Nous poursuivons la publication des lettres ouvertes adressées par la Ligue des droits de l’Homme aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Aujourd’hui :
« Quelles police et justice au service des citoyen(ne)s ? »
La Ligue des droits de l’Homme, signataire du Pacte pour les droits et la citoyenneté, s’inquiète des conditions d’utilisation de la police et du fonctionnement de la justice dans notre pays.
Le constat est largement partagé : jamais les rapports n’ont été aussi dégradés entre la police et les populations, entre la justice et les justiciables. Cette situation est en grande partie causée par des conceptions malsaines et inefficaces de l’ordre public, ainsi que par une absence de moyens destinés aux forces de sécurité.
Ainsi, les contrôles d’identité sont souvent l’occasion de comportements discriminatoires de la part des forces de police, et soumettent les personnes à l’arbitraire. La population, singulièrement dans les « quartiers » désignés par le pouvoir politique comme autant de « zones à risques » poussant à un déploiement de violence d’Etat en dehors de toute proportion, a aujourd’hui peur de la police.
Le risque est alors grand de « bavures » policières, qui font rarement l’objet d’une poursuite par citation directe du Parquet, à la différence des autres infractions, générant d’un côté un sentiment d’impunité et, de l’autre, un sentiment d’injustice.
Or, les récentes affaires politico-financières ont démontré jusqu’à la nausée, que le Parquet avait d’étroites relations de dépendance avec l’exécutif. Le résultat en est visible sur la justice des mineurs. Le répressif, sans nier qu’il en faille, l’emporte sur l’éducatif avec une préférence pour les centres fermés pour mineurs.
Dans une inflation législative sécuritaire, les lois préfèrent la sécurité à la garantie des libertés individuelles, telles celles sur la récidive, les étrangers ou sur la rétention de sûreté. Sans oublier que les régimes d’exception créés par les lois antiterroristes renforcent une dérive inégalitaire.
Enfin, conséquence logique, le bilan carcéral est accablant. En 2011, le coefficient d’occupation moyen des prisons est de 122 %, la construction de nouvelles prisons fonctionnant comme un appel à l’augmentation du nombre de détenus.
Pour rompre avec cette situation, la Ligue des droits de l’Homme soutient un certain nombre de propositions qu’elle entend mettre en débat publiquement ; elle souhaite que les candidates et candidats se déterminent sur ces propositions et rendent publics leurs remarques, critiques ou accords.
Huit propositions pour mettre fin à l’arbitraire et libérer la justice :
- La systématisation d’une remise d’attestation de contrôle d’identité, pour rendre « visible » tout comportement de harcèlement policier.
- Le rétablissement d’une police de proximité, dans un esprit de service public, de respect des populations et d’authentiques missions de sécurité.
- L’établissement de procédures strictes et contrôlées d’engagement de la force publique, pour qu’elle soit légitime.
- La suppression du lien entre le pouvoir et le parquet, et l’assurance de l’exercice plein et entier de l’indépendance de la magistrature.
- La fin de la surproduction législative sécuritaire par l’abrogation des lois sur la récidive, la rétention de sûreté et le droit des étrangers.
- La suppression de tous les régimes judiciaires d’exception, parce que nous sommes attachés au principe d’une justice égale pour tous.
- La priorité aux peines alternatives préparant à une réelle réinsertion ; l’enfermement doit rester l’exception pour mettre fin à la surpopulation carcérale.
- Le retour à la justice des enfants, issue de l’esprit de l’ordonnance de 1945, pour revenir à un droit pénal des mineurs privilégiant l’éducatif au répressif.
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