire militaire. Ils signalent leur détresse et montrent les corps des bébés morts. Mais personne ne leur viendra en aide. Le zodiac est rejeté sur les côtes libyennes après 15 jours de dérive. A son bord, seuls 11 survivants, dont 2 meurent peu après le débarquement en Libye. 63 personnes, dont 20 femmes et 3 enfants, ont trouvé la mort faute de secours.

Cette affaire, symbole de l’indifférence de l’Europe envers les réfugiés, est aujourd’hui portée par certains survivants devant la justice pénale française. Aujourd’hui, une plainte contre X a été déposée pour omission de porter secours à personnes en péril devant le Tribunal de grande instance de Paris, dans sa formation spécialisée en matière militaire. Il appartiendra à la justice française de faire la lumière sur la responsabilité de l’armée française qui, engagée en Libye pour protéger les populations civiles, a omis de se porter au secours de ces exilés. Ayant nécessairement reçu les messages de détresse, tout porte à croire que les forces armées françaises ont manqué à leurs obligations internationales et nationales de protéger la vie, tout particulièrement la vie en mer.

Le mépris et l’indifférence réservés aux personnes qui tentent de gagner l’Europe pour sauver leur vie sont intolérables. La Cour européenne des droits de l’Homme l’a récemment affirmé avec force dans un arrêt du 23 février 2012. Nos organisations, qui soutiennent les survivants de cette tragédie, attendent de la justice pénale française qu’elle sanctionne la violation de l’obligation de porter secours à personnes en péril, et considèrent que rien ne peut justifier qu’on laisse impunément mourir en toute connaissance de cause un être humain en détresse.

La coalition regroupe les ONG suivantes : Agenzia Habeshia, Associazione Ricreativa e Culturale Italiana (ARCI), Boat4People, Coordination et initiatives pour réfugiés et immigrés (Ciré), Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Migreurop, Progress Lawyers Network, Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)


Témoignage de Dana Heile Gebre, l’un des 9 survivants de cette tragédie (en anglais)

Lire la plainte : cliquez ici

Lettre de soutien signée par plusieurs ONG et adressée au Procureur : cliquez ici

Lire le rapport d’experts indépendants sur cette affaire (en anglais) : cliquez ici

Demandeurs d’asile : toutes les familles logées

Les cinq familles de demandeurs d’asile de Saint-Brieuc ont pu être logées vendredi après-midi.

Depuis lundi, le collectif contre le racisme et pour la solidarité multipliait les actions, les contacts, pour trouver une solution. Une délégation composée de la Ligue des droits de l’Homme, du Secours catholique et de l’Association de solidarité avec les travailleurs immigrés (ASTI) a été reçue jeudi matin par la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS), mais la rencontre n’a abouti sur aucune solution. Les quatre familles, auxquelles une cinquième s’était jointe (logée 2 nuits à l’accueil d’urgence de Loudéac, où on ne peut pas rester plus de deux nuits)ont dû « camper » dans les locaux de l’ASTI à Saint-Jouan, à Saint-Brieuc.

Une bonne nouvelle jeudi soir : l’évêque de Saint-Brieuc, Denis Moutel, propose d’héberger sept personnes dans une maison appartenant à l’évêché, et la quête faite à l’occasion de Pâques a rapporté plus de 400€, qui ont été versés au collectif au profit des demandeurs d’asile. Jeudi matin, Denis Moutel a participé à la réunion du collectif, pour mettre au point les modalités pratiques. Les contacts se sont multipliés toute la journée, notamment avec les élus de l’agglomération briochine. Ce n’est qu’en fin d’après-midi que la situation s’est débloquée : un logement est mis à disposition à la maison de la Baie, deux appartements par l’organisme HLM Terre et baie, à Balzac. Et tout le monde à participé au déménagement des familles et à leur installation.

Cette victoire, fragile, puisqu’une autres solution devra être trouvée dès mardi pour certaines personnes, est intervenue au bout de 4 jours et 3 nuits de lutte pour la dignité. Par ailleurs, Eric Deschamps a mis un terme à sa grève de la faim.

A lire aussi : Ouest-France, et le Télégramme.