Les tests d’âge osseux pour les mineurs étrangers légalisés

Dès 2005, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) préconisait leur suppression, en souligant leur « inadaptation ». Cet avis succédait à celui de la défenseur des droits de l’époque, allant dans le même sens. Plus récemment, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis du 24 juin 2014 préconisait de « mettre fin aux pratiques actuelles d’évaluation de l’âge » (source : Le Monde).

Les tests osseux, (lire également ici) qui consistent en une radiographie du poignet et de la main, sont utilisés pour déterminer l’âge d’une personne, singulièrement d’un étranger qui demande l’asile et prétend être mineur. Le résultat du test, basé sur les statistiques, est reconnu par l’ensemble du corps médical comme peu fiable, la marge d’erreur se situant entre 1 et 2 ans. Et comme généralement ces tests concluent à la majorité de l’étranger, cela représente autant d’économies, puisque, s’il était mineur, le jeune entrerait de droit dans les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Les conséquences sont donc particulièrement lourdes pour les « mineurs étrangers isolés », arrivés seuls en France après un parcours la plupart du temps dramatique.

Un amendement présenté par les députés Coronado, Molac, Duflot et Mamère, demandait l’interdiction de recourir à ces tests pour déterminer l’âge de ces jeunes : « Art 388-4. – L’évaluation selon la méthode des tests osseux ne peut déterminer la minorité d’un individu. » (source ici).

Dans la nuit du mardi 17 au mercredi 18 novembre, la secrétaire d’Etat chargée de la Famille, de l’Enfance, des Personnes âgées, et de l’Autonomie, auprès de la ministre des Affaires sociales, défendait son projet de loi sur la protection de l’enfance : les tests osseux y sont maintenus. Certes, on s’entoure de précautions. Malheureusement, il ne s’agit pas de précautions scientifiques, mais uniquement de précautions de forme : ils ne pourront être réalisés qu’avec un magistrat, et avec le consentement du jeune (le refus vaudra sans doute aveu de « culpabilité »), l’expert qui lira la radiographie se verra demander de « préciser la marge d’erreur qu’il estime » et « le doute sur un résultat devra profiter au jeune en valorisant une présomption de minorité ». « Protection de l’enfance »…

Le réseau Education sans frontière, qui s’occupe des mineurs étrangers isolés, et qui connaît parfaitement le sujet, a publié un communiqué qui dénonce cette pratique. Le voici :

TESTS D’ÂGE OSSEUX : LA PROCEDURE ROSSIGNOL LEGALISEE

Les événements dramatiques du 13 novembre et leurs suites nous ont dissuadés de commenter immédiatement la décision de l’assemblée nationale d’autoriser l’utilisation des tests d’âge osseux sur les mineurs isolés étrangers. Le gouvernement n’avait pas eu cette décence. L’émotion soulevée par les attentats de Paris et St-Denis ne l’a pas empêché de faire adopter par l’assemblée nationale ce qui s’appelle désormais la procédure Rossignol : le détournement d’un examen médical pour réaliser des économies en jetant des enfants à la rue.

Des amendements présentés par des députés de tous les groupes de gauche, communistes, écologistes, radicaux et socialistes demandaient que soit interdit le recours aux tests d’âge osseux pour attribuer un âge civil aux mineurs isolés étrangers. Ces tests comportent en effet, selon toutes les autorités médicales, scientifiques et éthiques, une marge d’erreur de 18 mois à deux ans qui les rend incapables de déterminer avec un minimum de fiabilité l’âge d’un individu entre 16 et 20 ans. Chacun le sait, Madame Rossignol compris. Mais la volonté de faire des économies au détriment d’une population sans défense (de très jeunes gens puisque mineurs, sans famille et sans relations puisqu’isolés et étrangers de surcroit) et une façon sournoise de s’opposer aux immigrés font qu’on ne s’embarrasse pas de ces détails. Au prétexte d’encadrer ces tests, on les inscrit dans la loi.  Les prétendues garanties introduites dans le texte n’en sont évidemment pas. Le fait que le mineur doive donner son accord pour que ces examens soient pratiqués est une amère plaisanterie : les refuser est systématiquement interprété comme un aveu de mensonge et entraîne la mise à la rue immédiate. La ministre le sait, la ministre s’en fout. Les tests osseux ne peuvent être ordonnés que par un magistrat… ce qui était déjà le cas !

Ils ne peuvent être utilisés qu’en dernier recours, soutient Madame Rossignol. C’est faux, chacun le sait, elle la première. Dans les faits, en dehors de la production de documents d’identité, les tests d’âge osseux sont souvent la première et la seule « preuve » de la majorité d’un jeune. Pour la ministre, quand on n’a pas de réponse adaptée à un problème, il suffit d’avoir recours à une solution qu’on sait fausse et malfaisante !

La solution existe pourtant : que les jeunes soient pris en charge quelques mois avec les moyens d’entrer en relation avec leur pays d’origine pour en faire venir les documents établissant leur identité.

La procédure Rossignol est donc pour le moment entrée dans la loi. Des centaines de gamins vont la subir et en payer très cher les effets : mis à la rue avec leur sac du jour au lendemain puisque déclarés majeurs sans aucun secours. L’Aide sociale à l’enfance les chasse comme majeurs mais le 115 et le SAMU social ne les prennent pas plus en charge car leurs documents d’identité les disent mineurs !

Pour autant, la bataille n’est pas finie. De nouvelles actions destinées à dénoncer la procédure Rossignol seront lancées dans les prochains jours