Autoriser la procréation médicalement assistée aux couples de femmes

Le projet de loi sur le « mariage pour tous » doit être examiné en conseil des ministres le 31 octobre. Tous les défenseurs des droits s’en réjouissent. Mais curieusement, alors que Najat Vallaut-Belkacem affirmait, pendant la campagne pour l’élection présidentielle, que le projet était prêt, et qu’il prévoyait également le droit à la procréation médicalement assistée, Christiane Taubira a indiqué que ce droit n’était pas à l’ordre du jour.

Un groupe de femmes s’élève contre ce qu’elles considèrent comme un revirement, voire un renoncement. Ce groupe est constitué de militantes d’associations féministes :

  • Yvette Roudy, ancienne ministre des droits de la femme, fondatrice et  présidente d’honneur de l’Assemblée des femmes ;
  • Thalia Breton, porte-parole d’Osez le féminisme !
  • Carine Delahaie, rédactrice en cheffe de Clara Magazine ;
  • Carine Favier, présidente du Planning familial ;
  • Amandine Miguel, Osez le féminisme !
  • Catherine Morin Lesech, co-présidente de la Coordination Lesbienne en France ;
  • Sabine Salmon, présidente de Femmes Solidaires ;
  • Olga Trotiansky, coordination française du Lobby européen des femmes.

Elles demandent aux ministres concernées (Christiane Taubira, garde des sceaux – ministre de la justice, et Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, chargée de la Famille) de faire preuve de « courage politique » en autorisant la Procréation médicalement (PMA) assistée aux couples de femmes, et en interdisant la Gestation pour autrui (GPA, plus communément appelé « mères porteuses »).

« [Paris, le 23 octobre 2012] Lors de sa campagne, François Hollande s’était engagé à la mise en œuvre d’une grande réforme d’ici le printemps 2013, visant à assurer l’égalité des droits entre toutes et tous, quelle que soit l’orientation sexuelle. Se déroule en ce moment même la phase d’arbitrage du projet de loi, qui sera présenté le 31 octobre prochain au Conseil des Ministres. Extraite de l’engagement n° 31 du programme du candidat Hollande, cette grande réforme a pour objectif de faire rattraper à la France son retard en matière d’égalité.

Suite aux premières déclarations de Madame Taubira, ayant affirmé que l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes ne faisait pas partie du projet de loi, nous sommes consternées. Lors du meeting organisé par les associations LGBT le 31 mars dernier, Madame Najat Vallaud-Belkacem, alors représentante du candidat Hollande, s’était pourtant engagée bien au-delà du mariage et de l’adoption pour les couples de même sexe, en déclarant alors que « reconnaître l’homoparentalité va supposer plusieurs réformes » parmi lesquelles : « ouvrir l’assistance médicale à la procréation avec donneur anonyme, à tous les couples, sans discrimination », et d’ajouter : « François Hollande a pris l’engagement que l’ensemble de ces réformes aboutissent d’ici le printemps 2013 (…), le projet de loi est déjà prêt, il est sur la table ».

Une question se pose donc : pourquoi ce soudain retrait de la PMA dans un projet de loi déjà élaboré et qui entend assurer l’égalité entre les couples homosexuels et hétérosexuels ? Aujourd’hui, seuls les couples hétérosexuels ont accès à la PMA, alors qu’elle est pourtant déjà le mode d’accès le plus fréquent à la parentalité pour les couples de femmes. Ne pas leur étendre ce droit constitue une discrimination entre les couples et contraint les femmes à pratiquer la PMA à l’étranger, les obligeant à débourser des sommes importantes et à s’exposer à des risques sanitaires réels.

Féministes et lesbiennes féministes engagées pour l’égalité des droits, tous les jours au contact des citoyennes et des citoyens, nous pouvons témoigner que la société est prête pour la reconnaissance des familles homoparentales. Aucun argument valable, ni éthique, ni politique, ne se dresse contre la reconnaissance de la PMA pour les couples de lesbiennes. Nous ne pouvons accepter, comme nous le constatons aujourd’hui, que pour écarter la PMA soit utilisés les fallacieux amalgames entre PMA et GPA (gestation pour autrui, plus communément appelée « mères porteuses »).

PMA et GPA ne sont pas le pendant l’une de l’autre, ou, comme certains se plaisent à le dire, la GPA n’est pas une « PMA pour gays ». La GPA n’est pas une forme de procréation médicalement assistée : les lobbies pro-GPA entretiennent cette confusion à dessein. Si l’insémination artificielle et la fécondation in vitro relèvent de la PMA, ce n’est pas le cas de la GPA qui correspond à une véritable industrie de « location des ventres » et de commerce d’ovocytes. La GPA ne donne pas aux femmes la possibilité de disposer de leur corps, mais donne la possibilité aux hommes de disposer du corps des femmes pour satisfaire un « droit à l’enfant » que nous récusons. Car, contrairement à la PMA, la GPA implique la marchandisation du corps de la mère porteuse. Parce que la demande fait l’offre, la GPA est aussi une question économique, au centre de toutes les inégalités : domination des hommes sur les femmes, des riches sur les pauvres, des pays du Nord sur les pays du Sud. Comment un gouvernement progressiste pourrait-il cautionner la création d’un marché des ventres au nom d’un « droit à l’enfant » qui n’existe pas et qui ne doit pas exister ?

PMA et GPA ne relèvent pas donc de la même logique Il est tout à fait possible d’autoriser l’une sans accorder l’autre. La liberté ne peut être synonyme de progrès que si elle garantit l’égalité avec la même force : ce que permet la PMA, ce qu’empêche la GPA. La première relève de l’égalité des droits entre les couples ; la seconde implique la marchandisation du corps des femmes et ne saurait constituer une réponse à un désir d’enfant.

Le rôle du gouvernement n’est pas d’éviter ces débats, mais de les porter largement pour bâtir une société faite de liberté et d’égalité pour toutes et tous. Mesdames Taubira et Bertinotti, comme MM. Hollande et Ayrault, doivent maintenant faire preuve de courage politique en élargissant la PMA aux couples de femmes et en confirmant l’interdiction de la GPA en France. Maintenant, pas dans cinq ans. »

La liberté de tracter menacée : signez la pétition !

Aura-t-on encore longtemps le droit de distribuer des tracts sur les marchés ?

Non, la question n’est pas si saugrenue : le 17 avril dernier, un arrêt du conseil d’Etat a considéré que l’interdiction, par le maire de Saint-Cyr-l’Ecole, de distribuer des tracts sur le marché de la commune, « ne porte pas gravement atteinte aux libertés d’expression et de communication ». Et le conseil d’Etat a donc annulé la décision du tribunal administratif, qui avait lui-même annulé l’arrêté du maire portant interdiction de distribuer les tracts sur le marché.

Une interdiction que le maire justifie par le louable souci de ne pas perturber l’activité commerciale sur le marché… Argument repris par le conseil d’Etat…

Et bien entendu, cela a donné des idées à ses collègues, comme par hasard comme lui militants UMP… C’est ainsi qui si vous distribuez des tracts à Valenciennes, Nogent-sur-Marne, Colmar, Léguevin, Saint-Cyr-l’École, Orléans, Vic-sur-Aisne, ou Revel, vous vous exposez à une amende.

Heureusement, une pétition est maintenant en ligne, pour demander une modification de la loi, de telle sorte qu’elle rende impossible cette interdiction. Signez-la, si vous voulez pouvoir continuer à vous exprimer !

Lire également ici.

Le texte de la pétition, téléchargeable ici, et on peut la signer là. Lire l’arrêt du conseil d’Etat sous la pétition.

La pétition

Depuis le début de l’année 2012, de plus en plus de maires, pour la plupart UMP, se permettent d’interdire totalement la distribution de tracts et pétitions sur les marchés.

Au lieu de les stopper net dans cet abus de pouvoir, le Conseil d’État a rendu le 17 avril une ordonnance surprenante (req. n°358495) considérant que cela « ne porte pas gravement atteinte aux libertés d’expression et de communication ».

Pourtant, ce serait réduire les marchés à la seule consommation. Alors qu’ils sont également, depuis l’agora antique, des lieux de débat public, d’échange d’informations et d’expression des contre-pouvoirs qu’ils soient politiques, syndicaux, associatifs…

Suite à cette ordonnance, les modifications de règlement des marchés et les arrêtés municipaux ne cessent de se multiplier et menacent de s’étendre grâce à la jurisprudence.

C’est pourquoi, par-delà nos différences, nous demandons instamment une modification de la législation pour rendre caduque cette ordonnance contraire à la libre circulation des opinions et des informations et, par conséquent à l’idée même de démocratie, quelle qu’en soit notre conception.

Faute de quoi, toute poursuite abusive contre des distributeurs de tracts ou de pétitions sera dénoncée, portée devant le Conseil Constitutionnel et, si nécessaire, la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Nous appelons dans toutes les communes les populations à être vigilantes et à ne pas accepter cette confiscation du pouvoir de s’exprimer librement et de s’informer mutuellement.

L’arrêt du conseil d’État

Conseil d’État

358495
ECLI:FR:CEORD:2012:358495.20120417
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Bernard Stirn, rapporteur
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats

Lecture du mardi 17 avril 2012

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à Hôtel de Ville, square de l’Hôtel de Ville, à Saint-Cyr-l’École (78210) ; la commune demande au juge des référés du Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance n° 1201798 du 28 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a, à la demande de M. A, suspendu l’exécution de l’arrêté n°2012/01/07 du maire de la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE en date du 1er février 2012 interdisant aux jours et heures de marché, à l’intérieur de la halle et dans sa proximité immédiate, la distribution et le colportage accidentel d’écrits de toute nature, de journaux, de brochures, de tracts ainsi que la mise en circulation de pétitions, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de M. A le versement d’une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l’ordonnance attaquée ne satisfait pas à l’exigence de motivation ; que la seule circonstance que l’arrêté contesté est entré en vigueur et peut fonder légalement des poursuites pénales est insuffisante à caractériser une situation d’urgence ; que, limitée dans l’espace et dans le temps, l’interdiction posée par cet arrêté ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées par le requérant ; que celui-ci ne justifiait d’aucune qualité pour agir ; que l’ordonnance du juge des référés de première instance aurait dû, pour ce motif, déclarer irrecevable la requête de M. A ; que celle-ci devait également être jugée irrecevable dès lors qu’elle se bornait à demander au juge des référés l’annulation de l’acte contesté ; que l’ordonnance de première instance, en prononçant une mesure de suspension non sollicitée par le requérant, est entachée d’erreur de droit ; que les restrictions résultant de l’acte contesté sont proportionnées aux exigences de la commodité de circulation du public à l’intérieur du marché comme dans ses environs immédiats ; qu’en jugeant que ces restrictions portaient à la liberté de communication des pensées et opinions, à la liberté de la presse et à la garantie d’expression pluraliste des opinions une atteinte grave et manifestement illégale, le premier juge a commis une erreur de qualification juridique des faits ;

Vu l’ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2012, présenté par M. A, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE n’apporte aucun élément relatif à l’existence ou au risque de survenance d’un trouble à l’ordre public dans les zones concernées par l’arrêté contesté ; que cet arrêté serait, à la veille d’échéances électorales, motivé par la volonté de restreindre la liberté d’expression politique ; qu’il a qualité pour agir dès lors qu’il est électeur de cette commune et militant d’un parti politique ; que ces éléments fondant sa qualité pour agir doivent être pris en considération, dès lors qu’ils ont été apportés à l’audience publique de première instance ; que l’acte contesté intervenant en période de campagne électorale, la condition d’urgence est remplie ; que l’arrêté litigieux porte atteinte à la libre communication des pensées et opinions, à la liberté de la presse, à l’expression pluraliste des opinions et à la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie de la démocratie ; que l’interdiction posée par cet arrêté constitue, compte tenu de son imprécision géographique et des horaires concernés qui correspondent à l’ensemble des horaires d’ouverture du marché en cause, une interdiction générale et absolue ; que l’évocation, dans l’ordonnance de première instance, d’une requête à fin d’annulation et non de suspension est la conséquence d’une erreur matérielle ; que, dès lors, le moyen fondé sur l’irrecevabilité de la requête pour ce motif ne saurait être accueilli ;

Vu, enregistré le 16 avril 2012, le mémoire aux fins de production présenté pour la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE, qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et verse aux débats divers documents, une attestation et des photographies ;

Vu, enregistré le 17 avril 2012, le nouveau mémoire en défense présenté par M. A, qui reprend les conclusions et les moyens de son précédent mémoire en défense et ajoute que les productions versées aux débats par la commune ne démontrent pas de risques pour l’ordre public auxquels l’arrêté contesté aurait eu pour objet de remédier ;

Vu, enregistré le 17 avril 2012, le nouveau mémoire aux fins de production présenté pour la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment le Préambule ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi du 29 juillet 1881, modifiée, sur la liberté de la presse ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE et, d’autre part, M. A ;

Vu le procès-verbal de l’audience publique du 17 avril 2012 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :

– Me Potier de la Varde, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE ;

– le représentant de la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE

– Me Molinié, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;

– M. A ;

et à l’issue de laquelle l’instruction a été close ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :  » Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (…)  » ; qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions législatives que le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu’elles lui confèrent que dans le cas où son intervention est nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une atteinte grave et manifestement illégale est portée par une autorité administrative ;

Considérant que, par un arrêté du 1er février 2012, le maire de Saint-Cyr-l’École (Yvelines) a interdit la distribution d’écrits de toute nature à l’intérieur de la halle où se déroule le marché communal ainsi que dans le périmètre adjacent occupé par des commerçants qui s’installent temporairement sur des emplacements qui leur sont réservés durant les heures d’ouverture du marché, le mercredi et le samedi de 8 heures à 13 heures ; que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, devant lequel la commune, qui n’avait pas produit de défense écrite, ne s’est pas non plus présentée à l’audience, a estimé qu’en l’absence de risques établis de troubles à l’ordre, à la tranquillité ou à la salubrité publics, cette mesure de police portait, notamment en période électorale, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’expression et de communication ; qu’il a en conséquence suspendu l’exécution de l’arrêté litigieux jusqu’à ce que le juge de l’excès de pouvoir se prononce, s’il est saisi, sur sa légalité ou, à défaut, jusqu’à la fin de la période électorale ouverte pour l’élection du Président de la République et des députés à l’Assemblée nationale ; que la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE se pourvoit en appel contre cette ordonnance ;

Considérant que la liberté d’expression et la liberté de communication des idées et des opinions ont le caractère de libertés fondamentales ; que les restrictions que les autorités de police peuvent édicter, afin de concilier leur exercice avec les exigences de l’ordre public, doivent être strictement nécessaires et proportionnées à ces exigences ;

Considérant qu’en l’espèce, l’interdiction édictée par le maire, le mercredi et le samedi de 8 heures à 13 heures, est limitée à l’intérieur de la halle où se tient le marché ainsi qu’au périmètre adjacent où des commerçants s’installent temporairement les jours et aux heures auxquels le marché a lieu ; qu’il a été indiqué au cours de l’audience publique que cette interdiction ne s’applique ni devant les quatre entrées de la halle ni aux abords immédiats des commerces temporairement installés à l’intérieur du périmètre adjacent à la halle ; qu’il a en outre été précisé que l’interdiction résultant de l’arrêté contesté ne concernait pas non plus l’espace du périmètre ouvert aux commerçants temporaires mais non utilisé par ceux-ci ; qu’il résulte ainsi de l’instruction, et notamment des pièces produites devant le juge des référés du Conseil d’État et des explications données au cours de l’audience tenue par ce juge, que l’interdiction édictée par le maire de Saint-Cyr-l’Ecole vise uniquement à interdire les distributions d’écrits de tout nature à l’intérieur des espaces utilisés par les commerçants lors du marché, dans la halle elle-même ou dans la partie effectivement occupée du périmètre adjacent ; que compte tenu, d’une part, de la stricte limitation dans le temps et les lieux qui est ainsi celle de cette mesure, d’autre part, des nécessités de la commodité de la circulation du public à l’intérieur de la halle et des espaces du périmètre adjacent effectivement occupés par des commerçants, l’arrêté litigieux ne peut, même au regard des exigences particulières qu’impose la période électorale, être regardé comme portant aux libertés d’expression et de communication des idées et des opinions une atteinte grave et manifestement illégale ; qu’il en résulte, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée et le rejet de la demande présentée par M. A sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE, qui n’est pas, dans la présente espèce, la partie perdante, la somme que M. A demande à ce titre ; qu’il n’y a pas lieu, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, de faire droit aux conclusions que la commune présente sur le même fondement ;

OR D O N N E :
——————
Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles en date du 28 mars 2012 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles et ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant le juge des référés du Conseil d’Etat sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ÉCOLE tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-CYR-L’ECOLE et à M. Matthieu A.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.


 

 

Ce vendredi 26 octobre : ciné débat avec Les amoureux au ban public

 

Ce vendredi 26 octobre, à 20h30, salle des associations de la mairie de Plémet, projection du film « Les amoureux au ban public », de Nicolas Ferran, qui aborde les difficultés que rencontrent les couples bi-nationaux qui veulent se marier. Débat animé par Floriane Guénard, de l’association Ban public.

Voici la présentation du film par son auteur :

Au nom de la lutte contre les « mariages blancs » et de la « maîtrise » de l’immigration familiale, les couples franco-étrangers subissent depuis plusieurs années le durcissement continu des politiques d’immigration. Avec intensité et émotion, treize couples décrivent dans ce film un parcours du combattant pour se marier en France, faire reconnaître un mariage célébré à l’étranger, obtenir un visa pour la France ou bénéficier d’un titre de séjour. Ils racontent leur peur ou leur vécu de l’expulsion, leur révolte de devoir vivre cachés ou séparés, le traumatisme des arrestations à domicile, l’opacité et l’arbitraire de certaines administrations, le contrôle répétitif de leurs sentiments et le dévoilement de leur intimité, la difficulté d’obtenir le respect de leurs droits. Leurs témoignages ne relatent pas des dysfonctionnements exceptionnels. Ils mettent à jour une politique répressive qui a décrété la mise au ban des couples franco-étrangers dans notre pays.

La projection, qui aura lieu vendredi 26 octobre à 20h30, salle des associations à la mairie de Plémet, sera suivie d’un débat, auquel participera Floriane Guénard, chargée de communication et de diffusion pour le film.

Cliquer sur l’image pour voir la bande annonce :

 httpv://www.youtube.com/watch?v=2wEUFgKv5oQ

Deuxième projet : la 1ère édition de la Fête des droits, les vendredi 30, samedi 31 mars et dimanche 1er avril, espace Athéna, à La Motte. Nous reviendrons très bientôt sur ce projet de grande envergure, auquel des personnalités impliquées dans la lutte pour les droits de l’Homme participeront.

 

 

Pierre Tartakowsky : en matière de liberté, la France doit faire mieux

Dénonçant la politique du gouvernement vis-à-vis des Roms, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, appelle à débattre de l’immigration, de manière pédagogique et imaginative, ainsi qu’à la mobilisation de l’ensemble des Français pour faire émerger « un autre projet de société (…). Changer, ce n’est pas se couler dans les méthodes du passé, fût-ce en les adoucissant ». Tribune publiée sur le site Médiapart.

L’annonce de la suppression du délit de solidarité, qui a permis de condamner des hommes et des femmes parce que leur conscience refusait d’abandonner d’autres hommes, d’autres femmes, parfois avec leurs enfants, à l’arbitraire et au dénuement, ne peut que nous satisfaire. De même, l’annonce par la ministre de la Justice d’une rupture avec le tout carcéral et d’un changement de paradigme pénal n’a rien de négligeable à nos yeux; pas plus d’ailleurs que d’autres mesures prises ou annoncées, notamment de réformes des institutions, qui vont dans le même sens.

Pourtant, domine un sentiment –sinon d’inachevé tant ce serait prématuré à même pas six mois du début des mandats présidentiel ou législatif–, du moins d’incompréhension. Certes, la critique est aisée et la construction difficile. Mais, la campagne électorale, déjà, nous avait laissés sur notre faim: rien de ce qui touche aux libertés, aux droits des gens (y compris des étrangers…) n’y était central; d’évidence, ce n’est pas ce qui intéressait le plus le candidat socialiste. Comme si, face au déferlement xénophobe et autoritaire sur lequel surfait le président sortant, il fallait éviter plutôt que contredire. En serions-nous encore là?

Certes, et nous le savons bien, les temps sont mauvais. L’angoisse sociale règne sur l’Europe et une certaine raison économique oblitère toute ambition politique; le chômage qui ronge les individus et les collectivités attise les pires concurrences; les structures opaques et incohérentes de l’Union européenne, si éloignée des citoyens et si proche des marchés, comme le montre le traité proposé à la ratification, obscurcissent l’idée même d’un avenir commun. Le désintérêt pour la chose publique et le repli sur soi cèdent, tant dans la vie privée que dans la vie publique, aux pressions de grandes peurs. Il en résulte une sorte d’empêchement à vivre, d’empêchement à penser et à agir, comme si l’immensité du défi tétanisait les peuples et leurs représentants.

Sortirons-nous de cette sidération par l’amélioration de la situation sociale et économique? C’est évidemment nécessaire. Mais qui peut croire que cela serait suffisant? Qui peut croire que cela suffira à estomper les plaies qui défont à long terme le lien social? Il nous faut clairement un autre projet de société, qui passe par un renouvellement de la démocratie et des règles communes: il nous faut, pour que l’espoir se réveille, réveiller les réflexes citoyens de nos contemporains, faire preuve de plus de cohérence et pour tout dire, d’audace. Changer, ce n’est pas se couler dans les méthodes du passé, fût-ce en les adoucissant. L’expulsion de quelques malheureux Roms de leurs habitats précaires et une escapade ministérielle à Bucarest sont des images toujours aussi détestables, aujourd’hui comme hier. On sait que cette pratique sera inéluctablement obsolète en 2014; à quoi rime alors cette politique envers les étrangers, si ce n’est, de manière générale, pour montrer que l’on fait au moins autant que le prédécesseur mais plus proprement? Comment supporter que l’on retrouve quotidiennement des situations dramatiques mettant aux prises des individus, peut-être étrangers, mais nés ou vivant en France depuis des années, et une administration dont la seule logique interne reste l’expulsion? Ce type de décalque non seulement est dangereux –souvenons-nous du 21 avril 2002– mais ne résout aucune des questions posées. Oui, nous avons besoin de débattre de ce qu’est réellement l’immigration dans notre pays; non, ce n’est pas en conservant une logique de suspicion que l’on fera preuve de pédagogie et d’imagination.

Le gouvernement doit changer, résolument et maintenant, de démarche. Il faut, par exemple, en finir avec le scandale que représentent les visas de court séjour ou le traitement expéditif des demandes d’asile. Rétablir, de même, une sécurité juridique pour les étrangers qui vivent en France, retirer au ministère de l’Intérieur le pouvoir de naturaliser, pouvoir qui s’est transformé en un examen de passage politique ou religieux. À défaut, la stigmatisation des Roms, des Arabes, etc. se poursuivra avec, comme conséquence, son extension à ceux et à celles qui ne sont plus étrangers mais qui, aux yeux de certains, continuent à en avoir l’allure… Et puisque le droit de vote des résidents étrangers non communautaires aux élections locales doit entraîner une réforme de la Constitution, donnons-lui la dimension d’un large débat qui ne soit pas confiné aux membres d’une commission et englobe d’autres enjeux démocratiques: mettons un terme au cumul des mandats, assurons l’indépendance du Parquet, changeons le mode de nomination des membres des contre-pouvoirs de la République, rapprochons enfin les citoyens des lieux de décision en généralisant l’élection au suffrage universel, l’institution de la parité à tous les niveaux de la vie publique, etc.

Ces objectifs sont ambitieux; ils méritent mieux que les frilosités de quelques caciques, qu’ils soient d’un bord ou d’un autre. Réformer notre justice, mettre un terme à l’empilement carcéral, donner les moyens nécessaires au fonctionnement de la justice de tous les jours, reconstruire une procédure pénale et un code pénal, mis à mal par des lois d’exception et par la croyance absurde qu’il faut choisir entre prévenir et réprimer, reconstruire des liens de confiance entre la police et la population, tout ceci implique que le ministre de l’Intérieur ne joue pas au ministre de la Justice et que celle-ci s’empare de ces objectifs. Enfin, gouverner autrement, c’est rétablir un intense dialogue avec l’ensemble de la société civile qui a été si minutieusement éradiqué, c’est aussi assurer à chacun l’égalité des droits et s’interdire tout langage et toute pratique discriminatoire. Proclamer son attachement à la laïcité, c’est bien lui restituer ses facultés d’insertion et refuser qu’elle soit détournée à des fins d’exclusion.

Cette interpellation en faveur d’un autre projet de société, plus libre et plus solidaire, car rien ne sera possible sans le respect effectif des droits sociaux, ne peut se limiter à une simple interpellation du gouvernement et du président de la République. Les partis politiques, mais aussi les syndicats et le monde associatif, ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité et si nous disons «encore un effort Monsieur le Président», nous savons que tout attendre d’un pouvoir quel qu’il soit, serait abandonner notre propre pouvoir. C’est d’ambition que nous souhaitons que le gouvernement fasse preuve, c’est de souffle que nous avons besoin pour les réaliser, pour rétablir la confiance dans la République.

Droits en fête : le mot de la présidente de la section

Pour la première édition de Droits en fête, la section Ligue des droits de l’Homme Loudéac centre Bretagne s’est fixé deux objectifs : réfléchir ensemble sur un droit, et faire la fête avec un pays.

Nous avons retenu cette année le droit à l’éducation.

L’article 26 de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 stipule : « toute personne a droit à l’éducation ».

Qu’en est-il dans la réalité ? Quelle est la situation ici, en France ?

À travers des expositions, des tables rondes, des vidéos, nous nous pencherons sur ce droit et tout particulièrement sur les discriminations en matière d’éducation dans notre pays (personnes en situation de handicap, gens du voyage, Rroms, populations pauvres….)

L’article 26 dit également : « l’éducation doit favoriser la compréhension et l’amitié entre toutes les nations » : quoi de mieux que faire la fête ensemble ? Cette année, ce sera la fête comme au Maroc, grâce à l’association Amal et Attadamoune, qui apportera à La Motte les parfums, les musiques, les saveurs de ce pays, avec en point d’orgue un couscous le samedi soir.

Nous terminerons cette grande fête avec le concert gratuit de musique tsigane d’Amari Famili, le dimanche après-midi.

Michelle Paul, présidente de la section LDH Loudéac centre Bretagne.

Contrôles illégitimes : signez la pétition !

La ligue des droits de l’Homme a signé un appel pour faire cesser les contrôles d’identité abusifs dont sont victimes certaines personnes, et appelle à signer la pétition en ligne.

Communiqué commun aux huit associations (liste en fin d’article) :

Au cours de la campagne présidentielle, François Hollande s’est engagé à lutter contre les contrôles au faciès par une mesure respectueuse des citoyens. A la veille des élections législatives de juin dernier, cette mesure a été précisée par son Premier ministre Jean-Marc Ayrault : la mise en place du reçu du contrôle d’identité, défendue par de nombreuses associations de terrain et de défense des droits depuis des années.
Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a depuis déclaré son désintérêt pour la mesure, en proposant des initiatives qui certes pourraient améliorer le rapport police-citoyen, mais qui ne répondent pas à l’engagement 30 du Président Hollande et du gouvernement: la lutte contre le contrôle au faciès.
Le Premier Ministre se dit aujourd’hui convaincu par Manuel Valls de l’impossibilité d’appliquer cette mesure, pourtant simple et indéniablement efficace. Montrons-lui que les citoyens et élus de ce pays en ont compris l’intérêt et qu’ils attendent du gouvernement qu’il tienne ses engagements!
Signez la lettre ouverte de la Ligue des Droits de l’Homme et de Stop le Contrôle au Faciès, puis diffusez largement!

Monsieur le Premier Ministre,
L’année 2011 a été marquée, sur le plan de la lutte contre les discriminations, par une mobilisation sans précédent autour de la question des contrôles au faciès. Des centaines d’associations, des milliers de citoyens ont pris à cœur de mettre un terme à cette pratique abusive, discriminatoire et donc inefficace, dans la mesure où les contrôles d’identité motivés par l’apparence ne mènent que très rarement à des interpellations justifiées.
Non, de tels contrôles ne mènent à rien, si ce n’est à instaurer un climat de défiance complexifiant le travail quotidien des policiers et à miner, chaque jour un peu plus, le respect des libertés fondamentales et, ipso facto, notre pacte républicain.

Forts de cette certitude, nous nous associons aujourd’hui à la demande de mise en place de la politique de reçu du contrôle d’identité adaptée au contexte français, telle que portée par de nombreux collectifs et associations de terrain. Les objectifs sont simples : permettre, d’une part, aux autorités d’obtenir des données quantitatives et qualitatives sur les contrôles d’identité à l’échelle nationale (leur nombre, leurs motifs, leurs résultats et leur impact) et, ainsi, de permettre aux commissariats d’évaluer leurs pratiques et de mieux cibler les contrôles ; d’autre part, permettre à chaque citoyen de garder une trace des contrôles d’identité dont il fait l’objet, élément objectif qu’il pourrait présenter au Défenseur des Droits en cas dʼabus.
Contrairement aux affirmations de certains, ce PV, remis à l’issue de chaque contrôle, ne saurait constituer un passe-droit en cas de nouvelles vérifications
policières et respecte la protection des données personnelles. Et, comme vous lʼavez vous- même signalé, Monsieur le Premier Ministre, le 1er juin dernier, elle ne saurait constituer un frein à l’activité policière. Les expériences étrangères nous rassurent, au contraire, sur la capacité de cette politique à conjuguer efficacité, sécurité et justice.
Notre pays peut-il se permettre de passer à côté d’une politique visiblement opérante sans tenter de se l’approprier ? Peut-on se dire « convaincu » des difficultés liées à la mise en place d’un dispositif sans l’avoir testé et ce, alors même que d’éminents responsables politiques et une cinquantaine de parlementaires soutiennent une expérimentation dans leur circonscription ?Mais surtout, peut-on encore se permettre de refuser de connaître le nombre de contrôles effectués en France, et dʼainsi pouvoir en mesurer l’efficacité ?
La lutte contre les contrôles au faciès fut placée au cœur du programme présidentiel, justement afin de redonner toute leur consistance aux principes d’égalité et de justice, principes fondateurs du socle national. C’est, et vous l’aviez bien compris Monsieur le Premier Ministre qu’il est primordial d’apporter des réponses concrètes à un problème de société persistant.
En 1993 déjà, le Conseil Constitutionnel saisi par de nombreux responsables politiques – dont vous encore, Monsieur le Premier Ministre prenait la mesure de cette discrimination majeure portant atteinte aux libertés constitutionnelles, et recommandait une motivation individualisée et objective de chaque contrôle dʼidentité. Près de vingt ans après cette décision restée lettre morte, alors qu’émeutes, blessés, décès et procès se sont se multipliés, il y a urgence.
 Jusqu’ici, aucune proposition, aucune des pistes avancées par le Ministre de l’Intérieur – vouvoiement, matricule – ne saurait répondre à la problématique du contrôle au faciès, et de la traçabilité des contrôles d’identité. Elles ne sauraient non plus garantir le respect des droits et des libertés reconnus, notamment, par la Convention européenne des Droits de l’homme dont notre pays est signataire.
La lutte contre le contrôle au faciès impose des décisions courageuses animées par la volonté de changer le quotidien de millions de citoyens victimes de procédures abusives.
Monsieur le Premier Ministre, cette décision vous revient. Nous vous prions de bien vouloir reconsidérer la position exprimée par une partie du gouvernement et de permettre l’instauration d’un débat clair et serein sur la base des observations rendues par le Défenseur des droits; à tout le moins une expérimentation de la politique du reçu du contrôle d’identité dans une ou plusieurs zones test, dès cette année.

POUR SIGNEZ ET DIFFUSER C’EST ICI: https://www.change.org/stopcontroleaufacies
ASSOCIATIONS SIGNATAIRES:
Ligue des Droits de l’Homme ; Collectif Contre le Contrôle au Faciès ; Les Indivisibles ; Cité en Mouvement ; Collectif Antinégrophobie ; Brigade Antinégrophobie ; La Balle au Centre Bobigny ; HIA < Network France ; Nordside ; Agir Pour Réussir ; Collectif ACLEFEU ; Collectif contre l’Islamophobie en France ; Collectif Nous ne Marcherons Plus ; Collectif Vies Volées ; CRAN ; Espace Projets Associatifs de Vaulx en Velin ; FoulExpress ; RTT Prod ; C’Noues ; République et Diversité ; An Nou Allé ; Comité IDAHO France ; Fédération de la mixité de France ; BANLIEUES’ART : Parti Communiste Français ; Front de Gauche ; EELV ; Mouvement des Jeunes Socialistes…

 

Pierre Tartakowsky : « l’immense conjuration des imbéciles »

Dans son éditorial paru dans le numéro de septembre de LDH Info, le bulletin mensuel de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, revient sur l’affaire du film sur l’Islam et les caricatures parue par la suite dans le journal Charlie Hebdo. Il en livre une analyse intéressante.

Nous essuyons d’étranges tempêtes. Des récits pleins de bruit, de fureur, qu’un idiot raconte. Et qui n’ont pas de sens, pour reprendre les mots désabusés de Macbeth. Modernes Prospero, nos médias prennent plaisir et avantage à agiter des rideaux de brumes et d’angoissantes figures, plaçant le Nord au Sud et l’endroit à l’envers. Mais contrairement au drame de Shakespeare, l’épilogue, bien qu’encore non écrit, pourrait être tragique.

Revenons un peu en arrière. Un crétin islamophobe met en ligne un film dont l’indigence le dispute à la vulgarité ; d’autres crétins sautent sur l’occasion pour tenter de rameuter les foules ; un ambassadeur américain est tué dans des conditions qui évoquent davantage la préméditation et l’organisation d’un commando que le débordement d’une foule en colère. Dans le monde, quelques milliers de gens défilent, ici on hurle, là on brûle un drapeau… Quelques centaines de millions de musulmans se sentent agressés, d’ailleurs à juste titre, mais se gardent bien de suivre les crétins qui menacent le crétin. Sur ces entrefaites, d’autres boutefeux, dont le métier est la satire, publient des dessins dont le seul résultat objectif est de faire la course entre crétins. On pourrait croire que la presse non satirique calmerait le jeu, eh bien non. Un grand journal du soir appâte le chaland à coups de titres racoleurs, « Le monde de l’Islam s’embrase », et le gouvernement, Président et Premier ministre en tête, se sent obligé de voler au secours de la liberté d’expression, qu’on ne savait pas tant menacée…

Et chacun de se voir sommé de prendre position sur ce qui n’aurait jamais dû cesser d’être un mauvais fait divers. Pour l’heure, la seule valeur menacée dans cette affaire, c’est l’intelligence. Charlie Hebdo a certes « le droit » de critiquer l’islam, les fondamentalistes, les musulmans et les garçons coiffeurs. Les partisans de la liberté d’expression ont tout à fait le droit de souligner que l’islam est très loin de se résumer aux fondamentalismes et que les musulmans sont dans notre société – mais pas seulement – plus facilement pris pour cibles que les garçons coiffeurs. De même peut-on souligner que la provocation – même de droit – n’est pas vertu, et qu’elle peut finir par faire d’étranges compagnons de lit. Nos caricaturistes auront beau jeu de protester de leur distance avec la proposition de Marine Le Pen d’expulser tous les fondamentalistes ; mais force est de constater que le leader du Front national se contente – trop facile, vraiment ! – de ramasser le pot auquel ils ont largement donné.

Le gouvernement, dans ce contexte agité de coupables confusions, a décidé d’interdire les manifestations de protestation au motif d’éviter l’expression publique de la haine. Mais le message que porte cette décision risque d’être compris ainsi : les musulmans de notre pays sont « à part », et doivent être traités comme tels. La déclaration du Premier ministre demandant à ce qu’on « n’importe pas » dans notre pays des « conflits étrangers » donne une fois encore la mesure du déni opposé, volontairement ou non, aux millions de Français qui se reconnaissent peu ou prou dans la foi islamique. Souhaite-t-on réellement les interdire d’espaces publics, les renvoyer à des sphères obscures et qui – trop souvent – se révèlent obscurantistes ?

La France a plus que jamais besoin de débattre avec elle-même de la place, du rôle, des droits de celles et ceux qu’elle considère encore et à tort comme des étrangers alors qu’ils sont, au plus profond de la réalité républicaine, une part d’elle-même. Sauf à accepter de s’inscrire dans sa transformation en caricature.

Dormez bien, braves gens, l’Anfass veille sur vous !

Sur Internet, en ce moment, on peut recevoir par mail, ou voir dans les réseaux sociaux ou certains blogs, un document réalisé et diffusé par une association dénommée l’Anfass, ou l’Anfacss, c’est selon.

Les habitants du village de Savonnières-en-Perthois (dans la Meuse, en Lorraine), sont des privilégiés : leur municipalité, présidée par Daniel Claquin, leur a distribué ce document, sous forme de tract (source : Festival international du film des droits de l’Homme de Metz, page Facebook FIDH Metz). Un maire qui s’est par la suite, excusé auprès des gens du voyage, dans un article paru dans un journal local, en jurant qu’évidemment il n’est pas raciste (document sur la page Facebook FIDH Metz, téléchargeable ici). Tout le monde peut se tromper.

Ce document, affirme son introduction, est diffusé « dans un devoir de prévention citoyen ». Ben oui, pensez-donc : l’Anfass a déjoué une ruse diabolique des gens du voyage pour vous cambrioler sans risque. Ce document reproduit en effet les signes cabalistiques que ces voleurs de poules inscrivent, généralement sur la menuiserie des portes d’entrée (ah ! les portes en alu, c’est pas pratique !) lorsqu’ils sont en reconnaissance, et qui leur permettent de donner des informations décisives à leurs congénères lorsqu’ils viendront en opération : tel signe indique que la maison est inoccupée, tel autre qu’il y a un chien… Parce que, évidemment, vous n’allez quand même pas imaginer que ces gens-là, les gens du voyage, connaissent le téléphone portable, qui leur faciliterait quand-même grandement la vie !

Le site Hoax Buster, spécialisé dans le débusquage de ce type d’âneries sur Internet, lui consacre un article complet et parfaitement documenté, qui nous apprend, par exemple, que cette histoire, ou plus exactement cette rumeur n’est pas nouvelle, et pour Jean-Bruno Renard, spécialiste des Cliquer sur les images pour agrandir« légendes urbaines », interrogé par Hoask Buster, comme d’ailleurs pour son collègue Peter Burger : « ces signes, qui ont été partiellement vrais à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, sont maintenant clairement une légende urbaine. »

Je ne vais pas réécrire l’article : allez le lire, c’est passionnant. Il vaut mieux s’intéresser à cette noble association, l’Anfass. Et là, on arrive dans le grand comique.

« L’Anfass est un club d’anciens des services de sécurité dont le président est guéretois. Tous prêts à reprendre l’imper’ mastic comme supplétifs de la police, des RG ou des services secrets français », peut-on lire sur le blog du collectif contre les abus policiers 33 (CLAP 33). Lire aussi ici.

Le président de l’Anfass s’appelle Claude Ranfaing. Claude Ranfaing est par ailleurs « grand prieur magistral de France » OSMTH, et à ce titre, peut prétendre à se faire appeler « excellence ». comme on peut le constater sur cette vidéo. OSMTH ? « Ordo Supremus Militaris Templi Hiersolymitani ». En d’autres termes, c’est le « Grand prieuré » de « l’ordre des templiers »… Ce qui apporte évidemment un crédit incontestable à ce document et à cette association. Le forum des commandos de l’air nous en apprend un peu plus : « Qui c’est ce gars ? Un ancien « Sicut » « qui a servi à la BRCS de Maison Blanche. (entre autre, car il est passé aussi par la Villa Susini) ». Voilà qui augmente à nouveau sa crédibilité !

Bon, finalement, si ça se trouve, on peut dormir tranquille, même sans l’Anfass !

Contrôles d’identité : mobilisation pour le « récépissé »

Prototype d'attestation contrôle d'identité réalisé par le collectif "Stop le contrôle au faciès"

La mobilisation pour la mise en place d’un « récépissé » à remettre par la police à la personne qui vient de subir un contrôle d’identité s’intensifie. Cette mesure, qui semblait acquise, a été abandonnée par le ministre de l’intérieur. Un renoncement qui a bien entendu enchanté certains syndicats de police, à commencer par Alliance Police  nationale : dans un communiqué, ce syndicat déclare « La mise en œuvre d’un récépissé aurait été une stigmatisation supplémentaire des policiers qui œuvrent   quotidiennement au service des citoyens avec professionnalisme, sang-froid et abnégation. Il aurait été inacceptable qu’une telle disposition soit mise en place, laissant sous-entendre que les pseudos contrôles au faciès sont une règle et une méthode de travail appliquée quotidiennement dans la police Nationale ».

Yannick Danio, délégué du syndicat Unité SGP police, dans un débat sur canal +, même s’il est contre le récépissé, est beaucoup plus mesuré et estime que la principale cause des contrôles au faciès, c’est la politique du chiffre mise en place par Sarkozy.

Le 24 septembre dernier, le conseil de Paris a adopté un vœu en faveur de l’expérimentation « d’un dispositif de lutte contre les contrôles discriminants ».

Par ailleurs, Dominique Baudis, défenseur des droits, a organisé, le 8 octobre, un « séminaire international (…) sur les pratiques de police dans d’autres pays ». Il doit rendre public la semaine prochaine les résultats d’une étude qu’il mène depuis le mois de février sur ce sujet, étude dont Manuel Valls avait déclaré qu’il attendrait les conclusions pour prendre sa décision. Les lobbys policiers ont sans doute été plus efficaces.

Les arguments de Manuel Valls pour renoncer à cette mesure ? Il l’estime « beaucoup trop bureaucratique et lourde à gérer » et évoque des « difficultés juridiques » pour la mettre en œuvre. Pour le collectif « Stop le contrôle au faciès », qui regroupe plusieurs associations, « ça ne tient pas ». Outre le fait que le ministre n’a pas attendu le rapport du défenseur des droits, le collectif estime que « L’établissement de ce récépissé ne prend pas plus de temps qu’un procès-verbal. Notre travail de terrain et de concertation avec les associations, les citoyens, les syndicats de police, les magistrats et les élus n’est pas pris en compte ».

A l’intérieur du parti socialiste, des élus et des militants se sont mobilisés pour exiger que le récépissé ne soit pas abandonné, notamment Razzy Hammadi, député de Seine-Saint-Denis.

Cette affaire n’est donc peut-être pas définitivement enterrée !

QPC : Journée historique pour les Voyageurs

victoire n’est certes pas totale, mais quand-même : Milo Delage lui-même (président de l’association France liberté voyage) a déclaré sur France-Inter, dès que la décision du conseil constitutionnel a été connue : « c’est un jour historique ».

Le conseil constitutionnel examinait donc, vendredi 5 septembre, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), déposée par France liberté voyage, et qui visait plusieurs points concernant le statut des « gens du voyage » :

La suppression du carnet de circulation, qui concerne les personnes n’ayant pas de revenu fixe, et qui doit être visé tous les trois mois par la gendarmerie ou la police, la suppression du livret de circulation, qui, moins contraignant (un contrôle par an) concerne les gens qui ont un revenu fixe, et l’obligation d’avoir la même commune de rattachement pendant trois ans pour pouvoir s’inscrire sur les listes électorales. Cette dernière mesure était scandaleuse : les jeunes mineurs devaient choisir une commune de rattachement à 16 ans, et ne pouvaient donc pas voter avant 19 ans.

Le conseil constitutionnel a finalement supprimé le carnet de circulation, mais maintenu le livret, et il a supprimé l’obligation d’être depuis 3 ans rattaché à la même commune pour pouvoir s’inscrire sur les listes électorales.

Victoire partielle, donc, mais victoire quand même !

La presse a largement fait écho de cette décision, notamment Libération :

http://www.liberation.fr/societe/2012/10/05/gens-du-voyage-la-fin-d-une-discrimination-centenaire_851153 ,

http://www.liberation.fr/societe/2012/10/05/les-sages-suppriment-le-carnet-de-circulation-des-gens-du-voyage_851070 et

http://www.liberation.fr/societe/2012/08/26/reperes_842006