Une nouvelle polémique alimente depuis quelques jours les discours xénophobes, racistes et islamophobe : le port du foulard par des jeunes femmes musulmanes à l’Université.
Cette polémique est née à la suite de la publication d’un rapport réalisé par le Haut conseil à l’intégration, un organisme créé par Michel Rocard en 1989. Or ce comité, qui avait une mission « laïcité », n’existe plus : il a été remplacé, en décembre 2012, par l’Observatoire de la laïcité, présidé par l’ancien député Jean-Louis Bianco. Parmi les mesures préconisées par ce rapport, il y a l’interdiction du port du foulard à l’Université.
Comme chaque fois que ce « problème » est abordé, un amalgame est fait entre le foulard, qui ne recouvre que les cheveux, et la burqua, qui « anonymise » celle qui la porte puisqu’elle cache intégralement le visage. La loi qu’avait fait voter Sarkozy en 2010 concernait le port de la burqua dans les espaces publics, pas le voile. Evidemment, cet amalgame n’est pas innocent.
Le ministre de l’intérieur s’est, comme on pouvait s’y attendre, précipité sur cette publication pour dire tout le bien qu’il en pensait. La ministre des universités s’est quant à elle prononcée contre.
Et fort heureusement, d’autres voix se sont élevées pour dénoncer cette mascarade. Et des voix autorisées. À commencer par la Conférence des Universités. Des intellectuels ont également apporté leur éclairage, tout aussi autorisé.
Jean Baubérot (lire ici le compte rendu de sa conférence donnée à Saint-Brieuc en décembre 2012 sur le thème « laïcité et lutte contre les discriminations »), tout d’abord, historien, spécialiste de la laïcité, et membre de l’Observatoire national de la laïcité. Il ne mâche pas ses mots : « On a l’impression », dit-il, « que ce petit lobby n’a de cesse de vouloir exacerber les tensions, faire monter la pression, énerver les musulmans, bref se fabriquer des adversaires pour mieux pouvoir se poser en héros contre l’intégrisme par la suite ». Et il ajoute : « Ce faisant, on fait le lit de l’extrême droite, alors que se profilent des élections, et celui des islamistes intégristes qui deviennent attractifs: ils peuvent entretenir le sentiment de victimisation de musulmans susceptibles de se radicaliser. C’est pain bénit pour eux ». Il revient aussi sur cet amalgame : « L’ennui, c’est que l’amalgame est systématiquement fait entre ce voile intégral qui cache l’identité d’une personne et le foulard qui ne fait que cacher les cheveux, mais permet l’identification. Vous avez même des dessins qui représentent des femmes en niqab, alors qu’on parle du foulard ». Et il conclut : « Que veut-on ? Renforcer l’exclusion de femmes qui peuvent s’épanouir à l’université ? Provincialiser l’université française qui n’est pas la mieux classée au monde ? Faire comme si la France était une île et qu’on ne regarde pas ce qui se passe ailleurs ? ».
Une autre voix s’était exprimée, en décembre 2011 : celle de Danièle Lochak. Cette historienne, membre de la Ligue des droits de l’Homme, publiait alors un article sur le Haut conseil à l’intégration, et elle non plus ne mâche pas ses mots, lorsqu’elle présente un historique des préconisations de cet organisme : « lorsqu’on examine le contenu des rapports et des avis du Haut Conseil à l’intégration sur une période de vingt ans, ce qui saute aux yeux c’est le nombre de propositions qui ont pour effet — sinon pour objet — de restreindre les droits des étrangers ou de précariser leur situation par des mesures de contrôle toujours plus strictes. Ce faisant, le HCI embraye sur le discours tenu par tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche et se coule dans la problématique imposée depuis plus de trente ans : à savoir que la « maîtrise des flux migratoires », et donc la lutte contre l’immigration irrégulière, sont le préalable à toute politique d’intégration des immigrés résidant légalement en France. Or cette thèse est fallacieuse.
D’abord parce que les mesures répressives engendrent insécurité et précarité, stigmatisent l’ensemble de la population immigrée, encouragent la suspicion et la xénophobie. Elles ont donc des effets désintégrateurs. Ensuite, elles mobilisent les énergies et les crédits et la priorité qui leur est donnée a pour conséquence de repousser toujours à plus tard les initiatives concrètes en faveur de l’intégration. » (source : le site « les mots sont importants, http://lmsi.net/Le-Haut-Conseil-a-la-des). On peut voir ici la vidéo d’une conférence de Danièle Lochak donnée à Lorient en septembre 2011 sur la « généalogie des droits de l’Homme »).
Ces deux articles, passionnants, éclairent de façon très intéressante le sujet : à lire d’urgence !