France Terre d’asile s’adresse au président de la République

Après la Ligue des droits de l’Homme, c’est l’association France Terre d’asile vient d’adresser un courrier à François Hollande, président de la République.

Elle lui fait part de ses inquiétudes en ce qui concerne l’attribution au ministère de l’intérieur de la gestion de l’immigration. France Terre d’asile rappelle au président ses déclarations de campagne électorale, et notamment la différence qu’il faisait entre « politique migratoire et politique d’asile » : l’association estime que « le pilotage de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent en effet d’un processus de justice et de solidarité nationale et internationale. Cela ne saurait signifier un quelconque laxisme, une absence de normes. C’est la garantie d’un traitement de dignité et de rigueur ».

Toutes les associations qui s’occupent des étrangers, demandeurs d’asile ou migrants, sont inquiètes de cette situation, et attendent avec impatience des indications claires sur ce que va être la nouvelle politique française dans ces deux domaine : politique migratoire et politique d’asile.

Voici le courrier de France Terre d’asile :

Vendredi, 22 Juin 2012 08:36

Monsieur le Président de la République,

Pendant la campagne présidentielle, vous avez clairement indiqué que l’immigration n’était pas le sujet central ni la préoccupation première de nos compatriotes. Cette stratégie s’est avérée gagnante face à l’instrumentalisation voulue par Nicolas Sarkozy sur ce sujet. Vient maintenant le temps du pouvoir et de la mise en œuvre du changement attendu et désiré par le Peuple français.

Ce changement, les défenseurs des droits de l’homme l’ont appelé de leurs vœux en matière de gouvernance des migrations, à travers leur action déterminée et continue.

Depuis cinq ans, intellectuels, syndicalistes, responsables associatifs, hommes et femmes politiques alors principalement dans l’opposition, nous n’avons cessé de dénoncer, ensemble, la prévalence de l’approche sécuritaire sur la protection des réfugiés et des étrangers malades. Nous avons répété que l’implication du ministère de l’Intérieur dans des domaines qui relèvent d’un accès juste et égalitaire à la procédure d’asile plutôt que du contrôle de l’entrée et séjour des migrants, entretenait la confusion.

Dans la lettre que vous aviez adressée à France terre d’asile au mois d’avril, on pouvait lire sous votre plume : « Je souhaite porter une nouvelle politique migratoire, responsable, fondée sur des règles claires, justes et stables… Vous évoquez la politique d’asile. Je veux souligner la nécessité de protéger et renforcer ce droit fondamental, d’ailleurs garanti par des règles internationales. II est aujourd’hui nécessaire de mettre en œuvre une autre politique de l’asile, détachée de la régulation des flux migratoires, par ailleurs nécessaire, car ne relevant pas de la même logique. »

Partageant pleinement cette sage vision, nous sommes préoccupés de constater que l’attribution de l’ensemble du secteur des migrations est maintenue au ministère de l’Intérieur, comme ce fut le cas durant les cinq années précédentes.

Nous pensons que l’asile doit être distingué de la question migratoire. Le pilotage de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent en effet d’un processus de justice et de solidarité nationale et internationale. Cela ne saurait signifier un quelconque laxisme, une absence de normes. C’est la garantie d’un traitement de dignité et de rigueur.

Par ailleurs, les politiques en faveur de l’intégration ne peuvent davantage relever du ministère de l’Intérieur. La politique linguistique, la refondation du contrat d’accueil et d’intégration sont des problématiques de solidarité et d’égalité qui doivent être portées au niveau local par les ministères normalement compétents sur ces sujets.

Enfin, les politiques de protection de la santé des étrangers atteints de maladie grave doivent désormais relever du ministère de la Santé. Les pressions exercées depuis 2003 par le ministère de l’Intérieur à l’encontre des médecins – incluant les médecins des Agences régionales de santé en charge d’évaluer les critères médicaux fixés par la loi – contreviennent non seulement à l’application sereine du droit au séjour pour raison médicale, mais plus largement aux garanties de protection de la santé pour tous, fixées par notre constitution.

L’espoir que vous incarnez, Monsieur le Président, c’est celui de doter la France d’une politique rénovée et plus respectueuse de la personne dans tous les domaines de la migration.  Le premier pas en ce sens serait de redonner à l’asile et à la protection internationale la place spécifique qu’elles méritent. Il en est de même pour l’intégration et pour la protection des étrangers malades, qui ne relèvent pas d’une logique sécuritaire ni de contrôle des flux. Cette reconnaissance par la mise en place d’une gouvernance appropriée de ces questions, qui relèvent plus de la solidarité que de la sécurité, permettrait de redonner à nos valeurs républicaines, qui ont été bien malmenées ces cinq dernières années, le sens qui fait l’honneur de la France.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très  haute considération.

Liste des associations et organisations signataires :

Accueil Insertion Rencontre, Lille ;  Act-Up ; Aides, Association pour le logement temporaire et l’hébergement d’Alençon (ALTHEA); Association Logement Accueil et Promotion (ALAP), Annecy ; Association chrétienne de coordination, d’entraide et de solidarité (ACCES),Mulhouse ; Catred ; Centre Primo Levi – Vivre après la torture ; Collectif Urgence Darfour ; Comité des médecins généralistes pour l’accès aux soins (Comégas) ; Comité médical pour les exilés (Comède) ; Confédération démocratique française du travail (CFDT) ; Créteil solidarité ; Droit et Démocratie ; Emmaüs Solidarité ; Association ESPOIR, Mulhouse ; Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives ; Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) ; Fédération nationale des Maisons des Potes ; Foyer Notre Dame, Strasbourg ; France terre d’asile ; Fondation Abbé Pierre ; Foyer d’accueil Chartrain, Chartres ; France Syrie Démocratie ; Association Mana, Bordeaux; Maavar ; MRAP; Paris Foot Gay ; SOS racisme ; Saint Benoit Labre, Nantes ; Syndicat de médecine générale (SMG) ; Toit du Monde, Poitiers ; Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).
Liste des signataires :

Christine Aubourg, Pdt. d’Accueil Insertion Rencontre ; Omar Benfaid, Secrétaire confédéral de la CFDT; Tarek Ben Hiba, Pdt. de la FTCR ; Pascal Brèthes, Pdt. de Paris Foot Gay ; Michel Brugière, Pdt. du Centre Primo Levi-Vivre après la torture ;  Jean-Pierre Charlier, Pdt. du Foyer d’accueil Chartrain ; Jacqueline Costa-Lascoux, Directrice de recherche honoraire au CNRS; Saïd Darwane, Conseiller national de l’UNSA ; Patrick Denelle, Directeur d’Accueil Insertion Rencontre ; Alexandre Dorna, Professeur des Universités;  Patrick Doutreligne, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre ; Sabrina Goldman, Avocate ; Pierre Henry, DG de France terre d’asile ; François Héran, Directeur de recherche à l’INED ; Yvan Kagan, Secrétaire confédéral de la CFDT ; Smaïn Laacher, Sociologue ; Pascal Lesot, DG d’Althea ; Cécile Lhuillier et Frédéric Navarro, Co-présidents d’Act Up-paris ; Nicole Maestracci, Pdt. de la FNARS ; Jean-Louis Malys, Secrétaire national de la CFDT ; Jacky Mamou, Pdt. du Collectif Urgence Darfour ; Claire Mestre, Membre du CA de l’association MANA ; Eléonore Morel, DG du Centre Primo Levi-Vivre après la torture ; Geneviève Mouillet, Pdt. de l’association ESPOIR ; Olivier Pasquiers, Photographe ; Marc Prévot, Pdt.  d’ Emmaüs Solidarité ; Nicole Questiaux, CA de France terre d’asile; Jacques Ribs, Pdt. de France terre d’asile et de Droit et Démocratie ; Frédéric Tiberghien, CA de France terre d’asile ; Samuel Thomas, Pdt. de la fédération nationale des Maisons des potes ; Bernard Schalscha, Secrétaire général de l’association France Syrie Démocratie ; Patrick Simon, Directeur de recherche à l’INED ; Dominique Sopo, Pdt. de SOS Racisme ; Bruno Spire, Pdt. d’AIDES ; Patrick Viveret, Philosophe et écrivain ; Arnaud Veisse, Directeur du Comède ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS (CERI) ; Marc Wluczka, ancien Directeur de la santé publique de l’OFII; Jean-Robert Yapoudjian, DG d’ACCES ; Breining Antoine, Pdt. de l’Association du Foyer Notre Dame ; Moreau Benoit, Pdt. de Saint Benoit Labre ; Marceau Joseph, DG de Maavar.