Contrôles au faciès : « ne pas renoncer à agir ! »

Alors que le ministre de l’intérieur annonce l’abandon du projet de récépissé délivré par les policiers après un contrôle d’identité, de nombreuses voix s’élèvent pour en réclamer au moins l’expérimentation. La Lettre d’information n°87 datée du 2 novembre, publiée par la Ligue des droits de l’Homme y consacre un dossier. Parmi les articles qu’il rassemble, en voici un signé par Xavier Gadrat, secrétaire général du syndicat de la magistrature, et qui appelle à « ne pas renoncer à agir » contre les contrôles au faciès. Par ailleurs, la pétition initiée par la LDH et le collectif « Stop le contrôle au faciès » http://stoplecontroleaufacies.fr/slcaf/ afin de mettre un terme aux contrôles au faciès grâce à la mise en place de la politique du reçu de contrôle d’identitén est toujours d’actualité.
Pour signer la pétition, lettre ouverte au Premier ministre.

Ne pas renoncer à agir !

Déjà en 2001, le Syndicat de la magistrature – dans son ouvrage « Vos papiers ! » – dénonçait la multiplication insupportable des « contrôles d’identité au faciès », ce qui lui valut les foudres des syndicats de police et du ministre de l’intérieur, Daniel Vaillant. Quelque dix années et de nombreuses études plus tard, nul ne peut désormais contester ces abus.

Même le candidat François Hollande en paraissait convaincu en s’engageant, dans son programme, « à lutter contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité » par la mise en place « d’une procédure mieux encadrée, respectueuse des citoyens ». Dès le 1er juin, le Premier ministre annonçait d’ailleurs que bientôt les policiers remettraient un reçu lors des contrôles d’identité, et ce afin de lutter contre toute pratique discriminatoire.

Mais le ministre de l’intérieur, particulièrement soucieux de ménager la susceptibilité des syndicats de police dont certains criaient déjà au « discrédit sur l’honnêteté morale des policiers », manifestait rapidement des velléités d’enterrer cette promesse ce que confirmait son discours du 19 septembre aux cadres de la police et de la gendarmerie. La remise d’un reçu serait ainsi « trop complexe à mettre en place », manifesterait « une défiance » envers les forces de l’ordre et pourrait même être « contraire aux règles sur les fichiers »… Et la fin (officielle) du tutoiement, le rétablissement du numéro de matricule sur les uniformes des agents, voire l’installation de caméras-boutons sur ces mêmes uniformes (!) représenteraient autant d’alternatives « miraculeuses » répondant à l’engagement du Président de la République.

Quant au rapport du défenseur des droits, confirmant la nécessité d’une réforme, il ne semble pas avoir convaincu le gouvernement d’agir …

La question est pourtant trop importante pour la traiter par le mépris et trop sérieuse pour que l’on se satisfasse de simples rappels à la déontologie ou de gadgets vestimentaires !

Il s’agit en effet de mettre fin au dévoiement de cette procédure qui conduit certaines personnes à voir leur identité contrôlée plusieurs fois par semaine (voire par jour !) par les mêmes fonctionnaires de police – probablement amnésiques… Il s’agit de faire cesser des pratiques discriminatoires objectivées notamment par une étude menée en 2009 par des chercheurs du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), étude qui révèle que les personnes perçues comme « arabes » ou « noires » ont 7 ou 10 fois plus de risque d’être contrôlées que celles perçues comme « blanches ».

La disparition de ces pratiques malheureusement banalisées par l’élargissement, sans aucun contrôle, des conditions d’exercice des contrôles d’identité passera nécessairement par leur limitation aux stricts impératifs de lutte contre la délinquance et par un contrôle rigoureux de cet usage.

Cet objectif se satisfait pleinement du champ déjà très large du contrôle d’identité dit « judiciaire » qui suppose l’existence de simples « raisons plausibles de soupçonner » que la personne « a commis ou tenté de commettre une infraction, se prépare à commettre un crime ou un délit, est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ou fait l’objet de recherches ordonnées par l’autorité judiciaire ».

On peut donc sereinement envisager, sans mettre en danger la sécurité de nos concitoyens, la suppression des contrôles dits « administratifs » – permettant le contrôle de toute personne, quel que soit son comportement, pour « prévenir une atteinte à l’ordre public » –, des contrôles sur réquisitions du procureur de la République ainsi que des contrôles dits « Schengen » qui sont, sans conteste, le principal vecteur des pratiques discriminatoires constatées. De fait, ces contrôles ont pour l’essentiel servi la politique de « chasse aux étrangers ».

Leur suppression apparaît seule de nature à en réduire substantiellement le nombre ; elle n’est pour autant pas suffisante : une trace matérielle doit subsister à la suite de chaque contrôle pour s’assurer de leurs motifs objectifs, circonstanciés et se référant aux critères définis par la loi. La délivrance d’un récépissé trouve ici sa place et n’est pas incompatible avec la législation sur les fichiers si l’exemplaire conservé par les forces de l’ordre ne porte pas de données nominatives mais un simple numéro d’identification, comme cela a été suggéré par certaines associations.

N’en déplaise enfin à M. Valls, la mise en œuvre d’un contrôle sur l’activité d’une institution, dans une société démocratique, loin d’être une mesure de défiance insupportable, est de nature à renforcer la confiance des citoyens dans cette institution. Plus certainement, mettre fin à ces pratiques – qui apparaissent comme une des principales causes de la dégradation des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre – pourrait participer au rétablissement d’un indispensable dialogue.

Il est donc plus que temps de sortir de cette situation, contraire aux principes démocratiques, et source d’une profonde révolte : mobilisons-nous !

Xavier Gadrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature

 

Mariage pour tous : quelle créativité à droite !

Photo AFP, Bernard Julien

Le débat provoqué par le projet de loi autorisant le mariage pour tous a au moins un mérite : il déclenche un ras de marée de créativité à droite et à l’extrême droite. Et dans ce débat, la frontière entre les deux est mince.

Commençons par Guillaume Peltier. Lui et son compère Geoffroy Didier sont surnommés dans leur camp « Adolf et Bénito ». Le dit Peltier, créateur de « la droite forte », réussit le tour de force de « démontrer », rien que ça, que ce projet de loi est une atteinte à la laïcité (lire la vidéo à 25mn). Explication : musulmans, juifs et chrétiens, donc les trois religions monotéistes, s’opposent au projet. Donc, si toutes les religions s’y opposent, elles risquent de s’en prendre au mariage civil dans son ensemble, et par conséquent de sombrer dans le communautarisme.

Les amateurs de sauciflar et de gros rouge de riposte laïque ont un point de vue tout aussi intéressant : le 29 octobre, leur site publie un article intitulé « Comment le Mariage gay devient l’allié du jihad et de la haine des femmes ». Et nos braves « laïcards » de venir au secours de la chrétienté : « La question du mariage gay, lancée entre autres pour diviser les Français et diaboliser la culture chrétienne, pourrait devenir un sujet de concorde sur certaines de leurs valeurs fondamentales ». Et ils insistent : « Le mariage gay tel qu’il est présenté, tout comme le PACS, est à la fois et en grande partie pour les mêmes raisons, une démolition du reste de conception chrétienne qui subsistait dans le mariage civil, et, parce qu’il s’appuie sur la théorie du genre, une menace pour les droits des femmes et des enfants à l’intégrité physique ».

L’heure est grave : l’intégrité physique des femmes et des enfants seraient menacés ? Diable !

On continue, toujours avec riposte laïque : « les militants gays revendiquent la légalisation des «mères porteuses » (gestation pour autrui, ou GPA), à « égalité » avec l’accès des couples ou femmes seules ou lesbiennes aux procréations médicalement assistées, PMA, et l’ « égal droit » à se voir attribuer un enfant adoptable ». Sauf que là, camarades, faudrait voir à pas en rajouter. L’appel lancé par un groupe de femmes, avec à leur tête Yvette Roudy, ancienne ministre, dit exactement ceci : « PMA (procréation médicalement assistée) et GPA (gestation pour autrui) ne sont pas le pendant l’une de l’autre, ou, comme certains se plaisent à le dire, la GPA n’est pas une « PMA pour gays ». La GPA n’est pas une forme de procréation médicalement assistée : les lobbies pro-GPA entretiennent cette confusion à dessein. Si l’insémination artificielle et la fécondation in vitro relèvent de la PMA, ce n’est pas le cas de la GPA qui correspond à une véritable industrie de « location des ventres » et de commerce d’ovocytes. La GPA ne donne pas aux femmes la possibilité de disposer de leur corps, mais donne la possibilité aux hommes de disposer du corps des femmes pour satisfaire un « droit à l’enfant » que nous récusons ». N’insistons pas, vous avez compris l’imposture.

Poursuivons cependant avec riposte laïque. Le mariage homosexuel serait « déni de réalité et dérive du principe d’égalité ». C’est aussi le titre d’un article paru sur le site de riposte laïque, paru également le  29 octobre. Pourquoi ? Ben, c’est évident ! La conclusion de l’article l’exprime clairement : « Avec le mariage homo on reste dans la cour de récré. On veut le même ballon que le copain alors qu’on vous en a offert un bien à vous. Corporatisme sexuel et approche fausse de l’égalité sont à la base du désir de mariage homo. Souci d’électoralisme et façon de voter une mesure qui fait diversion, voilà ce qui motive le gouvernement ».  

On passe au dessert. Figurez-vous qu’un groupe de 36 députés UMP lance un appel pour l’organisation d’un référendum sur le mariage pour tous. Et ils le font presqu’au nom de Jean Jaurès : “ Jaurès avait raison : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. », écrivent-ils en introduction.

Le texte, très « soft », mais tout aussi dangereux que les autres, est relayé, notez-le bien, par « novopress », une agence de presse d’extrême droite. Il avance des arguments tels que celui-ci : « par le mariage, l’État n’officialise pas une relation affective de l’ordre de l’intime, ce qui n’est pas de son ressort, mais une institution sociale dont l’intérêt particulier rejoint l’intérêt général, à savoir le renouvellement des générations. » Et il embraye aussitôt sur la possibilité offerte aux couples de même sexe d’adopter des enfants : « l’adoption n’est jamais un droit absolu, mais toujours relatif à l’intérêt de l’enfant. L’adoption ne doit pas avoir d’abord pour objectif de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. » Ce projet de loi, finalement, mettrait en péril « le socle de notre pacte collectif ».

36 députés sur les 83 que compte le groupe UMP à l’assemblée, ont signé ce texte. Ça fait 43,37% : c’est un peu léger. Mais ce ne sont pas n’importe quels députés : on y trouve par exemple Olivier Dassaut, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Patrick Ollier. Et, comme de bien entendu, Marc Le Fur, député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor. On avait jusqu’ici peu entendu, dans ce débat, celui qui avait cosigné un amendement (le 6 juillet 2006) à la loi qui devait créer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (la HALDE), qui affirmait : « (…) En effet, il doit être possible dans le cadre d’un débat démocratique respectueux des croyances religieuses ou engagements philosophiques des uns ou des autres que chacun puisse en toute liberté soutenir son propre point de vue. Par exemple, qu’un chrétien, un juif et un musulman puissent faire valoir l’infériorité morale des comportements homosexuels par rapport à ceux qui fondent le mariage entre un homme et une femme afin de créer une famille au sein de laquelle seront élevés des enfants. » Autrement dit, légaliser l’homophobie…

Monsieur Vingt-Trois, ecclésiastique catholique parisien, a appelé les parlementaires à résister : « Lors de la messe de rentrée des députés et sénateurs, mardi soir, l’archevêque de Paris a confirmé l’opposition frontale de l’Église au mariage homosexuel. Il a demandé aux élus de ne pas suivre les consignes des partis ».

Alors, la prochaine étape, ça sera quoi : on a eu la pédophilie, la polygamie, l’inceste… il reste la zoophilie. Il ne faut jamais désespérer !

Et vivent les deux jeunes femmes qui se sont embrassées devant les manifestants anti « mariage pour tous » à Marseille !

Contrôles d’identité : mobilisation pour le « récépissé »

Prototype d'attestation contrôle d'identité réalisé par le collectif "Stop le contrôle au faciès"

La mobilisation pour la mise en place d’un « récépissé » à remettre par la police à la personne qui vient de subir un contrôle d’identité s’intensifie. Cette mesure, qui semblait acquise, a été abandonnée par le ministre de l’intérieur. Un renoncement qui a bien entendu enchanté certains syndicats de police, à commencer par Alliance Police  nationale : dans un communiqué, ce syndicat déclare « La mise en œuvre d’un récépissé aurait été une stigmatisation supplémentaire des policiers qui œuvrent   quotidiennement au service des citoyens avec professionnalisme, sang-froid et abnégation. Il aurait été inacceptable qu’une telle disposition soit mise en place, laissant sous-entendre que les pseudos contrôles au faciès sont une règle et une méthode de travail appliquée quotidiennement dans la police Nationale ».

Yannick Danio, délégué du syndicat Unité SGP police, dans un débat sur canal +, même s’il est contre le récépissé, est beaucoup plus mesuré et estime que la principale cause des contrôles au faciès, c’est la politique du chiffre mise en place par Sarkozy.

Le 24 septembre dernier, le conseil de Paris a adopté un vœu en faveur de l’expérimentation « d’un dispositif de lutte contre les contrôles discriminants ».

Par ailleurs, Dominique Baudis, défenseur des droits, a organisé, le 8 octobre, un « séminaire international (…) sur les pratiques de police dans d’autres pays ». Il doit rendre public la semaine prochaine les résultats d’une étude qu’il mène depuis le mois de février sur ce sujet, étude dont Manuel Valls avait déclaré qu’il attendrait les conclusions pour prendre sa décision. Les lobbys policiers ont sans doute été plus efficaces.

Les arguments de Manuel Valls pour renoncer à cette mesure ? Il l’estime « beaucoup trop bureaucratique et lourde à gérer » et évoque des « difficultés juridiques » pour la mettre en œuvre. Pour le collectif « Stop le contrôle au faciès », qui regroupe plusieurs associations, « ça ne tient pas ». Outre le fait que le ministre n’a pas attendu le rapport du défenseur des droits, le collectif estime que « L’établissement de ce récépissé ne prend pas plus de temps qu’un procès-verbal. Notre travail de terrain et de concertation avec les associations, les citoyens, les syndicats de police, les magistrats et les élus n’est pas pris en compte ».

A l’intérieur du parti socialiste, des élus et des militants se sont mobilisés pour exiger que le récépissé ne soit pas abandonné, notamment Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis.

Cette affaire n’est donc peut-être pas définitivement enterrée !