Lettre ouverte à François Hollande avant sa visite en Tunisie

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, Karim Lahdji, président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et Michel Tubiana, président du Réseau euro – méditerranée viennent de cosigner une lettre ouverte à François Hollande, président de la République, qui doit se rendre en visite officielle en Tunisie les 4 et 5 juillet prochains. Pour les trois associations, cette visite ne doit pas faire l’impasse sur les violations des droits fondamentaux qu’on observe depuis plusieurs mois en Tunisie. Ceci est d’autant plus important que le projet de nouvelle constitution arrive à son terme. Voici, ci-dessous, le texte de cette lettre ouverte.

Monsieur François Hollande

Président de la République française

Transmission par fax et par mail

Lettre ouverte à l’occasion de votre déplacement en Tunisie

les 4 et 5 juillet 2013

Paris, Tunis, le 1er juillet 2013

Monsieur le Président,

L’annonce de votre déplacement en Tunisie, les 4 et 5 juillet prochains n’a pas manqué de soulever des interrogations voire certaines appréhensions au sein de la société civile tunisienne. Dans un contexte où la Tunisie a à nouveau, été ces dernières semaines le théâtre de procédures judiciaires visant à sanctionner l’exercice de libertés fondamentales, la visite du chef de l’État français, l’un des principaux partenaires de la Tunisie, doit être l’occasion d’aborder sans ambages les dossiers les plus sensibles en matière de droits humains sous peine non seulement de passer sous silence les violations et dysfonctionnements constatés mais également de fragiliser le combat des défenseurs qui luttent non sans risque pour une Tunisie respectueuse des droits universels.

Engagée depuis plus de deux ans dans un processus de transition politique, la Tunisie continue de faire face à de nombreux défis. Les travaux de l’Assemblée nationale constituante (ANC) autour de la rédaction de ce qui sera la nouvelle constitution tunisienne connaissent un retard considérable. Les débats au sein de l’ANC ont donné naissance à un projet de constitution dont le contenu, même si certaines améliorations notables ont été constatées, demeure en deçà des attentes en matière de respect des standards internationaux des droits de l’Homme. Cela est particulièrement le cas pour ce qui relève de l’égalité entre les hommes et les femmes, les libertés d’expression, d’information et d’opinion et de l’indépendance de la justice.

Les membres de l’ANC qui ont décidé de consacrer dans le Préambule de la future Constitution l’universalité des droits humains, décision unanimement saluée par les organisations signataires de ce courrier, se doivent également de faire prévaloir les standards internationaux pertinents dans l’intégralité du texte constitutionnel[1]. A ce titre, le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes devrait être constitutionnellement garanti et ne pas se limiter à l’égalité des chances (article 45). Toute limite au principe de  l’égalité laisse la porte ouverte à toutes les discriminations et contrevient à la Convention pour l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes.

Les restrictions prévues dans le projet actuel de constitution à la liberté de pensée, d’expression, d’information et d’édition (articles 30 et 31) devraient également être abandonnées.

Par ailleurs, pour être indépendant le pouvoir judiciaire doit être régulé par une instance elle-même indépendante. La composition du Conseil supérieur de la magistrature telle que prévue dans le projet de texte constitutionnel n’offre pas les garanties nécessaires à une telle indépendance, la disposition pertinente (article 109) devrait dès lors être amendée.

Nous vous appelons dès lors, Monsieur le Président, à relayer auprès des Constituants tunisiens les revendications des organisations de défense des droits de l’Homme, qui aux côtés de nombreuses autres organisations de la société civile tunisienne poursuivent sans relâche leur mobilisation et interpellation des membres de l’ANC. Nous vous demandons d’encourager ces derniers à amender le projet de texte constitutionnel pour qu’une fois adoptée, la Constitution tunisienne soit garante du respect et de la protection des droits humains dans leur universalité et indivisibilité.

Garantir les libertés d’expression, d’opinion et de conscience est d’autant plus essentiel que depuis le début de la transition politique en Tunisie et de façon croissante ces dernières semaines, ces libertés ont été à de nombreuses reprises mises à mal. Des peines de prison ferme, parfois de plusieurs années ont ainsi été prononcées pour sanctionner l’exercice de ces libertés. Le caractère disproportionné de ces peines, voire dans de nombreux cas, le principe même de la condamnation, ont été dénoncés par les organisations de défense des droits de l’Homme[2]. La condamnation du rappeur Weld El 15 à deux ans de prison ferme pour une chanson considérée comme insultant la police (décision dont l’examen en appel à commencer le 25 juin 2013),  la condamnation de trois militantes dont deux Françaises, du mouvement Femen à 4 mois de prison pour « atteinte à la pudeur, aux bonnes mœurs et à l’ordre public » (peine commuée en appel le 26 juin, à 4 mois et un jour de prison avec sursis), tout comme celle prononcée par le tribunal de Mahdia en mars 2012 à 7 ans et demi d’emprisonnement pour « atteinte à la morale, diffamation et trouble à l’ordre public » à l’encontre de deux jeunes qui avaient publié des écrits et des dessins jugés blasphématoires, ne sont que les illustrations les plus symboliques. Les poursuites judiciaires et le maintien en détention de la jeune militante accusée de partager le combat des Femen, Amina Sboui, relèvent au regard des faits qui lui sont reprochés, de l’arbitraire et d’une instrumentalisation de la justice pour servir des aspirations idéologiques.

Indépendant, le pouvoir judiciaire a la responsabilité d’administrer la justice conformément aux engagements pris par l’Etat tunisien au niveau international et dès lors d’appliquer les dispositions des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme. Une justice indépendante est un pilier essentiel d’un Etat démocratique. Les menaces dont a été l’objet à diverses reprises des représentants du pouvoir judiciaire dont la présidente de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Kelthoum Kennou menacée de mort dans une lettre anonyme lui intimant « d’arrêter de promouvoir l’indépendance de la justice »  suscitent de vives inquiétudes[3]. Outre des mesures de protection des magistrats comme cela a pu être le cas pour la juge Kennou, il est attendu des autorités tunisiennes de s’inscrire sans plus de délais, dans un processus de réforme du pouvoir judiciaire qui passe notamment et de façon urgente par la mise en place d’une instance indépendante de régulation du pouvoir judiciaire pour remplacer le Conseil supérieur de la magistrature.

Les menaces et actes de violence y compris à l’encontre d’acteurs de la société civile et de militants politiques se sont multipliés au cours des derniers mois. L’assassinat du leader politique Chokri Belaïd a servi de déclencheur pour une mobilisation forte et coordonnée réunissant plus de deux cents organisations de la société civile et des dizaines de partis politiques pour appeler à mettre fin à cette violence. Diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales afin que toute la lumière soit faite sur les actes de violence perpétrés et pour que les responsables aient à rendre compte devant la justice constitue aujourd’hui une étape fondamentale pour mettre fin à cette situation qui menace le processus de transition en Tunisie et entrave la jouissance de la liberté d’association et du droit au rassemblement pacifique.

Plus généralement et pour ce qui relève des crimes commis lors du soulèvement qui a renversé le régime du président Ben Ali et des crimes du passé, le retard pris dans la mise en place du processus de justice transitionnelle est un autre frein à un processus de transition politique serein.

Enfin, la promotion de l’égalité, la garantie et le respect des droits des femmes doit, plus que jamais, être au cœur des priorités des autorités gouvernementales tunisiennes. En avril 2013, l’Association tunisienne des femmes démocrates dressait en effet un constat préoccupant de la situation des droits des femmes en Tunisie. « Contre toute attente, le contexte actuel, au lieu de favoriser la liberté de chaque individu – hommes et femmes – et au lieu de permettre le vivre ensemble a reconduit et répandu, dans toutes leurs formes, les violences à l’égard des femmes : politique, culturelle, religieuse, sociale et économique »[4]. La notification formelle de la levée des réserves à la CEDAW serait en ce sens, un geste fort de la part des autorités tunisiennes.

Face à ces défis majeurs, la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme), la Ligue des droits de l’Homme (France) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH)  vous demandent instamment d’aborder ces différentes questions avec vos interlocuteurs tunisiens et d’appeler les autorités tunisiennes à prendre, sans plus de délais, les mesures qui s’imposent pour mettre fin à ces dysfonctionnements et de remettre ainsi, la Tunisie sur la voie de l’instauration d’un système démocratique pleinement respectueux des droits humains.

Nos organisations sollicitent enfin, qu’une rencontre soit organisée avec des représentants de la société civile indépendante, et en particulier les organisations de défense des droits humains à l’occasion de votre déplacement en Tunisie.

Vous remerciant par avance, de l’attention que vous porterez au présent courrier, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre très haute considération.

Karim Lahidji, Président de la FIDH

Pierre Tartakowsky, Président de la LDH

Michel Tubiana, Président du REMDH

[1]      Voir notamment  les recommandations du Réseau Doustourna portant sur le chapitre concernant les droits et les libertés dans le projet de Constitution rendu public le 1er juin 2013. : http://www.doustourna.org/news/single-news/?tx_ttnews[tt_news]=847&cHash=133e0aa4a21f99dd0cbb9359037b053f

2    Voir notamment, FIDH, « Tunisie : la liberté d’expression derrière les barreaux », 14 juin 2013,http://www.fidh.org/tunisie-la-liberte-d-expression-derriere-les-barreaux-13472

3      Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, « Tunisie : Menaces à l’encontre de la juge tunisienne Kalthoum Kennou », 23 mai 2013, http://www.fidh.org/tunisie-menaces-a-l-encontre-de-la-juge-tunisienne-kalthoum-kennou-13232.

4      ATFD, « Tunisie : Nous femmes tunisiennes, restons debout ! » , avril 2013, http://www.fidh.org/tunisie-nous-femmes-tunisiennes-restons-debout-13204

 

Pour qu’Arsen et Daphné vivent ensemble sans la crainte d’une expulsion, signez la pétition !

L’association Les amoureux au ban public attire aujourd’hui l’attention sur la situation absurde, et surtout dramatique, d’un couple qui risque d’être brisé par des règlements scandaleux. Elle vient de publier un communiqué (ci-dessous) et a mis une pétition en ligne pour tenter de sauver le couple d’Arsen et Daphné (http://www.amoureuxauban.net/fr/2013/06/25/petition-arsen/).

À Montluçon, Arsen a été interpellé à son domicile en vue d’être expulsé alors qu’il peut, de plein droit, prétendre à la délivrance d’un titre de séjour. L’administration s’obstine à mettre à exécution une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) prononcée 11 mois plus tôt par le Préfet de l’Allier, alors qu’Arsen est désormais inexpulsable.

Le 20 juin 2013, 06h00 du matin. Arsen, arménien, et Daphné, française, sont réveillés par deux agents de police qui se présentent à leur domicile. Arsen est interpellé et immédiatement conduit à l’aéroport de Paris Orly en vue de la mise à exécution d’une OQTF prononcée 11 mois plus tôt. Un vol pour Erevan est prévu à 13h15, dans lequel Arsen refuse d’embarquer. Les policiers reprennent la route, sourds aux questions d’Arsen qui n’a aucune idée d l’endroit où ils l’emmènent. Arsen est finalement reconduit chez lui dans la soirée après avoir passé toute une journée menotté, sans avoir pu ni se désaltérer, ni se nourrir.

Assigné à résidence, il s’enfuit et se cache pour échapper à l’expulsion

Ne renonçant pas à son expulsion, le Préfet de l’Allier a décidé le jour même de prolonger l’assignation à résidence d’Arsen au domicile conjugal pour une durée de 45 jours. Cette mesure d’assignation qui avait été prononcée le 2 mai 2013, impose à Arsen de se présenter tous les jours au commissariat, règle à laquelle il s’est plié pendant près d’un mois et demi.

Pour échapper à une expulsion programmée, Daphné et Arsen décident le 21 juin qu’il doit s’enfuir du domicile conjugal et se cacher.

Arsen dispose d’un droit au séjour au France et son éloignement du territoire français est désormais illégal

En tant que conjoint de français, Arsen doit notamment présenter les justificatifs de six mois de vie commune pour pouvoir déposer une demande de titre de séjour, en application de l’article L.211-2-1 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et des Demandeurs d’Asile (CESEDA). (Cf. encadré)

Dès le surlendemain de leur mariage, célébré le 12 juin 2012, et sur les conseils de la sous-préfecture, Arsen envoie sa demande par courrier : trop tôt pour obtenir un titre de séjour.

Le 02 juillet 2012, le Préfet de l’Allier rejette donc la demande de titre de séjour et prononce à son encontre une OQTF.

Depuis le mois de décembre 2012, Arsen remplit toutes les conditions pour obtenir un titre de séjour en France. Ce droit au séjour le rend inexpulsable du territoire français. La mise à exécution de l’OQTF prononcée le 2 juillet 2012 serait donc désormais totalement illégale.

Daphné et Arsen, choqués par l’interpellation du 20 juin dernier, par la tentative d’embarquement et découragés par le prolongement de l’assignation à résidence, ont décidé de vivre séparés, sans savoir combien de temps cette situation pourrait durer.

Comme l’illustre la situation d’Arsen et de Daphné, les conditions restrictives posées pour l’accès au séjour des étrangers conjoints de français, et la complexité des règles applicables sont incompatibles avec les exigences du droit au respect de la vie privée et familiale, droit garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Imposer notamment aux étrangers mariés à des citoyen-nes français-es un délai de six mois de vie commune sur le territoire français avant de pouvoir formuler une demande de titre de séjour, revient à l’inviter à rester en situation irrégulière pendant plusieurs mois et peut conduire à l’expulsion de conjoints de français ayant la malchance d’être interpellés avant d’avoir atteint ce délai…

Les amoureux au ban public interpellent le préfet de l’Allier afin que l’abrogation de l’OQTF visant Arsen soit prononcée dans les meilleurs délais et qu’il soit remis à l’intéressé le titre de séjour auquel il a droit.

Ils demandent en outre au ministère de l’Intérieur :

– la régularisation des conjoints de français, sans attendre un délai de six mois de vie commune.

– l’arrêt de l’éloignement des étrangers mariés, pacsés ou en concubinage notoire avec un(e) ressortissant(e) français(e).

 

Lettre de la société civile au Congrès des États-Unis sur la surveillance Internet et télécommunications

On savait depuis longtemps que les États-Unis se livrent à des écoutes des citoyens de la planète, avec « l’affaire Prism » on touche du doigt les preuves ! Interrogé sur le sujet, le président Obama déclare : « Si vous êtes un citoyen américain, la NSA ne peut pas écouter vos appels et intercepter vos emails, sauf dans le cas où cela découlerait d’une ordonnance individuelle émise par un tribunal. Telles sont les règles existantes. » Et il poursuit : « Mon travail est à la fois de protéger les Américains et leur style de vie, y compris la protection de leur vie privée ». Dommage pour tous les individus qui communiquent à travers la planète !

La LDH a signé et vous invite à signer cette adresse au Congrès américain initiée par un réseau de la société civile sur la gouvernance et les droits de l’Internet, qui prend en compte le sort de tous :

http://bestbits.net/fr/prism-congress/

Maryse Artiguelong, membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme.

Le texte de l’adresse

Nous écrivons en tant que coalition d’organisations de la société civile du monde entier pour exprimer notre sérieuse inquiétude au sujet de révélations concernant la surveillance des communications Internet et téléphone de citoyens US et non-US par le gouvernement des États-Unis. Nous tenons également à exprimer notre profonde préoccupation du fait que les autorités des États-Unis ont pu rendre les données résultant de ces activités de surveillance disponibles pour d’autres États, dont le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada, la Belgique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande [1]. De nombreuses entreprises Internet à portée mondiale basées aux États-Unis semblent également prendre part à ces pratiques [2].

La mise en place de mécanismes de surveillance au cœur de communications numériques mondiales menace gravement les droits humains à l’ère numérique. Ces nouvelles formes de pouvoir décentralisé reflètent des changements fondamentaux dans la structure des systèmes d’information des sociétés modernes [3]. Toute démarche en ce sens doit être analysée lors de débats larges, profonds et transparents. La violation par un gouvernement des droits humains de citoyens, qu’ils soient de leur propre pays ou de l’étranger, est inacceptable. Rendre impossible à un citoyen de communiquer ses opinions sans surveillance par un État étranger, non seulement viole les droits à la vie privée et de la dignité humaine, mais menace également les droits fondamentaux à la liberté de pensée, d’opinion et d’expression et d’association qui sont au centre de toute pratique démocratique. Ces actions sont inacceptables et soulèvent de sérieuses préoccupations au sujet de violations extraterritoriales des droits humains. L’impossibilité pour des citoyens de savoir s’ils sont soumis à une surveillance étrangère, de contester une telle surveillance ou d’exercer des recours est encore plus alarmante [4].

La contradiction entre l’affirmation persistante des droits humains en ligne par le gouvernement des États-Unis et les récentes allégations de ce qui semble être de la surveillance massive, par ce même gouvernement, de citoyens US et non-US est très inquiétante et entraîne des répercussions négatives sur la scène mondiale. Il semble qu’il y ait un mépris flagrant et systématique des droits humains énoncés dans les articles 17 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont les États-Unis sont signataires, ainsi que dans les articles 12 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Gardant à l’esprit que les États-Unis doivent depuis longtemps s’engager dans une discussion sur la façon de mettre à jour et moderniser leur politique afin de s’aligner sur leurs propres documents et principes fondateurs, ce qui arrivera ensuite dans la supervision du législatif et de l’exécutif aux États-Unis aura des conséquences énormes et irréversibles pour la promotion et la protection des droits humains chez tous les peuples du monde.

Il faut aussi noter que le gouvernement des États-Unis a appuyé la résolution 20/8 du Conseil des droits humains des Nations Unies, qui affirme que « les droits dont les personnes jouissent hors ligne doivent également être protégés en ligne, en particulier le droit de toute personne à la liberté d’expression » [5] et, il y a quelques jours, le 10 juin, les États-Unis faisaient partie d’un groupe restreint de pays qui ont rédigé une déclaration interrégionale, qui a souligné à juste titre que « tout traitement de problèmes de sécurité sur Internet doit se faire d’une manière compatible avec les obligations des États au regard du droit international des droits de l’homme et le plein respect des droits de l’homme doit être sauvegardé » [6]. Ce n’était apparemment pas le cas des pratiques récentes du gouvernement des États-Unis. Outre qu’elle représente une violation majeure des droits humains fondamentaux des personnes dans le monde, l’incohérence entre les pratiques et les déclarations publiques des États-Unis sape également la crédibilité morale du pays au sein de la communauté mondiale qui se bat pour les droits humains, tels qu’ils s’appliquent à l’Internet et brise la confiance des consommateurs envers tous les Américains qui fournissent des services mondiaux.

Le 10 juin 2013, de nombreux signataires de cette lettre se sont réunis pour exprimer nos préoccupations au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies [7]. Nous l’avons fait dans le contexte du récent rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Frank La Rue [8]. Ce rapport expose en détails des tendances inquiétantes dans la surveillance étatique des communications qui entraînent de graves conséquences pour l’exercice des droits humains à la vie privée et à la liberté d’opinion et d’expression. Nous notons que les parties prenantes états-uniennes ont également écrit une lettre au Congrès pour exprimer leurs préoccupations au sujet de la conformité du programme national de surveillance en cours avec la loi domestique [9].

Nous sommes également extrêmement déçus que, dans toutes les déclarations concernant les « divulgations » de courrier, les autorités US ont seulement insisté sur le fait qu’il n’y avait pas d’accès au contenu concernant des citoyens US, et que seules les métadonnées ont été recueillies. Il n’y a pas eu un mot sur la question de l’accès à grande échelle aux contenus concernant des citoyens non US, ce qui constitue une violation quasi certaine des droits humains. La focalisation des autorités US sur la différence entre le traitement des citoyens US et non-citoyens sur une question qui se rapporte essentiellement à la violation des droits de l’homme est très problématique. Les droits humains sont universels, et tous les gouvernements doivent s’abstenir de les violer pour toutes les personnes, et pas seulement pour ses citoyens. Nous préconisons fortement que les dispositions juridiques et les pratiques actuelles et à venir prennent en compte ce fait correctement.

Nous demandons donc instamment à l’administration Obama et au Congrès des États-Unis de prendre des mesures immédiates pour démanteler les systèmes existants de surveillance mondiale par l’Internet et les télécommunications et empêcher leur création à l’avenir. Nous demandons en outre à l’administration US, au FBI et au Procureur général d’autoriser les entreprises impliquées ou concernées à publier des statistiques concernant les demandes de renseignements, passées et futures, invoquant la Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), qu’ils ont reçues ou pourront recevoir [10]. Nous appelons en outre le Congrès américain à établir des protections pour les lanceurs d’alertes envers le gouvernement afin de mieux s’assurer que le public soit suffisamment informé sur les abus de pouvoir qui violent les droits fondamentaux des citoyens de tous les pays, États-Unis et les autres [11]. Nous nous joignons également à Human Rights Watch pour demander instamment la création d’un comité indépendant avec pouvoir d’assignation et toutes les garanties de sûreté nécessaires pour examiner les pratiques actuelles et formuler des recommandations afin d’assurer des protections appropriées aux droits à la vie privée, à la liberté d’expression et d’association. Les résultats de ce comité devraient être largement publiées.

Texte en anglais sur le site Best Bits

[1] http://www.ft.com/cms/s/0/d0873f38-d1c5-11e2-9336-00144feab7de.html, https://www.bof.nl/2013/06/11/bits-of-freedom-dutch-spooks-must-stop-use-of-prism/ and http://www.standaard.be/cnt/DMF20130610_063.
[2] Incluant Microsoft, Yahoo, Google, Facebook, PalTalk, AOL, Skype, YouTube et Apple: http://www.washingtonpost.com/investigations/us-intelligence-mining-data-from-nine-us-internet-companies-in-broad-secret-program/2013/06/06/3a0c0da8-cebf-11e2-8845-d970ccb04497_story.html
[3] http://www.state.gov/statecraft/overview/
[4] (A/HRC/23/40)
[5] http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/RES/20/8
[6] http://geneva.usmission.gov/2013/06/10/internet-freedom-5/
[7] http://bestbits.net/prism-nsa
[8] (A/HRC/23/40)
[9] Demandant au gouvernement des États-Unis d’autoriser Google à publier davantage de statistiques concernant les requêtes de sécurité nationale
http://googleblog.blogspot.com/2013/06/asking-us-government-to-allow-google-to.html
[10] https://www.stopwatching.us/
[11] Le texte qui vient d’être publié dont le titre est Principes généraux sur la sécurité nationale et la liberté d’information (les principes de Tshwane) qui concerne les lanceurs d’alerte et la sécurité nationale fournit une référence pertinente à ce sujet :
http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/Global%20Principles%20on%20National%20Security%20and%20the%20Right%20to%20Information%20%28Tshwane%20Principles%29%20-%20June%202013.pdf.

 

 

Manifestations des 22 et 23 juin à la mémoire de Clément Méric : appel de la Ligue des droits de l’Homme

A la veille des manifestations d’hommage à Clément Méric, les samedi 22 et dimanche 23 juin, la Ligue des droits de l’Homme publie un communiqué et appelle à participer massivement à ces manifestations.

Le 5 juin, Clément Méric, syndicaliste étudiant et militant antifasciste, a été victime d’un meurtre à Paris, commis à raison de ses convictions politiques. Cet acte, qui s’inscrit dans la suite de trop nombreuses agressions commises par des groupes d’extrême droite, ces derniers mois, est insupportable.

Il confirme tragiquement l’urgence à s’opposer à ces exactions et aux idéologies qui en favorisent, de près ou de loin, la banalisation et le développement. L’explosion de discours haineux à l’encontre des étrangers, des Roms, des musulmans, l’avalanche de propos mensongers et agressifs lors des débats sur le projet de loi du mariage pour tous, témoignent d’une montée de l’intolérance, du racisme et de la peur, dont on sait qu’ils sont facilement instrumentalisés par la violence.

Dans le même temps, confrontée aux difficultés sociales et aux déceptions politiques, une large partie de l’électorat de gauche se réfugie dans l’abstention, renvoyant de fait les partis dos à dos, ce qui favorise les candidats du Front national et incite une partie de la droite dite républicaine à converger avec leurs thématiques.

Il y a urgence à porter un coup d’arrêt à ces calculs dangereux. Il y a urgence à s’opposer à toute politique publique pouvant légitimer, de près ou de loin, des visions xénophobes et racistes. C’est bien en réaffirmant concrètement les droits des citoyens français, des étrangers, des migrants, des Roms et de tous ceux qui sont tenus en lisière des droits fondamentaux, qu’il est possible de rassembler largement contre les périls montants. Car ces droits sont, de façon indivisible, ceux qui fondent la République fraternelle, égale et libre.

C’est sur ces bases que la Ligue des droits de l’Homme appelle les habitants, les résidents, les citoyennes et citoyens à participer aux manifestations qui se tiendront les 22 et 23 juin, à Paris et en France.

 

« Cause commune » : l’histoire d’une intégration réussie de familles Rroms en Loire Atlantique grâce à la solidarité

« Fin 2009, une quarantaine de familles roms, indésirables à Nantes, tractant des caravanes hors d’âge, arrivent à Indre, une petite commune des bords de Loire.
Dès le lendemain, le maire Jean-Luc Le Drenn décide de mettre un terme à ce qu’il appelle « la politique de la patate chaude », en refusant de les expulser à son tour.
Grâce à l’engagement sans faille d’une poignée de citoyens et d’élus mobilisés par ce combat collectif et politique, les familles resteront 18 mois, avant qu’une solution digne et pérenne soit trouvée » (source : http://www.film-documentaire.fr/Cause_commune.html,film,38148.

On pourrait donc accueillir des familles Rroms dans une commune sans qu’il n’y ait une explosion des vols, des viols, du vandalisme… ? C’est un peu ce qu’a prouvé Jean-Luc Le Drenn, maire d’Indre, commune de 4000 habitants en Loire-Atlantique, et son équipe municipale. Le pari était « gonflé », et l’équipe ne s’y était pas trompé : « on va jouer notre mandat là-dessus », avait lancé comme un défi un conseiller municipal de la majorité.

Le film de Sophie Averty est magnifique. Elle ne disposait que de peu d’images de cette aventure : elle a dû avoir recours à des reconstitutions, à l’animation, à l’utilisation d’archives sonores… Son propos est passionnant : comment des gens qui ne sont pas particulièrement militants, se mobilisent presque spontanément pour s’organiser en collectif de soutien à ces familles (une cinquantaine), et ce pendant des mois et des mois ? La personnalité de Jean-Luc Le Drenn y est naturellement pour beaucoup : ce jeune maire a réussi à fédérer autour de lui à la fois élus et simples citoyens. Sans la moindre démagogie, et avec toute la rigueur que supposait une telle action, il a réussi la première étape de ce combat pour la dignité : les familles Rroms sont aujourd’hui logées dans des mobilhomes, répartis sur plusieurs communes (et ce n’est pas le moindre mérite de Jean-Luc Le Drenn d’avoir réussi à les convaincre !). Mais le travail n’est pas terminé : il le sera lorsque les Rroms auront trouvé des emplois stables et qu’ils auront pu être logés normalement. La municipalité d’Indre poursuit donc le travail.

Le film de Sophie Averty a été retenu dans la sélection du Mois du Documentaire dans les Côtes d’Armor.

On peut voir des extraits du film sur le site de TV Nantes :

http://www.telenantes.com/Documentaire/Documentaires/2013/03/Cause-commune

http://www.telenantes.com/Toute-l-actu/Infos-debats-territoires/CAUSE-COMMUNE-Indre-aux-cotes-des-Roms-0893

et une interview de Sophie Averty ici :

http://www.telenantes.com/A-la-votre-2012-2013-le-forum/2013/03/A-la-votre-2012-2013-le-forum3/Cause-commune-l-histoire-d-un-engagement-aupres-des-roms

P. Tartakowsky : du mariage pour tous aux cartes rebattues à droite

Pierre Tartakowsky a été réélu président de la Ligue des droits de l'Homme par le congrès de Niort.son rapport moral.

Dans l’éditorial qui ouvre le dernier numéro du bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, son président, Pierre Tartakowsky, revient sur les débats autour du mariage pour tous qui ont occupé tout (ou presque) l’espace médiatique pendant ces derniers mois. Il en tire les leçons, politiques et sociétales.

La célébration du premier mariage entre deux personnes de même sexe à Montpellier aura heureusement marqué la fin d’une mobilisation politique intense autour de l’élargissement d’un droit. Il est, de fait, peu probable qu’une majorité de droite de retour aux affaires ose jamais revenir sur cette avancée et sur des actes d’état civil. Au plan politique pourtant, le sujet va rester présent, comme va prolonger l’onde de choc des mobilisations des droites durant toute la période écoulée.

Revenons sur cette séquence, ses évolutions et ce qu’elles révèlent. Dès le départ, ce sont davantage des acteurs idéologiques que partidaires qui sont à la manœuvre ; la droite classique, mais également le FN apparaissent mal à l’aise sur le mariage pour tous, car divisés et hésitants sur les bénéfices à en tirer. L’UMP est en pleine guerre des chefs et ne compte sans doute pas moins de gays dans ses rangs que le FN, ce qui se résout par une sorte de neutralité agressive, focalisée sur l’adoption et la GPA, laquelle, rappelons-le, ne fait pas partie du projet gouvernemental. Les courants cathos tradis et autres identitaires sont quant à eux franchement homophobes, même avec des approches diverses et nuancées. Tous ces gens se rassemblent sous le drapeau consensuel de la famille et des enfants, lesquels méritent « un papa, une maman ».

Cette mobilisation se nourrit de ce qu’il faut bien appeler un pas de clerc du président de la République, lequel a évoqué une possible objection de conscience des maires appelés à célébrer les mariages gays. Le gouvernement saura rectifier le cap et tenir bon jusqu’au vote de la loi, ce dont il faut se féliciter. Mais cette défaillance énorme – l’état civil n’a rien à voir avec la conscience de qui que ce soit –, qui appelle immédiatement une réaction de l’Inter-LGBT et des associations de défense des droits, est évidemment interprétée comme une hésitation. Et lorsque l’adversaire hésite, il faut augmenter la pression. Les organisations à la manœuvre le font d’autant plus qu’elles bénéficient de l’engagement de l’UMP, Jean-François Copé voyant là l’occasion de marquer sa différence d’avec son rival François Fillon, et d’exprimer sa vraie nature. Cet apport se double de celui d’une véritable galaxie de réseaux, fondations et autres clubs historiquement ancrés à l’extrême droite, et qui voient dans ce mouvement « apolitique » et « populaire » l’occasion rêvée d’échapper à l’ostracisme qui les frappe depuis la Libération et la guerre d’Algérie.

C’est en effet la première fois que ces groupuscules – toutes tendances confondues – peuvent occuper un espace politique partagé avec les droites dites républicaines, en phase avec une partie de l’opinion publique allant bien au-delà des cercles militants habituels, mordant même sur des électeurs de gauche émus et troublés par un sujet qui touche à l’intime. Nicolas Sarkozy a fourni le cadre idéologique à cette parade nuptiale des droites et de leurs extrêmes. Sa défaite, d’autant plus frustrante que courte, a accéléré cette chorégraphie de séduction tout en accentuant son côté dispersé, concurrences internes obligent.

Cette dynamique de concurrence pour le leadership s’est traduite, dans les derniers jours de la mobilisation, par des exclusives, des appels à la violence, et la résurgence d’un vocable utilisant pêle-mêle le vocabulaire des généraux putschistes de l’Algérie française, la dénonciation de la franc-maçonnerie, des appels à la « résistance », le tout en assimilant la police – coupable de s’en prendre à « la France bien élevée » –, à la Gestapo… Cette confusion des termes ne doit rien au hasard mais traduit une stratégie d’effacement, par banalisation, des réalités historiques qui ont battu et stigmatisé ces courants d’idées englués dans la collaboration avec l’occupant nazi.

Au-delà, cette agitation verbale indique une circulation de la pensée réactionnaire, en recherche d’elle-même, et de repositionnements possibles. De fait, elle est passée en peu de temps – toutes organisations confondues – de la stigmatisation des « islamistes » à l’exaltation du peuple de France, puis à la chasse aux homosexuels. Ainsi de la dénonciation d’un ennemi extérieur « infiltré », les droites extrêmes se repositionnent sur la dénonciation et la chasse d’un ennemi « intérieur ». Homo aujourd’hui. Demain…

Cette inquiétante évolution participe d’un élargissement conséquent du champ d’action et de prétention des extrémismes droitiers : d’un vieil ordre racial à un nouvel ordre moral, patriarcal et porteur, hélas, d’illusions de changement. Illusions, car une mobilisation basée sur la ségrégation et la discrimination porte inéluctablement en elle des dynamiques d’exclusion et de violence. Illusions, car loin de répondre aux besoins d’épanouissement et de bien-être des individus, cette mobilisation n’envisage leur avenir qu’au prisme d’allégeances rancies dans un passé mythique.

Reste posée une question essentielle : une recomposition profonde des forces de droite est en cours, dont il n’est pas aisé de dire ce qu’il en résultera, même s’il est certain que ce ne sera bon ni pour les droits, ni pour les libertés, ni pour la démocratie. La société civile, les organisations syndicales, les associations ne peuvent donc évidemment pas se désintéresser de l’enjeu, singulièrement dans la perspective des élections municipales. Nous y reviendrons.

Adresse du 87ème congrès de la LDH au président de la République et à la majorité parlementaire

Adresse au président de la République et a la majorité parlementaire, adoptée par le congrès de la LDH, à Niort, le 20 mai 2013, pour leur rappeler leurs responsabilités de répondre aux besoins de l’élargissement de la démocratie, et pour la satisfaction des besoins sociaux.

Monsieur le président de la République,

Mesdames, Messieurs de la majorité parlementaire

Monsieur le président de la République,

Vous avez incarné l‘espoir d’un « changement maintenant » et, à ce jour, il a été déçu.
Vous avez désigné la finance comme votre adversaire, et elle règne toujours.
Vous avez prôné l’emploi et la justice sociale, mais le chômage augmente et le niveau de vie des moins favorisés diminue.

Le gouvernement de votre Premier ministre a su tenir bon face aux manifestations de l’extrême droite alliée à la droite parlementaire, et il a réussi à faire adopter la loi sur le mariage pour tous. Nous aurions souhaité la même détermination pour les autres réformes.

Il a certes beaucoup écouté la société civile mais sans l’avoir, semble-t-il, entendue. Les grands débats nécessaires à la réussite du changement — sur la politique migratoire et les demandeurs d’asile, la politique de sécurité, les réformes démocratiques, l’avenir de la jeunesse — ont été, jusqu’à ce jour, évacués.

Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous vous êtes présentes pour tourner la page des politiques inégalitaires, injustes et sécuritaires ; les stigmates de l’ancienne législature perdurent.
Vous avez voulu incarner l’alternative ; elle peine à se mettre en place.
Vous avez souhaité une pratique parlementaire indépendante et exigeante ; votre voix, trop souvent, est étouffée.

Vous avez l’honneur d‘élaborer et de voter les lois. Cette charge vous engage. Nous en appelons à votre responsabilité de représentants du Peuple souverain. L’opposition, la frilosité et l’esprit de renoncement seront toujours mobilisés pour faire échec aux reformes de justice et de progrès. Il vous incombe de faire en sorte que l’espoir et les changements se concrétisent.

Nous en appelons à cette relation démocratique forte, et a votre courage. Il est vain de vouloir apprivoiser ou contourner les maux qui découlent des politiques néolibérales ou des réflexes sécuritaires. Assumez les propositions de progrès pour les droits et les libertés du programme sur lequel vous avez été élus ; vous ne lui serez fidèles qu’en défendant des mesures de justice, de lutte contre les inégalités, et de restauration des droits des citoyens bafoués par la législation rétrograde des derniers quinquennats.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez l’honneur et la charge de disputer notre pays aux crises financière, économique et morale qui alimentent chômage, xénophobies et défiance du politique. Nous avons besoin pour cela de justice et de pragmatisme, d’éthique et de démocratie, de décisions et de détermination.  Le changement et la justice ne sont pas des concessions accordées par les forces politiques et économiques qui s’y opposent. La justice, la démocratie et le progrès social ont toujours dû être conquis de haute lutte. Cette vérité est plus que jamais d’actualité.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Nous, militants de la Ligue des droits de l’Homme réunis en congres, vous demandons instamment de manifester l’éthique politique, le courage civique et la responsabilité nécessaires pour combattre la crise et promouvoir les valeurs proclamées de la République que sont l’égalité, la liberté et la fraternité.

Nous, militants de la Ligue des droits de l‘Homme, répondons toujours présents à l’appel de ces valeurs, et nous nous engageons pour les réformes qu’elles appellent. Nous continuerons à le faire :

  • jusqu’à ce que le droit de vote et d‘éligibilité de tous les résidents étrangers s’impose car il répond à un impérieux besoin d’élargissement de la démocratie ;
  • jusqu’à ce que les rapports entre la police et la population, et particulièrement la jeunesse, soient profondément réformés, car cela répond a un profond besoin de sécurité et de sérénité ;
  • jusqu’à ce que la politique pénale soit rééquilibrée, afin que le tout—carcéral laisse la place a une justice digne et réellement efficace,
  • jusqu’à ce que les étrangers soient traites dans le respect des droits de l’Homme et des conventions internationales, qu’il s’agisse de nos concitoyens europeens que sont les Roms ou de ceux qui vivent parmi nous ou y recherchent un droit effectif a la protection ;
  • jusqu’à ce que les politiques économiques poursuivent le progrès social plutôt que l’enrichissement inégal.

Monsieur le président de la République, Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Vous avez, là où vous êtes, là où le peuple vous a places, d’immenses responsabilités. Il vous revient de ne pas les décevoir, et il nous revient de vous le rappeler.

Croyez en notre détermination, à la hauteur de ce que mérite l’avenir de la République.

 

Deux heures de contrôles au faciès contre les sans papier à Paris le 6 juin

La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme proteste vigoureusement contre l’opération de police du 6 juin à proximité du métro Barbes.

Le jour même où les républicains se réunissaient afin de manifester leur indignation suite à l’agression violente de Clément Méric, militant antifasciste, par des groupuscules d’extrême droite, la police républicaine déployait ses forces pour traquer les sans-papiers.

Dans ce qui apparait être une gigantesque opération de police, d’aucuns parleraient de rafle, des dizaines de policiers en civil ou non ont bouclé le quartier durant près de 2 heures, procédé à des contrôles d’identité « sélectif », c’est à dire au faciès, et à l’arrestation de plusieurs dizaines de personnes placées dans des bus avant d’être conduites au centre de rétention de Vincennes.

La Ligue des droits de l’Homme condamne fermement toutes opérations policières qui, bien loin d’apporter une quelconque réponse à l’insécurité, se traduisent par une stigmatisation accrue d’un public déjà fragilisé et entraîne une défiance à l’égard des forces de police de la République. Elle demande la mise en place d’une attestation de contrôle d’identité.

La fédération de Paris a écrit au préfet (copie ci-dessous) pour l’interpeller sur cette rafle inacceptable.

 

Paris, le 9 juin 2013

 

Monsieur Bernard Boucault

Préfet de Police de Paris

 

Monsieur le Préfet,

Au nom de l’ensemble des militants de la Fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme, je tiens à vous manifester notre profond étonnement quant aux évènements qui auraient eu lieu le jeudi 6 juin à Barbes.

Les informations que nous avons pu obtenir, si elles s’avéraient exactes, font état d’une opération de police de très grande ampleur. Un impressionnant dispositif policier aurait bouclé le quartier de Barbes pendant 2 heures, entravant la libre circulation des résidents et des passants.

Entre 40 et 50 de personnes auraient été arrêtées et placées dans des bus spécialement affrétés pour cette opération. Plusieurs d’entre elles seraient désormais retenues dans le Centre de rétention administrative de Vincennes. Je ne fais pas état des informations qui laissent entendre que les contrôles auraient été réalisés de manière sélective, au facies. Bref, il semblerait que les conditions de cette opération contreviennent à l’article 78-2 du code de procédure pénale. Sauf à penser que la couleur de peau soit en elle même un délit.

Vous comprendrez alors la vive émotion qui est la notre. Convaincu que notre République se doit de respecter les droits de tous, nous nous étonnons de cette opération dont la méthode fait davantage penser à une « rafle » qu’à une opération de contrôle d’identité. Ce d’autant plus que la veille nous avions pu rencontrer vos services à propos des conditions d’accueil des migrants et de travail du personnel préfectoral car nous constations que ces conditions ne favorisaient pas un accueil digne et respectueux envers les étrangers.

La ligue des droits de l’Homme défend une République respectueuse de ses valeurs et des droits de tous. Elle demande la mise en place d’une attestation de contrôle d’identité. Elle condamne fermement toutes opérations policières qui bien loin d’apporter une quelconque réponse à l’insécurité se traduisent par une stigmatisation accrue d’un public déjà fragilisé et entraîne une défiance accrue à l’égard des forces de police de la République.

Dans l’attente d’une réponse à notre interpellation, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’assurance de notre considération distinguée.

 

 

Julien Molesin

Président de la Fédération de Paris de la LDH

Copie : M. le Ministre de l’Intérieur

Lettre ouverte aux députés européens : « ne criminalisez pas les demandeurs d’asile ! « 

Le 11 juin prochain, le Parlement européen aura à se prononcer sur les derniers textes à adopter pour une réforme du régime d’asile européen commun (RAEC). Au vu des amendements très marginaux finalement apportés aux différents projets de textes, notre association ne peut que réitérer son opposition à cette réforme. L’AEDH a adressé, le 07 juin, une lettre ouverte aux parlementaires européens afin de les encourager à refuser particulièrement la détention des demandeurs d’asile et l’ouverture des fichiers d’empreintes digitales aux autorités répressives nationales et à Europol.

Nous reproduisons cette lettre ci-dessous, et elle est téléchargeable ici.

Bruxelles, le 07 Juin 2013

Ne criminalisez pas les demandeurs d’asile !

Madame la députée, Monsieur le député,

Le 11 juin prochain, votre Assemblée aura à se prononcer sur les derniers textes à adopter pour une réforme du régime d’asile européen commun.

Dans une « Lettre ouverte » diffusée le 10 décembre dernier, nous vous avions fait savoir toutes les réserves que nous inspiraient les directives sur les procédures et les conditions d’accueil envisagées.

Nous sommes conscients de la résistance que vous avez souvent opposée à la volonté des membres du Conseil. Mais, au vu des amendements très marginaux finalement apportés aux différents projets de textes, notre association ne peut que réitérer son opposition à cette réforme. En effet, elle ne marque pas de réels progrès des droits pour tous les demandeurs d’asile et maintient la majorité d’entre eux dans une position de suspicion de fraude ou d’abus du système d’asile.

L’AEDH, association « européenne », convaincue que l’Union à 27 pourrait être une source de progrès des droits, regrette profondément que régime d’asile européen commun (RAEC) futur ne conduise pas à une conception véritablement « commune » du droit d’asile dans l’UE. Elle déplore que perdure ainsi une inégalité flagrante entre les personnes en recherche de protection, en fonction du pays où leur demande sera examinée.

En tout état de cause, nous vous exhortons à exprimer fortement votre opposition à toutes les formes d’enfermement des demandeurs d’asile, en quelque circonstance que ce soit.

Nous vous demandons également de censurer la réforme du règlement EURODAC qui ouvrirait aux autorités répressives nationales et à Europol l’accès aux fichiers d’empreintes digitales des demandeurs d’asile. Cette pratique serait en contradiction totale avec le principe de respect absolu de la confidentialité garantie aux demandeurs d’asile, afin de ne pas les mettre en danger.

Ces femmes et ces hommes qui espèrent trouver un refuge entre nos frontières ne sont pas des criminels. Ils ont souffert et nous ne saurions nous montrer dignes de la confiance qu’ils nous font, dignes de l’image de défenseur des droits que nous entendons montrer au monde, si notre réponse prend les formes d’une répression qu’ils ont voulu fuir.

Croyez, Madame la députée, Monsieur le député, en la confiance que nous plaçons en votre volonté de continuer à défendre le droit d’asile.

Catherie Theule, vice-présidente

Serve Kollwelter, président.

 

 

 

Manifestation de soutien au peuple turc ce samedi 8 à Saint-Brieuc

Photo La Montagne

La Ligue des droits de l’Homme et l’Intersyndicale de Saint-Brieuc (22) aappellent à une manifestation de soutien au peuple turc, ce samedi 8 juin à 15h, au Parc des Promenades. Vous trouverez l’appel ci-dessous, puis la lettre ouverte adressée par la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) au président de la République et au premier ministre turcs.

La mobilisation qui a débuté vendredi dernier en Turquie,  contre le projet d’aménagement urbain du parc Gezi s’est transformée en un mouvement d’union populaire contre la politique du chef du gouvernement AKP.

Ce mouvement rassemble des centaines de milliers de personnes qui font  l’objet d’une répression policière féroce et d’un usage excessif de la force, en toute impunité.

La Ligue des Droits de l’Homme condamne la violence et l’ampleur de la répression, et exprime sa  solidarité aux manifestants. Elle  appelle  le Gouvernement turc à respecter les droits fondamentaux internationaux.

En soutien aux populations qui luttent pour le respect de la démocratie, de la laïcité, pour le progrès social, elle appelle  à un rassemblement :

 

Samedi 8 juin à Saint Brieuc,

            Parc des promenades à 15 heures.

 

LETTRE OUVERTE de la FIDH

S.E. Mr. Abdullah Gül, Président de la République de Turquie

S.E. Mr. Recep Tayyip Erdoğan, Premier ministre

cc. H.E. Mr. Beşir Atalay, Vice-Premier ministre en charge des droits de l’Homme

Paris, Ankara, 5 juin 2013

Re : Usage disproportionné de la force par la police

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et ses organisations membres en Turquie la Fondation des droits de l’Homme (TIHV – Türkiye İnsan Hakları Vakfı) et l’Association des droits de l’Homme (IHD – İnsan Hakları Derneği) tiennent à vous exprimer leur plus profonde inquiétude et indignation quant à la violence policière manifestement disproportionnée qui entoure les manifestations qui ont débuté le 27 mai 2013.

Ces manifestations initialement rassemblées contre un projet d’urbanisme autour du Park Gezi se sont rapidement transformées en mouvement de contestation contre l’oppression, notamment en réaction à la violence policière dont les manifestants de la place Taksim ont été l’objet.

À ce jour, et selon les informations du syndicat des docteurs de Turquie (Turkish Medical Association), 2800 personnes ont été blessées à l’occasion des manifestations à Ankara, Izmir et Istanbul uniquement. Lundi 3 juin, un premier décès était annoncé, un second l’était mardi. Plus de trois mille de personnes ont été arrêtées et des actes de torture et/ou traitements inhumains et dégradants ont été rapportées selon la TIHV, membre de la FIDH.

Nos organisations membres, TIHV et IHD ont pu documenter l’utilisation excessive et disproportionnée des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestations, en violation du droit international, notamment des Principes des Nations unies sur l’usage de la force et des armes à feu par des agents de maintien de la paix.

Ainsi, des cartouches de gaz lacrymogène ont été très largement tirées pour contraindre des manifestations initialement pacifiques. Beaucoup ont également été dispersées à partir d’hélicoptères au dessus des zones résidentielles sans manifestants. A plusieurs occasions, des cartouches ont été tirées à l’intérieur de domiciles, en violation notamment des principes de nécessité et de proportionnalité.

En outre et à plusieurs reprises, des cartouches de gaz lacrymogène ont été tirées à courte distance, et dirigées vers la tête des manifestants. Ceci a eu pour conséquence de nombreuses blessures dans les yeux ou causés de nombreux traumatismes crâniens.

En outre, l’utilisation de gaz de nature indéterminée et plusieurs attaques contre des ambulances ont empêché à plusieurs reprises l’assistance médicale aux personnes blessées dans les manifestations.

Dans ce contexte, nous vous appelons à

  • garantir le droit à la manifestation pacifique et la liberté d’expression,
  • relâcher tous les manifestants pacifiques maintenus en détention,
  • garantir l’accès aux soins des personnes dans le besoin,
  • mettre un terme immédiat à tout acte de violence policière contre les manifestants,
  • mettre en place une commission d’enquête indépendante et impartiale sur les allégations de torture et de traitements inhumains, ainsi que sur l’utilisation disproportionnée de la force par les organes de maintien de l’ordre.

Comme nous l’avons dit récemment, à l’occasion du 38ème Congrès de la FIDH, au Président de la République et au Vice Premier Ministre, la FIDH est particulièrement préoccupée par les violations systématiques et récurrentes de la liberté d’expression en Turquie. Les événements récents ne peuvent que conforter notre crainte que le gouvernement ne privilégie l’autoritarisme et la répression en réponse aux préoccupations légitimes exprimées par les manifestants, plutôt que le dialogue et la concertation.

Nous vous appelons une nouvelle fois à approfondir les réformes indispensables à la réussite de la transition en Turquie, telles que nous vous les avons exprimées dans notre appel à mettre en œuvre Huit Mesures Essentielles [http://www.fidh.org/8-mesures-pour-consolider-la-paix-en-turquiela-fidh-saisit-le-13193]. La garantie de la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de manifestation pacifique, en constituent une pierre angulaire.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre lettre, nous vous prions d’agréer nos sentiments les plus respectueux,