Concarneau : planté samedi, l’arbre de la laïcité vandalisé dimanche

Depuis trois ans, le mouvement laïc commémore l’anniversaire de la séparation de l’église et de l’Etat en plantant des arbres de la laïcité le 9 décembre. Un tradition naissante, inspirée des arbres de la liberté qui datent de la révolution française.

C’est ce qu’a fait l’amicale laïque de Concarneau, samedi 10 décembre, en plantant un arbre, square des Filets-bleus. Sur les branches de l’arbre, les participants avaient accroché des textes sur la laïcité.  Et lundi matin, l’arbre a été retrouvé vandalisé, les textes ayant été arrachés. Ce qui réjouit bien entendu les nazillons de Breiz atao, qui titrent sur le site : « Divine surprise à Concarneau » et conclut : « En terre chouanne, il y a encore de l’honneur chez les Concarnois pour ne pas se laisser embrigader d’une façon aussi grossière par des nostalgiques de 1793 ».

Pierre Bleuzen, président de l’Amicale laïque de Concarneau, ne comprend pas ce geste.

Ce vandalisme ridicule apporte une nouvelle preuve de l’actualité de la défense de la laïcité, attaquée de toute part, y compris au sommet de l’Etat. Les gesticulations des catholiques intégristes contre des pièces de théâtre participent de cet acharnement contre ce pilier de la République qu’est la laïcité.

On ne s’étonne donc pas que la Ligue des droits de l’Homme participe à ce combat. Ci-dessous, vous pouvez lire le discours de Michelle Dalloz, présidente de la section LDH « Françoise-Bosser » de Concarneau lu qu’a lu Jean-Paul Guyader pendant la cérémonie. Le site « Laïcité aujourd’hui » vous fait découvrir les textes qui avaient été accrochés à l’arbre.

Fête de la laïcité, samedi 10 décembre 2011, Concarneau

Un temps oubliée, ringardisée, la laïcité se retrouve aujourd’hui propulsée sur le devant de la scène.

Toilettée, relookée, affublée d’adjectifs ( ouverte, plurielle, positive…) qui, loin  d’en rehausser l’éclat  en affaiblissent la portée, elle effectue un « come back » des plus décevants,  devient, en quelque sorte  la valeur à la mode non pour  le meilleur, sinon   rarement, mais si l’on n’y prend pas garde, pour le pire…

De tout côté, y compris  et surtout du côté des plus extrêmes, Front National et Droite dite Populaire, on la revendique, on  la brandit tels le pieu et la gousse d’ail,  à l’encontre de Musulmans systématiquement  identifiés à la forme la plus intégriste de leur religion,  devenus,  en quelque sorte, les vampires des temps modernes.

Respectueuse de la laïcité pour ce qu’elle est, c’est à dire  valeur d’intégration et non de division ou d’exclusion, valeur fondatrice des conditions du vivre ensemble, la Ligue des Droits de l’Homme refuse de se laisser enfermer dans le pseudo débat d’une lutte d’influence entre République et Islam.

Ce qui la préoccupe, c’est,  accompagnant la  montée de la crise,  la poussée de l’intolérance, qui n’est pas le fait de l’Islam exclusivement, on a pu s’en rendre compte récemment :

  • avec la destruction du siège de Charlie Hebdo dont les auteurs ne sont pas ,à ce jour,  identifiés,
  • les obstructions violentes apportées par des intégristes catholiques aux représentations de la pièce de Castellucci dans un Etat où le blasphème n’est , cependant, heureusement pas un délit,
  • les déclarations de Christine Boutin pour que l’enseignement du genre soit retiré des programmes de l’enseignement secondaire, « posant à la fois le problème du statut et de la scientificité des savoirs à l’école et celui de  leur indépendance par rapport à l’appareil d’État » ( Alain Bondeelle).

Atteintes successives à la liberté d’expression et de conscience, replis identitaires, promotion démagogique , à des fins électoralistes, d’une laïcité de combat,… Pour la LDH, ce qui est en cause dans les débats actuels, ce n’est pas la religion- qu’on la prône ou qu’on la rejette, dans un paysage social aujourd’hui fortement sécularisé-, mais la démocratie et en particulier, les tentatives d’empiétement du religieux sur l’espace politique, en réaction à l’abandon progressif par l’Etat, de ses missions sociales.

« L’Etat  n’aurait plus autant  d’argent dans  ce qui pourtant concerne  tous les citoyens : santé publique, école publique, culture de haut niveau pour chacun, logements décents pour tous,énergie et communication accessibles à tous, humanisation des espaces urbains, s’étonnait déjà H. Pena-Ruiz en 2006, avant de conclure :   «  c’est en solidarisant l’affirmation de l’idéal laïque et celle d’un Etat promoteur de la justice sociale qu’on rendra crédible la dimension émancipatrice de la République ».

La question de la laïcité est pour la LDH inséparable de la question de la fragmentation sociale.

C’est pourquoi nous emprunterons aujourd’hui notre conclusion à Jean Jaurès en rappelant que le principe laïque n’ayant pas à être un dogme, mais une dynamique conduisant vers la liberté, il doit être prolongé par l’émancipation sociale.

La question reste de savoir si nous sommes tous prêts, dans un pacte social renouvelé,  à réaffirmer le lien entre République laïque et République sociale.