Une pétition de la Ligue des droits de l’Homme pour que la France accueille Edward Snowden

Edward Snowden

Inna Shevchenko, jeune krainienne, chef de file des Femen, a obtenu le statut de réfugiée auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Tous les démocrates et les humanistes s’en réjouissent.

Au même moment, Edward Snowden, jeune Américain qui a dévoilé les pratiques douteuses des services de renseignements américaines (NSA et FBI) qui vont puiser leurs informations dans les sereurs de sociétés informatiques travaillant notamment dans le domaine des communications (Internet). Les amoureux de la démocratie lui doivent beaucoup. Et ce jeune homme est aujourd’hui bloqué en Russie. Il en est réduit à sans doute devoir demander l’asile à Poutine qui a déjà prévenu qu’il privéligierait les reltions avec les USA.

Le ministre de l’Intérieur n’a pas tardé, une fois cette affaire connue, à déclarer, sur France Inter, qu’il n’était pas favorable à ce que la France accueille Edward Snowden.  Il a ensuite publié ce court communiqué :

« La France a reçu, comme beaucoup d’autres pays, par l’intermédiaire de son ambassade à Moscou, une demande d’asile de M. Edward Snowden. Compte tenu des éléments d’analyse juridique et de la situation de l’intéressé, il n’y sera pas donné suite. »

Comme le fait remarquer l’avocat Maître Eolas, sur son blog, la demande d’asile de Snowden n’a pas été refusée : ce n’est d’ailleurs pas le rôle du ministre, c’est le travail de l’OFPRA. La France s’est contentée de ne pas « donner suite » à la demande…  L’article de Maître Eolas éclaire parfaitement la situation.

Résultat : la situation s’enkyste, et les perspectives ne sont pas roses pour Edward Snowden.

Le président de la Ligue des droits de l’Homme avait déjà adressé une lettre ouverte au président de la République pour lui demander que la France accuille Edward Snowden. C’était la veille de la parution du communiqué du ministre de l’intérieur. Et la LDH a déposé une plainte contre X, conjointement avec la Fédération internationale ds Ligues des droits de l’Homme, pour « atteinte aux données personnelles ».  Aujourd’hui, constatant le blocage complet de la situation, la Ligue engage une nouvelle action : elle met en ligne une pétition, dont le texte est reproduit ci-dessous, et dont elle souhaite qu’elle soit signée par le plus grand nombre possible de personnes. On peut la signer à cette adresse : http://www.ldh-france.org/Une-petition-pour-que-la-France.html

Grâce au courage d’Edward Snowden, le monde a appris que la NSA et le FBI disposent d’un accès direct aux serveurs de neuf sociétés américaines exerçant dans le domaine de l’Internet, soit Microsoft (depuis 2007), Yahoo (depuis 2008), Google, Paltalk et Facebook (depuis 2009), Youtube et Skype (depuis 2010), AOL (depuis 2011) et, enfin, Apple (depuis 2012).

« C’est grâce à sa détermination que nous avons pris connaissance de l’espionnage systématique dont faisaient les frais les citoyens et les institutions de l’Union européenne, via le programme Prism. Le président de la République a lui-même dénoncé ces pratiques et exigé qu’elles cessent immédiatement. En revanche, de leur côté, les autorités américaines, ainsi d’ailleurs que les grands acteurs privés directement impliqués, ont multiplié des déclarations qui vont du déni à la banalisation pure et simple d’un système d’écoute généralisé initialement présenté comme exclusivement destiné à lutter contre le terrorisme.

Mais corrélativement à ces déclarations, les lanceurs d’alerte tels que M. Snowden sont arrêtés, poursuivis et susceptibles d’être enfermés dans des conditions dégradantes. Juan Ernesto Mendez, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, a déclaré, concernant le soldat Bradley Manning, soupçonné d’avoir été l’informateur de Wikileaks, qu’il avait subi « un traitement cruel » en étant tenu à l’isolement pendant des mois au cours de sa détention préventive aux Etats-Unis.

Dans ce contexte, M. Snowden est légitime à penser qu’il ne bénéficierait pas d’une justice sereine et équitable sur le territoire des Etats-Unis qu’il a préféré quitter. Il est aujourd’hui demandeur d’asile, comme défenseur des droits et lanceur d’alerte. La France s’honorerait en lui offrant l’accueil qu’il mérite à ce double titre. »

La LDH propose une pétition adressée au président de la République.

Cliquez ici pour signer cette pétition directement en ligne : http://www.ldh-france.org/Une-petition-pour-que-la-France.html

Monsieur le président de la République, je demande qu’Edward Snowden bénéficie du droit d’asile en France

 

 

Prism : plainte contre X de la Ligue des droits de l’Homme et de la FIDH

Communiqué

Paris, le 11 juillet 2013

La FIDH et la LDH déposent plainte pour atteinte aux données personnelles

La FIDH et la LDH ont saisi ce jour Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Paris d’une plainte contre X en raison des faits révélés par Monsieur Edward Snowden.

Agissant tant en raison de leur objet social, qui les conduit à faire sanctionner les atteintes aux libertés individuelles en matière de traitement informatisé, qu’à titre personnel, la FIDH et la LDH ont déposé plainte sur le fondement des articles 323-1, 226-18, 226-1 et 226-2 du Code Pénal.

Ces dispositions concernent l’accès frauduleux à un système informatisé, la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, l’atteinte volontaire à la vie privée et l’utilisation et la conservation d’enregistrements et de documents obtenus par l’atteinte à la vie privée.

Les révélations faites dans la presse par Monsieur Edward Snowden ont permis de dévoiler l’existence d’un programme américain dénommé PRISM (Planning Tool  for Ressource Intégration Synchronization, and Management) collectant des renseignements sur les serveurs de différentes sociétés exerçant dans le domaine de l’Internet (Microsoft, Yahoo, Google, Paltalk, Facebook, Youtube, Skype, AOL et Apple).

Sous couvert de la lutte contre le terrorisme et de la criminalité organisée, ce système d’interception des données privées, qui concerne tout autant les citoyens américains que les associations et individus étrangers, a permis à la NSA et au FBI de collecter des données matérielles hébergées par les serveurs de ces sociétés incluant notamment les historiques de recherches et de connexions effectuées sur le net, le contenu d’emails, de communications audio et vidéo, des fichiers photos, des transferts de documents ainsi que le contenu de conversations en ligne.

L’essence même de ce système – donnant lieu à la surveillance d’un demi-milliard de communications par mois – est, notamment au travers de mots clés, d’appréhender non seulement l’origine d’un message privé mais aussi son destinataire ainsi que son contenu, quel que soit le moyen technique utilisé pour la transmission de ce message.

Cette intrusion sans contrôle dans la vie de chacun constitue un danger considérable pour les libertés individuelles qui doit être enrayé sous peine de voir disparaître l’Etat de droit.

La FIDH et la LDH saisissent donc aujourd’hui la justice française afin qu’une information judiciaire portant sur ces faits soit ouverte.

Lire également ici :  http://www.ldh-france.org/La-FIDH-et-la-LDH-deposent-plainte.html

Sale temps pour les droits de l’Homme en France, ces temps-ci

Edward Snowden

Les droits de l’Homme sont malmenés en France, ces temps-ci. Après le pitoyable incident de l’avion du président bolivien interdit de survol de la France parce qu’on soupçonnait la présence d’Edward Snowden à bord, puis le refus par la France de donner suite à sa demande d’asile (lire ici le passionnant article de Maître Eolas à ce sujet), on a appris que la France elle aussi aime bien intercepter et stocker des communications : voici le communiqué publié par la Ligue des droits de l’Homme à ce sujet :

Dans son édition en date du 5 juillet, le quotidien Le Monde affirme que la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) intercepterait et stockerait la totalité des communications en France et procéderait à un stockage de données sans limite de temps. Si ces informations sont exactes, cette collecte systématique couvrirait les signaux électromagnétiques émis par les ordinateurs en France ainsi que les flux entre les Français et l’étranger. Les courriels, SMS, relevés d’appels téléphoniques, Facebook, Twitter seraient concernés.

Cette base de données serait utilisée par d’autres services, tels la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ou les douanes. Si ces informations devaient s’avérer exactes, nous serions dans une situation de violation flagrante des lois en vigueur.

Dans un contexte marqué par les révélations d’Edward Snowden concernant un système d’écoute global pratiqué par le gouvernement des Etats-Unis, la Ligue des droits de l’Homme estime que les informations du Monde appellent une mise au point convaincante, seule capable de dissiper les inquiétudes et indignations légitimes sur un mésusage d’écoutes systématique violant les libertés et garanties constitutionnelles des citoyens français.

Ensuite, il y a eu le jugement de la cour d’appel de Versailles, le 4 juillet, ordonnant à Mediapart et Le Point de supprimer de leurs sites toute citation des enregistrements effectués par la majordome de Mme Bettencourt. Une décision qui va être totalement inefficace : la mémoire cache de Google permet de retrouver ces enregistrements qui ont par ailleurs été publiés par une multitude de sites et de blogs. Et surtout une décision qui ressemble à s’y méprendre à une censure, au moment où la ministre de la justice dépose un projet de loi qui affirme que « les journalistes doivent pouvoir exercer leur mission sans entraves »…

Sur ce sujet aussi, la Ligue des droits de l’Homme s’est rapidement exprimée, par ce communiqué :

Veut-on revenir aux temps obscurs de la censure ? D’allure baroque, la question doit pourtant être posée après l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, rendu le 4 juillet, qui ordonne à Mediapart et Le Point de supprimer de leurs sites, dans les huit jours, toute citation des enregistrements effectués par le majordome de madame Bettencourt. L’arrêt va jusqu’à interdire qu’ils soient mentionnés.

On se souvient que ce sont ces révélations qui ont été à la source d’une enquête journalistique éclairante sur les rapports entre le monde de l’argent et de la politique. L’arrêt de la cour d’appel, censurant de fait l’information, est un coup porté aux titres de presse Mediapart et Le Point, et à la liberté de la presse d’une façon générale.

Au moment où la ministre de la Justice dépose un projet de loi qui affirme que « les journalistes doivent pouvoir exercer leur mission sans entraves », cette décision est rien moins qu’inquiétante ; au lendemain du refus de la France d’accorder l’asile à Edward Snowden, elle rappelle à quel point la liberté d’informer et d’être informé, en toute liberté, reste fragile.

La Ligue des droits de l’Homme exprime sa solidarité avec Mediapart et Le Point ; elle appelle à une grande vigilance pour défendre la liberté de la presse, facteur incontournable de la démocratie.

Enfin, dans un tout autre domaine, le vieux président « d’honneur » (sic) du front national s’est une nouvelle fois fait remarquer par des propos scandaleux, au sujet des Rroms cette fois-ci. Le MRAP a décidé de le poursuivre en justice ; la Ligue des droits de l’Homme pour sa part « examine le procédure judiciaire la plus appropriée pour faire sanctionner à nouveau Jean-Marie Le Pen. Pendant que le père répand ses idées d’un autre âge, une bonne nouvelle est tombée :  la fille est privée de son immunité parlementaire par le parlement européen, pour, elle aussi, « incitation à la haine raciale » (Article du Monde ici). Voici le communiqué de la LDH concernant le vieux Le Pen :

La Ligue des droits de l’Homme condamne vigoureusement les scandaleux propos tenus à l’encontre des Roms, à Nice, par le président d’honneur du Front national, ayant qualifié leur présence « d’urticante et d’odorante ».

Cette déclaration indigne confirme la réalité de la pensée de ce parti d’extrême droite, qui demeure fondée sur le racisme, la xénophobie et la haine des étrangers.

Un parti qui porte de tels discours doit être combattu avec la plus grande fermeté, sans être dupe des opérations de séduction fallacieuses engagées par ses autres dirigeants.

La Ligue des droits de l’Homme appelle à la plus grande vigilance et à dénoncer les alliances ou convergences envisagées avec ce mouvement anti-républicain, notamment en vue des prochaines élections municipales.

La Ligue des droits de l’Homme examine par ailleurs la procédure judiciaire la plus appropriée pour faire sanctionner à nouveau Jean-Marie Le Pen.

 

La Ligue des droits de l’Homme demande que la France accueille Edward Snowden

Edward Snowden

Edward Snowden, qui a révélé l’immense scandale de l’espionnage exercé par la NSA et le FBI aux dépends des citoyens et des institutions européennes, erre depuis plusieurs jours à la recherche d’un asile le mettant à l’abri de la justice américaine dont il sait qu’elle ne lui assurera pas toutes les garanties d’un procès équitable.

Le président de la République a eu des mots très durs à l’égard des Etats-Unis, lorsque cette information est tombée. Et quelques jours plus tard, on a assisté à ce ridicule épisode de l’avion du président bolivien bloqué parce qu’on supposait qu’E. Snowden était à bord… Et ce matin, jeudi 4 juillet, le ministre de l’intérieur, qui assurément semble se prendre pour le vice-président de la République, indique qu’il n’est pas favorable à ce que la France lui accorde l’asile politique (lire ici l’article du journal Le Monde) !

La Ligue des droits de l’Homme milite depuis longtemps pour que les « lanceurs d’alerte » bénéficient d’une protection juridique. C’est le sens de la lettre ouverte que Pierre Tartakowsky, président de la LDH, vient d’adresser au président de la République. Elle est reproduite ci-dessous.

Paris, le 3 juillet 2013

Monsieur le Président,

La Ligue des droits de l’Homme souhaite attirer votre attention sur la situation de M. Edward Snowden, à qui nous devons les révélations concernant l’existence d’un programme américain collectant des renseignements sur les serveurs de différentes sociétés exerçant dans le domaine de l’Internet.

Grâce au courage de M. Snowden, le monde a appris que la National Security Agency (ci-après « NSA ») et le Federal Bureau of Investigation (ci-après « FBI ») disposent d’un accès direct aux serveurs de neuf sociétés américaines exerçant dans le domaine de l’Internet, soit Microsoft (depuis 2007), Yahoo (depuis 2008), Google, Paltalk et Facebook (depuis 2009), Youtube et Skype (depuis 2010), AOL (depuis 2011) et, enfin, Apple (depuis 2012).

C’est grâce à sa détermination que nous avons appris l’espionnage systématique dont faisaient les frais les citoyens et les institutions de l’Union européenne via le programme Prism.

Vous avez eu à cette occasion des mots forts pour dénoncer ces pratiques et exiger qu’elles cessent immédiatement. De leur côté, les autorités américaines, ainsi d’ailleurs que les grands acteurs privés directement impliqués, ont multiplié des déclarations qui vont du déni à la banalisation pure et simple d’un système d’écoute généralisé initialement présenté comme exclusivement destiné à lutter contre le  terrorisme.

Mais corrélativement à ces déclarations, les lanceurs d’alerte tels que M. Snowden sont incriminés, poursuivis et traités de façon infamante. Juan Ernesto Mendez, rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, a déclaré, concernant le soldat Bradley Manning, soupçonné d’avoir été l’informateur de Wikileaks, qu’il avait subi « un traitement cruel » en étant tenu à l’isolement pendant des mois au cours de sa détention préventive aux Etats-Unis.

Dans ce contexte, M. Snowden est légitime à penser qu’il ne bénéficierait pas d’une justice sereine et équitable sur le territoire des Etats-Unis qu’il a préféré quitter. Il est aujourd’hui demandeur d’asile, comme défenseur des droits et lanceur d’alerte. La France s’honorerait en lui offrant l’accueil qu’il mérite à ce double titre.

C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le Président, d’agir en ce sens en vous remerciant d’avance de l’attention portée à notre démarche et en vous assurant de l’expression de notre haute considération.

Pierre Tartakowsky

Président de la Ligue des droits de l’Homme

 

Lettre ouverte à François Hollande avant sa visite en Tunisie

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, Karim Lahdji, président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et Michel Tubiana, président du Réseau euro – méditerranée viennent de cosigner une lettre ouverte à François Hollande, président de la République, qui doit se rendre en visite officielle en Tunisie les 4 et 5 juillet prochains. Pour les trois associations, cette visite ne doit pas faire l’impasse sur les violations des droits fondamentaux qu’on observe depuis plusieurs mois en Tunisie. Ceci est d’autant plus important que le projet de nouvelle constitution arrive à son terme. Voici, ci-dessous, le texte de cette lettre ouverte.

Monsieur François Hollande

Président de la République française

Transmission par fax et par mail

Lettre ouverte à l’occasion de votre déplacement en Tunisie

les 4 et 5 juillet 2013

Paris, Tunis, le 1er juillet 2013

Monsieur le Président,

L’annonce de votre déplacement en Tunisie, les 4 et 5 juillet prochains n’a pas manqué de soulever des interrogations voire certaines appréhensions au sein de la société civile tunisienne. Dans un contexte où la Tunisie a à nouveau, été ces dernières semaines le théâtre de procédures judiciaires visant à sanctionner l’exercice de libertés fondamentales, la visite du chef de l’État français, l’un des principaux partenaires de la Tunisie, doit être l’occasion d’aborder sans ambages les dossiers les plus sensibles en matière de droits humains sous peine non seulement de passer sous silence les violations et dysfonctionnements constatés mais également de fragiliser le combat des défenseurs qui luttent non sans risque pour une Tunisie respectueuse des droits universels.

Engagée depuis plus de deux ans dans un processus de transition politique, la Tunisie continue de faire face à de nombreux défis. Les travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC) autour de la rédaction de ce qui sera la nouvelle constitution tunisienne connaissent un retard considérable. Les débats au sein de l’ANC ont donné naissance à un projet de constitution dont le contenu, même si certaines améliorations notables ont été constatées, demeure en deçà des attentes en matière de respect des standards internationaux des droits de l’Homme. Cela est particulièrement le cas pour ce qui relève de l’égalité entre les hommes et les femmes, les libertés d’expression, d’information et d’opinion et de l’indépendance de la justice.

Les membres de l’ANC qui ont décidé de consacrer dans le Préambule de la future Constitution l’universalité des droits humains, décision unanimement saluée par les organisations signataires de ce courrier, se doivent également de faire prévaloir les standards internationaux pertinents dans l’intégralité du texte constitutionnel[1]. A ce titre, le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes devrait être constitutionnellement garanti et ne pas se limiter à l’égalité des chances (article 45). Toute limite au principe de  l’égalité laisse la porte ouverte à toutes les discriminations et contrevient à la Convention pour l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes.

Les restrictions prévues dans le projet actuel de constitution à la liberté de pensée, d’expression, d’information et d’édition (articles 30 et 31) devraient également être abandonnées.

Par ailleurs, pour être indépendant le pouvoir judiciaire doit être régulé par une instance elle-même indépendante. La composition du Conseil supérieur de la magistrature telle que prévue dans le projet de texte constitutionnel n’offre pas les garanties nécessaires à une telle indépendance, la disposition pertinente (article 109) devrait dès lors être amendée.

Nous vous appelons dès lors, Monsieur le Président, à relayer auprès des Constituants tunisiens les revendications des organisations de défense des droits de l’Homme, qui aux côtés de nombreuses autres organisations de la société civile tunisienne poursuivent sans relâche leur mobilisation et interpellation des membres de l’ANC. Nous vous demandons d’encourager ces derniers à amender le projet de texte constitutionnel pour qu’une fois adoptée, la Constitution tunisienne soit garante du respect et de la protection des droits humains dans leur universalité et indivisibilité.

Garantir les libertés d’expression, d’opinion et de conscience est d’autant plus essentiel que depuis le début de la transition politique en Tunisie et de façon croissante ces dernières semaines, ces libertés ont été à de nombreuses reprises mises à mal. Des peines de prison ferme, parfois de plusieurs années ont ainsi été prononcées pour sanctionner l’exercice de ces libertés. Le caractère disproportionné de ces peines, voire dans de nombreux cas, le principe même de la condamnation, ont été dénoncés par les organisations de défense des droits de l’Homme[2]. La condamnation du rappeur Weld El 15 à deux ans de prison ferme pour une chanson considérée comme insultant la police (décision dont l’examen en appel à commencer le 25 juin 2013),  la condamnation de trois militantes dont deux Françaises, du mouvement Femen à 4 mois de prison pour « atteinte à la pudeur, aux bonnes mœurs et à l’ordre public » (peine commuée en appel le 26 juin, à 4 mois et un jour de prison avec sursis), tout comme celle prononcée par le tribunal de Mahdia en mars 2012 à 7 ans et demi d’emprisonnement pour « atteinte à la morale, diffamation et trouble à l’ordre public » à l’encontre de deux jeunes qui avaient publié des écrits et des dessins jugés blasphématoires, ne sont que les illustrations les plus symboliques. Les poursuites judiciaires et le maintien en détention de la jeune militante accusée de partager le combat des Femen, Amina Sboui, relèvent au regard des faits qui lui sont reprochés, de l’arbitraire et d’une instrumentalisation de la justice pour servir des aspirations idéologiques.

Indépendant, le pouvoir judiciaire a la responsabilité d’administrer la justice conformément aux engagements pris par l’Etat tunisien au niveau international et dès lors d’appliquer les dispositions des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme. Une justice indépendante est un pilier essentiel d’un Etat démocratique. Les menaces dont a été l’objet à diverses reprises des représentants du pouvoir judiciaire dont la présidente de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Kelthoum Kennou menacée de mort dans une lettre anonyme lui intimant « d’arrêter de promouvoir l’indépendance de la justice »  suscitent de vives inquiétudes[3]. Outre des mesures de protection des magistrats comme cela a pu être le cas pour la juge Kennou, il est attendu des autorités tunisiennes de s’inscrire sans plus de délais, dans un processus de réforme du pouvoir judiciaire qui passe notamment et de façon urgente par la mise en place d’une instance indépendante de régulation du pouvoir judiciaire pour remplacer le Conseil supérieur de la magistrature.

Les menaces et actes de violence y compris à l’encontre d’acteurs de la société civile et de militants politiques se sont multipliés au cours des derniers mois. L’assassinat du leader politique Chokri Belaïd a servi de déclencheur pour une mobilisation forte et coordonnée réunissant plus de deux cents organisations de la société civile et des dizaines de partis politiques pour appeler à mettre fin à cette violence. Diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales afin que toute la lumière soit faite sur les actes de violence perpétrés et pour que les responsables aient à rendre compte devant la justice constitue aujourd’hui une étape fondamentale pour mettre fin à cette situation qui menace le processus de transition en Tunisie et entrave la jouissance de la liberté d’association et du droit au rassemblement pacifique.

Plus généralement et pour ce qui relève des crimes commis lors du soulèvement qui a renversé le régime du président Ben Ali et des crimes du passé, le retard pris dans la mise en place du processus de justice transitionnelle est un autre frein à un processus de transition politique serein.

Enfin, la promotion de l’égalité, la garantie et le respect des droits des femmes doit, plus que jamais, être au cœur des priorités des autorités gouvernementales tunisiennes. En avril 2013, l’Association tunisienne des femmes démocrates dressait en effet un constat préoccupant de la situation des droits des femmes en Tunisie. « Contre toute attente, le contexte actuel, au lieu de favoriser la liberté de chaque individu – hommes et femmes – et au lieu de permettre le vivre ensemble a reconduit et répandu, dans toutes leurs formes, les violences à l’égard des femmes : politique, culturelle, religieuse, sociale et économique »[4]. La notification formelle de la levée des réserves à la CEDAW serait en ce sens, un geste fort de la part des autorités tunisiennes.

Face à ces défis majeurs, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), la Ligue des droits de l’Homme (France) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)  vous demandent instamment d’aborder ces différentes questions avec vos interlocuteurs tunisiens et d’appeler les autorités tunisiennes à prendre, sans plus de délais, les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ces dysfonctionnements et de remettre ainsi, la Tunisie sur la voie de l’instauration d’un système démocratique pleinement respectueux des droits humains.

Nos organisations sollicitent enfin, qu’une rencontre soit organisée avec des représentants de la société civile indépendante, et en particulier les organisations de défense des droits humains à l’occasion de votre déplacement en Tunisie.

Vous remerciant par avance, de l’attention que vous porterez au présent courrier, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Karim Lahidji, Président de la FIDH

Pierre Tartakowsky, Président de la LDH

Michel Tubiana, Président du REMDH

[1]      Voir notamment  les recommandations du Réseau Doustourna portant sur le chapitre concernant les droits et les libertés dans le projet de Constitution rendu public le 1er juin 2013. : http://www.doustourna.org/news/single-news/?tx_ttnews[tt_news]=847&cHash=133e0aa4a21f99dd0cbb9359037b053f

2    Voir notamment, FIDH, « Tunisie : la liberté d’expression derrière les barreaux », 14 juin 2013,http://www.fidh.org/tunisie-la-liberte-d-expression-derriere-les-barreaux-13472

3      Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, « Tunisie : Menaces à l’encontre de la juge tunisienne Kalthoum Kennou », 23 mai 2013, http://www.fidh.org/tunisie-menaces-a-l-encontre-de-la-juge-tunisienne-kalthoum-kennou-13232.

4      ATFD, « Tunisie : Nous femmes tunisiennes, restons debout ! » , avril 2013, http://www.fidh.org/tunisie-nous-femmes-tunisiennes-restons-debout-13204

 

Appel conjoint de l’AEDH et ses membres : « Une journée mondiale des réfugiés … dont l’Union Européenne ne veut toujours pas »

C’était hier, le 20 juin, la journée mondiale des réfugiés. Comme chaque année, les responsables de l’Union européenne y sont allés de leurs déclarations pleines de compassion et d’empathie pour les demandeurs d’asile. L’Association européenne des droits de l’Homme dénonce cette hypocrisie institutionnelle, qui tente de masquer la politique désastreuse menée sciemment par l’Europe contre les demandeurs d’asile. Elle a publié le communiqué suivant.

« Il y a un an, le 20 juin 2012 : « Nos pensées vont plus que jamais vers les millions de femmes, d’enfants et d’hommes qui, partout dans le monde, sont contraints de fuir leur pays d’origine en raison d’une guerre, d’un conflit ou de persécutions. C’est encore une réalité dans le monde d’aujourd’hui », déclaraient conjointement la haute représentante Catherine Ashton et la commissaire européenne chargée des affaires intérieures, Cecilia Malmström. Combien sont-ils à avoir trouvé refuge dans l‘un des États membres de la première puissance commerciale mondiale ? Un peu plus d’1,5 millions ; ce qui représente à peine 3,5% des 42,5 millions des personnes qui, dans le monde, ont été obligées de fuir… Car, depuis plus de 10 ans, les trois-quarts des demandeurs d’asile qui s’adressent à l’Union européenne ne parviennent pas à faire valoir leur requête. Année après année, ils ne sont jamais plus de quelques dizaines de milliers à obtenir un statut protecteur. Et certains États membres estiment que c’est encore trop.

En ce 20 juin 2013, en contrepoint des déclarations officielles d’appel à l’humanité, à la solidarité et à la compassion qui s’expriment dans l’Union européenne, l’AEDH et ses associations membres entendent surtout faire savoir que ladite Union a refusé de donner à sa législation sur l’asile le souffle qui était espéré. Le Parlement européen vient de valider une réforme a minima du RAEC (Régime d’asile européen commun), décevant ainsi quatre années d’attente.

Le contexte international aurait pourtant justifié un geste fort de nos pays. Mais ceux-ci perdurent dans le repli autiste et la névrose obsessionnelle de l’invasion qu’ils avaient exprimés lors des « printemps arabes » en 2011.  En dépit des appels du HCR, ils préfèrent dresser des obstacles à l’arrivée de nombreux réfugiés, notamment de Syrie, et les abandonner ainsi à la merci des dictatures qu’ils fuient.

Une réforme manquée

Nos associations expriment leur très grande colère face à cette réforme manquée.

Bien sûr, quelques aménagements des directives (accueil, procédures, qualification) ont été apportés au « paquet asile ». Ils limiteront (un peu) les inégalités entre le statut de réfugié et la protection subsidiaire ; ils obligeront à  plus d’attention pour les personnes « vulnérables » ; ils intègreront l’orientation sexuelle et l’identité de genre  parmi les motifs de persécution ; ils contraindront les administrations et les autorités responsables de l’asile à traiter les demandes dans un délai de six mois. Mais ce ne sont que des retouches à la marge, qui plus est modulables selon les pays. Leur mise en œuvre n’empêchera pas que, chaque année, plusieurs centaines de milliers d’exilés continueront d’être exclus de la protection qu’ils demandent à nos pays.

En revanche, les mesures les plus significatives, basées sur un réflexe de rejet, ont été maintenues, voire développées. Parce que les États membres semblent n’obéir qu’à une logique d’arithmétique budgétaire simpliste ; parce que le demandeur d’asile est constamment soupçonné de frauder et de mentir.

C’est ainsi que, par exemple, seront conservés les listes nationales de « pays d’origine sûrs », l’asile interne, les procédures accélérées aux frontières, la suspicion de demande « manifestement infondée » qui pourront justifier le placement en rétention des requérants – y compris dans des prisons, y compris des personnes vulnérables, y compris des enfants –  et faciliter leur renvoi expéditif.

Le règlement Dublin II a apporté la preuve de son iniquité, au point d’avoir conduit la Cour européenne des droits de l’Homme à s’opposer au transfert des demandeurs d’asile vers certains pays de l’Union. Et nous savons qu’il continuera d’en être ainsi tant que les systèmes nationaux, les conditions d’accueil et les procédures demeureront beaucoup trop différents. Mais qu’importe, une majorité d’États membres a voulu le maintenir en l’état, sans même l’assortir du mécanisme de suspension temporaire qui aurait été susceptible d’alléger la responsabilité des pays formant la frontière extérieure de l’UE, comme l’avait proposé le Parlement.

Quant au règlement EURODAC, sous prétexte d’une révision technique, il se trouve dévoyé de sa finalité. Au prétexte de la lutte contre le terrorisme et la criminalité, les autorités répressives des États membres et Europol pourront accéder aux fichiers des empreintes, au mépris des impératifs de confidentialité qui devraient être garantis aux demandeurs d’asile.  

L’échec de cette réforme nous le devons, pour l’essentiel, au Conseil. Les États membres n’ont cessé d’y jouer à la politique du moins-disant, espérant se décharger ainsi de leur responsabilité sur leurs voisins. Mais nous regrettons que le Parlement européen n’ait pas su  mieux user de son tout nouveau pouvoir de co-législateur pour imposer une vision ambitieuse du droit d’asile, plus conforme aux engagements souscrits lors de la ratification de la Convention de Genève.

L’enjeu de la transposition

Ce RAEC « nouveau » va maintenant devoir être transposé dans les législations nationales.

Chacune des associations membres de l’AEDH, dans son pays, va s’attacher à défendre un droit d’asile de progrès, aux normes de qualité pleinement respectueuses des droits fondamentaux et de la dignité des demandeurs d’asile et des réfugiés. Elles veilleront aussi à la mise en œuvre de moyens leur permettant de faire valoir ces droits, de bénéficier d’une assistance juridique et, si nécessaire, de moyens de recours effectifs.

Notre volonté est de conduire à la mise en œuvre d’un droit à l’asile pour ces femmes, ces hommes et ces enfants qui demandent protection à nos pays. Nous refusons leur criminalisation. Nous exigeons que soient mises en œuvre des procédures équitables et des normes juridiques élevées et pleinement respectueuses de la Convention de Genève. En somme, nous voulons que l’Union « ouverte et sûre, pleinement attachée au respect des obligations de la Convention de Genève (…) et capable de répondre aux besoins humanitaires sur la base de la solidarité » que nous attendons depuis le Conseil de Tampere, il y a 14 ans, devienne une réalité.

Nous voulons que, tous les jours, les citoyens de l’Union européenne puissent être fiers de leurs institutions européennes parce qu’elles sont solidaires et qu’elles accueillent dignement les réfugiés qui les appellent à l’aide.

Nous voulons que, tous les jours, dans l’Union européenne, chacun se sente réellement solidaire des réfugiés… Comme le 20 juin !

L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l’Homme (FIDH). Pour en savoir plus, consultez le site

www.aedh.eu.

 

Lettre de la société civile au Congrès des États-Unis sur la surveillance Internet et télécommunications

On savait depuis longtemps que les États-Unis se livrent à des écoutes des citoyens de la planète, avec « l’affaire Prism » on touche du doigt les preuves ! Interrogé sur le sujet, le président Obama déclare : « Si vous êtes un citoyen américain, la NSA ne peut pas écouter vos appels et intercepter vos emails, sauf dans le cas où cela découlerait d’une ordonnance individuelle émise par un tribunal. Telles sont les règles existantes. » Et il poursuit : « Mon travail est à la fois de protéger les Américains et leur style de vie, y compris la protection de leur vie privée ». Dommage pour tous les individus qui communiquent à travers la planète !

La LDH a signé et vous invite à signer cette adresse au Congrès américain initiée par un réseau de la société civile sur la gouvernance et les droits de l’Internet, qui prend en compte le sort de tous :

http://bestbits.net/fr/prism-congress/

Maryse Artiguelong, membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme.

Le texte de l’adresse

Nous écrivons en tant que coalition d’organisations de la société civile du monde entier pour exprimer notre sérieuse inquiétude au sujet de révélations concernant la surveillance des communications Internet et téléphone de citoyens US et non-US par le gouvernement des États-Unis. Nous tenons également à exprimer notre profonde préoccupation du fait que les autorités des États-Unis ont pu rendre les données résultant de ces activités de surveillance disponibles pour d’autres États, dont le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada, la Belgique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande [1]. De nombreuses entreprises Internet à portée mondiale basées aux États-Unis semblent également prendre part à ces pratiques [2].

La mise en place de mécanismes de surveillance au cœur de communications numériques mondiales menace gravement les droits humains à l’ère numérique. Ces nouvelles formes de pouvoir décentralisé reflètent des changements fondamentaux dans la structure des systèmes d’information des sociétés modernes [3]. Toute démarche en ce sens doit être analysée lors de débats larges, profonds et transparents. La violation par un gouvernement des droits humains de citoyens, qu’ils soient de leur propre pays ou de l’étranger, est inacceptable. Rendre impossible à un citoyen de communiquer ses opinions sans surveillance par un État étranger, non seulement viole les droits à la vie privée et de la dignité humaine, mais menace également les droits fondamentaux à la liberté de pensée, d’opinion et d’expression et d’association qui sont au centre de toute pratique démocratique. Ces actions sont inacceptables et soulèvent de sérieuses préoccupations au sujet de violations extraterritoriales des droits humains. L’impossibilité pour des citoyens de savoir s’ils sont soumis à une surveillance étrangère, de contester une telle surveillance ou d’exercer des recours est encore plus alarmante [4].

La contradiction entre l’affirmation persistante des droits humains en ligne par le gouvernement des États-Unis et les récentes allégations de ce qui semble être de la surveillance massive, par ce même gouvernement, de citoyens US et non-US est très inquiétante et entraîne des répercussions négatives sur la scène mondiale. Il semble qu’il y ait un mépris flagrant et systématique des droits humains énoncés dans les articles 17 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont les États-Unis sont signataires, ainsi que dans les articles 12 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Gardant à l’esprit que les États-Unis doivent depuis longtemps s’engager dans une discussion sur la façon de mettre à jour et moderniser leur politique afin de s’aligner sur leurs propres documents et principes fondateurs, ce qui arrivera ensuite dans la supervision du législatif et de l’exécutif aux États-Unis aura des conséquences énormes et irréversibles pour la promotion et la protection des droits humains chez tous les peuples du monde.

Il faut aussi noter que le gouvernement des États-Unis a appuyé la résolution 20/8 du Conseil des droits humains des Nations Unies, qui affirme que « les droits dont les personnes jouissent hors ligne doivent également être protégés en ligne, en particulier le droit de toute personne à la liberté d’expression » [5] et, il y a quelques jours, le 10 juin, les États-Unis faisaient partie d’un groupe restreint de pays qui ont rédigé une déclaration interrégionale, qui a souligné à juste titre que « tout traitement de problèmes de sécurité sur Internet doit se faire d’une manière compatible avec les obligations des États au regard du droit international des droits de l’homme et le plein respect des droits de l’homme doit être sauvegardé » [6]. Ce n’était apparemment pas le cas des pratiques récentes du gouvernement des États-Unis. Outre qu’elle représente une violation majeure des droits humains fondamentaux des personnes dans le monde, l’incohérence entre les pratiques et les déclarations publiques des États-Unis sape également la crédibilité morale du pays au sein de la communauté mondiale qui se bat pour les droits humains, tels qu’ils s’appliquent à l’Internet et brise la confiance des consommateurs envers tous les Américains qui fournissent des services mondiaux.

Le 10 juin 2013, de nombreux signataires de cette lettre se sont réunis pour exprimer nos préoccupations au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies [7]. Nous l’avons fait dans le contexte du récent rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Frank La Rue [8]. Ce rapport expose en détails des tendances inquiétantes dans la surveillance étatique des communications qui entraînent de graves conséquences pour l’exercice des droits humains à la vie privée et à la liberté d’opinion et d’expression. Nous notons que les parties prenantes états-uniennes ont également écrit une lettre au Congrès pour exprimer leurs préoccupations au sujet de la conformité du programme national de surveillance en cours avec la loi domestique [9].

Nous sommes également extrêmement déçus que, dans toutes les déclarations concernant les « divulgations » de courrier, les autorités US ont seulement insisté sur le fait qu’il n’y avait pas d’accès au contenu concernant des citoyens US, et que seules les métadonnées ont été recueillies. Il n’y a pas eu un mot sur la question de l’accès à grande échelle aux contenus concernant des citoyens non US, ce qui constitue une violation quasi certaine des droits humains. La focalisation des autorités US sur la différence entre le traitement des citoyens US et non-citoyens sur une question qui se rapporte essentiellement à la violation des droits de l’homme est très problématique. Les droits humains sont universels, et tous les gouvernements doivent s’abstenir de les violer pour toutes les personnes, et pas seulement pour ses citoyens. Nous préconisons fortement que les dispositions juridiques et les pratiques actuelles et à venir prennent en compte ce fait correctement.

Nous demandons donc instamment à l’administration Obama et au Congrès des États-Unis de prendre des mesures immédiates pour démanteler les systèmes existants de surveillance mondiale par l’Internet et les télécommunications et empêcher leur création à l’avenir. Nous demandons en outre à l’administration US, au FBI et au Procureur général d’autoriser les entreprises impliquées ou concernées à publier des statistiques concernant les demandes de renseignements, passées et futures, invoquant la Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), qu’ils ont reçues ou pourront recevoir [10]. Nous appelons en outre le Congrès américain à établir des protections pour les lanceurs d’alertes envers le gouvernement afin de mieux s’assurer que le public soit suffisamment informé sur les abus de pouvoir qui violent les droits fondamentaux des citoyens de tous les pays, États-Unis et les autres [11]. Nous nous joignons également à Human Rights Watch pour demander instamment la création d’un comité indépendant avec pouvoir d’assignation et toutes les garanties de sûreté nécessaires pour examiner les pratiques actuelles et formuler des recommandations afin d’assurer des protections appropriées aux droits à la vie privée, à la liberté d’expression et d’association. Les résultats de ce comité devraient être largement publiées.

Texte en anglais sur le site Best Bits

[1] http://www.ft.com/cms/s/0/d0873f38-d1c5-11e2-9336-00144feab7de.html, https://www.bof.nl/2013/06/11/bits-of-freedom-dutch-spooks-must-stop-use-of-prism/ and http://www.standaard.be/cnt/DMF20130610_063.
[2] Incluant Microsoft, Yahoo, Google, Facebook, PalTalk, AOL, Skype, YouTube et Apple: http://www.washingtonpost.com/investigations/us-intelligence-mining-data-from-nine-us-internet-companies-in-broad-secret-program/2013/06/06/3a0c0da8-cebf-11e2-8845-d970ccb04497_story.html
[3] http://www.state.gov/statecraft/overview/
[4] (A/HRC/23/40)
[5] http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/RES/20/8
[6] http://geneva.usmission.gov/2013/06/10/internet-freedom-5/
[7] http://bestbits.net/prism-nsa
[8] (A/HRC/23/40)
[9] Demandant au gouvernement des États-Unis d’autoriser Google à publier davantage de statistiques concernant les requêtes de sécurité nationale
http://googleblog.blogspot.com/2013/06/asking-us-government-to-allow-google-to.html
[10] https://www.stopwatching.us/
[11] Le texte qui vient d’être publié dont le titre est Principes généraux sur la sécurité nationale et la liberté d’information (les principes de Tshwane) qui concerne les lanceurs d’alerte et la sécurité nationale fournit une référence pertinente à ce sujet :
http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/Global%20Principles%20on%20National%20Security%20and%20the%20Right%20to%20Information%20%28Tshwane%20Principles%29%20-%20June%202013.pdf.

 

 

Association européenne de défense des droits de l’Homme : « Une Europe pour tous les citoyens ! »

L’Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme (AEDH) et ses membres, réunis à Tallinn (Estonie) à l’occasion de l’Assemblée Générale Annuelle de l’AEDH, adoptent la résolution suivante :

Une Europe pour tous les citoyens !

A l’occasion de son assemblée générale réunie à Tallinn le 2 juin 2013, l’AEDH a tenu à examiner des questions sur l’effectivité de la citoyenneté dans l’Union européenne.

En cette année européenne des citoyens, l’AEDH tient à rappeler qu’on ne peut concevoir une Union européenne à 27 et bientôt à 28 réservant la jouissance de  l’ensemble des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels aux seuls titulaires de la nationalité d’un État-membre.

L’Union européenne se construisant avec l’apport de ressortissants de pays tiers, ceuxci doivent évidemment pouvoir en bénéficier sur un pied d’égalité. L’AEDH revendique pour eux la citoyenneté de résidence.

À Tallinn, l’AEDH constate avec consternation que l’Union européenne n’a toujours pas marqué de volonté de résoudre la situation indigne de près de 450 000 apatrides, particulièrement nombreux en Estonie et en Lettonie.

Sans nationalité, sans droits civils et politiques, ces citoyens européens sont privés en conséquence de certains droits sociaux. L’AEDH demande à l’UE d’organiser la ratification par ses États membres de tous les textes et conventions internationales relatives à la réduction des cas d’apatridie, notamment: la convention des Nations Unies de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe de 1997 sur la nationalité.

L’AEDH, dans le contexte de la crise économique, s’inquiète des atteintes aux droits économiques et sociaux dans certains pays, singulièrement dans le sud et dans l’est de l’Union. Notre association tient à rappeler que le respect et la promotion des droits sociaux n’est pas une cause de cette crise, mais reste une solution.

L’Assemblée Générale a décidé de porter un ensemble de revendications pour l’égalité des droits auprès des candidats à l’élection européenne de 2014, le Parlement européen étant la seule institution démocratiquement élue et représentative des citoyens européens.

 

Pour un manifeste antifasciste européen

Un manifeste pour la création d’un mouvement antifasciste européen vient de mettre en ligne une pétition intitulée « Manifeste antifasciste européen ».

La montée du fascisme. en Europe est aujourd’hui un fait, aucun pays n’y échappe, seules diffèrent l’intensité de cette progression, généralement proportionnelle à l’intensité des dégâts causés par la « crise » et les prétendus « remèdes » (qui se résument à une austérité dévastatrice) que proposent les gouvernements et l’Europe.

Ce  manifeste est relayé par le site « Visa » (pour Vigilance Initiatives Syndicales Antifascistes). On peut apporter son soutien en signant le manifeste ici : http://www.manifesteantifascisteeuropeen.fr/, et là : http://antifascismeuropa.org/manifiesto/fr.

Voici le texte de ce manifeste qui, après avoir analysé les causes de cette progression du fascisme, propose des moyens d’action pour l’enrayer.

Soixante-huit ans après la fin de la deuxième guerre mondiale et la défaite du fascisme et du nazisme on assiste presque partout en Europe à la montée de l’extrême droite. Mais, phénomène encore plus inquiétant, on voit se développer à la droite de cette extrême droite  des forces carrément néo-nazies qui, dans certains cas (Grèce, Hongrie,…) s’enracinent dans la société formant des vrais mouvements populaires de masse, radicaux, racistes, ultra-violents et pogromistes dont l’objectif déclaré est la destruction de toute organisation syndicale, politique et culturelle des travailleurs, l’écrasement de toute résistance citoyenne, la négation du droit à la différence et l’extermination – même physique –  des « différents » et des plus faibles.

Comme dans les années 20 et 30, la cause génératrice de cette menace néo-fasciste et d’extrême droite est la profonde crise économique, sociale, politique et aussi éthique et écologique  du capitalisme lequel, prenant prétexte de la crise de la dette, est en train de mener une offensive sans précédent contre le niveau de vie, les libertés et les droits des travailleurs, contre tous ceux d’en bas !   Profitant de la peur des nantis face aux risques d’explosion sociale, ainsi que de la radicalisation des classes moyennes laminées par la crise et les politiques d’austérité draconienne, et du désespoir des chômeurs marginalisés et paupérisés,  l’extrême droite et les forces néo-nazies et néo-fascistes se développent dans toute l’Europe ; ils  acquièrent une influence de masse dans les couches déshéritées  qu’elles tournent systématiquement contre des boucs émissaires traditionnels et nouveaux (les immigrés, les musulmans, les Juifs, les homosexuels, les handicapés,…) ainsi que contre les mouvements sociaux, les organisations de gauche et les syndicats ouvriers.

L’influence et la radicalité de cette extrême droite ne sont pas les mêmes partout en Europe.  Cependant, la généralisation des politiques d’austérité draconienne a comme conséquence que la montée de l’extrême droite soit déjà un phénomène presque général. La conclusion est évidente : Le fait que la montée impétueuse de l’extrême droite et l’émergence d’un néofascisme ultra-violent de masse ne soit plus l’exception à la règle européenne, oblige les antifascistes de ce continent à affronter ce problème à sa juste dimension, c’est-à-dire en tant que problème européen !

Mais, dire ça ne suffit pas, il faut ajouter que la lutte contre l’extrême droite et le néonazisme est d’une  urgence absolue. En effet, dans plusieurs pays européens la menace néofasciste est déjà si directe et immédiate qu’elle transforme la lutte antifasciste en combat de toute première priorité,  dont l’enjeu est la vie ou la mort de la gauche, des organisations ouvrières, des libertés et des droits démocratiques, des valeurs de solidarité et de tolérance, du droit à la différence. Dire qu’on est engagé dans une course de vitesse contre la barbarie raciste et néofasciste correspond désormais à une réalité vérifiée chaque jour dans les rues de nos villes européennes…

Vue la profondeur de la crise, les dimensions des dégâts sociaux qu’elle provoque, l’intensité de la polarisation politique, la détermination et l’agressivité des classes dirigeantes, l’importance des enjeux historiques de l’affrontement en cours et l’ampleur de la montée des forces d’extrême droite il est évident que le combat antifasciste constitue un choix stratégique exigeant un sérieux organisationnel et un investissement politique et militant à long terme. En conséquence, la lutte antifasciste doit être étroitement liée au combat quotidien contre les politiques d’austérité et le système qui les génère.

Pour être efficace et répondre aux attentes de la population, la lutte antifasciste doit être organisée de manière unitaire et démocratique et être le fait des masses populaires elles-mêmes. Pour ce faire, les citoyens et les citoyennes doivent organiser leur lutte antifasciste et leur auto-défense eux-mêmes. En même temps, pour être efficace cette lutte doit être globale, s’opposant à l’extrême droite et au néofascisme sur tous les terrains où se manifeste le poison du racisme et de la de l’homophobie, du chauvinisme et du militarisme, du culte de la violence aveugle et de l’apologie des chambres à gaz et d’Auschwitz. En somme, pour être efficace à long terme, le combat antifasciste doit proposer une autre vision de la société, diamétralement opposée à celle proposée par l’extrême droite : C’est-à-dire, une société fondée sur la solidarité, la tolérance et la fraternité, le refus du machisme, le rejet de l’oppression des femmes et le respect du droit à la différence, l’internationalisme et la protection scrupuleuse de  la nature, la défense des valeurs humanistes et démocratiques.

Ce mouvement antifasciste européen doit être l’héritier des grandes traditions antifascistes de ce continent !  Pour ce faire, il devrait poser les bases d’un mouvement social doté des structures, ayant une activité quotidienne, pénétrant toute la société, organisant les citoyens antifascistes en réseaux selon leurs professions, leurs habitations et leurs sensibilités, menant combat sur tous les fronts des activités humaines et assumant pleinement la tâche de la protection même physique des plus vulnérables de nos concitoyens, des immigrés, des Roma, des minorités nationales, des musulmans, des Juifs ou des homosexuels, de tous ceux et celles qui sont systématiquement victimes du racisme d’État et de la pègre fasciste.

C’est donc parce que le besoin de la mobilisation antifasciste à l’échelle européenne se fait chaque jour plus pressant que nous qui signons ce manifeste, nous appelons à la constitution d’un Mouvement Antifasciste Européen unitaire, démocratique et de masse, capable d’affronter et de vaincre la peste brune qui relève la tête sur notre continent. Nous ferons tout pour que le congrès constitutif de ce Mouvement Antifasciste Européen dont on a tant besoin, se tienne à Athènes au printemps 2013 et soit couplé  d’une grande manifestation antifasciste européenne dans les rues de la capitale grecque.

 Cette fois, l’histoire ne doit pas se répéter !

NO PASARAN !

 

Lettre ouverte aux députés européens : « ne criminalisez pas les demandeurs d’asile ! « 

Le 11 juin prochain, le Parlement européen aura à se prononcer sur les derniers textes à adopter pour une réforme du régime d’asile européen commun (RAEC). Au vu des amendements très marginaux finalement apportés aux différents projets de textes, notre association ne peut que réitérer son opposition à cette réforme. L’AEDH a adressé, le 07 juin, une lettre ouverte aux parlementaires européens afin de les encourager à refuser particulièrement la détention des demandeurs d’asile et l’ouverture des fichiers d’empreintes digitales aux autorités répressives nationales et à Europol.

Nous reproduisons cette lettre ci-dessous, et elle est téléchargeable ici.

Bruxelles, le 07 Juin 2013

Ne criminalisez pas les demandeurs d’asile !

Madame la députée, Monsieur le député,

Le 11 juin prochain, votre Assemblée aura à se prononcer sur les derniers textes à adopter pour une réforme du régime d’asile européen commun.

Dans une « Lettre ouverte » diffusée le 10 décembre dernier, nous vous avions fait savoir toutes les réserves que nous inspiraient les directives sur les procédures et les conditions d’accueil envisagées.

Nous sommes conscients de la résistance que vous avez souvent opposée à la volonté des membres du Conseil. Mais, au vu des amendements très marginaux finalement apportés aux différents projets de textes, notre association ne peut que réitérer son opposition à cette réforme. En effet, elle ne marque pas de réels progrès des droits pour tous les demandeurs d’asile et maintient la majorité d’entre eux dans une position de suspicion de fraude ou d’abus du système d’asile.

L’AEDH, association « européenne », convaincue que l’Union à 27 pourrait être une source de progrès des droits, regrette profondément que régime d’asile européen commun (RAEC) futur ne conduise pas à une conception véritablement « commune » du droit d’asile dans l’UE. Elle déplore que perdure ainsi une inégalité flagrante entre les personnes en recherche de protection, en fonction du pays où leur demande sera examinée.

En tout état de cause, nous vous exhortons à exprimer fortement votre opposition à toutes les formes d’enfermement des demandeurs d’asile, en quelque circonstance que ce soit.

Nous vous demandons également de censurer la réforme du règlement EURODAC qui ouvrirait aux autorités répressives nationales et à Europol l’accès aux fichiers d’empreintes digitales des demandeurs d’asile. Cette pratique serait en contradiction totale avec le principe de respect absolu de la confidentialité garantie aux demandeurs d’asile, afin de ne pas les mettre en danger.

Ces femmes et ces hommes qui espèrent trouver un refuge entre nos frontières ne sont pas des criminels. Ils ont souffert et nous ne saurions nous montrer dignes de la confiance qu’ils nous font, dignes de l’image de défenseur des droits que nous entendons montrer au monde, si notre réponse prend les formes d’une répression qu’ils ont voulu fuir.

Croyez, Madame la députée, Monsieur le député, en la confiance que nous plaçons en votre volonté de continuer à défendre le droit d’asile.

Catherie Theule, vice-présidente

Serve Kollwelter, président.