Nous ne céderons pas : l’appel est lancé, pour le moment (la liste n’est pas close), par 68 associations. Un appel qui met le doigt sur le danger que court la démocratie dans cette période où la peur (souvent provoquée par les politiques, de tous bords, qui espèrent en tirer bénéfice) sert d’alibi pour saper les fondements de la démocratie, en s’attaquant aux libertés fondamentales. Provisoirement, disent-ils. On connaît bien des mesures provisoires qui durent encore…
Cet appel prouve que, si elle est menacée, la démocratie est bien vivante, et que ses partisans ne sont pas prêts à la brader. Il est finalement une preuve de sa bonne santé.
Certes, il faut faire preuve de courage politique pour ne pas céder aux sirènes des extrémistes de droite qui distillent le venin contagieux. On est en droit de l’exiger des responsables politiques.
Une dernière chose. Il faut lire attentivement la liste des signataires de cet appel. Elle est réconfortante.
Nous ne céderons pas
Ceux qui, au nom de Daech, ont fait subir à Paris et à Saint-Denis un moment d’inhumanité absolue ne nous feront pas céder. Rien ne peut justifier ces assassinats, ici ou ailleurs. Chacune des victimes vit en nous parce que nous appartenons à la même humanité. Notre solidarité à leur égard et à l’égard de leurs familles est totale. Ce crime est immense mais c’est en continuant à vivre librement et fraternellement que notre réponse sera à la hauteur.
Nous ne sommes pas naïfs : nous savons que ces actes de terrorisme appellent des réponses à la mesure du danger qu’ils représentent. Comme nous savons que le rôle des forces de l’ordre et de la justice est essentiel pour protéger nos libertés. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux réponses que notre société doit apporter à ces actes et à celles déjà mises en œuvre.
C’est la démocratie qui est mise à mal quand le Parlement est appelé à délibérer d’un jour à l’autre, sous la pression de l’émotion et les assauts de démagogie de responsables politiques qui cultivent la peur.
Après la prorogation de l’état d’urgence et l’extension des pouvoirs de police, d’autres mesures sont encore annoncées par le président de la République.
Il nous paraît essentiel de rappeler que rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés. L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public.
Depuis 1986, les lois accordant plus de pouvoirs aux forces de l’ordre, organisant une justice d’exception et restreignant nos libertés, au prétexte de lutter contre le terrorisme, s’empilent. L’adoption d’autres dispositifs législatifs, y compris d’ordre constitutionnel, exige de poser la question de leur efficacité et de l’atteinte supplémentaire aux libertés qu’ils constituent. Avant de modifier la loi et de conférer à l’Etat des pouvoirs accrus, il faut que celui-ci s’interroge sur ce qui n’a pas permis d’éviter une telle abomination. La réponse des autorités se veut martiale, elle n’est pas une assurance de sécurité et ne garantit en rien le respect de nos libertés.
Vouloir priver de leur nationalité jusqu’aux personnes nées françaises, c’est délivrer une nouvelle fois le message d’une France divisée. Le silence du président de la République, lors de la réunion du Parlement, sur l’indispensable engagement de l’Etat en faveur de l’égalité des droits, de la justice sociale, sur le développement des services publics, contre toutes les discriminations et contre toutes les manifestations de racisme accroît dramatiquement le sentiment d’exclusion que vit toute une partie de notre peuple. Il donne ainsi un peu plus corps à la stigmatisation croissante qui s’exerce mettant en péril notre volonté de vivre ensemble.
Nous voulons que ces dramatiques événements soient, au contraire, l’occasion de construire un autre chemin que celui qui nous est proposé. Un chemin qui refuse de désigner des boucs émissaires et qui refuse que la France soit en guerre contre elle-même. Un chemin qui donne à la paix et à l’égalité des droits toute leur place et qui s’engage en faveur d’une France solidaire, ouverte à l’autre, accueillante, libre et fraternelle.
Pour nos libertés, pour une société où la fraternité a toute sa place, nous ne céderons pas à la peur dans laquelle veulent nous faire vivre ceux et celles qui font de la mort leur raison de vivre.
Nous appelons les femmes et les hommes de ce pays à rester solidaires et à lutter contre toute forme de racisme. Nous appelons aussi à la défense des libertés car nous ferons prévaloir en toutes circonstances notre liberté d’information, d’expression, de manifestation et de réunion. Nos organisations construiront, partout en France, ces lieux qui nous permettront de débattre et nous exercerons une vigilance permanente afin que nos droits et libertés soient préservés et que nul ne soit victime de discriminations.
Premiers signataires :
- AFD International,
- Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda),
- Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort),
- Association des Marocains en France (AMF),
- Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF),
- Association des Tunisiens en France (ATF),
- Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip),
- Association française des juristes démocrates (AFJD),
- Association France Palestine solidarité (AFPS),
- Association Grèce France Résistance,
- Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA),
- Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM),
- Associations démocratiques des Tunisiens en France (ADTF),
- Attac,
- Cadac,
- Cedetim,
- Confédération générale du travail (CGT),
- Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal),
- Collectif national pour les droits des femmes (CNDF),
- Collectif 3C,
- Collectif des 39,
- Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE),
- Comité pour le développement et le patrimoine (CDP),
- Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT),
- Commission islam et laïcité,
- Confédération syndicale des familles (CSF),
- Collectif des musulmans de France (CMF),
- Coordination des collectifs AC !,
- Droit au logement (Dal),
- Droit solidarité,
- Droits devant !!,
- Emmaüs France,
- Emmaüs International,
- Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR),
- Fédération nationale de la Libre pensée,
- Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH),
- Filles et fils de la République (FFR),
- Fondation Copernic,
- Fédération syndicale unitaire (FSU),
- Genepi,
- Ipam,
- La Cimade,
- La Quadrature du Net,
- Le Mouvement de la paix,
- Ligue des droits de l’Homme (LDH),
- Le Gisti,
- Les Amoureux au ban public,
- Les Céméa,
- Maison des potes,
- Mamans toutes égales (MTE),
- Médecins du monde,
- Mrap,
- OIP – section française,
- Organisation de femmes égalité,
- Planning familial,
- Réseau éducation sans frontières (RESF),
- Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC),
- Réseau Euromed France (REF),
- SNPES-PJJ/FSU, Snuclias-FSU,
- Syndicat des avocats de France (Saf),
- Syndicat national des journalistes (SNJ),
- SNJ-CGT,
- Unef,
- Union des travailleurs immigrés tunisiens (Utit),
- Union juive française pour la paix (UJFP),
- Union nationale lycéenne (UNL),
- Union syndicale de la psychiatrie (USP),
- Union syndicale Solidaires