Droits en fête 2015 : Marc Pion, « Du tracteur à l’âne »

En suivant la conférence gesticulée de Marc Pion, vous allez vivre ou revivre l’évolution de l’agriculture, depuis la fin des années 1960, voir ou revoir un tas de militants, vivre ou revivre un tas de luttes, découvrir ou retrouver des rêves, des espoirs, et aussi des désespoirs… pour arriver au XXIème siècle. Là vous pourrez vous dire, au choix, et selon votre humeur : « tout ça pour ça… », « y’a encore du boulot… », « faudrait peut-être qu’on se remue un peu… »

Une conférence avec un brin de nostalgie, un autre de déprime, mais surtout la volonté toujours renouvelée de changer les choses, même si on sait bien que ça n’est pas gagné !

Mais laissons plutôt Marc présenter lui-même sa conférence : il le fait très bien !

Du tracteur à l’âne

Drôle de titre et pourtant c’est l’histoire d’un paysan qui, à l’âge de 12 ans découvre et déteste le tracteur, et qui, aujourd’hui, travaille la terre avec des ânes.

C’est aussi l’évocation de l’exode rural, de la PAC et des politiques publiques agricoles.

C’est encore le parcours d’un jeune couple qui s’endette pour devenir  » exploitant agricole » et qui comprend que son salut viendra de l’agriculture paysanne.

C’est l’histoire du syndicalisme, des luttes paysannes et en particulier de Bernard Lambert, de la place des femmes et du patriarcat en agriculture.

C’est surtout la prise de conscience que le temps libre et la réflexion collective sont des moteurs essentiels de l’émancipation.

C’est quoi une conférence gesticulée ?

D’abord on considère que nous sommes tous légitimes pour parler  de notre vécu et qu’il ne faut pas  laisser la place à de soi-disant experts qui ne connaissent bien souvent que la théorie.

Ensuite on peut dire qu’une conférence gesticulée, c’est un mélange de savoirs chauds ( les savoirs acquis de l’expérience …dit illégitimes) et de savoirs froids ( ceux qu’on trouve dans les livres…dits légitimes ). Comme dans l’air où il n’y a pas mélange d’air chaud et d’air froid mais où la rencontre provoque de l’orage. Nous espérons que le mélange de savoirs froids et chauds provoque dans la tête des…révolutions rien que ça!

C’est comme un spectacle?

Oui et non. Oui car c’est vivant, drôle et émouvant ( enfin j’essaie…). Je chante Ferrat, Brel car j’aime chanter.

Et non car je ne suis pas comédien et que je veux passer un message  politique. D’ailleurs dans la plupart des cas c’est suivi le lendemain d’un atelier d’éducation populaire pour permettre aux personnes volontaires de se mettre en marche pour transformer la société.

Pourquoi faire une conférence gesticulée ?

Je voulais prendre la parole  pour dire ma vision de l’agriculture. J’aime aussi l’idée qu’on peut  militer et rigoler.

Pour dire quoi de l’agriculture ?

Que le métier de paysan est un beau métier très riche de savoirs, savoirs-faire…

Que le capitalisme est le principal responsable de l’industrialisation de l’agriculture…

Que c’est difficile pour les paysans de changer de systèmes de production…

Je voulais parler de Danielle, de Bernard Lambert, de René Bodiguel, de Bernard Friot et de tous les gens qui ont compté dans mon évolution. Je voulais parler du patriarcat, de l’endettement, de l’agrobisness, de la décroissance. Je voulais parler des structures dans lesquelles j’ai milité : les CIVAM, la confédération paysanne, ATTAC, PROMMATA.

Et les ateliers d’éducation populaire ?

Pour transformer la société on doit se mettre  au boulot. Le lendemain, toutes les personnes intéressées par la paysannerie se retrouvent pour localement agir. Pour l’instant j’ai animé 2 types d’atelier. Un premier qui a pour thème:  » installer des paysans dans le pays de … » qui permet d’associer des paysans, des paysans sans terre et des citoyens. Dans tous les cas on y aborde la SAFER, la place des collectivités locales, les GFA… Dans un deuxième  » comment passer d’une agriculture productiviste à une agriculture paysanne  » on cherche des idées pour toucher  des personnes en dehors des réseaux…

Bien sur c’est possible d’aborder n’importe quel thème… ( sauf peut-être l’art contemporain…j’y connais rien moi! ).

Les ateliers sont d’éducation populaire car les « techniques » utilisées permettent à tout le monde de s’exprimer et d’apporter leurs savoirs sur le sujet.

Stop le contrôle au faciès !

On s’y attendait : les attentats de janvier ont aggravé les atteintes aux droits et les discriminations dont sont victimes prioritairement les jeunes, singulièrement les jeunes de couleur. À commencer par les « contrôles au faciès », dénoncés par de nombreuses associations depuis des années, et dont le président de la République avait promis de les supprimer pendant sa campagne électorale. Résultat, le ministre de l’Intérieur du gouvernement Mauroy avait remplacé cette mesure par une prétendue « charte de déontologie » destinée aux policiers, qui, pour résumé, se contentait de faire coudre leur numéro matricule sur leur uniforme aux policiers. C’était encore trop pour eux.

Fort opportunément, le nouveau défenseur des droits, M. Toubon, revient sur cette mesure, et a publié des observations qui démontrent l’urgence de réformer ce système, et que le harcèlement qui découle de cette situation et dont sont victimes les jeunes cesse au plus vite. Ce harcèlement est naturellement contre-productif, et ne peut aboutir qu’à des situations conflictuelles qui peuvent vite dégénérer.

La Ligue des droits de l’Homme, qui se soucie depuis de nombreuses années de ce problème essentiel a publié lundi, avec d’autres associations, un communiqué qui expose clairement quelles devraient être les mesures propres à apaiser les relations jeunes – police.

Contrôles d’identité abusifs et discriminatoires : les observations du Défenseur des droits doivent aboutir à une réforme en profondeur des contrôles d’identité

(Paris – 13 février 2015) Les huit organisations signataires se réjouissent des observations que le Défenseur des droits vient de rendre publiques le 9 février. Elles constituent une contribution essentielle au débat sur les contrôles d’identité en affirmant clairement que, pour respecter ses obligations en matière de droits humains, la France doit en réformer le régime.

C’est ce que réclament, depuis de nombreux mois, nos huit organisations (Graines de France, Groupe d’Information et de Soutien des Immigrés, Human Rights Watch, Ligue des droits de l’Homme, Maison communautaire pour un développement solidaire, Open Society Justice Initiative, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature). C’est pourquoi elles invitent le gouvernement, de toute urgence, à :

  • modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale qui encadre les contrôles ;
  • mettre en place une traçabilité des contrôles – donc un récépissé – assurant un recours effectif en cas de dérive.

Le 9 février 2015, le Défenseur des droits a déclaré dans un communiqué avoir présenté des observations devant la cour d’Appel de Paris, dans la procédure initiée par 13 personnes qui ont intenté une action visant à engager la responsabilité de l’État pour des contrôles d’identité discriminatoires. Son intervention rappelle que l’État français doit prendre des mesures pour lutter de manière efficace contre les contrôles au faciès.

Les observations du Défenseur des droits soulignent que les autorités doivent non seulement éviter toute discrimination, mais également adopter des mesures fermes et concrètes, propres à prévenir et à réprimer de telles pratiques. L’absence de ces mesures constitue un manquement équivalent « à fermer les yeux sur la gravité de tels actes et à les considérer comme des actes ordinaires… ». Il précise qu’il est nécessaire d’encadrer suffisamment les pratiques de contrôles, de sorte que tout contrôle soit basé sur des critères objectifs, et non sur des critères subjectifs, tels que le « ressenti » ou l’ « instinct » » des agents, comme c’est actuellement le cas. En effet, ces critères subjectifs donnent régulièrement lieu à des contrôles d’identité basés sur des critères discriminatoires tels que l’origine ethnique, comme nos organisations l’ont démontré à maintes reprises.

Le Défenseur des droits souligne par ailleurs l’importance de garanties suffisantes contre le risque d’arbitraire, qui impose, en particulier, un aménagement de la charge de la preuve et la garantie d’un contrôle effectif par le juge. Il note à cet égard que : « L’absence de motivation et de procédure écrite, en particulier de toute trace du contrôle effectué (précisant a minima la date et le lieu du contrôle, le nom de l’agent contrôleur et de la personne contrôlée et les raisons ayant  justifié la mesure), […] entrave l’accès au contrôle juridictionnel et peut priver celle-ci de la possibilité de contester utilement la légalité de la mesure et de dénoncer son caractère discriminatoire. »

Au regard de ces observations, nos huit organisations demandent au gouvernement de prendre des initiatives réellement efficaces pour lutter contre ces pratiques discriminatoires, et ainsi a minima :

  • proposer au Parlement de modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale. Cet article définit les circonstances autorisant les contrôles d’identité et les motifs légaux justifiant de tels actes. La généralité et l’imprécision de sa rédaction actuelle favorisent les dérives qui contribuent aux violations graves et répétées des droits fondamentaux. Plusieurs alinéas de cet article devraient être abrogés ou amendés afin de limiter le champ des contrôles aux stricts impératifs de la prévention ou la répression d’actes de délinquance ;
  • instaurer une traçabilité des contrôles qui fournirait à une personne contrôlée des informations sur les raisons ayant motivé son contrôle afin qu’elle puisse, le cas échéant, contester la légalité du contrôle et dénoncer son caractère discriminatoire.

Nos organisations affirment qu’une telle réforme ne réduirait en rien l’efficacité des forces de police, bien au contraire, et rappellent, en ce sens, que les expériences réalisées dans d’autres pays ont clairement démontré la possibilité à la fois de réduire la prévalence des pratiques discriminatoires et d’améliorer l’efficacité des contrôles de police, expériences d’autant plus probantes qu’elles ont associé tous les acteurs concernés : élus locaux, magistrats et avocats, policiers, associations, citoyens, experts.

Le candidat à la Présidence de la République, François Hollande, s’était engagé en 2012 à faire une réforme pour lutter « contre le « délit de faciès » par la mise en place d’une « procédure respectueuse des citoyens ». Cependant, depuis son élection, les différents gouvernements n’ont adopté aucune mesure susceptible de mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires.

Avec ces observations du Défenseur des droits, le gouvernement n’a plus à décider « si » il doit respecter son engagement de reformer les contrôles d’identité, mais seulement « quand » il le fera. Compte tenu des impacts dévastateurs de ces contrôles sur les personnes contrôlées, le sentiment d’injustice et d’humiliation qu’ils alimentent chez des personnes qui se sentent discriminées, nos huit organisations réaffirment fermement que cela doit être fait désormais sans plus tarder.

La double lecture d’une manifestation historique, par Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue de droits de l’Homme

Michel Tubiana

Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, livre sa lecture, ou plus exactement les deux lectures possibles du gigantesque rassemblement de soutien à Charlie Hebdo et aux victimes des attentats, dimanche 11 janvier. Et il en profite pour s’adresser aux chefs d’Etat qui y ont participé.

L’extraordinaire marée humaine qui a envahi les rues de Paris est un de ces moments qui s’ancrera dans notre inconscient collectif comme un de ces instants précieux d’unité. Quoi qu’en disent ceux qui désignent des boucs émissaires, c’est bien un sentiment de fraternité qui a prévalu le 11 janvier 2015. Ce que le peuple de France, ses habitants de toutes religions (ou sans…), de toutes origines, de toutes nationalités ont exprimé, c’est l’exigence de vivre ensemble, avec cette tolérance qui n’est pas une démission mais une volonté de partage, dans un pays libre qui refuse la peur. Cette première lecture a fait effectivement, l’instant d’un dimanche, de Paris la capitale du monde par le message délivré à tous les idolâtres de la mort comme à tous les peuples et à leurs gouvernements : il n’est qu’une Humanité et la liberté ne se négocie pas.

A cette lecture de cette journée, sans doute historique, s’en ajoute une autre qui, si nous n’y prenons garde,  risque d’aboutir à l’inverse de ce que nous avons souhaité.

La prééminence donnée à la présence de plusieurs dizaines de chefs d’Etat a conduit à enfermer les manifestants dans une nasse. Pour symbolique que cela soit, l’espace de quelques heures le pavé parisien a été confisqué à ses occupants naturels. La présence de dirigeants qui n’ont rien à faire de la liberté de la presse, pratiquent un racisme et un antisémitisme ouvert, embastillent d’autres peuples ou, tout simplement, se moquent totalement des principes démocratiques, montre que ce ne sont pas les principes de la République et de la démocratie que sont venus défendre ces dirigeants, c’est l’union sacré des Etats contre le terrorisme. Et si la minute de silence observée, sans doute sincère, a permis une belle exposition médiatique, elle a dû avoir aussi un goût amer pour certains.

Bien sûr, nul ne saurait s’opposer, encore moins les démocraties, à ce que l’on jugule les agissements qui, sous un nom ou un autre, n’ont aucun respect pour la vie humaine et n’ont que la haine à la bouche.

Mais ce n’est pas faire preuve d’angélisme que de dire que se donner les moyens de combattre ce mal n’est pas incompatible, d’une part, avec les règles de l’Etat de droit, et, d’autre part, avec un traitement de fond des causes d’un phénomène qui n’a rien de spontané.

Demain, la France et l’Europe devront répondre aux questions des moyens de lutte contre le terrorisme. Ce débat est légitime. Il ne saurait pourtant être enfermé par les Etats dans l’exploitation de la peur ou dans leur tendance naturelle à déposséder les citoyens de leurs libertés au prétexte d’assurer leur sécurité.

On voit bien le tribut que les Etats-Unis paient à leur déclaration de guerre à « l’empire du mal ». On sait les conséquences ravageuses du Patriot Act et autres Guantanamo pour la dignité de ce pays, sa cohésion, pour son image dans le monde et la sécurité de celui-ci. Sachons apprendre de cette expérience, ne recommençons pas les mêmes erreurs. Résistons à la facilité de croire qu’un empilement de restrictions de nos libertés nous apportera une sécurité sans faille aussi illusoire que ravageuse pour la démocratie. A défaut, c’est l’espoir d’une France apaisée, celle que le peuple a appelé de ses vœux le 11 janvier, qui reculera.

« Ce sont des enfants perdus, des FRANÇAIS, enfants de la France, orphelins »

Photo Cécilia Crobeddu

Orphelins de père, puis de mère, les frères Kouachi, auteurs du massacre de l’équipe de Charlie-hebdo et de policiers, ont vécu une grande partie de leur enfance dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance. D’anciens amis à eux, connus dans cet établissement, se sont réunis dimanche, et ont écrit une lettre qui a été publiée par le site Temps réel du nouvel Observateur. Ce témoignage poignant apporte un éclairage particulièrement intéressant. Il apporte un début d’explication à ce qui a pu conduire ces deux jeunes hommes à devenir des « monstres » ; il ne s’agit évidemment pas d’apporter des circonstances atténuantes à cet acte de barbarie. Il s’agit d’essayer de comprendre l’incompréhensible, chose essentielle si on veut prévenir de genre de tragédie.

Sur le site de Temps réel, la lettre est précédée d’un entretien avec une amie de la famille Kouachi, également très intéressant.

[N.B. Les photographies qui illustrent cet article ont été prises par une jeune photographe, Cécilia Crobeddu, qui nous a très gentiment autorisés à les utiliser. Prises pendant la magnifique marche du dimanche 11 janvier, elles illustreront tous les articles qui se rapporteront aux drames de la semaine dernière. On peut voir d’autres images de Cécilia sur son profil Facebook.]

LETTRE À TOUS

Nous pleurons ce soir comme nous avons pleuré mercredi soir ! Nous pleurons des amis, des hommes que nous avons connus, que nous avons appréciés, nous pleurons des humains, nous pleurons une sœur, un frère qui ont tout perdu ! Nous pleurons aussi des maris, des femmes, des frères, des sœurs, des amis(es), une société.

CE SOIR, NOUS SOMMES CHARLIE

Photo Cécilia Cobeddu

(Nous ne sommes pas leurs dessins nous sommes leurs liberté)

Nous condamnons les actes d’hommes que nous ne reconnaissons pas, que nous ne soutenons pas.

Nous savons qui ils ont été, et nous pensons savoir dans ce groupe, ce qui les a menés à ce qu’ils ont fait. Ils ont été nos amis, nos ex, nos confidents, nos camarades de chambre, nos rivaux, nous les avons aimés, haïs parfois.

Ce sont des enfants perdus, des FRANÇAIS, enfants de la France, orphelins ! Nourris par la France, nourris par l’amour de cette terre, nourris par la haine de fous! Nourri par ceux qui on su leur faire croire que leur salut était la folie d’un Dieu qui n’en est pas.

Parlons de ce qu’ils ont fait, parlons de ce qu’ils étaient, de ceux qu’ils sont devenus et pourquoi ils le sont devenus.

Plus encore, battons-nous ! Combattons ensemble la cause et non les effets, mobilisons-nous ! Parlons-nous ! Retrouvons-nous.

Nous devons dire à tous ceux qui pensent que l’origine, la couleur, la religion, est un danger, nous devons, nous, plus que d’autres, leur dire que le seul danger c’est l’abandon, l’oubli et la stigmatisation!

Photo Cécilia Crobeddu

Que celui qui pense qu’il ne peut rien se lève! On peut conquérir avec des mots, on peut combattre avec des idées, on peut gagner avec une conviction.

Je Professe:

JE CROIS EN DIEU CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE

JE CROIS EN HALLA CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE

JE CROIS EN YAVE CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE

JE SUIS CHARLIE

JE CROIS EN LA LIBERTE DE CHACUN DE NOUS

JE CROIS EN LA LIBERTE D’EXPRESSION

JE CROIS EN L’ÊTRE HUMAIN

JE REFUSE L’AMALGAME

JE REFUSE L’IGNORANCE

JE REFUSE L’ABANDON

JE REFUSE L’INTOLERANCE

JE REFUSE LA HAINE

JE REFUSE LA VENGEANCE

PARDONNEZ-LEURS, ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT !!!!

 

Photo Cécilia Cobeddu

Je suis Charlie à Saint-Brieuc, dimanche 11 janvier, 14h30, place du Gal De Gaulle

Manifestation de solidarité avec les victimes des attentats cet après-midi, dimanche 11 janvier à 14h30, place du Général De Gaulle à Saint-Brieuc, organisée par la Ligue des droits de l’Homme.

Je suis Charlie – rassemblement devant la mairie de Loudéac à 20h ce jeudi 8 janvier

« Nous sommes tous Charlie » : le mot d’ordre vaut également pour les Côtes d’Armor. De nombreux rassemblements spontanés se sont constitués dès mercredi soir  janvier : Lannion, Saint-Brieuc, Paimpol… Et la mobilisation se poursuit aujourd’hui jeudi à Loudéac, où le rendez-vous est fixé devant la mairie, à 20h. La section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme appelle évidemment tous ses amis et sympathisants à y participer.

À Lamballe, le rassemblement se déroulera à partir de 18h30, on demande aux participants de venir avec une bougie. Aucune prise de parole n’est prévue : il s’agit seulement de partager un moment de recueillement.

Dimanche, la Ligue des Droits de l’Homme appelle à se rassemble à 14h30, place du Général De Gaulle. Voici le communiqué qu’elle a diffusé :

La LDH appelle les associations, les organisations syndicales et politiques et tous les citoyens  à sortir de chez eux partout en France et à SAINT BRIEUC le dimanche 11 janvier 2015 à 14h30 et se retrouver place du Général De Gaulle en hommage aux victimes de la tuerie de Charlie Hebdo.

Chacun et chacune pourront se munir d’un crayon ou fabriquer un crayon géant qui seront les symboles de notre soutien à la liberté de la presse.

Parce que nous n’acceptons pas le fanatisme et la violence, parce que nous sommes attachés à la démocratie et l’Etat de droit, parce que la liberté de la presse est un des biens les plus précieux que nous avons acquis, nous voulons vivre ensemble, sans racisme et sans discrimination, en paix et en harmonie quelles que soient nos origines.

Rassemblons-nous, sans mot d’ordre ni slogan, sans banderole ni bannière.

 

Cargos « fantôme », refus de sépulture à un bébé Rrom : 2015 commence mal

La mairie de Champlan (source, Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Champlan#mediaviewer/File:ChamplanMairie.JPG

Il est fréquent que le premier article de l’année dans un blog ou un site soit consacré au bilan de l’année passée.

En 2015, au bout de trois jours et demi, on peut déjà en faire un.

Et ça n’est pas brillant.

Deux événements. Le premier très médiatisé, le second commençant à l’être. Allons-y.

Le premier, évidemment, ce sont ces trois cargos dans lesquels étaient entassés dans des conditions scandaleuses des centaines de migrants, venant semble-t-il majoritairement de Syrie, cargos abandonnés par leurs équipages en fuite. Les trois ont été pris en charge par la marine italienne. Une députée européenne était interrogée sur France Inter samedi matin. Son discours était affligeant : le problème apparemment n’est pas l’accueil de ces réfugiés, mais l’étanchéité des « frontières » de l’Europe. Il a fallu attendre la fin de  l’interview pour qu’elle aborde, très rapidement, le problème de la solidarité… et dans Ouest-France dimanche ce matin, l’éditorialiste, Mme Hutin, insiste sur le fait que ces malheureux sont des « réfugiés », pas des « migrants »… On a la compassion sélective…

Second événement : le refus Christian Leclerc, le maire de Champlan, commune de l’Essonne, d’autoriser l’inhumation de la petite Rrom décédée les jours derniers dans le cimetière de la commune. On peut noter la lenteur des réactions des médias à ce sujet : ils n’ont commencé à en parler que samedi, alors que la nouvelle circulait sur les réseaux sociaux depuis au moins24h. On peut noter que le maire de Champlan vient d’être promu chevalier de la légion d’honneur. On comprend que Thomas Piketty l’ait refusé… Valls estimait que les Rroms n’ont pas vocation à s’intégrer en France. Il aurait pu ajouter qu’ils n’ont pas non plus vocation à y mourir.

Le maire de Champlan se justifierait (lire ici) par le manque de place dans le cimetière de la commune et la charge que représente son entretien. Il conclut, dans le Parisien : «  Les concessions sont accordées à un prix symbolique et l’entretien coûte cher alors priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux ». Les pauvres, allez mourir ailleurs ?

Le maire de la commune voisine de Wissoux, Richard Trinquier (UMP), médecin, qui connaît la famille du bébé, lui a proposé une sépulture dans sa commune : « Je suis surpris qu’on ait refusé l’inhumation. J’ai accepté pour ce petit enfant rom comme je l’aurai fait pour n’importe qui, car toute personne a droit à une sépulture décente, confiait hier Richard Trinquier, maire (UMP) de Wissous et médecin. Je connais la mère endeuillée car je l’ai soignée. Il ne faut pas rajouter de la peine inutile à la détresse d’une maman qui perd son bébé, car c’est terrible. »  Ce maire a bien saisi le problème, qui dépasse ceux du racisme et de la xénophobie : il s’agit simplement de reconnaître l’humanité de ces personnes. Des gens comme le maire de Champlan ont l’air d’avoir du mal à seulement imaginer que les Rroms puissent avoir des sentiments, que pour eux la perte d’un enfant n’a pas grande importance…

Elle commence mal, l’année 2015…

Bonne année quand-même !

A lire également le billet de Bembelly sur son blog.

 

Reine, jeune Nigériane, expulsée vers l’enfer par Valls et Cazeneuve

On peut légitimement imaginer que Manuel Valls, et son homme lige Bernard Cazeneuve n’avaient qu’un souci : dépasser les Hortefeux, Besson, et autres Guéant dans l’inhumanité. Cela fait déjà un moment qu’ils les talonaient : c’est désormais chose faite.

La preuve ? Ce témoignage du réseau Welcome, qui raconte l’histoire (ça n’est pas un conte de Noël…) de Reine, une jeune Nigériane de 24 ans, qui vient de vivre l’horreur dans le « pays des droits de l’Homme ». Sans commentaire.

Le récit de l’histoire de Reine

Rennes, le 23/12/14.

Madame, Monsieur,

 Elle s’appelle Reine . C’est une femme nigériane âgée de 24 ans, arrivée en France le 8 février 2010. Après bientôt 5 ans de présence en France, elle s’est fait arrêter à Tours, lors d’un banal contrôle en bus, pour défaut de titre de transport.

Elle est placée en rétention au local de rétention de Tours, le 16/11/14, puis transférée à Rennes. Elle se retrouve, le 17 novembre 2014, enfermée au CRA de Rennes-Saint-Jacques.

Après 4 jours d’enfermement, elle a des douleurs au ventre et souffre de saignements. Elle est hospitalisée quelques heures, puis ramenée au CRA. Le médecin estime que « son état n’est pas incompatible avec la rétention ». Pourtant Reine ne va pas bien et présente quelques troubles. La Cimade demande à ce qu’elle voit un psychiatre, mais elle n’aura droit qu’à un entretien avec l’infirmière du centre.

 Reine reçoit le soutien régulier de F., une visiteuse, qui lui apporte un peu de réconfort et de nourriture car elle ne peut plus ingérer les repas du centre, notamment le soir. Au 25e jour de rétention, alors qu’elle doit être présentée pour la seconde fois devant le JLD, Reine est réveillée brutalement, à 4h du matin, pour être conduite à l’aéroport. Face à ses cris en montant dans l’avion, l’escorte décide de la ramener à Rennes pour la présenter au juge. Malgré le désespoir de la jeune femme, le JLD prononce une nouvelle prolongation de 20 jours.

De retour au CRA, Reine se retrouve seule face à ses angoisses.

 Selon le témoignage de la visiteuse, samedi 20 décembre, « vers 4h, sans avoir été invitée àse préparer a minima, Reine a été entravée, pieds et mains, et n’a pu s’opposer à son départ…Elle se retrouve au Nigéria, pays dangereux, seule, sans argent, ne sachant pas où est sa famille … »

Comment peut-on , en notre nom à tous, infliger de tels traitements à un être humain, et qui plus est, à une femme en danger à son retour au Nigéria compte tenu de son histoire antérieure ?

 Comme de nombreuses femmes nigérianes, Reine fuyait un réseau d’esclavagisme moderne qui l’obligeait à se prostituer pour rembourser le passeur. Malgré ses craintes de représailles, elle avait fini par se résoudre à dénoncer ses proxénètes en espérant obtenir la protection de la France…

Il faut rappeler qu’en avril 2013, Reine avait envoyé une plainte écrite au procureur de la République de Tours pour dénoncer le réseau organisé de proxénétisme (dont l’activité s’apparente à une traite des êtres humains) qui avait organisé sa venue en France et l’avait soumise à la prostitution à Bordeaux, plainte classée sans suite par le Procureur de Tours…

Au CRA de Rennes St-Jacques, Reine avait souhaité être entendue par les services de police pour, à nouveau, dénoncer le réseau de proxénétisme, demande non suivie d’effets !

 Si la plainte avait été classée sans suite en 2013, c’est que Reine n’avait pu donner alors plus d’éléments suffisants aux forces de police par peur des représailles. Par la suite, elle s’est finalement résolue à aller plus loin dans la dénonciation du réseau dont elle était victime, lorsqu’elle a été enfermée au centre de rétention. Rien que pour cette raison, elle aurait dû bénéficier du dispositif prévu dans la loi (CESEDA article L316-1 et R316-1) qui lui aurait permis d’être mise à l’abri durant 30 jours, afin de poursuivre sa démarche dans les meilleures conditions possibles.

Au lieu de cette protection que la France lui devait, les autorités françaises ont décidé de l’expulser !  Un plan d’action national contre la traite des êtres humains a pourtant été adopté en mai 2014 et cette lutte est une politique publique à part entière…

 Nous tenions à vous informer que nous sommes profondément révoltés par cette expulsion que nous trouvons ignoble et cette politique inhumaine rendue en notre nom et financée par nos impôts. Nous continuerons de lutter contre cette politique migratoire basée sur la suspicion et l’obsession sécuritaire au mépris des valeurs humaines qui nous animent.

 Signatures : MRAP 35 ; RESF 35 ; CCFD -Terre solidaire 35 ; La Cimade Rennes / Hendaye ; La Vie Nouvelle 35 ; Ensemble ! 35 ;  Bienvenue 35 ! ; Cercle de silence 35 ; Un toit, c’est un droit ; LDH Rennes/ Redon / Paris ; Parti de Gauche 35. (Cette liste n’est sans doute pas exhaustive, elle est susceptible d’évoluer, tant ce drame a suscité d’indignation).

Marche ou crève: Angoulême déclare la guerre aux sans-abris

Tollé contre le maire d’Angoulême. L’installation, par la municipalité, de grillages condamnant l’accès à des bancs publics scandalise, d’autant plus que l’objectif est clairement affiché et assumé : des commerçants demandent à la municipalité d’éloigner les personnes sans domicile de leurs boutiques. Demande acceptée. Circonstance agravante : ces installations ont été réalisées la veille de Noël . Pas très chrétien ! Et sur les réseaux sociaux, on s’enflamme, on dénonce.

À juste titre, évidemment.

Mais curieusement, on s’emballe moins vite lorsque de tels dispositifs sont l’œuvre de designers. Eh oui, ça existe ! Prenez les bancs publics par exemple. Il suffit d’installer, en leur  milieu, une sorte d’accoudoir : on ne peut plus s’y allonger. Le mobilier urbain destiné à éloigner les sans-abri pullule dans les villes, et pas seulement dans les villes de droite. Les villes de gauche généralement n’installent pas ces dispositifs : les propriétaires le font eux-mêmes. Et on sait bien que la propriété, c’est sacré : on ne peut donc rien faire…

Souvent c’est plus subtil encore : des pics élégants, des plots, petits arceaux sur l’appui de vitrine, qui empêchent même de s’asseoir, eux aussi élégants, sont installés sur les surfaces qui pourraient constituer un lieu de repos. Ces dispositifs sont si nombreux qu’un site leur est consacré, intitulé « Marche ou crève » : « Ce blog recense les moyens architecturaux pour confisquer l’espace public aux populations. Du mobilier urbain anti-SDF à la disparition des bancs, en passant par l’invasion des terrasses sur les places ». Cachez cette misère que je ne saurais voir ! Le bourgeois a ses pudeurs, comprenez-vous… Mais c’est du design, presque de l’art ! en fait, c’est de la culture !

Tandis que le maire d’Angoulême arrive avec ses gros sabots et son vulgaire grillage… ça jure un peu à côté d’une bijouterie !

Lire également cet article sur le site d’Arte.

Une pétition a été mise en ligne ici pour demander le démontage de ces cages.

 

 

Projet de réforme du droit d’asile : peut mieux faire !

Le premier ministre avait annoncé une réforme du droit d’asile. Des consultations ont eu lieu, avec les associations de défense des droits de l’Homme, mais le résultat de cette démarche est loin de les satisfaire.

Nous publions ici un avis important, celui de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNDH), où siège notamment Michel Miné, membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme, et qui était venu en octobre 2013 à Loudéac à l’invitation de la section LDH Loudéac centre Bretagne, dans le cadre de la journée internationale du refus de la misère, faire une conférence intitulée « la reconnaissance de la discrimination de la misère, une utopie ? ».

D’autres avis ont été émis, par la Ligue des droits de l’Homme (lire ici), le Défenseur des droits (télécharger ici), ainsi que par le groupe de travail « Asile et immigration » du réseau Alerte (lire ici). La liste n’est pas exhaustive. Avis tous très partagés comme vous pourrez le constater, en raison du manque notable d’ambition, malgré quelques avancées comme le caractère suspensif des recours.

Rappelons que les articles 13, 14, et 15 de la déclaration universelle des droits de l’Homme, qui a été adoptée par la France, établit le droit d’asile comme un droit fondamental :

Article 13

1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

Article 14

1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Article 15

1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

Avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNDH)

Paris, le 21 novembre 2014 – La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), sur saisine du ministre de l’Intérieur, rend aujourd’hui un avis sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, présenté le 23 juillet 2014 en Conseil des ministres. Ce projet s’inscrit dans le processus de communautarisation de l’asile, au titre duquel la France se doit d’assurer la transposition de quatre directives européennes définissant un régime d’asile européen commun.

Dans le contexte actuel marqué par les conflits armés en Irak, en Syrie et ailleurs, ainsi que par la survenance d’événements tragiques aux frontières de l’espace Schengen, il est à craindre que les pouvoirs publics ne soient, une fois de plus, tentés de durcir leur politique de contrôle des flux migratoires, et de prendre des mesures de plus en plus restrictives concernant l’exercice du droit fondamental d’asile. Pour Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, « La prolifération de discours sécuritaires assimilant à tort politique d’asile et politique d’immigration et opposant les « bons » demandeurs d’asile aux « mauvais » risque d’entraîner un repli identitaire portant préjudice à l’exercice du droit d’asile par l’alimentation d’un climat de suspicion généralisée à l’encontre de ceux qui sollicitent une protection internationale ».

Pourtant, en 60 ans le nombre de bénéficiaires de l’asile est resté le même. La crainte, souvent exprimée, d’un afflux massif n’est donc pas fondée.

Par son avis, la CNCDH s’inscrit dans sa tradition de défense des droits fondamentaux et appelle le gouvernement et le législateur à aborder la réforme du droit d’asile avec davantage d’ambition. Certes elle relève plusieurs aspects positifs dans le projet de loi, comme notamment l’extension de l’effet suspensif des voies de recours, la présence d’un tiers lors de l’entretien mené par l’agent de l’OFPRA, la reconnaissance d’un droit à l’hébergement pour tous les demandeurs d’asile ou le maintien d’un juge spécialisé de l’asile. Mais le projet lui paraît devoir être amélioré dans le sens d’une meilleure garantie des droits et libertés fondamentaux.

A cette fin, la CNCDH propose dans son avis articulé en quatre axes, des recommandations concrètes qui permettront de garantir mieux encore :

  • le droit à un accès effectif à la procédure d’asile ;
  • le droit au traitement équitable de la demande d’asile ;
  • le droit à des conditions matérielles d’accueil ;
  • le droit à la prise en compte de l’état de vulnérabilité.

 Synthèse des principales recommandations de la CNCDH

Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande aux pouvoirs publics de valoriser le savoir-faire associatif et de prévoir des financements permettant aux associations de remplir leurs missions dans de bonnes conditions. Elle se doit tout particulièrement de saluer le travail considérable et le dévouement exemplaire des associations impliquées au premier chef dans l’accueil, l’orientation, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile.

Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande l’urgente simplification de la législation relative au droit d’asile.

Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande de supprimer du projet de loi toutes formulations et terminologies entretenant une confusion fâcheuse entre les questions d’asile et d’immigration (par exemple, l’emploi du vocable « l’étranger »), ainsi que celles pouvant être interprétées comme l’expression d’une méfiance de principe manifestée à l’égard de ceux qui sollicitent une protection internationale (par exemple, l’emploi récurrent de doubles négations telles que l’exigence que la demande de réexamen ne soit pas irrecevable ou que la demande d’asile à la frontière ne soit pas manifestement infondée).

Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de consacrer dans le CESEDA la définition donnée par le HCR des motifs de craintes de persécution tenant à l’appartenance à un certain groupe social.

Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande de faciliter la domiciliation des demandeurs d’asile.

Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande de supprimer le préalable du passage en préfecture. A tout le moins, si celui-ci devait être maintenu, elle en souhaite ardemment l’extrême simplification.

Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande de confier à une autorité qui n’est ni sous la tutelle ni sous le pouvoir hiérarchique de l’exécutif, l’ensemble des questions relatives à l’accès au territoire français des demandeurs d’asile et à la décision à prendre sur l’octroi d’une protection internationale.

Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande qu’il soit procédé à l’enregistrement de la demande d’asile dans un délai de trois jours.

Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande de reconnaître à tous ceux qui sollicitent une protection internationale, sans distinction, un véritable droit au séjour sur le territoire français pendant la durée de la procédure d’asile.

Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande de remédier aux difficultés relatives à l’orientation de la procédure d’asile en garantissant les droits des demandeurs faisant l’objet d’une « procédure Dublin » par l’application systématique des clauses humanitaire et de souveraineté. En outre, la CNCDH est opposée à la possibilité de placer en rétention ces demandeurs d’asile.

Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande d’entourer la décision de placement en procédure accélérée de davantage de garanties en confiant à la seule autorité responsable de la détermination, le soin de décider de l’orientation de la procédure d’asile. Elle recommande également de permettre à la CNDA, en cas de décision de placement en procédure accélérée affectée d’un vice de procédure, d’annuler celle-ci et de renvoyer à l’OFPRA l’examen de la demande d’asile.

Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande d’interdire le placement des mineurs isolés étrangers en procédure accélérée.

Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de revoir les motifs de placement en procédure accélérée, en rappelant tout particulièrement sa ferme opposition à la notion de « pays d’origine sûr ».

Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de garantir une aide lors du dépôt de la demande d’asile en :

  • informant les demandeurs, dans une langue qu’ils comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure,
  • leur permettant de bénéficier gratuitement des services d’un interprète
  • Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande d’entourer l’examen des demandes d’asile à la frontière de davantage de garanties en rappelant notamment que l’appréciation de la recevabilité de ces demandes ne peut en aucun cas relever d’un examen au fond des craintes de persécution invoquées par l’intéressé.

Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande l’organisation en zone d’attente d’une permanence d’information et d’une permanence d’avocat au titre de l’aide juridictionnelle.

Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande d’améliorer l’examen de la demande d’asile sur le territoire en renforçant la qualité des auditions et celle du compte rendu d’audition. En outre, le principe du contradictoire exige que la discussion sur la transcription de l’entretien et sa communication aient systématiquement lieu avant la prise de décision et ce, que la procédure soit normale ou accélérée.

Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande que :

  • le demandeur soit informé avant l’entretien de la possibilité d’être assisté par un conseil ;
  • le demandeur puisse se présenter à l’entretien accompagné d’un avocat ou d’un représentant d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, étant précisé que l’effectivité de cette garantie dépendra des moyens consacrés à cette assistance ;
  • le conseil puisse jouer un rôle actif au cours de l’entretien et non uniquement à la fin de celui-ci.

Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande de supprimer toute référence à la preuve dans les dispositions du projet de loi relatives à l’appréciation par l’OFPRA de la demande d’asile. Elle entend également rappeler que le principe d’intime conviction s’oppose à la fixation de toute règle gouvernant l’appréciation d’une demande d’asile et interdit de déterminer a priori la valeur probatoire d’un indice ou de tout autre élément de fait. Elle recommande tout particulièrement de veiller à ce que les nouvelles dispositions n’établissent aucune hiérarchie entre les « craintes de persécution » et les « persécutions déjà subies ».

Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande de réduire la durée de la procédure d’asile en écartant tout gel du traitement des demandes. La procédure menée devant l’OFPRA doit être encadrée dans un délai de 6 mois, étant précisé que la réduction des délais ne doit aucunement nuire à l’effectivité des garanties procédurales reconnues aux demandeurs d’asile.

Recommandation n° 21 : La CNCDH recommande que toute décision d’irrecevabilité rendue par l’OFPRA soit conditionnée par l’exigence d’effectivité de la protection dans l’Etat concerné – qu’il soit ou non membre de l’UE – et la possibilité d’une réadmission. La CNCDH préconise également de permettre à la CNDA, en cas de décision d’irrecevabilité affectée d’un vice de légalité, d’annuler celle-ci et de renvoyer à l’OFPRA l’examen de la demande d’asile.

Recommandation n° 22 : La CNCDH recommande d’améliorer le régime juridique des décisions de clôture.

Recommandation n° 23 : La CNCDH recommande d’instituer un recours suspensif de plein droit dans le cadre de l’ensemble des procédures d’asile.

Recommandation n° 24 : La CNCDH recommande d’allonger le délai de recours à l’encontre des décisions de refus d’entrée sur le territoire français, des décisions de transfert des personnes faisant l’objet d’une procédure « Dublin » et des décisions d’irrecevabilité ou de rejet prononcées à l’encontre d’un demandeur d’asile en rétention. Elle recommande également la transformation des délais d’heure à heure en délais à jours ouvrés.

Recommandation n° 25 : S’agissant de la procédure d’asile à la frontière, la CNCDH recommande de fixer pour point de départ du délai de recours contre les décisions de refus d’entrée, la date de remise des notes d’entretien de l’OFPRA, afin que le demandeur soit mis à même de motiver son recours contre la décision de rejet de l’office.

Recommandation n° 26 : La CNCDH recommande que la CNDA statue en formation collégiale, que la procédure soit accélérée ou normale. Devant cette juridiction, le libre choix d’un défenseur doit en outre être préservé, y compris au titre de l’aide juridictionnelle. Un temps suffisant pour la préparation de la défense doit être impérativement garanti.

Recommandation n° 27 : La CNCDH recommande de garantir des conditions matérielles d’accueil en :

  • améliorant l’accueil, l’hébergement et l’accompagnement, notamment par la création de nouvelles places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile,
  • réévaluant le montant de l’allocation temporaire d’attente,
  • renforçant les droits sociaux des demandeurs d’asile, afin de leur permettre d’accéder au marché de l’emploi après le dépôt de la demande, d’être affiliés au régime général de l’assurance maladie et de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire.

Recommandation n° 28 : La CNCDH, marquant son attachement au libre choix par les demandeurs d’asile de leur lieu de résidence, recommande aux pouvoirs publics de ne pas opter pour un hébergement directif et surtout de ne pas mettre en place un système de contrôle des demandeurs d’asile proche d’un régime d’assignation à résidence. En effet, chaque demandeur d’asile doit avoir la faculté de pourvoir lui-même à son hébergement ou d’être hébergé par un tiers sans se voir pénalisé par la perte de son droit à une allocation. Si le principe d’un hébergement directif devait néanmoins être retenu, la CNCDH estime qu’il est nécessaire de recueillir le consentement du demandeur d’asile.

Recommandation n° 29 : La CNCDH recommande de prendre en compte l’état de vulnérabilité des demandeurs d’asile afin de répondre à leurs besoins réels et sans que cela se fasse au détriment de ceux qui ne présentent pas un tel état de vulnérabilité. En outre, l’utilisation d’outils d’identification de la vulnérabilité ne saurait pallier le manque de moyens dédiés à l’accompagnement et à l’offre de soins afférents. Ces outils doivent être appréciés et validés par les instances responsables, en particulier par le ministère de la santé et des affaires sociales ; ils doivent également être discutés au préalable, de manière pluridisciplinaire, avec les institutions référentes sur le sujet (autorités universitaires, sociétés savantes reconnues, etc.), afin d’éviter que ne soit créée une filière spécialisée pour les demandeurs d’asile sous la responsabilité du ministère de l’intérieur. Enfin, la vulnérabilité doit pouvoir être identifiée tout au long du parcours du demandeur d’asile, et non exclusivement en amont ou lors du dépôt de la demande.

Recommandation n° 30 : La CNCDH recommande l’interdiction de toute privation de liberté pour les mineurs isolés étrangers, ceux-ci ne devant en aucun cas être placés en zone d’attente ou en rétention administrative. Pour la CNCDH, les pouvoirs publics doivent considérer que le fait pour un mineur d’être isolé et étranger emporte une présomption de danger, qui fonde, à son tour, le droit d’accéder à la protection du juge des enfants. En conséquence, les mineurs isolés étrangers doivent recevoir une protection judiciaire et le soutien de l’aide sociale à l’enfance.