Pendant la campagne électorale, les atteintes aux droits continuent

Rien n’arrête les tenant de la société de surveillance. L’Assemblée nationale est en « vacance » depuis plusieurs semaines, sera renouvelée en juin, le président de la République sortant n’est pas certain d’être réélu, qu’à cela ne tienne : le 24 avril dernier, un député (devinez de quel parti…), Jacques Myard (Yvelines), consciencieux jusqu’au bout, a déposé une proposition de loi, qui a été enregistrée par la présidence de l’Assemblée (curieusement, M. Myard n’en parle pas sur son blog…). (il est peut-être intéressant de se souvenir que pour M. Myard,  »l’homosexualité est une perversion », et qu’il n’a pas hésité à comparer homosexualité et homophobie : à lire ici).

L’objet de cette proposition de loi ? « limiter les procédures pénales abusives menées par certaines associations ». Un but fort louable en vérité, d’autant plus que M. Myard souligne que ces associations « participent directement au mouvement de judiciarisation de la société, qui déplace le débat public dans les tribunaux, et conduit à une inflation des procédures et à un engorgement des tribunaux ».

Heureusement, ces associations veillent au grain (c’est bien ce que leur reproche M. Myard !). Ainsi, l’association Anticor, qui a débusqué cette nouvelle attaque aux droits, et qui la dénonce dans un article publié sur son blog.  Article dans lequel l’association explique de façon claire et précise les conséquences de ce projet de loi. Elle explique par exemple que : « Avec une telle loi, aucune contradiction citoyenne, comme nous l’avons portée seuls, n’aurait été présente lors du procès Chirac pour équilibrer les débats. »

Ci-dessous, la proposition de loi déposée le 24 avril au bureau de l’Assemblée nationale.

PROPOSITION DE LOI

visant à limiter les procédures pénales abusives menées par certaines associations,

présentée par

M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les articles 2-1 212-2l du code de procédure pénale permettent aux associations de se constituer partie civile dans les procédures pénales visant des crimes ou des délits mentionnés dans leurs statuts. Ces associations ont ainsi toute leur place dans le système judiciaire, notamment par l’assistance aux victimes.

En outre, dans les crimes et délits contre la chose publique, ou les victimes ne sont pas des particuliers mais la société tout entière, les associations vont jusqu’à représenter ou personnifier la victime. Elles ont alors un rôle très important dans le déclenchement de l’action publique, puisqu’elles peuvent se constituer partie civile et déclencher ainsi l’action publique pénale.

Certaines associations se sont ainsi spécialisées dans cette fonction de veille, et ont mis en place des structures professionnelles d’alerte et de poursuites très réactives. Elles sont organisées, ct dotées de moyens importants, souvent par le biais de subventions publiques.

S’agissant de victimes symboliques ou abstraites, ces associations ont ainsi un rôle politique consistant à sensibiliser la société sur des sujets qui font débat, mobiliser les éventuelles victimes physiques, et faire évoluer la jurisprudence. Ainsi les voit-on confisquer l’action publique au profit d’intérêts louables, mais la répétition de leur action aboutit à une véritable instrumentalisation de la justice a des fins politiques, ce qui constitue un réel abus de droit, et est inadmissible. Elles participent directement au mouvement de judiciarisation de la société, qui déplace le débat public dans les tribunaux, et conduit à une inflation des procédures et à un engorgement des tribunaux.

Il convient de rappeler que le déclenchement de l’action pénale appartient normalement au Procureur de la République, dont le rôle est primordial pour discerner les plaintes abusives des plaintes légitimes. Or la plainte avec constitution de partie civile permet de saisir un juge d’instruction malgré le classement sans suite ou la non réponse du Parquet au dépôt d’une plainte simple, et donc de déclencher l’action publique même si le Parquet estime qu’i1 n’y a pas matière à poursuites.

Cette procédure est très protectrice pour la victime qui s’estime ne pas être satisfaite dc la décision du Parquet. L’article 85 du code de procédure pénale va même jusqu’à exonérer les délits de presse ainsi que les fraudes électorales de toute condition de recevabilité du Procureur.

La combinaison des articles 2-1 à 2-21 du code de procédure pénale permet à des associations « plus ou moins politisées » de décider d’enclencher l’acti0n publique sur le même pied que le Procureur. L’institution judiciaire est de ce fait instrumentalisée et détournée de son but qui est de protéger les citoyens. L’action publique est ainsi purement et simplement privatisée.

La présente proposition de loi a donné pour but de limiter la possibilité pour des associations de déclencher l’action publique de façon abusive en leur interdisant de se constituer partie civile sans en avoir au préalable l’aval du Procureur. Le Procureur de la République reprend ainsi l’opportunité des poursuites, mais sa décision de classement sans suite est susceptible de recours auprès du Procureur général dans un premier temps, puis devant la chambre de l’instruction dans un second temps.

Telles sont les raisons de la proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.

 PROPOSITION DE LOI

Article 1er

  1. L’artic1e 85 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
  2. « La constitution de partie civile formée par une association enapplication des articles 2-1 à 2-21 du présent code n’est recevable qu’après l’avis favorable du Procureur de la République.
  3. « En cas de refus, l’association peut demander au Procureur général un nouvel examen de sa plainte. En cas de non réponse ou de classement sans suite par le Procureur général, l’association peut en saisir dans les mêmes conditions la chambre de l’instruction. »

Article 2

  1. L’article 88 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
  2. Lorsque la partie civile a été constituée en application des articles 2-1 a 2-21 du présent code, la consignation ne peut être inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État. Cc montant tient compte des subventions publiques attribuées aux associations visées aux articles 2-1 a 2-21.