Manuel Valls : ses propos sur l’immigration analysés par deux associations

L’interview donnée au journal Le Monde par Manuel Valls, le 28 juin, a déçu les défenseurs des droits, et les associations qui sont quotidiennement aux côtés des demandeurs d’asile et des sans-papiers. Il convient cependant de relire avec application cette interview. C’est ce qu’ont fait deux associations : le réseau éducation sans frontière (RESF), et France Terre d’asile.

Certains avaient conclu un peu rapidement que Valls avait enfilé les pantoufles de Guéant. C’était aller un peu vite en besogne. On se souvient du discours sans concession qu’il avait prononcé lors de la passation de pouvoir : les choses semblaient claires. Et on retrouve dans cette interview des points essentiels, qui peuvent rassurer les défenseurs des droits : la prise en compte de trois critères pour la régularisation (le temps de séjour en France, les relations familiales, l’intégration par le travail), la création d’un nouveau titre de séjour de 3 ans qui permettra d’amoindrir sensiblement la situation de précarité des personnes concernées, la facilitation des procédures de naturalisation.

Mais tout ceci est gâché par une ânerie, que dénoncent ensemble RESF et France Terre d’asile : le maintien d’un quota d’expulsions. Comme Sarkozy et Guéant, Manuel Valls prévoit 30000 expulsions par an. Mais alors, pourquoi dire que les régularisations se feront au cas par cas, à partir de critères clairs ? S’il ne trouve pas 30000 étrangers ne répondant pas aux critères qu’il annonce, et donc expulsables, que fera Manuel Valls ? Il changera les critères ?

Comme le dit Pierre Henry, directeur général de France Terre d’asile dans la tribune qu’il a publié dans le Nouvel Observateur, « cet imbroglio tient au fait que l’immigration est généralement encore un impensé à gauche. On s’en tient plutôt à distance, et, à gauche comme à droite, on a souvent tendance à calquer son opinion sur celle… du bistrot ! Des idées simples pour une problématique complexe, insuffisamment partagée à gauche ». Tout se passe comme si la gauche se croyait obligée de donner des assurances à la droite, comme si les Français étaient tous d’accord avec cette politique d’expulsions, de fermeture des frontières. Les sondages réalisés sur le droit de vote des étrangers extra-européens aux élections locales ont pourtant montré, les uns après les autres, qu’une large majorité de la population l’approuvait.

Les deux articles, de RESF et de France Terre d’asile ont le mérite de reposer calmement les choses, et de faire le tri entre positif et négatif.

Henri IV estimait que « Paris vaut bien une messe ». Il ne faudrait pas que la gauche se dise que « le pouvoir vaut bien un charter ».

Manuel Valls s’exprime sur l’immigration

Manuel Valls, dans une interview qu’il a accordée au journal Le Monde, commence à dévoiler ce qui sera sa politique en matière d’immigration. Il s’y exprime essentiellement sur le problème des étrangers en situation irrégulière, les « sans-papiers ».

1ère annonce, décevante : il n’y aura pas de régularisation massive. Avec un argument étrange : « être de gauche, ce n’est pas régulariser tous les sans-papiers ». Ah bon. Autre argument, celui-là faux : la situation de l’emploi en France ne le permet pas. Valls associe donc chômage et immigration, alors que toutes les études sérieuses prouvent qu’il n’y a pas de lien entre les deux.

Quelques motifs de satisfaction cependant. Si Valls n’a pas l’intention de réduire le nombre d’expulsion, il semble être décidé à en finir avec la politique du chiffre, et à mettre un peu de logique dans ces procédures. Il retient quelques critère qui plaideront en faveur de la régularisation : le temps passé en France, la situation de famille, la scolarisation (mais les familles ne sont pas toujours responsables de la non scolarisation des enfants, quand on voit ce qui s’est passé à Rubelles récemment). Il semble vouloir faire respecter l’État de droit, en faisant en sorte qu’il n’y ait pas de traitements différents d’une préfecture à l’autre.

Autre motif de satisfaction : le ministre ne veut plus d’enfants en centres de rétention. C’est bien le moins.

Manuel Valls veut par ailleurs créer un nouveau titre de séjour, de trois ans : « Le droit au séjour doit être rendu plus simple, plus lisible. Ce qui ne veut pas dire moins exigeant. Les difficultés à obtenir un titre de séjour sont des facteurs de fragilisation économique, psychologique, sociale, et donc des obstacles à l’intégration. Il nous faudrait essayer de légiférer cette année, et à ce titre, créer un titre de séjour intermédiaire d’une durée de trois ans qui permette de stabiliser ceux qui vivent et travaillent de manière régulière sur le sol national. J’ai, à ce propos, été révolté par le sort réservé à ces étrangers qui se retrouvent dans les files d’attente devant les préfectures pour renouveler leurs papiers pendant des heures, la nuit, ou dans le froid. Ça n’est pas ça, la France. »

Enfin, le ministre entend simplifier les procédures de naturalisation : « Elle ne doit plus être pensée comme l’issue d’un parcours du combattant mais comme l’issue d’un processus d’intégration ». En deux ans, le nombre de naturalisations a chuté de 40%, Manuel Valls veut inverser cette tendance. Et la situation des demandeurs d’asile est de plus en plus catastrophique, en terme de logement, de soin, mais aussi de démarches administratives.

Si les choses commencent à se clarifier, il est urgent que la ministère donne des instructions précises aux préfets : les expulsions arbitraires se poursuivent depuis le départ de Sarkozy et de Guéant.

 

 

Travailleurs et étudiants étrangers : la « Plateforme 12 » écrit au premier ministre

Communiqué.

Le 29 mai dernier, le Premier Ministre Jean-Marc AYRAULT a reçu en mains propres une lettre ouverte signée par les premiers dirigeants des douze organisations constituant la « Plateforme 12 » (CGT, FSU, UNEF, Autremonde, La Cimade , Collectif 31 mai, Femmes Égalité, JOC, LDH, MRAP, RESF, SOS Racisme) appelant à l’organisation d’une rapide rencontre sur la question des travailleurs-euses migrants sans papiers  et étudiant-e-s étranger-e-s.

Nos organisations se sont félicitées de l’abrogation de la scandaleuse circulaire du 31 mai 2011, dite circulaire Guéant. Elles souhaitent que le nouveau texte (31 mai 2012) paraisse rapidement au JO pour faciliter son application. Pour autant, de nombreuses questions concernant l’égalité de traitement entre étudiants français et étrangers restent pendantes.

Nous réaffirmons avec force, comme le proclame notre plate-forme commune, l’idée suivante : « Dans leur très grande majorité, les migrants, qu’ils soient avec ou sans papiers, sont des travailleurs-euses ou des futurs travailleurs-euses. Ils n’ont vocation, ni à être victimes de la déréglementation sociale, ni à en être les vecteurs. Ils ne prennent le travail de personne. Ils sont partie intégrante du salariat. »

Les élections, tant présidentielles que législatives, sont maintenant passées. Une majorité existe, qui a souvent exprimé sa solidarité vis à vis de ces travailleurs, étudiants et jeunes majeurs scolarisés.

Il est maintenant temps de construire les fondements d’une nouvelle politique assurant l’effectivité de « l’égalité de traitement entre Français et Étrangers dans les études comme au travail », garantie par des textes législatifs ou réglementaires.

Nous, acteurs sociaux, saurons y participer avec la sérénité et la  responsabilité qui s’imposent, et la rencontre que nous avons sollicitée auprès du Premier Ministre doit marquer l’ouverture de ce dialogue.

 

France Terre d’asile s’adresse au président de la République

Après la Ligue des droits de l’Homme, c’est l’association France Terre d’asile vient d’adresser un courrier à François Hollande, président de la République.

Elle lui fait part de ses inquiétudes en ce qui concerne l’attribution au ministère de l’intérieur de la gestion de l’immigration. France Terre d’asile rappelle au président ses déclarations de campagne électorale, et notamment la différence qu’il faisait entre « politique migratoire et politique d’asile » : l’association estime que « le pilotage de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent en effet d’un processus de justice et de solidarité nationale et internationale. Cela ne saurait signifier un quelconque laxisme, une absence de normes. C’est la garantie d’un traitement de dignité et de rigueur ».

Toutes les associations qui s’occupent des étrangers, demandeurs d’asile ou migrants, sont inquiètes de cette situation, et attendent avec impatience des indications claires sur ce que va être la nouvelle politique française dans ces deux domaine : politique migratoire et politique d’asile.

Voici le courrier de France Terre d’asile :

Vendredi, 22 Juin 2012 08:36

Monsieur le Président de la République,

Pendant la campagne présidentielle, vous avez clairement indiqué que l’immigration n’était pas le sujet central ni la préoccupation première de nos compatriotes. Cette stratégie s’est avérée gagnante face à l’instrumentalisation voulue par Nicolas Sarkozy sur ce sujet. Vient maintenant le temps du pouvoir et de la mise en œuvre du changement attendu et désiré par le Peuple français.

Ce changement, les défenseurs des droits de l’homme l’ont appelé de leurs vœux en matière de gouvernance des migrations, à travers leur action déterminée et continue.

Depuis cinq ans, intellectuels, syndicalistes, responsables associatifs, hommes et femmes politiques alors principalement dans l’opposition, nous n’avons cessé de dénoncer, ensemble, la prévalence de l’approche sécuritaire sur la protection des réfugiés et des étrangers malades. Nous avons répété que l’implication du ministère de l’Intérieur dans des domaines qui relèvent d’un accès juste et égalitaire à la procédure d’asile plutôt que du contrôle de l’entrée et séjour des migrants, entretenait la confusion.

Dans la lettre que vous aviez adressée à France terre d’asile au mois d’avril, on pouvait lire sous votre plume : « Je souhaite porter une nouvelle politique migratoire, responsable, fondée sur des règles claires, justes et stables… Vous évoquez la politique d’asile. Je veux souligner la nécessité de protéger et renforcer ce droit fondamental, d’ailleurs garanti par des règles internationales. II est aujourd’hui nécessaire de mettre en œuvre une autre politique de l’asile, détachée de la régulation des flux migratoires, par ailleurs nécessaire, car ne relevant pas de la même logique. »

Partageant pleinement cette sage vision, nous sommes préoccupés de constater que l’attribution de l’ensemble du secteur des migrations est maintenue au ministère de l’Intérieur, comme ce fut le cas durant les cinq années précédentes.

Nous pensons que l’asile doit être distingué de la question migratoire. Le pilotage de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile relèvent en effet d’un processus de justice et de solidarité nationale et internationale. Cela ne saurait signifier un quelconque laxisme, une absence de normes. C’est la garantie d’un traitement de dignité et de rigueur.

Par ailleurs, les politiques en faveur de l’intégration ne peuvent davantage relever du ministère de l’Intérieur. La politique linguistique, la refondation du contrat d’accueil et d’intégration sont des problématiques de solidarité et d’égalité qui doivent être portées au niveau local par les ministères normalement compétents sur ces sujets.

Enfin, les politiques de protection de la santé des étrangers atteints de maladie grave doivent désormais relever du ministère de la Santé. Les pressions exercées depuis 2003 par le ministère de l’Intérieur à l’encontre des médecins – incluant les médecins des Agences régionales de santé en charge d’évaluer les critères médicaux fixés par la loi – contreviennent non seulement à l’application sereine du droit au séjour pour raison médicale, mais plus largement aux garanties de protection de la santé pour tous, fixées par notre constitution.

L’espoir que vous incarnez, Monsieur le Président, c’est celui de doter la France d’une politique rénovée et plus respectueuse de la personne dans tous les domaines de la migration.  Le premier pas en ce sens serait de redonner à l’asile et à la protection internationale la place spécifique qu’elles méritent. Il en est de même pour l’intégration et pour la protection des étrangers malades, qui ne relèvent pas d’une logique sécuritaire ni de contrôle des flux. Cette reconnaissance par la mise en place d’une gouvernance appropriée de ces questions, qui relèvent plus de la solidarité que de la sécurité, permettrait de redonner à nos valeurs républicaines, qui ont été bien malmenées ces cinq dernières années, le sens qui fait l’honneur de la France.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très  haute considération.

Liste des associations et organisations signataires :

Accueil Insertion Rencontre, Lille ;  Act-Up ; Aides, Association pour le logement temporaire et l’hébergement d’Alençon (ALTHEA); Association Logement Accueil et Promotion (ALAP), Annecy ; Association chrétienne de coordination, d’entraide et de solidarité (ACCES),Mulhouse ; Catred ; Centre Primo Levi – Vivre après la torture ; Collectif Urgence Darfour ; Comité des médecins généralistes pour l’accès aux soins (Comégas) ; Comité médical pour les exilés (Comède) ; Confédération démocratique française du travail (CFDT) ; Créteil solidarité ; Droit et Démocratie ; Emmaüs Solidarité ; Association ESPOIR, Mulhouse ; Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives ; Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) ; Fédération nationale des Maisons des Potes ; Foyer Notre Dame, Strasbourg ; France terre d’asile ; Fondation Abbé Pierre ; Foyer d’accueil Chartrain, Chartres ; France Syrie Démocratie ; Association Mana, Bordeaux; Maavar ; MRAP; Paris Foot Gay ; SOS racisme ; Saint Benoit Labre, Nantes ; Syndicat de médecine générale (SMG) ; Toit du Monde, Poitiers ; Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).
Liste des signataires :

Christine Aubourg, Pdt. d’Accueil Insertion Rencontre ; Omar Benfaid, Secrétaire confédéral de la CFDT; Tarek Ben Hiba, Pdt. de la FTCR ; Pascal Brèthes, Pdt. de Paris Foot Gay ; Michel Brugière, Pdt. du Centre Primo Levi-Vivre après la torture ;  Jean-Pierre Charlier, Pdt. du Foyer d’accueil Chartrain ; Jacqueline Costa-Lascoux, Directrice de recherche honoraire au CNRS; Saïd Darwane, Conseiller national de l’UNSA ; Patrick Denelle, Directeur d’Accueil Insertion Rencontre ; Alexandre Dorna, Professeur des Universités;  Patrick Doutreligne, Délégué général de la Fondation Abbé Pierre ; Sabrina Goldman, Avocate ; Pierre Henry, DG de France terre d’asile ; François Héran, Directeur de recherche à l’INED ; Yvan Kagan, Secrétaire confédéral de la CFDT ; Smaïn Laacher, Sociologue ; Pascal Lesot, DG d’Althea ; Cécile Lhuillier et Frédéric Navarro, Co-présidents d’Act Up-paris ; Nicole Maestracci, Pdt. de la FNARS ; Jean-Louis Malys, Secrétaire national de la CFDT ; Jacky Mamou, Pdt. du Collectif Urgence Darfour ; Claire Mestre, Membre du CA de l’association MANA ; Eléonore Morel, DG du Centre Primo Levi-Vivre après la torture ; Geneviève Mouillet, Pdt. de l’association ESPOIR ; Olivier Pasquiers, Photographe ; Marc Prévot, Pdt.  d’ Emmaüs Solidarité ; Nicole Questiaux, CA de France terre d’asile; Jacques Ribs, Pdt. de France terre d’asile et de Droit et Démocratie ; Frédéric Tiberghien, CA de France terre d’asile ; Samuel Thomas, Pdt. de la fédération nationale des Maisons des potes ; Bernard Schalscha, Secrétaire général de l’association France Syrie Démocratie ; Patrick Simon, Directeur de recherche à l’INED ; Dominique Sopo, Pdt. de SOS Racisme ; Bruno Spire, Pdt. d’AIDES ; Patrick Viveret, Philosophe et écrivain ; Arnaud Veisse, Directeur du Comède ; Catherine Wihtol de Wenden, directrice de recherche au CNRS (CERI) ; Marc Wluczka, ancien Directeur de la santé publique de l’OFII; Jean-Robert Yapoudjian, DG d’ACCES ; Breining Antoine, Pdt. de l’Association du Foyer Notre Dame ; Moreau Benoit, Pdt. de Saint Benoit Labre ; Marceau Joseph, DG de Maavar.

Rubelles la vie !

Ça n’est pas si souvent qu’on a de bonnes nouvelles : ne boudons pas notre plaisir !

Vous vous souvenez sans doute de cette lamentable affaire : le maire de Rubelles (Seine et Marne), Jacques Baumann, refusait depuis la rentrée de scolariser 18 enfants d’origine tchétchène, sri-lankaise, ingouche, au motif qu’il n’y avait pas de place dans les écoles de la commune. Ce que démentait l’inspection académique : deux classes d’initiation, destinées aux enfants non francophones, avaient été ouvertes.

Finalement, le 7 mai, le préfet est intervenu pour contraindre le maire à respecter la loi.

Cependant, tous ceux qui avaient soutenu ces familles, notamment RESF, Amnesty International  et la Ligue des droits de l’Homme, au sein du collectif « les enfants de Rubelles », ne sont pas entièrement satisfaits : « il n’y a pas encore à ce jour d’enquête administrative pour déterminer les responsabilités de ceux qui savaient et ont pourtant laissé la situation perdurer presque toute une année scolaire : mairie, préfecture, inspection académique », regrettent-ils.

Parents et élèves, et le collectif des enfants de Rubelles -RESF, LDH77 -Amnesty International Melun- remercient toutes les personnes et associations qui les ont soutenus et proposent une  petite vidéo, où voit que la vraie vie reprend ses droits, intitulée  « Rubelles la vie – les enfants font la fête ».

httpv://www.youtube.com/watch?v=r70IquAZbrg

 

 

 

Lettre de Pierre Tartakowsky au premier ministre sur les étrangers

Parmi les lettre envoyées par Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, à François Hollande et Jean-Marc Ayrault,  il en est une qui est d’une brûlante actualité : il s’agit de celle, adressée au premier ministre, qui concerne les étrangers. On ne demande pas au nouveau gouvernement de tout régler en un mois. Mais quelques signes inquiètent les défenseurs des droits de l’Homme :

  • le maintien de l’immigration dans les compétences du seul ministère de l’intérieur.
  • la poursuite des expulsions et de mise en rétention des étrangers.

Michel Tubiana s’en était d’ailleurs ému dans une tribune parue dans le quotidien Libération le 18 juin dernier, intitulée « Place Beauvau… asile pour l’intégration ? »

Voici le courrier adressé par Pierre Tartakowsky à Jean-Marc Ayrault.

LE PRÉSIDENT

Réf. : 260/12/PT/VP/FY

Monsieur Jean-Marc Ayrault

Premier ministre

Hôtel de Matignon

57, rue de Varenne

75700 Paris

 

Paris, le 19 juin 2012

Monsieur le Premier ministre,

 

Au long des dix dernières années, les étrangers ont été ramenés à un problème. Et ce supposé problème a fini par en poser un, bien réel, à la démocratie, en polluant profondément les termes du débat public et du contrat social.

C’est de cette situation idéologique dont il faut s’extraire, sous peine de graves périls. Car les rapports de la nation à ses minorités, à la présence d’étrangers sur son sol, ne sauraient être envisagés sous le seul signe de la peur et de la xénophobie, sauf à accepter une dangereuse altération du contrat républicain. En effet, faire de la question « étrangers » un en soi, c’est se condamner à être sommé d’accepter une grille de lecture binaire, « eux » et « nous », « pour » ou « contre ». Un simple retour sur la formation sociale française, une simple projection sur son avenir suffit à en montrer l’aberration. Mais, ni l’un, ni l’autre, ne peuvent suffire à trouver le chemin de l’apaisement pour faire pièce aux discours de haine, de peur et d’irrationalité tenus à l’égard des étrangers.

Reconstruire la confiance nécessite des décisions politiques, de la réflexion en amont de ces décisions ? et du temps pour cette réflexion. C’est pourquoi, nous pensons que la première des décisions devrait être celle qui ouvre la porte aux possibles raisonnés : un moratoire des expulsions. De fait, les OQTF et les CRA sont aujourd’hui les symboles détestés d’une politique condamnée pour son inhumanité. Ce moratoire permettrait l’apaisement, vaudrait engagement d’entamer une remise à plat ? et signerait le décès de la détestable politique du chiffre, responsable de drames humains et facteur de l’abaissement de l’image de la France dans le monde.

Ce moratoire permettrait aux Françaises et Français de débattre contradictoirement, et tranquillement, des mensonges qui ont fait tant de mal ; il réinscrirait notre réalité nationale dans la dimension la plus généreuse et la plus sage de son histoire. C’est ce que vous avez commencé à faire – et que nous avons apprécié – avec l’abrogation de la circulaire du 31 mai.

Sept orientations restrictives caractérisent les cinq années passées de politique des étrangers.

  • Depuis 2003, les successives réformes législatives en matière de droit d’asile ont privilégié des procédures accélérées pour l’examen des  dossiers de réfugiés et l’octroi de la protection subsidiaire, au détriment d’une pleine application de la convention de Genève.
  • Les réformes du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d’asile (Ceseda) de 2003, 2006, 2007 et 2011, ont, chaque fois, réduit un peu plus les perspectives d’obtention d’un titre de séjour pour des étrangers résidant et travaillant dans notre pays, depuis de longues années parfois, avec des phénomènes de réaction en chaîne en matière de logement, par exemple, ou d’allocations.
  • Les conditions très restrictives d’octroi des visas entraînent des drames familiaux et personnels, en empêchant la réunion des familles, et poussent souvent les migrants à prendre de grands risques pour pouvoir quand même venir dans notre pays. Elles donnent, de plus, une image catastrophique de notre pays, notamment en raison des faits de corruption qui les accompagnent.
  • Les populations roms, essentiellement venues de Bulgarie et Roumanie, sont soumises à des conditions particulières de reconnaissance de leur citoyenneté européenne, et sont arrêtées, détenues, expulsées. L’amalgame fait avec les Gens du voyage révèle mépris et racisme, discriminations et inégalités.
  • L’enfermement des étrangers, en zone d’attente, à l’entrée du territoire (touristes, demandeurs d’asile, mineurs isolés…) et en centres de rétention (familles avec enfants, malades…) est devenu la règle, parfois au nom d’un arbitraire insupportable.
  • Alors que dans la majorité des pays européens, les résidents étrangers votent aux élections locales, en France l’exercice de la démocratie n’a pas été élargie, et le droit de vote et d’éligibilité continue à être strictement conditionné à la nationalité.
  • La naturalisation, présentée comme la réponse à toute intégration, s’est dramatiquement réduite dans son accès, au point qu’elle devient l’objet d’un véritable parcours du combattant.

 

Pour rompre avec ces situations, il faut d’abord que cesse la mise à l’index des étrangers présentés comme des fraudeurs, dont l’existence porterait atteinte à la cohésion sociale.

Nous ne pouvons continuer cette thématique du « trop d’étrangers » qui non seulement désigne ce qui serait a priori un adversaire et un danger, mais constitue un déni de réalité.

Nous réclamons un débat public afin de mettre un terme aux invraisemblables mensonges qui sont utilisés pour renouer avec la thématique du bouc émissaire.

Répondre à ces questions, c’est d’abord rétablir la vérité des faits.

Votre gouvernement pourrait, en même temps, mettre en débat publiquement, des propositions relevant d’une orientation tout à la fois réaliste et solidaire :

  • la démocratie trouverait son extension avec le droit de vote et d’éligibilité de tous les résidents étrangers aux élections locales ;
  • l’accès à la nationalité française doit être facilitée par des procédures élargies et stabilisées sur tout le territoire ;
  • l’effectivité du droit d’asile suppose les mêmes procédures pour tous en matière de dépôt de dossiers, assorties d’un recours suspensif sur toute décision prise par l’Ofpra, et la suppression de la liste dite des pays d’origine sûrs ;
  • la régularisation de tous les salariés sans papiers peut être permise par des critères stables et nationaux, en même temps que les débats parlementaires sur la réforme du Ceseda porteront sur l’attribution à tous de la carte de résident de dix ans ;
  • la suppression des visas de court séjour, et, à défaut, la justification par les services consulaires d’une décision de refus, doit permettre une reprise normale de la circulation des personnes ;
  • l’extension continue de la rétention administrative doit connaître un coup d’arrêt par la généralisation des  procédures suspensives, respectueuses des droits des demandeurs et de leur défense, par l’interdiction absolue de la mise en Cra d’enfants, par l’existence de permanences d’avocats dans les zones d’attente ;
  • les droits et taxes, telle celle de l’Ofii, sont autant d’obstacles illégitimes et dérisoires, vécus par les personnes comme méprisants. Ils doivent être ramenés à une juste mesure d’un simple acte administratif.

 

Ces mesures s’inscrivent toutes dans un retour à une normalité républicaine, dont le socle est l’égalité des droits. Cette base nous semble à la fois raisonnable, démocratique, et donc susceptible de rassembler largement pour faire face aux défis que notre pays affronte et va devoir affronter.

En espérant que notre démarche recueillera votre attention, je vous prie, Monsieur le Premier ministre, de recevoir l’expression de ma haute considération.

 

Pierre Tartakowsky

                                                                       Président de la Ligue des droits de l’Homme

Le préfet du Finistère s’exprime sur la situation des demandeurs d’asile dans son département

Le Préfet du Finistère s’est exprimé dans Le Télégramme sur la situation des demandeurs d’asile dans son département, qui accueille en ce moment, selon lui 630 personnes. Il déplore la faiblesse de moyens dont il dispose pour faire face à cette situation inédite : «Mon problème, c’est de mettre à l’abri ces personnes dans la précarité sociale. Or, nous n’avions plus de places disponibles. Nous avons donc recherché des hébergements temporaires. Ce n’est pas une politique glorieuse, je le sais, je suis allé vers le moins cher, c’est vrai, mais c’était cela ou les mettre à la rue. Or, je me refuse à régler le problème par la mise à la rue des gens», a-t-il assuré. Il ajoute : «Nous avons pratiquement épuisé, en cette fin de premier semestre, notre budget annuel, qui était de 3,1M€ en 2011, et je me refuse, pour le moment, à puiser dans les moyens du plan hivernal. Nous en avons alerté l’État bien avant le 6mai et sollicité le gouvernement pour des financements supplémentaires».

Le préfet semble montrer beaucoup de bonne volonté et d’humanité dans le traitement de cette situation, et a le courage de reconnaître des erreurs de la part de l’administration. Mais il dit une chose étonnante (dans la légende de la photo qui accompagne l’article) : «Aucune association qui nous critique n’apporte de solution, en dehors d’une association quimpéroise». Est-ce vraiment le rôle des associations d’apporter des solutions ? Celles qui sont habilitées ont vu leurs financements fondre comme neige au soleil. C’est tout de même bien au gouvernement d’élaborer les politiques publiques, et à veiller à leur application !

Cette situation n’est pas propre au Finistère. La section Loudéac centre Bretagne reçoit de plus en plus de demandeurs d’asile envoyés à Loudéac par la préfecture, sans aucun moyen en dehors du logement ; avec tous les problèmes que pose l’éloignement du chef lieu de département : cela multiplie les déplacements à la préfecture pour le suivi des dossiers.

 

Pace Beauvau… asile pour l’intégration ?

Michel Tubiana en conférence à Quimper

Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de  l’Homme, vient de publier une tribune dans la rubrique « Rebonds » du quotidien Libération, au sujet de la nouvelle politique que le gouvernement va mettre en place en ce qui concerne l’immigration et de droit d’asile.

Quelques petits signes permettent en effet de s’inquiéter : on est en droit d’espérer qu’un gouvernement socialiste mènera une politique migratoire radicalement différente que celle, honteuse, menée par la droite. Mais l’immigration et le droit d’asile restent dans les compétence du ministre de l’intérieur. Et ce ministre vient d’approuver la possibilité de restaurer les contrôles aux frontières de façon temporaire, dans l’espace Schengen,  «dans des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global».

Faut-il rappeler à Manuel Valls qu’il n’est pas le remplaçant de Claude Guéant, mais qu’il en est le successeur ?

Libération, Rebonds, 18/06 /2012

Place Beauvau… asile pour l’intégration ?

On avait bien compris en entendant le candidat François Hollande, lors du débat d’entre-deux tours, prendre ses distances avec son engagement écrit de ne plus voir d’enfants en centre de rétention, que ce n’était pas là le sujet qui lui était le plus facile. L’affirmation réitérée de son refus de toute régularisation d’ampleur, l’identité terminologique avec les mots de la droite destinés à pourfendre les «clandestins», tout cela montre que le président de la République peine à définir ce que pourrait être une autre politique dans ce domaine. Et, sauf à pratiquer un angélisme de mauvais aloi, il faut reconnaître qu’entre différentes contraintes, la moindre n’étant pas une difficile coopération européenne pourtant ô combien nécessaire, le sujet n’est pas de ceux que l’on peut résoudre en un débat ni même en une ou plusieurs lois ou décrets.

La surenchère à laquelle Nicolas Sarkozy s’est livré sur ce thème, depuis qu’il est ministre de l’Intérieur jusqu’à sa défaite, a rendu encore moins audible tout propos rationnel sur ce sujet, en même temps que, vieille vérité historique, les peurs contemporaines font de nouveau se conjuguer l’image de l’Étranger et du bouc émissaire. La même loi d’airain de l’histoire veut qu’après l’étranger, ce soit celui qui lui ressemble, fût-il français, qui fasse les frais du rejet. La mise en cause de plus en plus acerbe des Arabes, des musulmans, des gens du voyage, la liste n’est pas limitative, la stigmatisation de plusieurs catégories de population, selon leur origine, leur situation géographique ou sociale, sont venues comme la suite naturelle de cette xénophobie d’État. L’air est vite devenu irrespirable pour toute une partie de la population. En politique, encore plus depuis que notre société se nourrit d’images et de représentations, les signes donnés sont souvent aussi importants que le fond des mesures prises.

Et le décret qui définit les attributions du ministère de l’Intérieur lance un des plus mauvais messages qui soient. Il maintient, en effet, dans les attributions de ce ministère l’immigration, l’asile, l’intégration et les naturalisations. Il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention au nouveau ministre de l’Intérieur dont on jugera de l’action sur pièces. Il s’agit de relever qu’en confiant à la place Beauvau le soin de préparer et de mener la politique dans des domaines qui n’ont rien à voir avec ses compétences naturelles, la vision réductrice et alarmiste d’une trop grande présence étrangère ou d’origine étrangère, justifiant d’un traitement policier, continue à s’imposer comme l’alpha et l’oméga de toute politique gouvernementale qu’elle soit de droite ou de gauche. Rien ne justifie que le ministère de l’Intérieur ait son mot à dire sur l’application du droit d’asile alors que celui-ci résulte, au-delà des dispositions constitutionnelles, de l’application d’une convention internationale qui oblige la France. Il suffit de constater les délais et le fonctionnement désastreux de l’Ofpra et de la Cour nationale du droit d’asile (la révolte des avocats spécialisés dans ces dossiers en atteste), ou les restrictions quotidiennes opposées à l’action des associations, pour se convaincre que l’autorité naturelle de ce domaine réside au ministère de la Justice.

Rien ne justifie que les naturalisations soient aussi restées dans l’escarcelle du ministère de l’intérieur. Les réformes législatives intervenues, comme l’éclatement du traitement des dossiers par préfecture ont entraîné une chute vertigineuse des naturalisations (94 500 en 2010, 66 000 en 2011 selon Claude Guéant) avec son cortège d’arbitraire et de discrimination selon l’origine. Ce qui se lit de la manière suivante : mieux vaut ne pas être issu du Maghreb ou d’Afrique, mieux vaut ne pas être musulman pratiquant ou non et mieux vaut ne pas avoir d’idées politiques…C’est la même logique qui prévaut dans ce l’on appelle «l’intégration» qui n’est rien d’autre que l’alignement sur une certaine conception de l’identité française dont on a vu ce qu’elle portait d’exclusion et de haine lorsqu’il vint au précédent gouvernement l’idée de la mettre en débat sous l’égide des préfectures.

Sans doute, Manuel Valls plaidera-t-il qu’il en sera autrement sous son égide. Mais, d’une part, ce n’est pas lui faire injure que de s’interroger sur les raisons pour lesquelles de mauvaises lois deviendraient bonnes sous un autre gouvernement. D’autre part, on se permettra de faire valoir ici une expérience : trente ans de fréquentation assidue des mécanismes préfectoraux ont permis de constater qu’à quelques amodiations près, avoir enseigné pendant des années aux agents que les étrangers sont par hypothèse des fraudeurs et au mieux de trop, ne permet aucune amélioration si des signes radicaux de changement ne sont pas donnés par l’autorité politique. L’engagement en faveur du droit de vote des résidants non communautaires aux élections locales est un grand pas en avant. Son application ne suffira pas à transformer profondément le paradigme dans lequel sont enfermés les étrangers et ces millions de Français que l’on désigne encore par leur origine ou leur religion plutôt que par leur nationalité.

La haine a été trop longtemps distillée, elle est maintenant revendiquée et mesurable. L’apaisement que nous souhaitons tous, le retour à un débat rationnel, le respect de ceux et celles qui sont, Français ou non, des êtres humains passe, d’abord, par cesser de diaboliser les étrangers.

Par Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH

 

 

 

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Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de  l’Homme, vient de publier une tribune dans la rubrique « Rebonds » du quotidien Libération, au sujet de la nouvelle politique que le gouvernement va mettre en place en ce qui concerne l’immigration et de droit d’asile.

Quelques petits signes permettent en effet de s’inquiéter : on est en droit d’espérer qu’un gouvernement socialiste mènera une politique migratoire radicalement différente que celle, honteuse, menée par la droite. Mais l’immigration et le droit d’asile restent dans les compétence du ministre de l’intérieur. Et ce ministre vient d’approuver la possibilité de restaurer les contrôles aux frontières de façon temporaire, dans l’espace Schengen,  «dans des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global».

Faut-il rappeler à Manuel Valls qu’il n’est pas le remplaçant de Claude Guéant, mais qu’il en est le successeur ?

Libération, Rebonds, 18/06 /2012

 

Place Beauvau… asile pour l’intégration ?

On avait bien compris en entendant le candidat François Hollande, lors du débat d’entre-deux tours, prendre ses distances avec son engagement écrit de ne plus voir d’enfants en centre de rétention, que ce n’était pas là le sujet qui lui était le plus facile. L’affirmation réitérée de son refus de toute régularisation d’ampleur, l’identité terminologique avec les mots de la droite destinés à pourfendre les «clandestins», tout cela montre que le président de la République peine à définir ce que pourrait être une autre politique dans ce domaine. Et, sauf à pratiquer un angélisme de mauvais aloi, il faut reconnaître qu’entre différentes contraintes, la moindre n’étant pas une difficile coopération européenne pourtant ô combien nécessaire, le sujet n’est pas de ceux que l’on peut résoudre en un débat ni même en une ou plusieurs lois ou décrets.

La surenchère à laquelle Nicolas Sarkozy s’est livré sur ce thème, depuis qu’il est ministre de l’Intérieur jusqu’à sa défaite, a rendu encore moins audible tout propos rationnel sur ce sujet, en même temps que, vieille vérité historique, les peurs contemporaines font de nouveau se conjuguer l’image de l’Étranger et du bouc émissaire. La même loi d’airain de l’histoire veut qu’après l’étranger, ce soit celui qui lui ressemble, fût-il français, qui fasse les frais du rejet. La mise en cause de plus en plus acerbe des Arabes, des musulmans, des gens du voyage, la liste n’est pas limitative, la stigmatisation de plusieurs catégories de population, selon leur origine, leur situation géographique ou sociale, sont venues comme la suite naturelle de cette xénophobie d’État. L’air est vite devenu irrespirable pour toute une partie de la population. En politique, encore plus depuis que notre société se nourrit d’images et de représentations, les signes donnés sont souvent aussi importants que le fond des mesures prises.

Et le décret qui définit les attributions du ministère de l’Intérieur lance un des plus mauvais messages qui soient. Il maintient, en effet, dans les attributions de ce ministère l’immigration, l’asile, l’intégration et les naturalisations. Il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention au nouveau ministre de l’Intérieur dont on jugera de l’action sur pièces. Il s’agit de relever qu’en confiant à la place Beauvau le soin de préparer et de mener la politique dans des domaines qui n’ont rien à voir avec ses compétences naturelles, la vision réductrice et alarmiste d’une trop grande présence étrangère ou d’origine étrangère, justifiant d’un traitement policier, continue à s’imposer comme l’alpha et l’oméga de toute politique gouvernementale qu’elle soit de droite ou de gauche. Rien ne justifie que le ministère de l’Intérieur ait son mot à dire sur l’application du droit d’asile alors que celui-ci résulte, au-delà des dispositions constitutionnelles, de l’application d’une convention internationale qui oblige la France. Il suffit de constater les délais et le fonctionnement désastreux de l’Ofpra et de la Cour nationale du droit d’asile (la révolte des avocats spécialisés dans ces dossiers en atteste), ou les restrictions quotidiennes opposées à l’action des associations, pour se convaincre que l’autorité naturelle de ce domaine réside au ministère de la Justice.

Rien ne justifie que les naturalisations soient aussi restées dans l’escarcelle du ministère de l’intérieur. Les réformes législatives intervenues, comme l’éclatement du traitement des dossiers par préfecture ont entraîné une chute vertigineuse des naturalisations (94 500 en 2010, 66 000 en 2011 selon Claude Guéant) avec son cortège d’arbitraire et de discrimination selon l’origine. Ce qui se lit de la manière suivante : mieux vaut ne pas être issu du Maghreb ou d’Afrique, mieux vaut ne pas être musulman pratiquant ou non et mieux vaut ne pas avoir d’idées politiques…C’est la même logique qui prévaut dans ce l’on appelle «l’intégration» qui n’est rien d’autre que l’alignement sur une certaine conception de l’identité française dont on a vu ce qu’elle portait d’exclusion et de haine lorsqu’il vint au précédent gouvernement l’idée de la mettre en débat sous l’égide des préfectures.

Sans doute, Manuel Valls plaidera-t-il qu’il en sera autrement sous son égide. Mais, d’une part, ce n’est pas lui faire injure que de s’interroger sur les raisons pour lesquelles de mauvaises lois deviendraient bonnes sous un autre gouvernement. D’autre part, on se permettra de faire valoir ici une expérience : trente ans de fréquentation assidue des mécanismes préfectoraux ont permis de constater qu’à quelques amodiations près, avoir enseigné pendant des années aux agents que les étrangers sont par hypothèse des fraudeurs et au mieux de trop, ne permet aucune amélioration si des signes radicaux de changement ne sont pas donnés par l’autorité politique. L’engagement en faveur du droit de vote des résidants non communautaires aux élections locales est un grand pas en avant. Son application ne suffira pas à transformer profondément le paradigme dans lequel sont enfermés les étrangers et ces millions de Français que l’on désigne encore par leur origine ou leur religion plutôt que par leur nationalité.

La haine a été trop longtemps distillée, elle est maintenant revendiquée et mesurable. L’apaisement que nous souhaitons tous, le retour à un débat rationnel, le respect de ceux et celles qui sont, Français ou non, des êtres humains passe, d’abord, par cesser de diaboliser les étrangers.

Par Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH

Squatt de Pacé : le DAL 35 assigné au tribunal, signez la pétition !

La maison de retraite de Pacé réquisitionnée par le DAL 35

Le DAL 35 a réquisitionné, le 4 mai dernier, une maison de retraite inoccupée à Pacé. Le propriétaire, la société de logements HLM « Les Foyers » a porté plainte contre l’association, et le litige sera jugé au tribunal vendredi 8 juin, à la cité judiciaire de Rennes. L’association appelle à signer une pétition de soutien, et à venir nombreux au tribunal le 8 juin.

Cliquer ici pour signer la pétition.

Appel du DAL, qu’on peut trouver sur son site :

L’association Droit Au Logement (DAL 35) est assignée au Tribunal d’Instance de Rennes pour l’expulsion de la maison de retraite désaffectée de Pacé, occupée depuis le 4 mai 2012, par environ 250 migrants sans abris dont 70 enfants.

La plupart sont demandeurs d’asile. A ce titre, ils doivent être logés par l’État, conformément à la convention de Genève sur le droit d’asile. Or, ils étaient à la rue, en violation de cette convention et de la directive européenne 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.

C’est aussi en violation de son obligation d’accueil inconditionnel jusqu’à une orientation vers un hébergement stable, de soin ou un relogement, conformément à l’article L 345-2 du Code de l’Action Sociale : que l’État laisse ces personnes à la rue.

Cette double violation illustre les errements et les politiques répressives du précédent gouvernement. Comment peut-on respecter les lois lorsque l’État ne les respecte pas lui même ?

Confronté à une situation intolérable au plan humain, et à cette double carence de l’État, Droit Au logement a apporté son appui et son expérience à l’occupation de cette maison de retraite désaffectée. L’association se trouve désormais convoquée devant Tribunal d’Instance par le Bailleur social, SA HLM Les Foyers, propriétaire des lieux.

Cette occupation est d’autant plus emblématique que jamais le nombre de logements vides n’a été aussi élevé dans notre pays (2,4 millions en France et 10 000 à Rennes-Métropole selon l’INSEE), et que la loi de réquisition reste inappliquée.

A l’heure où la gauche est de retour au Gouvernement, nous appelons au soutien le plus large des associations, des syndicats, des organisations et des habitants, pour exiger :

  • L’abandon des poursuites contre Droit Au Logement,
  • L’application de l’obligation d’accueil et d’orientation de toute personne à la rue, et le respect de la Convention de Genève,
  • L’application, si besoin est, de la loi de réquisition, afin de loger les sans abris et les mal logés
  • L’arrêt des expulsions sans relogement, pour ne pas aggraver la crise.

Nous vous invitons à venir soutenir physiquement le DAL35 et la réquisition de Pacé :

Le vendredi 8 juin 2012 dès 8h30, devant la Cité Judiciaire à Rennes.

Squat de Pacé (35) : « la plus grande honte de France » ?

http://www.alvinet.com/actualite/articles/pace-a-l-interieur-du-plus-grand-squat-de-migrants-en-bretagne-12985679.html

Le 6 mai dernier, l’association Droit au Logement d’Ile et Vilaine a « réquisitionné » une maison de retraite désaffectée, le domaine du Parc, à Pacé (35). L’association y a mis à l’abri plus de 200 migrants originaires d’une quinzaine de pays : Mongolie, Côte d’Ivoire, Afghanistan, Arménie, Georgie… Ils sont aujourd’hui menacés d’expulsion de leur logement, en raison d’une plainte déposée par le propriétaire, la société de logement HLM,  la S.A « Les Foyers ».

L’affaire doit être jugée vendredi 8 juin à 9h, à la cité judiciaire de Rennes. Le DAL publie un communiqué pour alerter l’opinion publique sur la situation inquiétante de ces personnes.

Lire également ici, .

COMMUNIQUE DAL 35

LA PLUS GRANDE HONTE DE FRANCE

Nous, DAL 35, revendiquons avoir mis à l’abri plus de 200 migrants dont une soixantaine de mineurs dans une maison de retraite désaffectée de Pacé (35) et dénonçons les conditions qui nous ont menés à cette légitime réquisition.

La presse a qualifié cette réquisition de « plus grand squat de France », que nous rebaptisons « la plus grande honte de France ! »

Cette situation est la conséquence des choix politiques effectués ces dernières années sur l’immigration et le logement d’urgence.

L’État est hors-la-loi en refusant de loger les demandeurs d’asile malgré les conventions internationales ratifiées et ses propres lois. À Rennes, un millier de demandeurs d’asile « dorment » soit à la rue soit au 115, dans des conditions extrêmement précaires.

L’État est encore hors-la-loi lorsqu’il diminue les budgets de l’hébergement d’urgence,  alors que la loi prévoit un accueil inconditionnel de tous les sans-abri. À Rennes, seuls 60% des appels au 115 aboutissent et sur ces appels aboutis, 50% se voient opposer un refus. (Chiffres du rapport sur la campagne Hivernale de l’hébergement d’urgence  de la DDCSPP du 22mai 2012).

Ce sont ces personnes, familles, enfants, malades, personnes âgées, handicapées qui ont quelques mois de répit à Pacé.

Les élus locaux continuent soit de vitupérer contre le DAL, soit de se taire. Aucun ne dénonce cette situation, aucun ne propose ni n’exige de solutions. Et pourtant 10 000 logements sont vacants sur le territoire de Rennes Métropole (INSEE).

Cri d’alarme

En l’état, les propriétaires ont demandé l’expulsion. La justice accordera peut-être un délai et APRES ?

S’agira-t-il du « plus grand relogement de migrants en France » ? Ce dont nous nous réjouirions surtout si ce grand relogement préfigurait l’application effective et générale de la loi sur l’accueil des demandeurs d’asile

En aucun cas, nous ne voulons que cette réquisition ne devienne « la plus grande expulsion de France » en jetant à la rue 200 personnes.

Nous espérons  maintenant que notre nouveau gouvernement appliquera la loi le droit d’asile et l’hébergement d’urgence. Afin de rompre ce silence complice ou coupable, nous demandons aux élus locaux de réagir pour mettre fin à cette situation scandaleuse.

 

Rennes,

le 29 mai 2012.

 

Contact : 0670547205

http://dal35.blogspot.fr/