Dérapage de l’entraîneur des Girondins de Bordeaux à propos des joueurs africains

Additif 17h00 : Willy Sagnol est bien revenu sur « l’affaire » pendant la conférence de presse qu’il a organisée. Et il a clairement exposé ses regrets :

«Si par mon manque de clarté et ma sémantique imparfaite, j’ai pu faire que des personnes se soient senties choquées, humiliées ou blessées, j’en suis désolé», a assuré jeudi Willy Sagnol. «L’interprétation que ces personnes ont pu faire ne reflète en rien la pensée qui était mienne, et surtout mes convictions humanistes», a-t-il insisté, soulignant avoir tenu ses propos dans un cadre «uniquement sportif, et nullement politique, ou sociétal » (source Libération, article compet ici).

Décidément, le monde du football français est éloigné des valeurs humanistes de la République : la déclaration récente, à l’occasion d’une interview, de Willy Sagnol, entraîneur du club « Les Girondins de Bordeaux » en est une nouvelle preuve. Qui arrive avec l’affaire de « quotas » de joueurs noirs que d’aucuns avaient voulu imposer aux clubs ; après cette clause illégale inscrite sur les demandes de licence destinés aux mineurs, et qui leur demandait de justifier la nationalité de leurs parents (lire ici). On pourrait aussi parler des jeunes (souvent très jeunes) footballeurs africains qu’on fait venir en France en leur promettant monts et merveilles, et qu’on abandonne sans scrupules lorsqu’ils sont jugés trop faibles pour la carrière qu’on leur avait promise…

Dans son interview, Willy Sagnol dit exactement ceci : «L’avantage du joueur, je dirai typique africain : il n’est pas cher, généralement prêt au combat, on peut le qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça, c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. Il faut de tout. Il faut des Nordiques aussi. C’est bien les Nordiques, ils ont une bonne mentalité. Une équipe de foot, c’est un mélange. C’est comme la vie, c’est comme la France. Sur un terrain, on a des défenseurs, des attaquants, des milieux, des grands, des rapides, des petits, des techniques. Voilà

L’entraîneur considère que ces joueurs sont de mauvais techniciens, et qu’en outre, ils sont moins intelligents et moins disciplinés que les autres.

On aurait pu penser que le rôle d’un entraîneur d’équipe sportive est aussi de faire régner une bonne ambiance, un bon esprit dans l’équipe dont il a la charge : curieuse méthode.

Il n’y a pas que cela qui est consternant dans cette affaire : il y a aussi l’indulgence incroyable du club et de son président à l’égard de l’entraîneur : quand Thomas Sotto, journaliste d’Europe 1 demande à Jean-Louis Triaud s’il compte demander à l’entraîneur de présenter des excuses, la réponse du président est claire : « mais vous plaisantez ? Ce ne sont que quelques personnes qui demandent cela » (lire ici).

D’après le journal Le Parisien, Signol aurait présenté ses excuses à ses joueurs. Le confirmera-t-il au cours de la conférence de presse qu’il doit donner dans l’après-midi ?

La section bordelaise de la Ligue des droits de l’Homme n’a pas tardé à réagir : elle publié une lettre ouverte qu’elle a adressé à Willy Sagnol, que nous reproduisons ci-dessous.

Carton rouge, M. Sagnol 

Preuve hélas que l’intelligence peut rester aux vestiaires, vous êtes un personnage public apprécié dont on aurait pu attendre que ses propos ne prêtent ainsi le flanc à des clichés à connotation raciste aussi stupides que dangereux, et pour ce fait condamnables,

Que chaque joueur, à l’image de chaque citoyen, ait ses qualités propres, cela ne fait aucun doute et c’est aussi la richesse d’un collectif, d’une société telle que la société française.

Que cela vous conduise à une caricature aussi simpliste sur les présupposées qualités physiques des Africains recrutés à coût réduit et intellectuelles des « nordiques » ne peut qu’alimenter une forme d’idéologie aux relents plus que douteux.

La France n’a pas besoin de cela M. Sagnol. Le sport n’a pas besoin de cela.

Vous êtes suffisamment au fait des actes ou injures commis sur certains stades lors de rencontres pour ne pas avoir à en rajouter, qui plus est sur la place publique.

Vos propos n’honorent ni le sport que vous représentez ni le rôle d’entraineur d’une équipe professionnelle que vous occupez.

Nous refusons quant à nous de rentrer dans une autre forme de caricature. C’est pourquoi M.Sagnol, nous vous demandons solennellement de faire entendre une autre voix, de promouvoir et véhiculer de manière plus positive les enjeux de la diversité et des valeurs collectives dans le monde sportif.

La Ligue des droits de l’Homme de Bordeaux