Les mails orduriers et mensongers de l’extrême droite sur les étrangers (entre autres)

L’extrême droite, on le sait, se plaît à avancer masquée. Et elle ne lésine pas sur les moyens.

Un de ses moyens, c’est la diffusion à grande échelle de mails qu’on peut classer en un certain nombre de catégories :

  • Des récits, qui mettent en scène de méchants Arabes et des gentils patrons dont le seul souci est de faire vivre ou revivre une région et des salariés ;
  • Des dénonciations de scandales, en général financiers, qui mettent en cause soit des personnalités politiques (en général députés, sénateurs, députés européens), ou des fonctionnaires travaillant dans ces mêmes administrations (assemblée nationale, sénat, parlement européen) : des salaires incroyables, des avantages colossaux, et bien sûr pratiquement aucun travail à réaliser, et aucun contrôle ;
  • Des dénonciations de dysfonctionnements de la justice, qui aura libéré un assassin, bâclé une enquête pour protéger un notable, quand ce n’est pas indemniser un coupable.
  • Etc…

Un de mes correspondants m’abreuve régulièrement de ce type de mails, et il m’arrive de temps en temps de prendre la peine de les lire : ça en vaut la peine.

Le dernier en date reprend un thème qui est un classique dans ce type de courriel : les étrangers qui viennent bouffer le pain des français et qui font fortune sans avoir besoin de travailler, là où un brave et honnête travailleur français ou bien un courageux, voire héroïque artisan croule sous les impôts, les tracasseries administratives et les normes absurdes.

Le thème de ce courriel, donc, je cite : « Retraite 1 157 EUR pour les étrangers n’ayant même pas travaillé !! ». Les lignes suivantes nuancent l’affirmation : « Toute personne qui débarque en France, sans même jamais y avoir mis les pieds, peut prétendre, si elle a 65 ans, à 709 euros de retraite par mois ou même à 1 157 euros si elle vit en couple ».

Vous ne saviez pas, hein ? Vous ne risquiez pas de le savoir puisque c’est faux. Un étranger qui « débarque en France », s’il n’a pas de visa, doit faire une demande d’asile. Ceci quelque soit son âge. Avant d’être reconnu comme « demandeur d’asile », il faut quelques semaines, le temps de déposer la demande à la préfecture et qu’elle soit enregistrée, d’obtenir un rendez-vous à Pôle Emploi pour se faire domicilier, puis d’ouvrir un compte en banque, d’obtenir une domiciliation postale auprès d’une association agréée etc… Il va falloir également, et ça n’est pas la moindre difficulté, que le demandeur d’asile remplisse un dossier de demande d’asile qui sera examiné par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui devra être accompagné d’un récit détaillé et circonstancié  des raisons de la demande d’asile (avec bien souvent des frais d’interprète élevés, le texte devant être écrit en français). Au bout de deux mois, en général (ça, c’est quand tout se passe bien), le demandeur d’asile reçoit un « récépissé » : c’est un papier qui atteste que son titulaire a bien déposé une demande d’asile, et que, le temps que cette demande soit instruite (en gros deux ans), il est autorisé à séjourner en France, et ne peut pas être expulsé. À ce moment-là, le demandeur d’asile peut recevoir une aide de l’État, « l’allocation temporaire d’attente », ou ATA, d’un montant de 11,20€ par jour et par adulte, soit 336€ pour un mois de 30 jours. S’il a des enfants, il ne touchera pas un centime de plus. Autre protection que lui accorde l’État : l’aide médicale d’État, équivalent, en gros, de la couverture médicale universelle (CMU). Un demandeur d’asile n’a pas le droit de travailler : sa seule ressource sera donc l’ATA, et il devra parfois payer un loyer. A cela il convient d’ajouter les taxes, qui ont été fortement augmentées récemment, sur les différents titres de séjours, et même les demandes de titres (lire ici).

Autre mensonge : « Cette situation est très injuste vis-à-vis des retraités français, qui voient dans le même temps leurs pensions constamment rabotées au fur et à mesure que leurs caisses s’enfoncent dans le rouge » : c’est faux, les caisses de retraite n’interviennent en aucun cas dans le financement de l’ATA ni de l’AME.

Enfin : « Si l’on ajoute à cela que la Cnav verse des pensions à l’étranger sans aucun contrôle, au point que la Cour des comptes dénonce le versement de pensions à des morts, notamment en Algérie (mais sans proposer le moindre remède), on ne peut que constater que notre système de retraites est ouvert à tous vents : prestations injustifiées, fraudes etc.

> > > > > > > > > > > > > > > Il est urgent de se mobiliser pour faire cesser ces graves injustices et défendre nos caisses de retraite. »  (typographie respectée, toujours emphatique, avec différentes polices, différentes casses, des couleurs…). Encore faux, et compliqué. Si la retraite est « exportable », le minimum vieillesse et l’assurance maladie ne le sont pas : ce qui signifie que pour pouvoir profiter de la totalité de ses droits, le vieil étranger en situation régulière est contraint au mieux, de faire des navettes entre son pays d’origine (où est souvent restée sa famille proche) et la France, soit à résider en permanence en France. Et comme beaucoup de ces travailleurs ont été exploités toute leur vie, souvent par des employeurs peu scrupuleux, ils ont fréquemment été employés sans être déclarés : ils n’ont dans ce cas droit qu’au minimum vieillesse, soit, en avril 2012 : 777,17€ par mois pour un célibataire.

Pour mieux berner les naïfs, le courriel propose un lien, où ils pourront trouver la preuve irréfutable de ce qui est affirmé. Sauf que ce lien est un lien mort, qui conduit à la bien connue « erreur 404 » : http://www.immigration.gouv.fr/IMG/pdf/livretaccueil.pdf

Et l’expéditeur de ce courriel invite bien entendu son destinataire à le diffuser largement, ce qui est généralement fait, même par des gens sincères (c’est précisément le cas de mon correspondant), qui se laissent abuser.

C’est ainsi qu’on crée et qu’on entretient le racisme et la xénophobie. C’est exemple n’en est qu’un parmi des dizaines d’autres, tout aussi cousus de mensonges éhontés. Et bien entendu, impossible de remonter jusqu’à l’auteur du courriel… L’extrême droite est habile…

Un site permet de débusquer un certain nombre de ces « hoax » (rumeurs mensongères qui circulent sur le net) : http://www.hoaxbuster.com/