Un institut catholique envoie aux parents d’élèves une lettre contre le mariage pour tous avec le bulletin scolaire

L'institut Saint-Lô à Agneaux

A l’Institut Saint-Lô, à Agneaux, dans la Manche, on a une conception très particulière du débat démocratique. Les parents d’élèves des classes terminales (l’établissement scolarise des enfants de la maternelle à la terminale et aux BTS) ont reçu, avec le bulletin scolaire de leur enfant, une lettre de l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL), dénonçant le projet de loi sur le mariage pour tous. Le communiqué est clair : « l’APEL exprime son opposition ferme au projet de loi gouvernemental visant à permettre le mariage de personnes de même sexe ». Et il conclut de façon toute aussi claire : « On ne joue pas avec ce qui constitue l’un des fondements de notre société. Dénaturer le sens du mariage est un changement majeur, une rupture de civilisation. A quel moment les français ont-ils été informés, ont-ils débattu de ce changement de société ? L’Apel demande qu’une véritable réflexion s’engage sur ce sujet et que les français soient largement consultés. Quel que soit le devenir de ce projet de loi, l’Apel continuera, bien entendu, à remplir sa mission auprès de tous les parents qui font le choix de l’Enseignement catholique ».

Autrement dit, on veut un débat, mais qui, bien entendu, débouchera sur la conclusion que nous avons choisie : non au mariage pour tous. C’est bien cela que demande l’APEL.

Bien entendu, l’enseignement privé s’abrite, pour faire cela, derrière son fameux caractère « propre », qu’il met pourtant volontiers en veilleuse quand il s’agit de recruter des élèves, clamant haut et fort sa grande tolérance et sa volonté d’accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs croyances ou celles de leurs parents.

Le journal Ouest-France, qui a révélé l’affaire, cette histoire ne fait pas l’unanimité, et des élèves auraient monté un groupe sur le réseau social Facebook pour dénoncer cette lettre. Ils y voient une incitation à participer à la manifestation du 13 janvier contre le mariage pour tous.

Télécharger le communiqué ici.

Un article réclamant un débat sur le mariage pour tous dans l’église censuré par les dominicains

Copie d'écran de la page à laquelle conduit le lien vers l'article de Lionel Gentric.

Ajouté mercredi 2 janvier : Cécile Duflot a twitté l’adresse du cache Google où on peut retrouver l’intégralité du texte de Lionel Gentric : un seul coeur, une seule âme.  A lire à la suite de cet article.

Les opposants au mariage pour tous réclament, à corps et à cris, un grand débat national. C’est ce qu’avait cru comprendre un Dominicain, Lionel Gentric. Et du coup, il a écrit et publié un article passionnant sur le site « Dominicains, province de France ». Dans cet article, Lionel Gentric faisait une critique sévère de l’attitude de l’Eglise dans le débat qui entoure le projet de loi sur le mariage pour tous. Intitulé « un seul cœur et une seul âme », il s’interrogeait sur l’étrange « unanimité », au moins de façade, de l’Eglise sur ce sujet. En voici un extrait :

« Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. » Il ajoute plus loin : « Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay »

Vous ne pourrez malheureusement pas lire le reste de ce long article : depuis le 31 décembre, il a curieusement disparu du site « Dominicains province de France ». Le  lien conduit à une page d’erreur (voir copie d’écran en tête d’article).

Pourtant, Lionel Gentric ne se dit pas partisan du mariage pour tous ; il résume sa position par une formule claire : « très hésitant dans l’ensemble ».

Alors, censure ? ça y ressemble bien. Coïncidence : cette censure intervient au moment où quelques voix commencent à s’élever dans le clergé et chez les catholiques pour dire, comme le titre de la pétition lancée par le « réseau des parvis » : « Trop, c’est trop ! » (qui a pour le moment recueilli 2600 signatures).

Le texte intégral

Un seul cœur et une seule âme ?

De l’unanimité de l’Église sur la question du mariage pour tous

Il est bien des organisations humaines (gouvernements, partis politiques, entreprises commerciales), trop humaines peut-être, où la capacité à afficher une unanimité de façade dans les situations d’adversité est un atout de poids, voire une nécessité. Il est bien des circonstances dans lesquelles il faut accorder au rassemblement des forces une priorité qui justifie qu’on diffère l’ouverture d’un débat de fond où viendraient se confronter des perspectives diverses et des opinions contradictoires. Plus encore, certaines organisations sont jugées sur leur capacité à juguler efficacement l’expression de la diversité des opinions : ainsi les ministres de notre République sont-ils sévèrement jugés lorsqu’ils manifestent de manière désordonnée leur désaccord avec la ligne officielle. Jean-Pierre Chevènement l’a brillamment résumé, alors qu’il s’apprêtait à donner sa démission du gouvernement Mauroy en 1983 : « Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça démissionne ».

L’Église n’est pas au nombre de ces institutions humaines, trop humaines. Leconsensus auquel elle aspire partout où, en son sein, on délibère, on décide et on agit, va bien au-delà d’une simple convergence des opinions et des intérêts. Ceconsensus doit se fonder sur une unité que réalise en elle Celui qui en est la tête, notamment lorsque les chrétiens se rassemblent en son Nom, sous le signe de la croix, pour communier à son corps et à son sang. L’Église n’est pas un parti. Elle n’est d’aucune tribu, d’aucun clan, d’aucune faction : elle entend être et elle est vraiment le sacrement visible de l’unité du genre humain. En elle se réalise l’« unité catholique du Peuple de Dieu qui préfigure et promeut la paix universelle » (Lumen Gentium, n. 9). A cette unité, tous les hommes sont appelés, de même qu’à tous est destinée la promesse de vie.

L’Église n’a pas le droit de délaisser ne serait-ce qu’un seul instant cette perspective de l’unité qu’elle est vouée à réaliser en son sein. Il est vrai que le consensus et la concorde ne seront parfaitement établis que lorsque le Royaume lui-même trouvera son parfait achèvement – c’est-à-dire à la fin des temps. Dans le temps présent, il nous faut composer avec bien des dissensions et une diversité souvent compliquée à gérer. Il n’en reste pas moins que la perspective du dépassement de toutes les divisions et de toutes les dissensions, la perspective du grand rassemblement des enfants de Dieu ne peut pas disparaître de notre horizon. C’est pourquoi il est bon de réentendre l’exhortation que l’apôtre Paul prodiguait aux Philippiens : « Mettez le comble à ma joie par l’accord de vos sentiments : ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n’accordez rien à l’esprit de parti. » (Ph 2,2-3)

Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. Lorsque nous agissons ainsi, l’Église est défigurée et affaiblie. De l’extérieur, elle n’est plus reconnaissable qu’à ses « positions » : elle agit comme si devait prendre au sérieux la provocation de Staline (« Le pape, combien de divisions ? »). Vue de l’intérieur, les choses ne sont guère plus favorables, car en se comportant comme une puissance séculière, l’Église laisse circuler en ses veines certains de ces poisons qui font que toutes les organisations humaines (trop humaines) sont périssables.

Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay. De manière peut-être encore plus troublante, aucun évêque n’a osé s’aventurer à l’exercice de la correction fraternelle lorsque l’un ou l’autre de ses confrères s’est laissé aller à des débordements de langage. Un tel exercice, aussi périlleux soit-il, aurait pourtant été bien salutaire en plusieurs occasions, ne serait-ce que pour fournir l’attestation de ce qu’il y a des ecclésiastiques qui, non contents de n’être pas homophobes (puisqu’il est entendu que les catholiques ne sont pas homophobes), n’entretiennent vraiment aucune complicité avec l’homophobie : il est vraiment désolant que nul évêque ne s’y soit risqué publiquement.

Depuis des mois, la hiérarchie catholique ne parle que d’une seule voix. Comme si tout le monde était d’accord. Comme s’il n’y avait plus qu’à choisir les moyens d’action et à entrer en campagne. On peut craindre que cette fausse unanimité desserve profondément la cause de l’unité de l’Église : beaucoup de catholiques aujourd’hui, sans être nécessairement de grands partisans du mariage pour tous, ne sont pas convaincus par l’argumentaire anthropologique qui a été retenu pour la cause ; ils entretiennent des doutes qui méritent d’être pris au sérieux et qui ne le sont pas.

Rien n’est évident dans cette histoire. Rien n’est évident et rien n’est simple. Comme l’indiquent les sondages (ceux des instituts comme celui que n’importe qui peut faire dans la plupart des paroisses), les fidèles sont partagés. Beaucoup ne demanderaient qu’à voir ouvrir vraiment le débat, non seulement dans la société, mais aussi et d’abord dans l’Église. Les prêtres sont également partagés. Oserai-je dire enfin que les évêques eux-mêmes sont certainement partagés ? Je ne suis pas journaliste d’investigation, je n’ai recueilli aucune confidence, je n’ai aucun enregistrement téléphonique… mais considérant d’une part que les prêtres français sont très partagés et d’autre part que les évêques ne sont pas des hommes extrêmement différents des simples prêtres, il est assez clair que les évêques ne partagent pas tous l’ardeur des leaders. Il n’y a pas de vraie unanimité, même au sein du collège épiscopal, au sujet du fameux projet de loi. Nous jouons depuis des mois une grande partie de cache-cache, dans laquelle certains pourraient finalement se lasser de s’être si bien cachés.

L’Église a sans doute beaucoup à perdre à dissimuler qu’il y a aujourd’hui en son sein une très grande diversité de points de vue au sujet du projet de loi sur le mariage pour tous. Les opinions de l’auteur de ces lignes sur la question de fond (l’ouverture du mariage aux couples homosexuels) n’ont pas ici grande importance [1]. Quelles qu’elles soient, elles susciteront nécessairement de la sympathie chez quelques uns, des hésitations chez d’autres, une franche opposition chez d’autres encore. Peu importe : c’est en assumant tout cela, toutes ces différences et toutes ces dissensions, que l’Église se construit, en se donnant délibérément pour horizon de conduire les enfants de Dieu au grand rassemblement promis à tous.

Puisse donc l’Église se donner comme perspective de rassembler ses enfants. Non dans une militance toute séculière, dans une logique toute humaine qui justifierait la mise à l’écart des fortes têtes et le mépris des hésitants, mais au contraire dans le souci tout évangélique de n’en perdre aucun (Jn 18,9). Pour cela, il faudrait qu’elle renonce à tout ce qui risque de faire d’elle une institution très humaine, trop humaine peut-être.

PS : La présente contribution n’engage évidemment que son auteur.

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[1] Disons en quelques mots, pour couper court à d’inutiles spéculations, que je suis 1) convaincu de la légitimité et du bien-fondé des principales revendications des familles homoparentales, ainsi que de la nécessité de leur accorder une juste reconnaissance, 2) assez convaincu que le projet de loi transforme en profondeur l’institution civile du mariage, 3) très dubitatif sur l’opportunité de procéder à cette transformation, 4) plutôt favorable à l’ouverture du droit à l’adoption pour les couples homosexuels, 5) très réticent à l’ouverture du droit à l’A.M.P. pour les couples de lesbiennes, 6) farouchement opposé à la légalisation de la G.P.A., et donc 7) très hésitant dans l’ensemble.

 

L’Eglise et le mariage pour tous : comme un vent de révolte ?

Ajout lundi 31/12/2012, 19h15. Le billet du Dominicain cité ci-dessous semble avoir été supprimé du site. Ils demandent un débat, pourtant…

Un vent de révolte, qui n’est pour le moment qu’une brise, semble se lever contre les prises de position de l’Eglise catholique contre le mariage pour tous, de son sein même.

Il est tout de même étrange qu’on réussisse le tour de force d’exiger simultanément un débat, et l’abandon du projet de loi ! C’est pourtant l’attitude de l’église dans cette affaire. Certaines voix commencent à se faire entendre. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas des voix contestataires habituelles, comme celle de l’évêque Jacques Gaillot.

Premier exemple :  le frère Lionel Gentric est tuteur des frères étudiants au couvent Saint-Thomas-d’Aquin à Lille et directeur régional du pèlerinage du Rosaire pour la région Flandres-Artois-Picardie. Sur le site « Dominicains province de France », ce religieux signe un billet intitulé « un seul cœur et une seule âme », il s’interroge sur « l’unanimité de l’Eglise sur la question du mariage pour tous », alors qu’il n’y a pas eu débat : « Nous faisons fausse route lorsque nous affichons une unanimité qui n’est que de façade. Nous faisons fausse route lorsque nous nous comportons en militants d’un parti qui chercherait à gagner une cause dans l’espace politique. Lorsque nous nous prenons pour des miliciens ou des légionnaires. Lorsque quelques uns d’entre nous, fussent-ils pasteurs ou théologiens, croient pouvoir imposer dans les rangs des mots d’ordre ou des consignes de vote… ou encore lorsque nous nous prenons à rêver que l’Église y gagnerait à faire plier un gouvernement par une démonstration de force. » Il ajoute plus loin : « Je ne sais par quel miracle l’Église de France a réussi à faire taire en son sein tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les opinions exprimées par ses chefs sur le projet de loi du mariage pour tous. J’aurais pourtant parié, au moment où le cardinal Vingt-Trois a pris l’initiative de publier la prière du 15 août, que le débat qui anime l’espace public trouverait un écho retentissant dans l’Église. Nous arrivons à la fin du mois de décembre et c’est seulement ces jours-ci qu’un prêtre français fait connaître publiquement son soutien au projet de loi, dans une lettre ouverte adressée aux évêques de France. Aucun évêque, à ce jour, n’a fait savoir ses réserves à l’égard des opinions exprimées par les ténors de l’opposition au mariage gay ». Non qu’il soit lui-même partisan de ce projet : son opinion se résume dans cette formule, « très hésitant dans l’ensemble ».

Une pétition destinée à la conférence des évêques de France

Second exemple, et là il s’agit de laïcs, rassemblés dans l’association « le réseau des parvis », qui se présentent comme « Catholiques d’ouverture, protestants libéraux, unitariens, nous sommes de 7 à 10 000 chrétiens – au sein de cinquante associations françaises – regroupés par les Réseaux du Parvis ». Ils viennent de lancer une pétition intitulée « Trop c’est trop », qu’on peut signer sur le site « pétition publique ». Destinée à la conférence des évêques de de France, elle dénonce l’absence de débat qui a précédé la prise de position de l’Eglise et sa participation à la manifestation contre le mariage pour tous prévue le 13 janvier : « Tout d’abord, rappelons que les évêques n’ont aucun droit à parler au nom des catholiques, qu’ils n’ont jamais consultés. L’épiscopat dit vouloir un débat sur ce sujet pour faire entendre l’opinion publique française, alors qu’il ne tient aucun compte de l’opinion publique dans l’Eglise catholique, ni sur ce sujet, ni sur aucun autre ».

Dans les Côtes d’Armor enfin, Patrick Léger, de la Pastorale des migrants, prend clairement position pour le mariage pour tous dans l’édition du dimanche du journal Ouest-France.

Le site « le mariage pour tous » est un outil militant très utile, qui signale notamment les prises de position en faveur du projet de loi. C’est là que ça se passe.

Mariage pour tous : l’enseignement catholique entre en scène

Ne dites surtout pas que c’est un appel à manifester ! C’est uniquement un appel à « permettre à chacun l’exercice d’une liberté éclairée à l’égard des choix aujourd’hui envisagés par les pouvoirs publics ». Au nom, bien entendu, de « l’intérêt supérieur des enfants qui (nous) sont confiés ».

Le secrétariat général de l’enseignement catholique a en effet publié un communiqué de presse, et adressé un courrier aux 8500 directeurs d’écoles, collèges et lycées qu’il regroupe. Ils sont donc invités à ouvrir une réflexion sur le sujet. Jusque-là, rien que de très normal. Mais bien entendu, l’issue de cette réflexion est fixée : il s’agit de souligner « avec force que la reconnaissance de la différence des sexes et l’accès à ses origines étaient des droits essentiels pour permettre à chaque jeune de construire son identité à sa personnalité ». Et par conséquent de faire comprendre aux parents d’élèves et aux élèves que ce projet de loi doit être combattu avec vigueur. Si le courrier aux directeur utilise un ton très feutré, le communiqué de presse est beaucoup plus explicite : « Négliger les droits de l’enfant pour faire prévaloir un droit à l’enfant constituerait un très grave contresens dont les enfants seraient les premiers à pâtir. C’est pourquoi l’Enseignement Catholique est en désaccord avec une évolution législative ouvrant le mariage et la parentalité aux couples homosexuels ».

Ça ne sera un peu compliqué de conduire cette « réflexion » « en veillant à l’unité de la communauté éducative (…) et en assurant le respect des personnes et des consciences » ?

Affaire Natacha Aussibal : le tribunal administratif condamne la Cidéral

L’audience du 15 novembre ne laissait guère de doute sur le jugement que devait rendre le tribunal administratif, au sujet de la suppression du poste de Natacha Aussibal à la pépinière d’entreprise de la Cidéral et son placement « en surnombre » dans la communauté de commune : les conclusions du rapporteur public avaient été particulièrement sévères. Le jugement est tombé le 13 décembre, et a suivi les conclusions du rapporteur public :

  • Article 1er : « Les décisions attaquées sont annulées ».
  • Article 2 : « Il est enjoint à la CIDERAL, dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de réintégrer Mme Aussibal ».
  • Article 3 : « La CIDERAL est condamnée à verser à Mme Aussibal la somme de 10 OOO euros (dix mille euros) ».
  • Article 4 : « La ClDERAL versera à Mme AUSSIBAL une somme de 2 OOO euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative (frais d’avocat) ».

Il est bon de rappeler quelques temps forts de cette affaire, que le rapporteur public n’avait pas hésité à qualifier de « triste affaire » :

  • Le 4 août 2010, le juge des référés du tribunal administratif avait suspendu la révocation de Natacha par le président de la Cidéral, lequel a réintégré Natacha, puis l’a suspendue, et demandé sa convocation devant le conseil de discipline.
  • Le 14 septembre 2010, le conseil de discipline a émis « un avis défavorable au prononcé d’une sanction estimant qu’aucun des faits reprochés n’était constitutif d’une faute disciplinaire ».
  • Natacha Aussibal a alors été réintégrée le 4 décembre 2010, et simultanément son poste a été supprimé « pour motif économique » et elle a été placée « en surnombre », c’est-à-dire sans travail, mais en conservant son salaire. Et le président de la Cidéral a prononcé sa « radiation des cadres » à compter du 22 décembre 2011.
  • Enfin, le 17 février 2012, le défenseur des droits (qui a remplacé la Halde) « a formulé des recommandations au président de la CIDERAL tendant 21 ce que ce1ui-ci fasse cesser la discrimination liée aux activités syndicales de Mme AUSSIBAL et indemnise cette dernière a raison des préjudices résultant du harcèlement discriminatoire qu’elle a subi ». Recommandations dont le président de la Cidéral n’a évidemment tenu aucun compte.

Le juge a finalement considéré que « la réalité du motif économique invoqué pour justifier cette suppression n’est pas établie », et « que qu’il résulte ainsi de l’ensemble des circonstances précédemment rappelées que la suppression du poste et les mesures individuelles, prises simultanément, de placement en surnombre pendant un an puis de radiation des cadres de Mme AUSSIBAL sont constitutives de sanctions déguisées ».

 

Football : non à l’Euro des moins de 21 ans en Israël en 2013 !

Le collectif BDS (Boycott, désinvestissement, solidarité) France, qui regroupe une quarantaine d’associations pour soutenir le lutte du peuple Palestinien lance une pétition pour demander que l’Euro de football catégorie « espoirs » (moins de 21 ans) n’ait pas lieu en Israël en 013. Voici son appel (le lien vers la pétition est en fin d’article).

Dans une lettre rendue publique, Éric Cantona, Noam Chomsky et Ken Loach observent avec satisfaction que « certains membres de gouvernements ont décidé de boycotter les matchs de groupe en Ukraine en raison des violations des droits humains observées dans ce pays », avant de demander « pourquoi les mêmes acteurs sont-ils si silencieux quand Israël reçoit l’Euro 2013 des moins de 21 ans ?

Le racisme, les violations des droits de l’Homme et les violations flagrantes du droit international sont des faits quotidiens dans ce pays. Le maintien d’Israël comme pays organisateur de l’Euro 2013 des moins de 21 ans est d’autant plus surprenant qu’en 2010, Michel Platini, président de l’UEFA (Union of European Football Associations), avait menacé Israël de sanctions sportives, en raison des restrictions imposées pour les allers et venues des sportifs palestiniens, et des difficultés à pouvoir importer des équipements sportifs. Michel Platini avait alors déclaré « Israël n’a qu’un seul choix : laisser le sport palestinien se développer, ou il doit assumer tout seul les conséquences de son attitude ».

Il serait donc inadmissible qu’Israël puisse organiser l’Euro 2013 des moins de 21 ans, alors que rien n’a changé dans la situation d’apartheid imposée aux Palestiniens. Pour preuve, le cas de Mahmoud Sarsak, footballeur professionnel palestinien qui, comme, l’écrivent Eric Cantona, Noam Chomsky et Ken Loach, a été « détenu environ trois ans, sans chef d’accusation, ni procès (…) ».

Dernièrement ce sont près de 50 footballeurs professionnels (Kanoute, Moussa Sow…) qui ont exprimé leur indignation à travers une déclaration commune expliquant qu’il « est inadmissible que des enfants soient tués alors qu’ils jouent simplement au football, notamment à la veille où Israël va accueillir l’UEFA des moins de 21 ans, se voyant ainsi récompensé alors qu’il commet des actes contraires aux valeurs du Sport. »  En effet, le 10 novembre 2012, l’armée israélienne a bombardé un terrain de sport à Gaza, tuant sur le coup des adolescents qui jouaient au football : Mohamed Harara et Ahmed Harara (16 et 17 ans), Matar Rahman et Ahmed Al Dirdissawi (18 ans). Les footballeurs rappellent également que depuis février 2012, les deux joueurs de football de l’équipe d’Al Amari, Omar Rowis (23 ans) Mohammed Nemer (22 ans), sont toujours emprisonnés en Israël sans procès.

Israël ne respectant pas les droits fondamentaux des Palestiniens, ni le développement du sport en Palestine, nous vous invitons à signer la pétition demandant à l’UEFA et à son président Michel Platini que l’Euro 2013 des moins de 21 ans ne se tienne pas en Israël :

Signez la pétition ici !

La Campagne BDS France est composée de 50 organisations soutenant l’appel international BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions)lancé par les Palestiniens. campagnebdsfrance@yahoo.fr

Débat sur le mariage pour tous à Guingamp : une intervention remarquable d’Elie Geffray

De gauche à droite, Dominique Boren (co-président de l'APGL), Sébastien Marchal (HES Ille-et-Vilaine), Denis Quinqueton (président d'HES), Marie-Anne Chapdelaine (députée d'Ille-et-Vilaine, et présidente du conseil supérieur de l'adoption), et Annie Le Houérou, députée maire de Guingamp.

Un message qui va bien avec la fête de Noël : celui d’Elie Geffray, que je remets à la Une.

Samedi 1er décembre, Annie Le Houérou, députée maire de Guingamp, a organisé, dans l’amphi de l’Université catholique occidentale, un débat sur le mariage pour tous, avec Marie-Anne Chapdelaine (députée d’Ille-et-Vilaine, et présidente du conseil supérieur de l’adoption), Denis Quinqueton (président d’Homosexualités et socialisme), Sébastien Marchal (HES Ille-et-Vilaine) et Dominique Boren (co-président de l’Association des Parents Gay et Lesbiens).

Un débat passionnant, au cours duquel est intervenu Elie Geffray, prêtre, et maire de la commune d’Eréac (22). Elie Geffray a développé la position sur le mariage pour tous qu’il avait annoncée dans la presse les jours derniers (lire ici). Une intervention remarquable, que vous pouvez voir l’enregistrement vidéo ci-dessous.

httpv://www.youtube.com/watch?v=xluylB8o9QU

 

Marche mondiale des femmes : « Il faut soutenir les femmes du Kivu »

L’association « Marche mondiale des femmes » appelle à soutenir les femmes congolaises de la province du Kivu,  victimes de viols perpétrés par des groupes armés. Sa campagne consiste à adresser le courrier ci-dessous (et téléchargeable ici) à Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères chargée de la francophonie.
Catherine Desbruyères, correspondante de l’association dans les Côtes d’Armor, explique la situation : « En octobre 2010, une marche a été organisée à Bukavu, au sud Kivu,  par l’association « Marche Mondiale des Femmes », qui milite pour les droits des femmes dans le monde.
J’ai participé à cette marche dans la délégation française, et nous avons entendu les témoignages de ces femmes victimes de viols par des groupes armés dont le but essentiel est de faire fuir la population pour s’emparer des richesses minières qui s’y trouvent. Et ce depuis plus de quinze ans, dans une indifférence médiatique quasi générale.
Nous avons eu des messages de ces femmes congolaises, avec lesquelles nous restons en contact. Elles nous parlent de  la reprise des exactions, cette fois par les rebelles du M23 (1), ce que recoupent les informations envoyées par les correspondants de presse.
C’est dans ce cadre que nous essayons de faire pression sur la diplomatie française.
Merci beaucoup de les soutenir ».
(1) Mouvement du 23-mars
, également appelé M23. Groupe créé suite à la guerre du Kivu et composé d’ex-rebelles du CNDP réintégrés dans l’armée congolaise suite à un accord de paix signé le 23 mars 2009 avec Kinshasa. Ils se sont ensuite mutinés en avril 2012. Leur nom provient des accords du 23 mars 2009, car les membres considèrent que le gouvernement congolais n’a pas respecté les modalités de celui-ci soutenus par le Rwanda.  

La lettre à Yasmina Benguigui (téléchargeable ici).

Madame Yamina Benguigui
Ministre déléguée auprés du Ministre des Affaires étrangeres
Chargée de Ia Francophonie
37 quai d’Orsay 75351 Paris
Madame la Ministre
Nous avons été alerté-es par la presse sur la situation des populations civiles des provinces du KIVU en République Démocratique du Congo ; une réunion-débat organisée par l’association Marche Mondiale des Femmes.22 nous a également alerté-es.
Cette réunion avait pour objet de témoigner de la situation des femmes du KIVU, victimes depuis plus de quinze ans de viols massifs, utilisés comme arme de guerre.
Ce témoignage reposait sur des rencontres lors d’une marche organisée en octobre 2010 à Bukavu, capitale du sud KIVU, par l’association Marche Mondiale des Femmes.
Participaient à cette marche des femmes africaines, en particulier des différentes provinces du Congo, des femmes américaines, asiatiques et européennes dont 6 françaises.
Nous sommes de nouveau en pleine actualité comme en témoignent les messages venant des femmes congolaises, reçus ces dernières semaines par les membres de l’association Marche Mondiale des Femmes.
Des rebelles du M23 ont, selon un rapport des Nations Unies, repris le conflit tuant des civils et provoquant la fuite de milliers de réfugiés; ces rebelles, selon plusieurs rapports onusiens, sont soutenus militairement par des états voisins et particulièrement par le Rwanda.  Même si leur retrait de Goma semble se dessiner, la question de ces nombreux groupes militaires n’est nullement résolue et les femmes vont continuer à être victimes de cette barbarie.
Nous savons que la France a proposé une résolution au Conseil de sécurité de l`ONU et que cette résolution a été adoptée.
Mais il n’est pas acceptable pour nous que la communauté internationale, et en particulier l’Europe et la France, se contente de déclarations.
Il faut a minima :
• modifier le mandat de la Monusco pour que la protection des populations civiles soit effective ;
• condamner et sanctionner les états coupables d’attiser la guerre au KIVU ;
• participer avec les peuples des états impliqués, a une réflexion sur le pillage des ressources minières de cette région ;
• repérer et sanctionner les nombreuses compagnies internationales qui exploitent en toute impunité cette situation ;
Nous savons que vous avez été, vous aussi, alertée par cette situation, nous vous demandons de travailler pour que le gouvernement français, la communauté francophone et l’Europe passent aux actes.
Recevez, madame la Ministre, nos respectueuses salutations.
Saint Brieuc, le

Migrants en Guadeloupe, Guyane et Mayotte : la France à nouveau condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme

La Cour européenne des droits de l’Homme vient de condamner une nouvelle fois la France, pour les expulsions de migrants auxquelles elle procède en Guyane, Guadeloupe et Mayotte. Ces territoires ressemblent désespérément à des zones de non droit, et le jugement de la Cour, qui a été adopté à l’unanimité, dans sa formation la plus solennelle, a réaffirmé que la législation d’exceptions qui y est appliquée viole le droit à un recours effectif garanti par la Convention européenne des droits de l’Homme. Le collectif Migrants Outre-mer analyse cet arrêt dans un communiqué.
Arrêt de Souza Ribeiro c. France, 13 décembre 2012, n° 22689/07
Chaque année plusieurs dizaines de milliers de mesures d’éloignement sont exécutées à partir de la Guyane, la Guadeloupe et Mayotte (ainsi que Saint-Martin et Saint-Barthélemy) sans aucun contrôle juridictionnel, en dérogation au droit commun applicable en France métropolitaine qui prévoit le caractère suspensif du recours contre les mesures administratives d’éloignement.
À l’unanimité, la Cour européenne des droits de l’Homme réunie en sa formation la plus solennelle, vient d’affirmer que cette législation d’exception violait le droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention : en l’espèce, le requérant 1 – un ressortissant brésilien – avait été reconduit à la frontière de Guyane avant que le tribunal administratif de Cayenne ait pu se prononcer sur le recours qu’il avait formé et dans lequel il invoquait la violation du droit au respect de sa vie familiale.
La Cour de Strasbourg réunie en section ayant rejeté cette requête par quatre voix contre trois (CourEDH, 31 juin 2011, n° 22689 07, De Souza Ribeiro c. France), l’affaire a été renvoyée devant la Grande chambre ; la Cimade, le Gisti et la LDH étaient tiers intervenants. La décision prise le 13 décembre 2012 renverse la précédente.
La Cour estime en effet que l’article 13 combiné avec l’article 8 de la Convention « exige que l’État fournisse à la personne concernée une possibilité effective de contester la décision d’expulsion ou de refus d’un permis de séjour et d’obtenir un examen suffisamment approfondi et offrant des garanties procédurales adéquates des questions pertinentes par une instance interne compétente fournissant des gages suffisants d’indépendance et d’impartialité ».
En citant abondamment la tierce intervention, la Cour relève les pratiques expéditives que dénotent les circonstances de l’affaire et balaie de surcroît les arguments rituels justifiant un droit d’exception en outre-mer.
« […], interpellé le matin du 25 janvier 2007, le requérant fit l’objet d’un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière) et fut placé en rétention administrative le même jour à 10 heures, pour être ensuite éloigné le lendemain à 16 heures. Il a donc été éloigné de Guyane moins de trente-six heures après son interpellation », sur la base d’un arrêté motivé de façon succincte et stéréotypée qui atteste « le caractère superficiel de l’examen de la situation du requérant effectué par l’autorité préfectorale ».
Tout en se disant « consciente de la nécessité pour les États de lutter contre l’immigration clandestine et de disposer des moyens nécessaires pour faire face à de tels phénomènes », la Cour estime que cette nécessité ne justifie pas « de dénier au requérant la possibilité de disposer en pratique des garanties procédurales minimales adéquates visant à le protéger contre une décision d’éloignement arbitraire ».
Cette atteinte au droit au recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme combiné avec le droit au respect de leur vie privée et familiale concerne de très nombreuses personnes interpellées et reconduites de manière expéditive depuis l’outre-mer.
Pour la seconde fois en 20122, la Cour condamne la France sur une question relative à l’effectivité des procédures nationales de recours en matière d’immigration et à leur fonctionnement. L’État français doit mettre fin aux procédures condamnées par la Cour notamment aux régimes d’exceptions applicables aux étrangers en outre-mer incompatibles avec le respect des droits de l’Homme garantis par la Convention européenne sur tous les territoires de la République française.
Collectif migrants outre-mer (MOM) :
ADDE : avocats pour la défense des droits des étrangers ; AIDES ; CCFD : Comité catholique contre la faim et pour le développement ; Cimade : service œcuménique d’entraide ; Collectif Haïti de France ; Comede : comité médical pour les exilés ; Gisti : groupe d’information et de soutien des immigrés ; Elena : les avocats pour le droit d’asile ; LDH : Ligue des droits de l’homme ; Médecins du monde ; Mrap : mouvement français contre le racisme et pour l’amitié entre les peuple ; OIP : Observatoire international des prisons ; Secours Catholique.

Récépissé de contrôle d’identité : huit associations reçues au ministère

Le ministre de l’intérieur a annoncé, il y a quelque temps, qu’il n’envisageait pas de mettre en place un « récépissé » délivré par les policiers et les gendarmes aux personnes contrôlées, lors des contrôles d’identité. Peu de temps après, le ministère a publié un nouveau « code de déontologie » destiné aux policiers et aux gendarmes. Ce nouveau code évoque les contrôles d’identité, mais de façon très vague. Il se contente de rappeler les règles qui existent déjà dans la loi actuelle, et, surtout, il « ne répond pas non plus au manque de transparence sur les contrôles ».

Le collectif « Stop le contrôle au faciès », animé essentiellement par des jeunes de banlieue qui savent de quoi ils parlent, milite activement pour la mise en place de ce récépissé, avec des outils originaux, tels que cette série de vidéos intitulée « mon premier contrôle au faciès dans lesquelles des personnalités connues ou pas racontent leur premier contrôle.

Enfin, huit associations nationales, dont la Ligue des droits de l’Homme, qui collabore activement avec Stop le contrôle au faciès, vont être reçues, à leur demande, au ministère de l’intérieur, demain mercredi 19 décembre. À cette occasion, elles viennent de publier un communiqué dans lequel elles rappellent leurs exigences.

Communiqué commun LDH, Gisti, Graines de France, Human Rights Watch, Maison pour un développement solidaire, Open Society Justice Initiative, Saf, Syndicat de la magistrature.

Paris, le 18 décembre 2012

Contrôles au faciès : huit organisations appellent à une vraie concertation et considèrent le projet de réforme du code de déontologie tout à fait insuffisant

Reçues à leur demande le 19 décembre prochain par le cabinet du ministre de l’Intérieur, elles rappelleront la nature de la réforme qu’elles préconisent.

Le 19 décembre huit organisations nationales et internationales (GISTI, Graines de France, Human Rights Watch, la Ligue des Droits de l’Homme, la Maison pour un Développement Solidaire, Open Society Justice Initiative, le Syndicat des Avocats de France et le Syndicat de la Magistrature) seront reçues à leur demande au ministère de l’Intérieur. Elles présenteront un document préconisant les mesures clefs qu’elles estiment indispensables pour respecter la proposition n° 30 du programme de François Hollande de « lutter contre le délit de faciès » dans les contrôles d’identité « grâce à une procédure respectueuse des citoyens ».

Les organisations ont pris connaissance du projet de modification du Code de Déontologie de la police nationale et de la gendarmerie, communiqué par le ministère de l’Intérieur aux syndicats de policiers. Ce projet qui rappelle aux forces de l’ordre de procéder aux contrôles et palpations de sécurité avec discernement, n’est pas de nature à modifier la situation sur le terrain. Il se borne en effet à donner des instructions quant à l’application du texte de loi existant, mais continue d’accorder beaucoup de latitudes aux forces de l’ordre pour pratiquer les contrôles d’identité. Le projet du ministre de l’Intérieur ne répond pas non plus au manque de transparence sur les contrôles. En effet, si ce projet prévoit bien une cartographie des contrôles d’identité, elle est limitée à ceux réalisés sur réquisition du procureur, alors que cette forme de contrôle n’est qu’une des quatre cas prévus par la loi.

Les huit organisations déplorent toujours le manque de concertation à ce jour des divers acteurs concernés : associations, experts, élus locaux, magistrats et avocats, sur cette question. Fondée sur la situation française, ainsi que sur les expériences réalisées dans d’autres pays, nous préconisons un ensemble de mesures afin de lutter contre les dérives des contrôles tout en améliorant la sécurité et la relation citoyens-police :

  • Réformer l’article 78-2 du Code de procédure pénale : la lutte contre ces dérives passe nécessairement par la limitation du champ des contrôles d’identité aux stricts impératifs de prévention et de lutte contre la délinquance. Un contrôle d’identité, quelle que soit l’autorité requérante, ne doit pouvoir être effectué qu’en présence d’un soupçon raisonnable, en respectant les motifs des arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Gillan et Quinton c/ Royaume-Uni et Berktay c/Turquie).
  • Encadrer juridiquement la pratique des palpations de sécurité : il est nécessaire de limiter de manière explicite par voie législative (et non seulement dans le Code de Déontologie) les pouvoirs conférés aux forces de l’ordre pour procéder à des contrôles physiques tels que des palpations, sources d’atteintes à la vie privée et d’humiliations.
  • Remettre un récépissé : une garantie pour la personne contrôlée et pour le policier. La loi doit prévoit que, lors de chaque contrôle d’identité, les agents remplissent un formulaire, dont un volet est remis à la personne contrôlée, et un volet est conservé par le service de police. Ce document, conçu pour éviter tout fichage, rendra plus transparente la façon dont les contrôles sont effectués et permettra un suivi et une évaluation de la mise en œuvre de ce pouvoir. Il s’agit, pour les huit organisations, d’une étape nécessaire pour créer des réponses adaptées et recréer la confiance.

Cette mesure devra faire l’objet d’une mise en place progressive dans le cadre d’une expérimentation dans quelques sites pilotes conformément à l’art. 37-1 de la Constitution et être accompagnée d’une évaluation incluant des experts indépendants, avant sa généralisation progressive à tout le territoire. Cette approche permettrait de perfectionner le dispositif et d’obtenir une meilleure compréhension de son intérêt par les policiers. Plusieurs municipalités, dont Paris, sont prêtes à participer à cette expérimentation.

  • Organiser un dialogue entre police et population sur la pratique des contrôles d’identité : pour assurer la réussite d’une réforme des contrôles d’identité, il est indispensable d’organiser des rencontres régulières entre citoyens/habitants, policiers/gendarmes et élus pour discuter des questions locales de sécurité et notamment des pratiques qui mettent en contact les forces de l’ordre et la population. Ces discussions devront être alimentées par des données quantitatives et qualitatives permettant de mieux cerner les pratiques policières, telles que les données issues des formulaires de contrôle.
  • Renforcer la formation des policiers : pour réussir, un fort engagement politique ainsi qu’un ensemble de mesures sont nécessaires. La formation initiale et continue des fonctionnaires de police doit être largement renforcée et permettre la mise en pratique des règles déontologiques dans l’accomplissement des tâches quotidiennes.
  • Modifier les critères d’évaluation et de promotion des policiers : ces critères devront prendre en compte le respect de la déontologie et la capacité à créer du lien social, et ne plus être principalement fondés sur des objectifs chiffrés. Il faut également limiter l’actuelle rotation trop rapide des personnels en encourageant des policiers expérimentés à rester dans des quartiers populaires, grâce à des conditions humaines et matérielles incitatives.

Dans ce contexte, les organisations appellent à une consultation large des acteurs, telle que promise par le gouvernement en juin 2012. Elles demandent au gouvernement et au Parlement de se saisir de ce problème qui ne peut être réglé par une simple mise à jour du code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie.