Pierre Gattaz s’attaque au sujet de l’épreuve de Sciences économique et sociale du baccalauréat

Pierre Gattaz, nouveau président du Medef, avait annoncé un « medef de combat ». Effectivement, son discours d’investiture n’a pas déçu. Après les âneries habituelles sur l’entreprise dévorée par les charges et le code du travail, il s’en est pris à un sujet qu’on attendait pas : l’enseignement des sciences économiques et sociales. L’Express relate l’attaque :

« Notre pays ne comprend pas les entreprises, notre pays ne les aime pas suffisamment, notre pays les contraint au lieu de les aider, notre pays les taxe au lieu de les alléger, notre pays les accable trop souvent au lieu de les encourager », a déploré Pierre Gattaz. L’homme fait mouche lorsqu’il tire un exemple de sa propre expérience. La plus jeune fille du nouveau patron des patrons a dû montrer lors de son épreuve de sciences économiques et sociales « de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteur de cohésion sociale » ! Une vision très française de l’économie…

 

C’est vrai, quoi : ça ne serait pas plus simple de confier au Medef le soin d’établir les programmes scolaires ?

L’Association des professeurs de sciences économiques et sociales (APSES) a forcément réagi, dans un communiqué que nous a transmis Jean-François Guérin, lui-même enseignant dans cette discipline.

Voici le communiqué de l’APSES.

A peine élu président du MEDEF, Pierre Gattaz, s’en est pris aux Sciences Économiques et Sociales dans son discours d’investiture :

« Aujourd’hui, l’entreprise est toujours incomprise dans notre pays. (…) Ma plus jeune fille vient de passer son Bac (et l’aura je l’espère). Son sujet de Sciences Économiques et Sociales était « Vous montrerez de quelle manière les conflits sociaux peuvent être facteurs de cohésion sociale… » (Rires) Il y a du travail. Comme si, dans notre pays, la cohésion devait nécessairement passer par le conflit contre l’entrepreneur ! Comment au XXIe siècle peut-on encore avoir une vision de ce type, aussi caricaturale, aussi dogmatique, aussi éloignée de la réalité de nos chefs d’entreprises, du terrain, de la croissance, du stress de garder nos emplois en France, de les développer ? »

Cette n-ième attaque idéologique du MEDEF contre l’enseignement et les professeurs de sciences économiques et sociales (SES) ne nous surprend pas : elle n’est que la dernière d’une longue série, et l’importance disproportionnée qu’elle nous accorde serait flatteuse si elle ne témoignait pas d’une inculture inquiétante pour un « partenaire social ».

Passons sur l’erreur logique : dire que les conflits sociaux peuvent être source de cohésion n’implique aucunement qu’ils en soient l’unique source, ni que ce soit toujours le cas. Passons aussi sur l’assimilation entre conflits sociaux et conflits contre l’entrepreneur : emporté par son propre engagement et celui de l’organisation qu’il représente dans les conflits du travail, Pierre Gattaz ne voit pas qu’il y a d’autres objets de conflit. Passons également sur le contresens théorique : visiblement hanté par le spectre de Marx, Monsieur Gattaz semble entendre une exhortation à la lutte des classes dans un sujet qui fait pourtant référence à de tout autres thèses, fort peu révolutionnaires – en l’occurrence, celles de Simmel et Coser, pour qui les conflits tendent au contraire à pacifier la société, dans la mesure où ils offrent un exutoire aux tensions.

Mais que le président du MEDEF ignore – ou feigne d’ignorer – que les conflits sociaux sont susceptibles de déboucher sur des négociations collectives, voilà qui est inquiétant pour l’avenir du dialogue social. Et qu’il attribue les difficultés des entreprises à une discipline scolaire enseignée à 15 % des lycéens, voilà qui est préoccupant pour l’économie française : si c’est là le diagnostic que porte Monsieur Gattaz sur la crise actuelle, et s’il représente réellement les chefs d’entreprises, alors oui, en effet, « il y a du travail », et on peut craindre pour la croissance et l’emploi.

L’APSES demande donc à Monsieur Gattaz, soit de se mêler moins de l’enseignement des sciences économiques et  sociales, les enseignants ayant mieux à faire que défendre leur discipline contre des lobbies qui tentent d’en influencer les contenus et la finalité ; soit de s’en mêler davantage, et de se plonger sérieusement dans l’étude des sciences économiques et sociales : il apprendrait beaucoup de choses utiles à sa fonction, comme elles le sont à la formation citoyenne des lycéens et au développement de leur esprit critique.

 

Gens du voyage : les maires ont vocation à respecter la loi !

Après les insanités d’Estrosi sur les gens du voyage le maire de Guérande démissionne à cause de l’installation de nombreuses caravanes dans sa commune. Ne voulant sans doute pas être en reste, le maire socialiste de Quimper, Bernard Poignant, s’y met aussi (il s’était déjà fait remarquer par son opposition au mariage ouvert aux personnes de même sexe).

Y aurait-il un problème avec ceux qu’on appelle « les gens du voyage » ?

Il y a un problème. Mais ce n’est pas avec eux qu’il y a problème. Eux, ils demandent l’application de la loi. Et la loi prévoit des aires d’accueil adaptées et équipées. Elle prévoit également des aires destinées aux « grands passages » (regroupements importants généralement liés à des événements religieux).

Dans une interview qu’il a accordée au Nouvel Observateur, Laurent El Ghozi, président de la Fédération nationale des associations d’actions solidaires avec les Tziganes et les gens du voyage (FNASAT) rappelle de façon claire et précise quelles sont les obligations des maires en la matière. Et, prenant l’exemple d’Estrosi, montre que ce donneur de leçons ( !) est hors la loi. Rappelant ce que préconise ce qu’Estrosi appelle la « circulaire Valls », parue l’été 2012, et qui est en fait (et ce détail a une grande importance) une circulaire interministérielle, Laurent El Ghozi indique : « Ceux contre lesquels Christian Estrosi part en guerre sont des citoyens français vivant en caravane et voyageant, comme la Constitution et la loi leur donne parfaitement le droit. Ils ont la liberté d’aller et venir, de circuler, de s’arrêter, et les collectivités et les pouvoirs publics (préfet, conseil général, conseil régional et commune) ont l’obligation de leur assurer des conditions de stationnement. »  Et si ces conditions ne sont pas remplies, dans une commune ou un département, la faute en incombe à la collectivité locale et aux services de l’Etat. »

Rappelant que le MRAP a porté plainte contre Estrosi pour  ses propos, et que la Fnasat envisage de saisir le défenseur des droits, Laurent El Ghozi estime qu’on peut lui reprocher de ne pas avoir aménagé une aire de grand passage : « On peut lui reprocher collectivement, en tant que maire de la plus grande ville du département, parlementaire de surcroît, qui ne peut ignorer la loi. S’il n’est pas seul responsable de l’absence d’aire de « grand passage », il est seul responsable, en revanche, de ses propos. En l’occurrence, la situation à Nice a finalement été réglée en 24 heures. C’est bien la preuve que c’est possible. Il faut simplement de la bonne volonté de la part des collectivités territoriales et des services de l’Etat. Mais s’il n’est pas seul responsable de l’absence d’aire de « grand passage », il est seul responsable, en revanche, de ses propos. »

 

 

L’Etat poursuivi par treize victimes de contrôle au faciès

Pour la première fois, l’Etat est poursuivi par des personnes qui estiment avoir été contrôlées abusivement par la police sur la voie publique, en d’autres mots, avoir été victimes de « contrôles au faciès ». Treize personnes au total étaient à la barre, pour dénoncer cette pratique humiliante, qui ressemble parfois à du harcèlement.

Il faut savoir que, d’après une étude menée en 2009 par l’Open society justice initiative avec le centre national de la recherche scientifique, « un Noir a de 3 à 11 fois plus de risques d’être contrôlé qu’un Blanc, et un Maghrébin 2 à 15 fois plus ». Les plaignants ? des étudiants, des salariés, des Noirs, des Arabes, âgés de 18 à 35 ans. Autre caractéristique, qui ajoute de la forces à leur témoignages : ce ne sont pas des militants. Ils ont simplement signalé leur histoire au Collectif contre le contrôle au faciès, qui travaille en relation étroite avec la Ligue des droits de l’Homme, et qui a publié de nombreuses vidéos édifiantes de témoignages de victimes de ces contrôles.

Le ministre de l’Intérieur, ça n’est pas une surprise, est évidemment opposé à la délivrance d’un récépissé à chaque contrôle, ce qui, pour les plaignants et le collectif serait une solution efficace pour lutter contre cette pratique abusive. Ce récépissé est déjà utilisé dans certains pays, à la satisfaction des victimes comme des forces de l’ordre : il permet d’améliorer sensiblement les relations entre les forces de l’ordre et le public.

Le jugement a été mis en délibéré pour le mois de septembre.

Lire aussi :

http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/07/03/l-etat-attaque-en-justice-pour-la-premiere-fois-pour-des-controles-au-facies_3441054_3224.html

http://www.marianne.net/Controle-au-facies-l-Etat-sur-le-banc-des-accuses_a230018.html

Enfin, voici un témoignage publié sur son site par le collectif « Stop le contrôle au faciès ».

Chaque année, nous sommes des dizaines de milliers à subir l’humiliation et la violence des contrôles d’identité abusifs. Perte de temps dans le meilleur des cas, ces contrôles mènent bien trop souvent à des accusations d’outrage et rébellion, à des coups ou à la mort. Derrière ces injustices, un déclencheur : le contrôle au faciès, moyen d’intimidation, pratique discriminatoire qui se fonde uniquement sur l’apparence physique des individus. Ces abus constituent une violation de nos droits les plus fondamentaux et du pacte républicain.
Aujourd’hui, pour la première fois, le Ministère de l’Intérieur doit répondre de ces pratiques devant les tribunaux, dans le cadre des premières actions en justice contre l’État pour contrôles au faciès. A cette audience historique, nous y serons… pour écouter le gouvernement tenter de nous expliquer pourquoi.
Pourquoi un jeune noir a six fois plus de chances d’être contrôlé qu’un jeune blanc ?
Ma dignité vaut-elle moins que celle d’un autre ?
Pourquoi mon sexe me protège-t-il des contrôles d’identité ?
Pourquoi François Hollande qui est censé être le Président de tous les français tolère-t-il que les valeurs républicaines soient bafouées alors qu’il déclarait pendant la campagne présidentielle que la voie qu’il nous proposait était celle de l’espérance en la promesse républicaine ?
Pourquoi ma couleur de peau est-elle moins suspecte qu’une autre ?
Pourquoi tant de morts lors des contrôles d’identité ?
Nos vies valent-elles moins que celle des autres ?
Pourquoi suis-je moins suspecte qu’un autre ?

Mariam, la fillette qui écrit de la poésie sans papiers…

Les  classes de cours élémentaire de l’école Jean-Giono de Lyon ont remporté le prix du concours « écrits pour la fraternité », organisé chaque année par la Ligue des droits de l’Homme, pour un travail collectif poétique intitulé « Des deux côtés de la fenêtre ».

Le thème du concours était cette année « un toit pour toi, un toit pour nous, un toit pour eux ».

C’est Mariam Mamoï, 10, élève d’une des trois classes, qui est allée à Paris avec sa maman recevoir le prix au nom de ses camarades.

Les problèmes de logement, Mariam les a connus : ses parents sont sans papiers. Ils ont fui l’Azerbaïdjan en 1992 pour l’Ukraine et la Russie d’où ils ont été expulsés, et la famille est arrivée en France le 1er septembre 2010. Sa demande d’asile puis sa demande de titre de séjour ont été tour à tour refusés… Mariam, son frère Atar et leurs parents ont été logés en CADA (centre d’accueil pour demandeurs d’asile), ont ensuite connu la rue, avant de trouver un bungalow, puis de retourner à la rue… Leur histoire dramatique est racontée par le Réseau éducation sans frontière sur son blog http://blogs.mediapart.fr/blog/resf/300613/mariam-10-ans-enfant-de-sans-papiers-prix-de-poesie-de-la-ldh. Allez la lire !

Pour qu’Arsen et Daphné vivent ensemble sans la crainte d’une expulsion, signez la pétition !

L’association Les amoureux au ban public attire aujourd’hui l’attention sur la situation absurde, et surtout dramatique, d’un couple qui risque d’être brisé par des règlements scandaleux. Elle vient de publier un communiqué (ci-dessous) et a mis une pétition en ligne pour tenter de sauver le couple d’Arsen et Daphné (http://www.amoureuxauban.net/fr/2013/06/25/petition-arsen/).

À Montluçon, Arsen a été interpellé à son domicile en vue d’être expulsé alors qu’il peut, de plein droit, prétendre à la délivrance d’un titre de séjour. L’administration s’obstine à mettre à exécution une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) prononcée 11 mois plus tôt par le Préfet de l’Allier, alors qu’Arsen est désormais inexpulsable.

Le 20 juin 2013, 06h00 du matin. Arsen, arménien, et Daphné, française, sont réveillés par deux agents de police qui se présentent à leur domicile. Arsen est interpellé et immédiatement conduit à l’aéroport de Paris Orly en vue de la mise à exécution d’une OQTF prononcée 11 mois plus tôt. Un vol pour Erevan est prévu à 13h15, dans lequel Arsen refuse d’embarquer. Les policiers reprennent la route, sourds aux questions d’Arsen qui n’a aucune idée d l’endroit où ils l’emmènent. Arsen est finalement reconduit chez lui dans la soirée après avoir passé toute une journée menotté, sans avoir pu ni se désaltérer, ni se nourrir.

Assigné à résidence, il s’enfuit et se cache pour échapper à l’expulsion

Ne renonçant pas à son expulsion, le Préfet de l’Allier a décidé le jour même de prolonger l’assignation à résidence d’Arsen au domicile conjugal pour une durée de 45 jours. Cette mesure d’assignation qui avait été prononcée le 2 mai 2013, impose à Arsen de se présenter tous les jours au commissariat, règle à laquelle il s’est plié pendant près d’un mois et demi.

Pour échapper à une expulsion programmée, Daphné et Arsen décident le 21 juin qu’il doit s’enfuir du domicile conjugal et se cacher.

Arsen dispose d’un droit au séjour au France et son éloignement du territoire français est désormais illégal

En tant que conjoint de français, Arsen doit notamment présenter les justificatifs de six mois de vie commune pour pouvoir déposer une demande de titre de séjour, en application de l’article L.211-2-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et des Demandeurs d’Asile (CESEDA). (Cf. encadré)

Dès le surlendemain de leur mariage, célébré le 12 juin 2012, et sur les conseils de la sous-préfecture, Arsen envoie sa demande par courrier : trop tôt pour obtenir un titre de séjour.

Le 02 juillet 2012, le Préfet de l’Allier rejette donc la demande de titre de séjour et prononce à son encontre une OQTF.

Depuis le mois de décembre 2012, Arsen remplit toutes les conditions pour obtenir un titre de séjour en France. Ce droit au séjour le rend inexpulsable du territoire français. La mise à exécution de l’OQTF prononcée le 2 juillet 2012 serait donc désormais totalement illégale.

Daphné et Arsen, choqués par l’interpellation du 20 juin dernier, par la tentative d’embarquement et découragés par le prolongement de l’assignation à résidence, ont décidé de vivre séparés, sans savoir combien de temps cette situation pourrait durer.

Comme l’illustre la situation d’Arsen et de Daphné, les conditions restrictives posées pour l’accès au séjour des étrangers conjoints de français, et la complexité des règles applicables sont incompatibles avec les exigences du droit au respect de la vie privée et familiale, droit garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Imposer notamment aux étrangers mariés à des citoyen-nes français-es un délai de six mois de vie commune sur le territoire français avant de pouvoir formuler une demande de titre de séjour, revient à l’inviter à rester en situation irrégulière pendant plusieurs mois et peut conduire à l’expulsion de conjoints de français ayant la malchance d’être interpellés avant d’avoir atteint ce délai…

Les amoureux au ban public interpellent le préfet de l’Allier afin que l’abrogation de l’OQTF visant Arsen soit prononcée dans les meilleurs délais et qu’il soit remis à l’intéressé le titre de séjour auquel il a droit.

Ils demandent en outre au ministère de l’Intérieur :

– la régularisation des conjoints de français, sans attendre un délai de six mois de vie commune.

– l’arrêt de l’éloignement des étrangers mariés, pacsés ou en concubinage notoire avec un(e) ressortissant(e) français(e).

 

Il faut sauver l’Institut pour la jeunesse et l’éducation populaire !

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, a publié, le 21 juin, dans le journal Libération, une tribune de soutien à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire qui est en ce moment gravement menacé dans son existence même. Un blog a été ouvert pour relayer cette lutte pour le maintien d’un organisme dont les spécialistes de la jeunesse et de l’éducation populaire estime qu’il doit poursuivre son travail. Une pétition de soutien a également été mise en ligne à partir du texte de P. Tartakowsky.

« Si la jeunesse est prioritaire, regardons-la en face »

A l’heure où 23% des jeunes sont en situation de pauvreté, où près de 20% d’entre eux sont touchés par le chômage, où l’âge du premier CDI est autour de 27 ans, et que les inégalités entre jeunes se creusent, le gouvernement s’apprête à officialiser le démantèlement du seul établissement public spécialisé sur ces questions, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP, par ailleurs déjà fragilisé en 2009 par la RGPP). Malgré un discours qui se voudrait rassurant, la réaffectation d’une partie de son personnel dans une sous-direction « études » interne au ministère en charge de la jeunesse signe la fin de cette institution historique, de cet établissement pourtant reconnu depuis 60 ans comme acteur et ressource en matière de compréhension de la jeunesse et des politiques de jeunesse.

L’INJEP est un lieu unique, tant pour le monde de la recherche, pour l’administration, pour les professionnels de jeunesse que pour les acteurs associatifs : ni laboratoire CNRS, ni département universitaire, l’établissement entretient en effet une relation de proximité avec le monde académique tout en multipliant les articulations et les passerelles avec celui de l’action et de la décision publiques. Grâce à une gouvernance partagée (un conseil scientifique composé de chercheurs et un conseil d’administration rassemblant des personnalités comme des représentants des collectivités et des mouvements de jeunesse), l’INJEP opère à l’interface de ces milieux : il facilite les échanges, les rencontres, la confrontation des questionnements et le transfert des compétences et des connaissances d’un monde vers l’autre. Il interagit dans l’espace que les institutions européennes en charge des politiques jeunesse décrivent comme « triangle magique : researcher, policy maker and youth worker (recherche, décideurs politiques, acteurs de terrain) ».

Ce positionnement, sans équivalent à l’échelle hexagonale, permet à des décideurs, des professionnels, des élus locaux et des responsables associatifs de s’approprier les travaux scientifiques, et aux acteurs de terrain d’interpeller les chercheurs. Espace de rencontres et d’échanges, il facilite l’élaboration de problématiques de recherche en phase avec l’actualité et la demande sociale. Ces travaux ont largement contribué à la professionnalisation et à l’adaptation des métiers des professionnels de jeunesse, que les projets éducatifs territoriaux vont bientôt mobiliser en nombre. Ils alimentent une boite à outils de principes et d’instruments que les élus et décideurs des politiques jeunesses utilisent aujourd’hui quotidiennement.

L’indépendance, l’autonomie administrative et la gouvernance partagée ont rendu ces réalisations possibles. À présent, la jeunesse, portée au coeur des préoccupations politiques dans un contexte de crise, va devoir tirer un trait sur cette exigence au fondement d’un travail de recherche et d’une expertise non partisane.

Il s’agit là d’une erreur politique majeure qui hypothèque l’avenir des politiques de jeunesse, de ses professionnels et militants, et la connaissance scientifique neutre et objective de la situation des jeunes. Elle va à contresens des engagements du Gouvernement de faire de la jeunesse sa priorité.

Cette perspective va aussi à contresens des objectifs de la Commission européenne visant à développer « une meilleure connaissance de la jeunesse ». Nombre de pays européens ont déjà compris l’intérêt et l’utilité d’observatoires de jeunesse nationaux autonomes. L’Allemagne s’est ainsi dotée avec le Deutsche Jugend Institut (DJI) d’un puissant outil de veille, d’observation et d’évaluation, ce dernier bénéficiant d’un statut d’établissement public sous la tutelle du ministère en charge de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse. Il est vital, pour la connaissance comme pour l’action, qu’existe en France une institution qui se positionne à la croisée de ces différents acteurs et niveaux d’intervention, qui produise et recueille des données fiables, les capitalise, les compare, les interprète et les rende disponibles au plus grand nombre.

Pour toutes ces raisons, chercheuses, universitaires et expertes, qui consacrent leurs travaux à une meilleure connaissance des jeunes, de leur situation et des politiques de jeunesse s’alarment. Décideurs politiques, cadres associatifs et acteurs de terrain qui conçoivent et mettent en oeuvre les politiques de jeunesse tiennent également à alerter le Gouvernement et l’opinion publique. Pour répondre aux inquiétudes et aux malaises des jeunes, l’élaboration des politiques en phase avec leurs besoins exige une vraie connaissance de leur place dans la société, de leurs modes de vie, de leurs représentations et de leurs valeurs.

Aussi, si la jeunesse reste la priorité du gouvernement, l’intérêt général appelle au renforcement d’un INJEP autonome dans ses missions, partagé dans sa gouvernance au service de tous et non sa réduction à un service du seul ministère à l’heure où décentralisation et dialogue civil sont à nouveau à l’agenda politique.
Premiers signataires de la tribune :

  • Abonneau G., Président de la FF MJC
  • Andrieu P.J., Ancien délégué interministériel à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes (DiiJ)
  • Augustin JP., géographe, Université Bordeaux III
  • Bertrand P., directeur du CRIJ Rhône Alpes
  • Besse L., historien, IUT de Tours
  • Brechon P., professeur de science politique, IEP Grenoble
  • Bretesche de la A., Président COFAC (coordination des fédérations des associations de culture et de communication)
  • Coly B., Secrétaire général MRJC
  • Cordazzo P., démographe, université Strasbourg
  • Costa-Lascoux J., directrice de recherche CNRS, CEVIPOF
  • Curraize de Y., économiste, Université Paris Descartes
  • Deschamps F. (ancien Président de la Fédé nationale des directeurs culturels des collectivités)
  • Douard O., sociologue, directeur du LERIS
  • Dubet F., sociologue, EHESS, Université Bordeaux 2
  • Enel F. (Vérès consultants)
  • Favey E., Secrétaire général adjoint de la Ligue de l’enseignement
  • Fuchs J., historien, Université Bretagne occidentale
  • Galland O., sociologue, GEMASS-CNRS
  • Gaviria S., sociologue, IUT du Havre
  • Gille J.P, Président de l’union nationale des missions locales (UNML)
  • Hazan JJ., ancien président FCPE
  • Heckel B, comité national de liaison des associations de prévention spécialisée
  • Lapeyronnie D., sociologue, université Paris-Sorbonne – GEMASS
  • Lebon F., chercheur en sciences de l’éducation, Université Paris Est Créteil
  • Lima L., sociologue au CNAM, LISE
  • Linares de C., sociologue
  • Loncle P., titulaire de la chaire de recherche sur la jeunesse, EHESP
  • Martinet M-P, secrétaire générale du Planning Familial
  • Marquaille B., conseiller régional Ile de France
  • Meirieu P., Vice-président du Conseil régional Rhône-Alpes
  • Muxel A., directrice de recherche au CNRS, CEVIPOF
  • Paris C., Directeur général de l’AFEV
  • Peugny C., sociologue, Université Paris 8, CRESPPA-CNRS
  • Redjimi G., sociologue
  • Santelli E., chargée de recherche CNRS, Université Lyon
  • Singly F.de, sociologue, CERLIS-CNRS
  • Tartakowsky P., président de la Ligue des droits de l’Homme
  • Tiberj V., sociologue, Sciences Po Paris
  • Van de Velde C., sociologue de la jeunesse
  • Vanneroy C., déléguée générale d’ANIMAFAC
  • Vialon L., direction des activités sportives et éducatives, UCPA
  • Vulbeau A., chercheur en sciences de l’éducation, Université Paris Ouest Nanterre
  • Zaibi N., vice-présidente du Conseil régional de Bourgogne

« Cause commune » : l’histoire d’une intégration réussie de familles Rroms en Loire Atlantique grâce à la solidarité

« Fin 2009, une quarantaine de familles roms, indésirables à Nantes, tractant des caravanes hors d’âge, arrivent à Indre, une petite commune des bords de Loire.
Dès le lendemain, le maire Jean-Luc Le Drenn décide de mettre un terme à ce qu’il appelle « la politique de la patate chaude », en refusant de les expulser à son tour.
Grâce à l’engagement sans faille d’une poignée de citoyens et d’élus mobilisés par ce combat collectif et politique, les familles resteront 18 mois, avant qu’une solution digne et pérenne soit trouvée » (source : http://www.film-documentaire.fr/Cause_commune.html,film,38148.

On pourrait donc accueillir des familles Rroms dans une commune sans qu’il n’y ait une explosion des vols, des viols, du vandalisme… ? C’est un peu ce qu’a prouvé Jean-Luc Le Drenn, maire d’Indre, commune de 4000 habitants en Loire-Atlantique, et son équipe municipale. Le pari était « gonflé », et l’équipe ne s’y était pas trompé : « on va jouer notre mandat là-dessus », avait lancé comme un défi un conseiller municipal de la majorité.

Le film de Sophie Averty est magnifique. Elle ne disposait que de peu d’images de cette aventure : elle a dû avoir recours à des reconstitutions, à l’animation, à l’utilisation d’archives sonores… Son propos est passionnant : comment des gens qui ne sont pas particulièrement militants, se mobilisent presque spontanément pour s’organiser en collectif de soutien à ces familles (une cinquantaine), et ce pendant des mois et des mois ? La personnalité de Jean-Luc Le Drenn y est naturellement pour beaucoup : ce jeune maire a réussi à fédérer autour de lui à la fois élus et simples citoyens. Sans la moindre démagogie, et avec toute la rigueur que supposait une telle action, il a réussi la première étape de ce combat pour la dignité : les familles Rroms sont aujourd’hui logées dans des mobilhomes, répartis sur plusieurs communes (et ce n’est pas le moindre mérite de Jean-Luc Le Drenn d’avoir réussi à les convaincre !). Mais le travail n’est pas terminé : il le sera lorsque les Rroms auront trouvé des emplois stables et qu’ils auront pu être logés normalement. La municipalité d’Indre poursuit donc le travail.

Le film de Sophie Averty a été retenu dans la sélection du Mois du Documentaire dans les Côtes d’Armor.

On peut voir des extraits du film sur le site de TV Nantes :

http://www.telenantes.com/Documentaire/Documentaires/2013/03/Cause-commune

http://www.telenantes.com/Toute-l-actu/Infos-debats-territoires/CAUSE-COMMUNE-Indre-aux-cotes-des-Roms-0893

et une interview de Sophie Averty ici :

http://www.telenantes.com/A-la-votre-2012-2013-le-forum/2013/03/A-la-votre-2012-2013-le-forum3/Cause-commune-l-histoire-d-un-engagement-aupres-des-roms

P. Tartakowsky : du mariage pour tous aux cartes rebattues à droite

Pierre Tartakowsky a été réélu président de la Ligue des droits de l'Homme par le congrès de Niort.son rapport moral.

Dans l’éditorial qui ouvre le dernier numéro du bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, son président, Pierre Tartakowsky, revient sur les débats autour du mariage pour tous qui ont occupé tout (ou presque) l’espace médiatique pendant ces derniers mois. Il en tire les leçons, politiques et sociétales.

La célébration du premier mariage entre deux personnes de même sexe à Montpellier aura heureusement marqué la fin d’une mobilisation politique intense autour de l’élargissement d’un droit. Il est, de fait, peu probable qu’une majorité de droite de retour aux affaires ose jamais revenir sur cette avancée et sur des actes d’état civil. Au plan politique pourtant, le sujet va rester présent, comme va prolonger l’onde de choc des mobilisations des droites durant toute la période écoulée.

Revenons sur cette séquence, ses évolutions et ce qu’elles révèlent. Dès le départ, ce sont davantage des acteurs idéologiques que partidaires qui sont à la manœuvre ; la droite classique, mais également le FN apparaissent mal à l’aise sur le mariage pour tous, car divisés et hésitants sur les bénéfices à en tirer. L’UMP est en pleine guerre des chefs et ne compte sans doute pas moins de gays dans ses rangs que le FN, ce qui se résout par une sorte de neutralité agressive, focalisée sur l’adoption et la GPA, laquelle, rappelons-le, ne fait pas partie du projet gouvernemental. Les courants cathos tradis et autres identitaires sont quant à eux franchement homophobes, même avec des approches diverses et nuancées. Tous ces gens se rassemblent sous le drapeau consensuel de la famille et des enfants, lesquels méritent « un papa, une maman ».

Cette mobilisation se nourrit de ce qu’il faut bien appeler un pas de clerc du président de la République, lequel a évoqué une possible objection de conscience des maires appelés à célébrer les mariages gays. Le gouvernement saura rectifier le cap et tenir bon jusqu’au vote de la loi, ce dont il faut se féliciter. Mais cette défaillance énorme – l’état civil n’a rien à voir avec la conscience de qui que ce soit –, qui appelle immédiatement une réaction de l’Inter-LGBT et des associations de défense des droits, est évidemment interprétée comme une hésitation. Et lorsque l’adversaire hésite, il faut augmenter la pression. Les organisations à la manœuvre le font d’autant plus qu’elles bénéficient de l’engagement de l’UMP, Jean-François Copé voyant là l’occasion de marquer sa différence d’avec son rival François Fillon, et d’exprimer sa vraie nature. Cet apport se double de celui d’une véritable galaxie de réseaux, fondations et autres clubs historiquement ancrés à l’extrême droite, et qui voient dans ce mouvement « apolitique » et « populaire » l’occasion rêvée d’échapper à l’ostracisme qui les frappe depuis la Libération et la guerre d’Algérie.

C’est en effet la première fois que ces groupuscules – toutes tendances confondues – peuvent occuper un espace politique partagé avec les droites dites républicaines, en phase avec une partie de l’opinion publique allant bien au-delà des cercles militants habituels, mordant même sur des électeurs de gauche émus et troublés par un sujet qui touche à l’intime. Nicolas Sarkozy a fourni le cadre idéologique à cette parade nuptiale des droites et de leurs extrêmes. Sa défaite, d’autant plus frustrante que courte, a accéléré cette chorégraphie de séduction tout en accentuant son côté dispersé, concurrences internes obligent.

Cette dynamique de concurrence pour le leadership s’est traduite, dans les derniers jours de la mobilisation, par des exclusives, des appels à la violence, et la résurgence d’un vocable utilisant pêle-mêle le vocabulaire des généraux putschistes de l’Algérie française, la dénonciation de la franc-maçonnerie, des appels à la « résistance », le tout en assimilant la police – coupable de s’en prendre à « la France bien élevée » –, à la Gestapo… Cette confusion des termes ne doit rien au hasard mais traduit une stratégie d’effacement, par banalisation, des réalités historiques qui ont battu et stigmatisé ces courants d’idées englués dans la collaboration avec l’occupant nazi.

Au-delà, cette agitation verbale indique une circulation de la pensée réactionnaire, en recherche d’elle-même, et de repositionnements possibles. De fait, elle est passée en peu de temps – toutes organisations confondues – de la stigmatisation des « islamistes » à l’exaltation du peuple de France, puis à la chasse aux homosexuels. Ainsi de la dénonciation d’un ennemi extérieur « infiltré », les droites extrêmes se repositionnent sur la dénonciation et la chasse d’un ennemi « intérieur ». Homo aujourd’hui. Demain…

Cette inquiétante évolution participe d’un élargissement conséquent du champ d’action et de prétention des extrémismes droitiers : d’un vieil ordre racial à un nouvel ordre moral, patriarcal et porteur, hélas, d’illusions de changement. Illusions, car une mobilisation basée sur la ségrégation et la discrimination porte inéluctablement en elle des dynamiques d’exclusion et de violence. Illusions, car loin de répondre aux besoins d’épanouissement et de bien-être des individus, cette mobilisation n’envisage leur avenir qu’au prisme d’allégeances rancies dans un passé mythique.

Reste posée une question essentielle : une recomposition profonde des forces de droite est en cours, dont il n’est pas aisé de dire ce qu’il en résultera, même s’il est certain que ce ne sera bon ni pour les droits, ni pour les libertés, ni pour la démocratie. La société civile, les organisations syndicales, les associations ne peuvent donc évidemment pas se désintéresser de l’enjeu, singulièrement dans la perspective des élections municipales. Nous y reviendrons.

Adresse du 87ème congrès de la LDH au président de la République et à la majorité parlementaire

Adresse au président de la République et a la majorité parlementaire, adoptée par le congrès de la LDH, à Niort, le 20 mai 2013, pour leur rappeler leurs responsabilités de répondre aux besoins de l’élargissement de la démocratie, et pour la satisfaction des besoins sociaux.

Monsieur le président de la République,

Mesdames, Messieurs de la majorité parlementaire

Monsieur le président de la République,

Vous avez incarné l‘espoir d’un « changement maintenant » et, à ce jour, il a été déçu.
Vous avez désigné la finance comme votre adversaire, et elle règne toujours.
Vous avez prôné l’emploi et la justice sociale, mais le chômage augmente et le niveau de vie des moins favorisés diminue.

Le gouvernement de votre Premier ministre a su tenir bon face aux manifestations de l’extrême droite alliée à la droite parlementaire, et il a réussi à faire adopter la loi sur le mariage pour tous. Nous aurions souhaité la même détermination pour les autres réformes.

Il a certes beaucoup écouté la société civile mais sans l’avoir, semble-t-il, entendue. Les grands débats nécessaires à la réussite du changement — sur la politique migratoire et les demandeurs d’asile, la politique de sécurité, les réformes démocratiques, l’avenir de la jeunesse — ont été, jusqu’à ce jour, évacués.

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous vous êtes présentes pour tourner la page des politiques inégalitaires, injustes et sécuritaires ; les stigmates de l’ancienne législature perdurent.
Vous avez voulu incarner l’alternative ; elle peine à se mettre en place.
Vous avez souhaité une pratique parlementaire indépendante et exigeante ; votre voix, trop souvent, est étouffée.

Vous avez l’honneur d‘élaborer et de voter les lois. Cette charge vous engage. Nous en appelons à votre responsabilité de représentants du Peuple souverain. L’opposition, la frilosité et l’esprit de renoncement seront toujours mobilisés pour faire échec aux reformes de justice et de progrès. Il vous incombe de faire en sorte que l’espoir et les changements se concrétisent.

Nous en appelons à cette relation démocratique forte, et a votre courage. Il est vain de vouloir apprivoiser ou contourner les maux qui découlent des politiques néolibérales ou des réflexes sécuritaires. Assumez les propositions de progrès pour les droits et les libertés du programme sur lequel vous avez été élus ; vous ne lui serez fidèles qu’en défendant des mesures de justice, de lutte contre les inégalités, et de restauration des droits des citoyens bafoués par la législation rétrograde des derniers quinquennats.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez l’honneur et la charge de disputer notre pays aux crises financière, économique et morale qui alimentent chômage, xénophobies et défiance du politique. Nous avons besoin pour cela de justice et de pragmatisme, d’éthique et de démocratie, de décisions et de détermination.  Le changement et la justice ne sont pas des concessions accordées par les forces politiques et économiques qui s’y opposent. La justice, la démocratie et le progrès social ont toujours dû être conquis de haute lutte. Cette vérité est plus que jamais d’actualité.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme réunis en congres, vous demandons instamment de manifester l’éthique politique, le courage civique et la responsabilité nécessaires pour combattre la crise et promouvoir les valeurs proclamées de la République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

Nous, militants de la Ligue des droits de l‘Homme, répondons toujours présents à l’appel de ces valeurs, et nous nous engageons pour les réformes qu’elles appellent. Nous continuerons à le faire :

  • jusqu’à ce que le droit de vote et d‘éligibilité de tous les résidents étrangers s’impose car il répond à un impérieux besoin d’élargissement de la démocratie ;
  • jusqu’à ce que les rapports entre la police et la population, et particulièrement la jeunesse, soient profondément réformés, car cela répond a un profond besoin de sécurité et de sérénité ;
  • jusqu’à ce que la politique pénale soit rééquilibrée, afin que le tout—carcéral laisse la place a une justice digne et réellement efficace,
  • jusqu’à ce que les étrangers soient traites dans le respect des droits de l’Homme et des conventions internationales, qu’il s’agisse de nos concitoyens europeens que sont les Roms ou de ceux qui vivent parmi nous ou y recherchent un droit effectif a la protection ;
  • jusqu’à ce que les politiques économiques poursuivent le progrès social plutôt que l’enrichissement inégal.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez, là où vous êtes, là où le peuple vous a places, d’immenses responsabilités. Il vous revient de ne pas les décevoir, et il nous revient de vous le rappeler.

Croyez en notre détermination, à la hauteur de ce que mérite l’avenir de la République.

 

Manifestation de soutien au peuple turc ce samedi 8 à Saint-Brieuc

Photo La Montagne

La Ligue des droits de l’Homme et l’Intersyndicale de Saint-Brieuc (22) aappellent à une manifestation de soutien au peuple turc, ce samedi 8 juin à 15h, au Parc des Promenades. Vous trouverez l’appel ci-dessous, puis la lettre ouverte adressée par la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) au président de la République et au premier ministre turcs.

La mobilisation qui a débuté vendredi dernier en Turquie,  contre le projet d’aménagement urbain du parc Gezi s’est transformée en un mouvement d’union populaire contre la politique du chef du gouvernement AKP.

Ce mouvement rassemble des centaines de milliers de personnes qui font  l’objet d’une répression policière féroce et d’un usage excessif de la force, en toute impunité.

La Ligue des Droits de l’Homme condamne la violence et l’ampleur de la répression, et exprime sa  solidarité aux manifestants. Elle  appelle  le Gouvernement turc à respecter les droits fondamentaux internationaux.

En soutien aux populations qui luttent pour le respect de la démocratie, de la laïcité, pour le progrès social, elle appelle  à un rassemblement :

 

Samedi 8 juin à Saint Brieuc,

            Parc des promenades à 15 heures.

 

LETTRE OUVERTE de la FIDH

S.E. Mr. Abdullah Gül, Président de la République de Turquie

S.E. Mr. Recep Tayyip Erdoğan, Premier ministre

cc. H.E. Mr. Beşir Atalay, Vice-Premier ministre en charge des droits de l’Homme

Paris, Ankara, 5 juin 2013

Re : Usage disproportionné de la force par la police

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et ses organisations membres en Turquie la Fondation des droits de l’Homme (TIHV – Türkiye İnsan Hakları Vakfı) et l’Association des droits de l’Homme (IHD – İnsan Hakları Derneği) tiennent à vous exprimer leur plus profonde inquiétude et indignation quant à la violence policière manifestement disproportionnée qui entoure les manifestations qui ont débuté le 27 mai 2013.

Ces manifestations initialement rassemblées contre un projet d’urbanisme autour du Park Gezi se sont rapidement transformées en mouvement de contestation contre l’oppression, notamment en réaction à la violence policière dont les manifestants de la place Taksim ont été l’objet.

À ce jour, et selon les informations du syndicat des docteurs de Turquie (Turkish Medical Association), 2800 personnes ont été blessées à l’occasion des manifestations à Ankara, Izmir et Istanbul uniquement. Lundi 3 juin, un premier décès était annoncé, un second l’était mardi. Plus de trois mille de personnes ont été arrêtées et des actes de torture et/ou traitements inhumains et dégradants ont été rapportées selon la TIHV, membre de la FIDH.

Nos organisations membres, TIHV et IHD ont pu documenter l’utilisation excessive et disproportionnée des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestations, en violation du droit international, notamment des Principes des Nations unies sur l’usage de la force et des armes à feu par des agents de maintien de la paix.

Ainsi, des cartouches de gaz lacrymogène ont été très largement tirées pour contraindre des manifestations initialement pacifiques. Beaucoup ont également été dispersées à partir d’hélicoptères au dessus des zones résidentielles sans manifestants. A plusieurs occasions, des cartouches ont été tirées à l’intérieur de domiciles, en violation notamment des principes de nécessité et de proportionnalité.

En outre et à plusieurs reprises, des cartouches de gaz lacrymogène ont été tirées à courte distance, et dirigées vers la tête des manifestants. Ceci a eu pour conséquence de nombreuses blessures dans les yeux ou causés de nombreux traumatismes crâniens.

En outre, l’utilisation de gaz de nature indéterminée et plusieurs attaques contre des ambulances ont empêché à plusieurs reprises l’assistance médicale aux personnes blessées dans les manifestations.

Dans ce contexte, nous vous appelons à

  • garantir le droit à la manifestation pacifique et la liberté d’expression,
  • relâcher tous les manifestants pacifiques maintenus en détention,
  • garantir l’accès aux soins des personnes dans le besoin,
  • mettre un terme immédiat à tout acte de violence policière contre les manifestants,
  • mettre en place une commission d’enquête indépendante et impartiale sur les allégations de torture et de traitements inhumains, ainsi que sur l’utilisation disproportionnée de la force par les organes de maintien de l’ordre.

Comme nous l’avons dit récemment, à l’occasion du 38ème Congrès de la FIDH, au Président de la République et au Vice Premier Ministre, la FIDH est particulièrement préoccupée par les violations systématiques et récurrentes de la liberté d’expression en Turquie. Les événements récents ne peuvent que conforter notre crainte que le gouvernement ne privilégie l’autoritarisme et la répression en réponse aux préoccupations légitimes exprimées par les manifestants, plutôt que le dialogue et la concertation.

Nous vous appelons une nouvelle fois à approfondir les réformes indispensables à la réussite de la transition en Turquie, telles que nous vous les avons exprimées dans notre appel à mettre en œuvre Huit Mesures Essentielles [http://www.fidh.org/8-mesures-pour-consolider-la-paix-en-turquiela-fidh-saisit-le-13193]. La garantie de la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de manifestation pacifique, en constituent une pierre angulaire.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre lettre, nous vous prions d’agréer nos sentiments les plus respectueux,