Vers la réhabilitation d’un résistant victime d’une rumeur dramatique

René Huguen (photo Ouest-France)

Une des grandes luttes de la Ligue des droits de l’Homme, lutte qui n’est d’ailleurs pas terminée, est la réhabilitation des soldats « fusillés par l’exemple » pendant la 1ère guerre mondiale.

La section LDH de Saint-Brieuc s’est engagée dans un combat un peu similaire, mais qui concerne la seconde guerre mondiale. Il s’agit d’un résistant, qui a été fusillé par ses camarades, à la Libération, victime d’une rumeur qui le désignait comme coupable d’une trahison qui avait abouti à l’arrestation des « lycéens martyrs », ces jeunes briochins exécutés pour certains, déportés pour d’autres.

Ces jeunes gens avaient été arrêtés par la Gestapo à partir d’une liste qui lui avait été fournie. Bien entendu, à la Libération, on s’est demandé qui avait fourni cette liste. Et la rumeur désigna Georges Fischer. Très vite le jugement tombe : Georges Fischer doit être exécuté. (Lire aussi l’article d’Ouest-France).

On sait aujourd’hui, non seulement que Georges Fischer n’avait pas trahi, mais qui l’avait fait : il s’agissait, comme c’est presque la règle dans ces histoires en Bretagne, d’un militant du parti national breton, tristement célèbre pour sa collaboration avec les Allemands.

Voici le récit que donne de ce drame René Huguen, lui-même ancien résistant, et doyen du Conseil des anciens élèves du Lycée Anatole Le Bras.

Au soir de ce 14 juillet 1944, trois résistants désignés pour accomplir l’exécution se présentent chez Hélène Le Cor, née Fischer, qui héberge son frère Georges, à La Ville Ginglin. Georges les voit, révolver au poing. Il comprend : « Je n’ai pas trahi, je vous le jure », clame-t-il, alors qu’une première décharge vient de l’atteindre, suivie de quatre autres tirées à bout portant par chacun des trois hommes. La scène se passe devant la sœur et ses enfants, dont Marilou Le Cor, alors âgée de 9 ans, Marilou, qui gardera toute une vie la vision d’un drame atroce.

La Libération est là. Des procès sont conduits par la justice républicaine. On découvre alors le véritable dénonciateur des lycéens : Michel Plessix, un jeune du PNB (Parti national breton) qui s’est mis au service de la Gestapo. Il a obtenu une liste d’un malheureux lycéen, Paul Cadran, sous prétexte de constituer un groupe de jeunes susceptibles d’être armés contre l’occupant. Le procès public devant la Cour de Justice le 4 mai 1945 se traduit par une peine de travaux forcés à perpétuité. De mise de peine en remise de peine, Plessix s’en tirera avec 10 ans de prison l

Quelle clémence ! Cadran, victime d’une fatale illusion, sera soumis à 6 mois de prison. Il nous a confié par la suite que ce fut pour lui un soulagement que de voir enfin «  l’abcès se vider » .

Louis Le Faucheur, rentre de déportation, juste après le procès, déclare ; « Cette double trahison a pris la dimension d’une tragédie pour le lycée ».

Oui, double trahison. Mais alors on avait accuse un innocent. On avait exécuté Georges Fischer comme étant le coupable. Terrible erreur ! Peut-on l‘oublier ? Peut-on faire qu’il soit toujours considéré comme ayant trahi ? Sa nièce, Marilou, Madame Le Cor, ne baisse pas les bras. Elle veut, elle exige ce qu’il faut bien appeler une réhabilitation. Avec nous, elle s’appuie sur la Ligue des Droits de l‘Homme. Les représentants de la Ligue participent à cette cérémonie avec le président, Monsieur Xavier Palson. Nous les assurons de notre soutien pour obtenir gain de cause, et faire que le dossier ne reste pas fermé pendant 100 ans après les faits comme le prescrit pourtant la loi. Les pièces essentielles sont en nos mains quoi qu’il en soit ».

Il va maintenant falloir que cette erreur dramatique soit officiellement reconnue.