Mariage pour tous : quelle créativité à droite !

Photo AFP, Bernard Julien

Le débat provoqué par le projet de loi autorisant le mariage pour tous a au moins un mérite : il déclenche un ras de marée de créativité à droite et à l’extrême droite. Et dans ce débat, la frontière entre les deux est mince.

Commençons par Guillaume Peltier. Lui et son compère Geoffroy Didier sont surnommés dans leur camp « Adolf et Bénito ». Le dit Peltier, créateur de « la droite forte », réussit le tour de force de « démontrer », rien que ça, que ce projet de loi est une atteinte à la laïcité (lire la vidéo à 25mn). Explication : musulmans, juifs et chrétiens, donc les trois religions monotéistes, s’opposent au projet. Donc, si toutes les religions s’y opposent, elles risquent de s’en prendre au mariage civil dans son ensemble, et par conséquent de sombrer dans le communautarisme.

Les amateurs de sauciflar et de gros rouge de riposte laïque ont un point de vue tout aussi intéressant : le 29 octobre, leur site publie un article intitulé « Comment le Mariage gay devient l’allié du jihad et de la haine des femmes ». Et nos braves « laïcards » de venir au secours de la chrétienté : « La question du mariage gay, lancée entre autres pour diviser les Français et diaboliser la culture chrétienne, pourrait devenir un sujet de concorde sur certaines de leurs valeurs fondamentales ». Et ils insistent : « Le mariage gay tel qu’il est présenté, tout comme le PACS, est à la fois et en grande partie pour les mêmes raisons, une démolition du reste de conception chrétienne qui subsistait dans le mariage civil, et, parce qu’il s’appuie sur la théorie du genre, une menace pour les droits des femmes et des enfants à l’intégrité physique ».

L’heure est grave : l’intégrité physique des femmes et des enfants seraient menacés ? Diable !

On continue, toujours avec riposte laïque : « les militants gays revendiquent la légalisation des «mères porteuses » (gestation pour autrui, ou GPA), à « égalité » avec l’accès des couples ou femmes seules ou lesbiennes aux procréations médicalement assistées, PMA, et l’ « égal droit » à se voir attribuer un enfant adoptable ». Sauf que là, camarades, faudrait voir à pas en rajouter. L’appel lancé par un groupe de femmes, avec à leur tête Yvette Roudy, ancienne ministre, dit exactement ceci : « PMA (procréation médicalement assistée) et GPA (gestation pour autrui) ne sont pas le pendant l’une de l’autre, ou, comme certains se plaisent à le dire, la GPA n’est pas une « PMA pour gays ». La GPA n’est pas une forme de procréation médicalement assistée : les lobbies pro-GPA entretiennent cette confusion à dessein. Si l’insémination artificielle et la fécondation in vitro relèvent de la PMA, ce n’est pas le cas de la GPA qui correspond à une véritable industrie de « location des ventres » et de commerce d’ovocytes. La GPA ne donne pas aux femmes la possibilité de disposer de leur corps, mais donne la possibilité aux hommes de disposer du corps des femmes pour satisfaire un « droit à l’enfant » que nous récusons ». N’insistons pas, vous avez compris l’imposture.

Poursuivons cependant avec riposte laïque. Le mariage homosexuel serait « déni de réalité et dérive du principe d’égalité ». C’est aussi le titre d’un article paru sur le site de riposte laïque, paru également le  29 octobre. Pourquoi ? Ben, c’est évident ! La conclusion de l’article l’exprime clairement : « Avec le mariage homo on reste dans la cour de récré. On veut le même ballon que le copain alors qu’on vous en a offert un bien à vous. Corporatisme sexuel et approche fausse de l’égalité sont à la base du désir de mariage homo. Souci d’électoralisme et façon de voter une mesure qui fait diversion, voilà ce qui motive le gouvernement ».  

On passe au dessert. Figurez-vous qu’un groupe de 36 députés UMP lance un appel pour l’organisation d’un référendum sur le mariage pour tous. Et ils le font presqu’au nom de Jean Jaurès : “ Jaurès avait raison : « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots. », écrivent-ils en introduction.

Le texte, très « soft », mais tout aussi dangereux que les autres, est relayé, notez-le bien, par « novopress », une agence de presse d’extrême droite. Il avance des arguments tels que celui-ci : « par le mariage, l’État n’officialise pas une relation affective de l’ordre de l’intime, ce qui n’est pas de son ressort, mais une institution sociale dont l’intérêt particulier rejoint l’intérêt général, à savoir le renouvellement des générations. » Et il embraye aussitôt sur la possibilité offerte aux couples de même sexe d’adopter des enfants : « l’adoption n’est jamais un droit absolu, mais toujours relatif à l’intérêt de l’enfant. L’adoption ne doit pas avoir d’abord pour objectif de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. » Ce projet de loi, finalement, mettrait en péril « le socle de notre pacte collectif ».

36 députés sur les 83 que compte le groupe UMP à l’assemblée, ont signé ce texte. Ça fait 43,37% : c’est un peu léger. Mais ce ne sont pas n’importe quels députés : on y trouve par exemple Olivier Dassaut, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Patrick Ollier. Et, comme de bien entendu, Marc Le Fur, député de la 3ème circonscription des Côtes d’Armor. On avait jusqu’ici peu entendu, dans ce débat, celui qui avait cosigné un amendement (le 6 juillet 2006) à la loi qui devait créer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (la HALDE), qui affirmait : « (…) En effet, il doit être possible dans le cadre d’un débat démocratique respectueux des croyances religieuses ou engagements philosophiques des uns ou des autres que chacun puisse en toute liberté soutenir son propre point de vue. Par exemple, qu’un chrétien, un juif et un musulman puissent faire valoir l’infériorité morale des comportements homosexuels par rapport à ceux qui fondent le mariage entre un homme et une femme afin de créer une famille au sein de laquelle seront élevés des enfants. » Autrement dit, légaliser l’homophobie…

Monsieur Vingt-Trois, ecclésiastique catholique parisien, a appelé les parlementaires à résister : « Lors de la messe de rentrée des députés et sénateurs, mardi soir, l’archevêque de Paris a confirmé l’opposition frontale de l’Église au mariage homosexuel. Il a demandé aux élus de ne pas suivre les consignes des partis ».

Alors, la prochaine étape, ça sera quoi : on a eu la pédophilie, la polygamie, l’inceste… il reste la zoophilie. Il ne faut jamais désespérer !

Et vivent les deux jeunes femmes qui se sont embrassées devant les manifestants anti « mariage pour tous » à Marseille !