Frontexit contre Frontex : l’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente

 Un collectif d’associations vient de lancer la campagne « Frontexit ». Son but ? « réclamet la transparence sur le fonctionnement de Frontex, l’agence de l’Union européenne pour le contrôle des frontières extérieures, et exiger le respect des droits des migrant(e)s aux frontières ». Ce qui n’est pas le cas actuellement, où de nombreux pays prétendent se trouver face à une « invasion de migrants »’. Des millions d’euros sont ainsi investis par l’Union européenne « dans un dispositif quasi militaire pour surveiller ses frontières extérieures ».

Voici la description de cette campagne.

Lancement de la campagne FRONTEXIT

L’Europe est en guerre contre un ennemi qu’elle s’invente

Communiqué de presse – 20 mars 2013

| 21 mars 2013 |
Traductions : [English] [italiano] [Español]

Ce mercredi 20 mars marque le jour du lancement de la campagne FRONTEXIT, à Bruxelles, cœur de l’Europe. Une campagne soutenue par de nombreuses associations de défense des droits de l’Homme du Sud et du Nord de la Méditerranée. Les objectifs : réclamer la transparence sur le fonctionnement de FRONTEX, l’agence de l’Union européenne pour le contrôle des frontières extérieures, et exiger le respect des droits des migrant.e.s aux frontières.

Pour lutter contre une prétendue « invasion » de migrants, l’Union européenne (UE) investit des millions d’euros dans un dispositif quasi militaire pour surveiller ses frontières extérieures : FRONTEX. Cette agence intervient pour intercepter les migrant.e.s aux frontières et les renvoyer par avion. Symbole de la politique sécuritaire en matière migratoire et bras armé des États membres de l’UE, Frontex pose question notamment concernant la violation des droits lors de l’interception et du renvoi forcé des migrant.e.s. : Que se passe-t-il véritablement aux frontières ? Et qui est responsable de ce qui s’y passe ?

Lors de ces opérations, le respect des droits humains est mis en danger, particulièrement le droit d’asile, le droit à un traitement digne et au respect de l’intégrité physique. L’opacité des opérations – maritimes, aériennes et terrestres – conduites par FRONTEX et la dilution des responsabilités qui les caractérise portent atteinte aux principes fondamentaux reconnus par l’UE, ses États membres et les États tiers partenaires de l’agence.

À travers la campagne FRONTEXIT, un mouvement inter-associatif international demande des comptes à FRONTEX, à l’UE, aux États membres et aux États partenaires. Il faut en finir avec l’impunité aux frontières et l’UE doit respecter ses engagements et obligations envers les personnes migrantes, d’où qu’elles viennent et quelles que soient les raisons qui les conduisent en Europe.

FRONTEXIT ?

Une campagne à l’initiative de Migreurop, menée par de nombreuses associations du Sud et du Nord de la Méditerranée, pour réclamer la transparence sur le fonctionnement de FRONTEX et le respect des droits des migrant.e.s aux frontières. Un lancement à Bruxelles (Belgique) et à Nouakchott (Mauritanie) le 20 mars ainsi qu’au Forum social mondial de Tunis (Tunisie) le 28 mars 2013. Un site web, un teaser, des outils de sensibilisation, un flyer, une affiche…

Plus d’infos sur www.frontexit.org

Page Facebook : Frontexit

Les associations de la campagne :

  • ABCDS Oujda (Maroc)
  • AMDH (Maroc)
  • AMDH (Mauritanie)
  • AME (Mali)
  • ARACEM (Mali)
  • ARCI (Italie)
  • CIRE (Belgique)
  • CNCD 11.11.11. (Belgique)
  • FASTI (France)
  • GADEM (Maroc)
  • GISTI (France)
  • GRAMI AC (Cameroun)
  • Justice sans frontières migrants (réseau Euro africain)
  • La Cimade (France)
  • Ligue des droits de l’Homme (Belgique)
  • Migreurop (réseau Euro africain)
  • Progress Lawyer Network (Belgique)

 

Conseil d’Etat : les demandeurs d’asile « Dublin 2 » ont droit à l’ATA !

Le conseil d’Etat vient d’annuler une circulaire datée de novembre 2009, et qui interdisait aux demandeurs d’asile « Dublin 2 » (c’est à dire qui sont arrivés en France en passant par un autre pays : c’est le pays d’entrée dans l’Union européenne qui a la charge du demandeur d’asile) l’accès à l’Allocation temporaire d’attente, et au logement dans les Centres d’accueil des demandeurs d’asile. Une décision qui va maintenant devoir être appliquée, et qui va changer la vie de nombreux demandeurs d’asile ! Voici le communiqué publié à ce sujet par la Cimade, qui est à l’origine de l’affaire.

Ata pour les Dublinés : le conseil d’État annule la circulaire du 3 novembre 2009 et ouvre l’accès à l’allocation temporaire d’attente et aux CADA aux demandeurs d’asile Dublinés.

Après trois ans de procédure, le Conseil d’État dans une décision Cimade et Gisti du 17 avril 2013 a annulé la disposition de la circulaire du 3 novembre 2009 qui excluait les demandeurs d’asile «  Dublinés » du bénéfice de l’allocation temporaire d’attente.

Si la procédure a duré aussi longtemps, c’est qu’en avril 2011,ie Conseil d’État avait posé une question préjudicielle a la UUE sur l’applicabilité de la directive accueil aux demandeurs d’asile « Dublinés ». La Cour de Luxembourg a rendu son arrêt le 27 septembre 2012 et le Conseil d’État a demandé aux parties (la Cimade et le Gisti d`une part, le ministre de l’intérieur d`autre part) de présenter des observations.

Les associations ont maintenu leurs conclusions initiales en faisant deux précisions sur l’arrêt de la CJUE. Il avait réaffirmé que les demandeurs d’asile avaient un droit au maintien sur le territoire pendant leur procédure et la législation françaises qui prévoit que le séjour soit refuse à ces demandeurs, sans que leur soit garanti le droit de se maintenir sur le territoire n’était pas conforme au droit européen. D’autre part, si la cour avait évoqué la possibilité de refuser ou de limiter les conditions matérielles d`accueil dans les hypothèses prévues par l’article 16 de la directive accueil, ces dispositions, facultatives, n`avaient pas été transposées en droit national et ne pouvaient donc pas être opposées à un demandeur.

Le ministre a affirmé que le droit national devait prendre en compte l’arrêt de la CJUE, notamment en modifiant les dispositions du code du travail relatives à l‘ATA et également celles du code de l’action sociale et des familles pour permettre l’accès des Dublinés aux CADA.  Néanmoins, selon le ministère, la délivrance de convocation « Dublin » permettait d’assurer le droit au maintien sur le territoire. Concernant le deuxième point, le ministre rappelait la jurisprudence du juge des référés du Conseil d’État qui considère que les demandeurs considérés en fuite n’ont pas droit aux conditions d’accueil.

Lors de l’audience du 27 mars 2013, la rapporteure publique, Maud Vialettes, a conclu que la législation française ne garantissait pas le droit au maintien sur le territoire et que les dispositions de l’article 16 n`avaient pas été transposées en droit national (ni pour l’ATA, ni pour l’accès aux CADA, [NDR]). Elle a donc conclu que la circulaire en excluant les demandeurs d’asile Dublinés était contraire au droit européen

Le Conseil d’État l’a suivie dans sa décision du 17 avril 2013 en considérant d’une part que le demandeur dispose du droit de rester sur le territoire prévu par l’article 7 de la directive 2005/85/CE jusqu’à ce qu’il était transféré dans l’autre État. En conséquence la condition posée par l’article L5423·8 du code du travail d’avoir un titre provisoire de séjour ne doit pas être exigée pour les demandeurs Dublin et qu’ils ont droit à l’allocation jusqu’à ce qu`il soit effectivement transféré.

Enfin, comme l’article 16 de la directive accueil (limitation ou retrait des conditions matérielles d’accueil) n’a pas été transposé en droit interne, l’allocation ne peut pas être interrompue même si la personne est considérée comme en fuite.

Tout le dispositif de l’allocation doit être revu puisque ce n’est plus la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour et l’enregistrement d`une demande d`asile à l’OFPRA qui permettent l’ouverture des droits mais la présentation du demandeur d’asile à la préfecture, voire la première démarche auprès de la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile (notamment si le préfet impose des délais pour enregistrer la demande comme c’est le cas à Paris, voir le rapport de la CFDA de février 2013).

On peut aller plus loin. En suivant le raisonnement du Conseil d’État, l’accès aux centres d`accueil pour demandeurs d’asile (qui sont aujourd’hui réservés aux demandeurs munis de récépissé) ne devraient plus être interdits aux demandeurs en procédure Dublin ou prioritaire. En 2012, 13 800 personnes ont été admises dans ces centres, ce qui représentait 34% des demandeurs d’asile admis au séjour mais seulement un quart de tous les demandeurs.

La Cimade demande au ministère de tirer rapidement les conséquences de cette décision et de permettre l’accès de l’allocation temporaire d’attente à ces demandeurs.

Voir statistiques de l’application du règlement Dublin en France en 2012

 

 

Le tribunal ordonne la libération d’un mineur placé en rétention par le préfet des Côtes d’Armor

Lamentable histoire à Saint-Brieuc. Un mineur, jeune Géorgien de 17 ans, reconnu comme tel dans un premier temps au vu de ses papiers d’identité par un juge, a été considéré comme majeur après un examen osseux. Conséquence immédiate : la préfecture a considéré qu’il était en situation irrégulière. La police l’a convoqué, et l’a conduit au centre de rétention de Rennes Saint-Jacques (35).

La Cimade a alors saisi le défenseur des droits, qui a rédigé un mémoire, où notamment il indique qu’Irakli « doit être considéré comme mineur tant compte tenu de son acte de naissance, que de la fiabilité déficiente des tests osseux et de la mesure de tutelle dont il bénéficie ».

Le tribunal afdministratif s’est penché sur son cas vendredi 12 avril. La rétention ayant été levée par la préfecture des Côtes d’Armor avant l’audience, Irakli L. a donc comparu libre.

Maître e Pacheu, son avocat, a dénoncé l’attitude de la préfecture qui « s’affranchit des règles de droit » en plaçant un mineur en rétention. En outre, Irakli a un suivi médical en France, il souffre d’une maladie chronique.

L’avocat  a également rappelé que, fin 2012, la préfecture a refusé à Irakli la délivrance d’un titre de séjour, considérant qu’il était mineur !

La préfecture était représenté par M. Coconier. Il a remis en cause l’authenticité de l’acte de naissance. Ce que dément le Défenseur des droits dans son mémoire, précisant que l’administration n’apportait pas la preuve que ce document était faux.

Pour la préfecture,  « c’est à l’étranger d’apporter la preuve de sa minorité », et  « les tests osseux servent à conforter l’appréciation de l’administration »…

Le juge a précisé qu’il s’agissait du 60ème  « MIE » (Mineur Isolé Etranger) présentés devant le TA de Rennes. La décision contre l’annulation de l’OQTF est mise en délibéré.

Irakli a été accompagné à la gare par des militants de la Cimade, et le groupe RESF 22 est intervenu auprès du CG 22, qui avait mis fin à sa prise en charge, afin qu’Irakli ne se retrouve pas à la rue. « C’est la première fois qu’un mineur est placé au centre de rétention administrative de Rennes », s’indigne Johanna Abolbassemi, vice-présidente de la Cimade (source, Ouest-France du 13 avril).

 

Pour libérer Ali Mutuev, signez la pétition !

Après avoir été expulsée du Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) puis assignée à résidence, la famille Mutuev s’est retrouvée à la rue, à Rennes. Pendant des semaines, les enseignants et parents d’élèves du lycée Jean Macé de Rennes ont fait une collecte pour financer son hébergement en hôtel. La famille est aujourd’hui prise en charge par Bienvenue, un réseau d’hospitalité temporaire pour les migrants, récemment créé à Rennes.

Lors d’un déplacement à Nice le week-end de Pâques pour rendre visite à un ami, Ali, le fils aîné, a été interpellé et placé au Centre de rétention administrative (CRA) de Nice.

Le tribunal administratif et le juge des libertés et de la détention (JLD) ont décidé son maintien en rétention. Ali risque donc d’être expulsé vers la Russie où personne ne l’attend….

Sa mère et son frère Nabi (scolarisé au lycée Jean Macé) sont très inquiets, et demandent à tous de se mobiliser pour obtenir la libération d’Ali.

Pour faire libérer Ali, signez cette pétition : http://www.educationsansfrontieres.org/article45218.html#sp45218

 

Droit d’asile : rassemblement samedi 13 avril à Saint-Brieuc (22)

A l’occasion de la présentation à la presse du rapport de la CFDA (Coordination française pour le droit d’asile, le Collectif briochin contre le racisme et pour la solidarité organise un rassemblement samedi 13 avril, à 11h, place Saint-Guillaume (près du manège) à Saint-Brieuc (22). Ci-dessous, le tract rédigé par le collectif qui sera distribué pendant le rassemblement. Le tract est téléchargeable ici.

Collectif contre le racisme et pour la solidarité

DROIT D’ASILE !

A l’occasion de la présentation à la presse du rapport du Cfda « Etat des lieux du droit d’asile en France »*, le Collectif contre le racisme et pour la solidarité de Saint-Brieuc vous appelle à un

 

 Rassemblement  samedi 13 avril 2013

11h Place Saint-Guillaume (près du manège)

Une logique qui porte atteinte aux droits des demandeurs d’asile

Alors que les demandeurs d’asile sont des personnes qui viennent en France pour fuir des persécutions, l’accueil qui leur est réservé les place dans une situation permanente d’insécurité. Tout est fait pour les confiner dans la plus grande précarité. Le gouvernement a changé récemment, mais pas la politique menée à l’encontre des demandeurs d’asile.

 L’accès à la procédure : le parcours du combattant

  • la restriction des prérogatives des plate-formes d’accueil, premier contact en France des demandeurs d’asile, les empêche de satisfaire leurs besoins immédiats
  • la régionalisation de l’enregistrement des demandes (il faut aller à Rennes) provoque de nombreuses difficultés supplémentaires et allonge les délais – plusieurs semaines avant d’être seulement reconnu comme demandeur d’asile

 La procédure

  • pendant le délai d’attente, les demandeurs d’asile ne sont pas enregistrés par l’OFPRA. Ils n’ont donc accès ni au CADA (logement) ni à l’ATA (allocation d’attente). Ils sont donc très souvent laissés pour compte et ne doivent qu’aux collectivités territoriales (Conseil Général, Agglo, Mairies) et aux associations de ne pas dormir dans la rue
  • la procédure dite « Dublin 2 » – concernant les demandeurs d’asile entrés dans l’Union Européenne par un autre pays que celui où ils demandent l’asile – permet aux préfectures de maintenir dans la plus grande précarité environ un tiers des demandeurs d’asile
  • la procédure dite « prioritaire » consiste principalement en un traitement expéditif qui vise au rejet rapide de la demande en se basant sur la très contestable liste des pays « sûrs »

La vie pendant la procédure

  • l’hébergement n’est pas assuré (alors que c’est prévu par la loi) ; le nombre de places dans les centres d’accueil (CADA) ne permettent de loger que le tiers des demandeurs d’asile.
  • L’état recourt alors à l’hébergement d’urgence qui souvent ne permet pas de trouver des solutions pérennes : là encore, les associations et collectivités locales doivent pallier les carences de l’état
  • les moyens d’existence (Allocation temporaire d’attente), dont sont exclus abusivement les demandeurs d’asile étiquetés « Dublin 2 », sont insuffisants pour vivre
  • le droit au travail n’est quant à lui que très rarement accordé aux demandeurs d’asile

Les associations regroupées au sein du Cfda exigent des conditions d’accueil dignes d’un exercice effectif du droit d’asile dans notre pays !

* Cdfa : Coordination française pour le droit d’asile ;

rapport consultable sur http://cfda.rezo.net/

Sitation dramatique des migrants à Rennes : communiqué de la Ligue des droits de l’Homme

L'école de l'Ille à Rennes

Devant la situation dramatique des migrants à Rennes, la section rennaise de la Ligue des droits de l’Homme a publié le communiqué suivant (lire ici l’article d’Ouest-France)

La section de Rennes de la Ligue des Droits de l’Homme s’indigne devant la situation inhumaine que subissent actuellement les migrants et leurs familles réfugiés cette nuit à l’école de l’Ille.

Il est intolérable de savoir que des familles avec enfants se trouvent actuellement à la rue, devant appeler quotidiennement le 115 qui est en permanence saturé,  et sans aucune solution d’hébergement durable.

Elle rappelle que l’accueil des demandeurs d’asile dans des conditions dignes est un devoir dont l’État doit s’acquitter.

Elle déplore qu’aucune solution ne puisse être trouvée afin de mettre à l’abri ces personnes qui ont migré et affronté avec courage tous les risques inhérents à ce voyage, croyant trouver refuge en France

Elle s’étonne que face à ces situations de détresse, les autorités selon leur ressort de responsabilité ne procèdent pas à des réquisitions de logements administratifs vacants.

Elle réfute le prétexte de « l’appel d’air » et rappelle le droit fondamental à la mobilité et à la liberté de circulation ainsi que les apports non négligeables des migrants sur les plans démographiques, économiques et culturels.

La section de Rennes de la Ligue des Droits de l’Homme demande solennellement et instamment que des solutions soient trouvées pour héberger ces personnes à chacun des niveaux de responsabilité : municipal, régional, national. 

Le parcours difficile des demandeurs d’asile devant l’OFPRA et la CNDA

Une des obsessions des demandeurs d’asile, c’est le passage devant l’office français de protection des régugiés et des apatrides (l’OFPA). C’est en effet l’OFPRA qui décidera de la recevabilité de leur demande d’asile. Deux épreuves les attendent : la rédaction d’un « récit » de vie, qui devra expliquer en détails les raisons qui les amènent à demander l’asile à la France, et l’audience, au cours de laquelle ils devront, de vive voix, raconter leur histoire, devant les fonctionnaires de l’OFPRA. Les décisions de l’OFPRA peuvent être contestées : le demandeur d’asile s’adresse alors à la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile, qui statuera en dernier recours, selon les mêmes modalités (récit écrit, et audience).

Dans la majorité des cas, le demandeur d’asile doit se faire assister pour rédiger son récit de vie : se posent souvent des problèmes de langue, et il est fréquent d’être obligé de faire appel à un interprète, ce qui a bien entendu un coût. La plupart du temps, ce sont les militants des associations qui les assistent : bénévoles, avec pour unique formation leur expérience ou celle de leurs camarades, leur tâche est difficile et ils sont pratiquement aussi angoissés que les demandeurs.

En effet, de nombreux écueils se présentent : il faut que le récit soit réaliste, précis, documenté, il faut fournir des détails capables de convaincre les juges qu’il ne s’agit pas d’un récit compilé ou même acheté. En faire trop ou trop peu va desservir le demandeur. Avec au bout cette menace toujours présente : l’expulsion, le renvoi vers le pays d’origine.

Dans son blog, Romain Baro, journaliste, explique dans un article : « être demandeur d’asile avec une lourde histoire ne suffit pas à obtenir une autorisation de séjour, et le passage devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides reste une épreuve difficile. La plupart des demandes sont recalées pour ‘récit stéréotypé’, ‘manque de spontanéité à l’oral’, ‘absence de personnalisation’ ». Il décrit avec beaucoup de sensibilité, et avec réalisme, le parcours de demandeurs et de leurs accompagnateurs.

Nous avons vécu, dans la section Loudéac centre Bretagne, le parcours d’une jeune Congolaise dont la demande a été rejetée par l’OFPRA puis retenue par la CNDA. On connaît la situation des femmes au Congo… Enlevée par des rebelles, violenté et violée pendant une journée, quand elle est rentrée chez elle, son mari et ses enfants avaient disparu (c’était il y a plusieurs années, les recherches menées par la Croix-Rouge internationale n’ont toujours pas abouti). Son dossier a été rejeté, parce qu’elle ne donnait pas suffisamment de précisions sur les violences subies… Elle a fait appel, a été assistée par une avocate, et finalement elle a obtenu « la protection subsidiaire », qui lui a permis d’obtenir un titre de séjour.

Les mails orduriers et mensongers de l’extrême droite sur les étrangers (entre autres)

L’extrême droite, on le sait, se plaît à avancer masquée. Et elle ne lésine pas sur les moyens.

Un de ses moyens, c’est la diffusion à grande échelle de mails qu’on peut classer en un certain nombre de catégories :

  • Des récits, qui mettent en scène de méchants Arabes et des gentils patrons dont le seul souci est de faire vivre ou revivre une région et des salariés ;
  • Des dénonciations de scandales, en général financiers, qui mettent en cause soit des personnalités politiques (en général députés, sénateurs, députés européens), ou des fonctionnaires travaillant dans ces mêmes administrations (assemblée nationale, sénat, parlement européen) : des salaires incroyables, des avantages colossaux, et bien sûr pratiquement aucun travail à réaliser, et aucun contrôle ;
  • Des dénonciations de dysfonctionnements de la justice, qui aura libéré un assassin, bâclé une enquête pour protéger un notable, quand ce n’est pas indemniser un coupable.
  • Etc…

Un de mes correspondants m’abreuve régulièrement de ce type de mails, et il m’arrive de temps en temps de prendre la peine de les lire : ça en vaut la peine.

Le dernier en date reprend un thème qui est un classique dans ce type de courriel : les étrangers qui viennent bouffer le pain des français et qui font fortune sans avoir besoin de travailler, là où un brave et honnête travailleur français ou bien un courageux, voire héroïque artisan croule sous les impôts, les tracasseries administratives et les normes absurdes.

Le thème de ce courriel, donc, je cite : « Retraite 1 157 EUR pour les étrangers n’ayant même pas travaillé !! ». Les lignes suivantes nuancent l’affirmation : « Toute personne qui débarque en France, sans même jamais y avoir mis les pieds, peut prétendre, si elle a 65 ans, à 709 euros de retraite par mois ou même à 1 157 euros si elle vit en couple ».

Vous ne saviez pas, hein ? Vous ne risquiez pas de le savoir puisque c’est faux. Un étranger qui « débarque en France », s’il n’a pas de visa, doit faire une demande d’asile. Ceci quelque soit son âge. Avant d’être reconnu comme « demandeur d’asile », il faut quelques semaines, le temps de déposer la demande à la préfecture et qu’elle soit enregistrée, d’obtenir un rendez-vous à Pôle Emploi pour se faire domicilier, puis d’ouvrir un compte en banque, d’obtenir une domiciliation postale auprès d’une association agréée etc… Il va falloir également, et ça n’est pas la moindre difficulté, que le demandeur d’asile remplisse un dossier de demande d’asile qui sera examiné par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), qui devra être accompagné d’un récit détaillé et circonstancié  des raisons de la demande d’asile (avec bien souvent des frais d’interprète élevés, le texte devant être écrit en français). Au bout de deux mois, en général (ça, c’est quand tout se passe bien), le demandeur d’asile reçoit un « récépissé » : c’est un papier qui atteste que son titulaire a bien déposé une demande d’asile, et que, le temps que cette demande soit instruite (en gros deux ans), il est autorisé à séjourner en France, et ne peut pas être expulsé. À ce moment-là, le demandeur d’asile peut recevoir une aide de l’État, « l’allocation temporaire d’attente », ou ATA, d’un montant de 11,20€ par jour et par adulte, soit 336€ pour un mois de 30 jours. S’il a des enfants, il ne touchera pas un centime de plus. Autre protection que lui accorde l’État : l’aide médicale d’État, équivalent, en gros, de la couverture médicale universelle (CMU). Un demandeur d’asile n’a pas le droit de travailler : sa seule ressource sera donc l’ATA, et il devra parfois payer un loyer. A cela il convient d’ajouter les taxes, qui ont été fortement augmentées récemment, sur les différents titres de séjours, et même les demandes de titres (lire ici).

Autre mensonge : « Cette situation est très injuste vis-à-vis des retraités français, qui voient dans le même temps leurs pensions constamment rabotées au fur et à mesure que leurs caisses s’enfoncent dans le rouge » : c’est faux, les caisses de retraite n’interviennent en aucun cas dans le financement de l’ATA ni de l’AME.

Enfin : « Si l’on ajoute à cela que la Cnav verse des pensions à l’étranger sans aucun contrôle, au point que la Cour des comptes dénonce le versement de pensions à des morts, notamment en Algérie (mais sans proposer le moindre remède), on ne peut que constater que notre système de retraites est ouvert à tous vents : prestations injustifiées, fraudes etc.

> > > > > > > > > > > > > > > Il est urgent de se mobiliser pour faire cesser ces graves injustices et défendre nos caisses de retraite. »  (typographie respectée, toujours emphatique, avec différentes polices, différentes casses, des couleurs…). Encore faux, et compliqué. Si la retraite est « exportable », le minimum vieillesse et l’assurance maladie ne le sont pas : ce qui signifie que pour pouvoir profiter de la totalité de ses droits, le vieil étranger en situation régulière est contraint au mieux, de faire des navettes entre son pays d’origine (où est souvent restée sa famille proche) et la France, soit à résider en permanence en France. Et comme beaucoup de ces travailleurs ont été exploités toute leur vie, souvent par des employeurs peu scrupuleux, ils ont fréquemment été employés sans être déclarés : ils n’ont dans ce cas droit qu’au minimum vieillesse, soit, en avril 2012 : 777,17€ par mois pour un célibataire.

Pour mieux berner les naïfs, le courriel propose un lien, où ils pourront trouver la preuve irréfutable de ce qui est affirmé. Sauf que ce lien est un lien mort, qui conduit à la bien connue « erreur 404 » : http://www.immigration.gouv.fr/IMG/pdf/livretaccueil.pdf

Et l’expéditeur de ce courriel invite bien entendu son destinataire à le diffuser largement, ce qui est généralement fait, même par des gens sincères (c’est précisément le cas de mon correspondant), qui se laissent abuser.

C’est ainsi qu’on crée et qu’on entretient le racisme et la xénophobie. C’est exemple n’en est qu’un parmi des dizaines d’autres, tout aussi cousus de mensonges éhontés. Et bien entendu, impossible de remonter jusqu’à l’auteur du courriel… L’extrême droite est habile…

Un site permet de débusquer un certain nombre de ces « hoax » (rumeurs mensongères qui circulent sur le net) : http://www.hoaxbuster.com/

 

Rapport de Thierry Tuot : « laissons prier les musulmans ! »

Le rapport sur l’immigration réalisé par Thierry Tuot à la demande du premier ministre est d’une richesse impressionnante, autant par l’étendue du domaine qu’il balaye que par l’originalité et la pertinence des mesures qu’il préconise.

Thierry Tuot aborde un sujet particulièrement sensible, et qui n’est généralement abordé que dans la polémique : quels rapports avoir avec la religion musulmane. Il emploie bien l’adjectif « musulmane », et non « islamiste » : la nuance est d’importance, et on avait semble-t-il un peu oublié cet adjectif dans le débat public. Si les islamistes sont tous musulmans, l’inverse est naturellement faux. De la même façon, tous les catholiques ne sont heureusement pas intégristes, et on n’a pas créé l’adjectif « catholiciste », en symétrie « d’islamiste ».

L’idée fondamentale de Thierry Tuot  sur ce point est très simple : fichons leur la paix ! Et le chapitre qu’il lui consacre s’intitule « laissons prier les musulmans ! » et il l’introduit par ce paragraphe, qu’il est intéressant de citer in extenso : « La “question musulmane”, pure invention de ceux qui la posent, ne cesse d’enfler et de soucier, de polluer le débat public, et de troubler jusqu’au délire les meilleurs esprits. À l’islamisme – revendication publique de comportements sociaux présentés comme des exigences divines et faisant irruption dans le champ public et politique – répond un laïcisme de combat, furibond et moralisateur, qui mêle dans un étrange ballet les zélotes des racines chrétiennes de la France, qu’on n’attendait pas au chevet du petit père Combes, et républicanistes tout aussi intégristes, qui semblent n’avoir de la liberté qu’une idée terrifiée, où, hélas, souvent terrifiante ».

Ce que Thierry Tuot demande, c’est qu’on passe, vis-à-vis de la religion musulmane, d’un comportement de stigmatisation dont on a pu constater les dégâts depuis une dizaine d’années en France, à des relations apaisées, fondées sur la « bienveillance ». « Bienveillance » : le mot revient souvent sous sa plume.

Autre citation qui mérite de ne pas être tronquée : « La seule limite que nous posons donc aux religions est l’ordre public. La notion est vague, et, pour tout dire, politique dans ses extrêmes et ses frontières. Elle est surtout, rappelons-nous en, variable, immensément, avec le temps : au pourfendeur effarouché du statut qu’il pense diminué de la femme en islam, rappelons que les églises dont certains d’entre eux se réclament parfois, avaient il y a cinquante ans tout au plus et même un peu moins, une idée de la femme assez peu égalitaire ; et on ne se souvient pas les avoir entendu nous parler du péril catholique ou de la menace protestante ; aux féministes de la vingt-cinquième heure invoquant notre conception, sacrée, de la place de la femme, rappelons quand même qu’elle est assez récente – le droit de vote date de 1946, celui de faire des chèques des années soixante ; et celui de jouer un rôle dirigeant dans l’économie et la société leur est, qu’on sache, encore souvent refusé. »

C’est le moment d’aborder un sujet qui fait régulièrement polémique depuis quelques années : le port du « voile ». Voici ce qu’écrit Thierry Tuot à propos de la burqa, qui a alimenté le « débat » public pendant des mois : D’abord, nous pouvons regarder ensemble la réalité plutôt que les fantasmes. Qu’on sache, aucun mouvement de fond n’est venu exiger que les femmes de confession musulmane puissent déambuler en Burqa. C’est le gouvernement qui a décidé de cibler les quelques femmes ainsi vêtues pour les dévêtir de la toute-puissance de la loi, inventant ce slogan, qui laisse encore perplexe, selon lequel la République se vit à visage découvert (à supposer qu’un mode politique d’organisation “se vive”, le rapport avec le visage des citoyens, a fortiori de ceux qui ne sont pas des citoyens, échappe au sens. Pour l’essentiel, la revendication fondamentale des religions, islam compris, est qu’on leur fiche la paix – ce qui est à peu près ce que veulent d’ailleurs ceux qui ne les pratiquent pas à leur encontre. Il est possible que telle ou telle confession ait des voeux supplémentaires, entendons-les, plutôt que de leur prêter des intentions.

La position de la Ligue des droits de l’Homme est très claire à ce sujet :

La Ligue désapprouve l’obligation qui serait faite aux femmes de porter le voile ou la burqua

La Ligue s’oppose à « toute loi excluante, stigmatisante et empiétant sur les libertés publiques ».

Voici le texte intégral du communiqué qu’elle a publié le 21 mars 2010 au moment du débat sur le « voile intégral ».

Prise de position de la LDH dans le débat sur le voile intégral

Prise de position du Comité central de la LDH

Depuis l’affaire de Creil en 1989, la LDH a maintenu avec constance sa position, joignant la critique du port du foulard et du voile, au nom de l’émancipation des femmes, au refus de toute loi excluante, stigmatisante et empiétant sur les libertés publiques. Or, il se trouve qu’aujourd’hui cette position est celle de nombreux citoyens et responsables politiques et en particulier celle de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, alors même que le débat s’est crispé.

Bien plus rédhibitoire que le foulard, on a vu apparaître le port ultra-minoritaire mais spectaculaire du voile intégral ; le gouvernement a lancé un débat sur l’identité nationale, très vite identifié par l’opinion comme un débat sur l’Islam ; le premier ministre nous annonce une loi interdisant le port de la burqa. Disons tout de suite, pour sortir de la confusion, que parler de « burqa » est un abus de langage : le mot désigne le costume généralement bleu, entièrement fermé, avec un grillage devant les yeux, imposé aux femmes par la société afghane. Le voile intégral, noir, d’origine saoudienne, est une négation rédhibitoire de la personne, mais il ne renvoie pas à l’horreur meurtrière des talibans. Dramatiser le débat, s’il en était besoin, n’est pas innocent.

Nous tenons à affirmer un certain nombre d’éléments essentiels.

1- La laïcité n’a rien à voir dans la question du voile intégral

Les législateurs de 1905 s’étaient résolument refusés à réglementer les costumes, jugeant que c’était ridicule et dangereux : ils préféraient voir un chanoine au Parlement en soutane plutôt qu’en martyr. La laïcité qu’ils nous ont léguée et à laquelle nous sommes fortement attachés, c’est la structure du vivre ensemble : au-dessus, la communauté des citoyens égaux, la volonté générale, la démocratie ; en dessous, des communautés partielles, des syndicats, des associations, des Eglises, une socialisation multiple et libre qui peut même se manifester ou manifester dans l’espace public, mais en aucun cas empiéter sur la volonté générale, et enfin la singularité des individus qui choisissent librement et combinent entre elles leurs croyances et leurs appartenances.

En conséquence, le politique n’a ni à se mêler de religion, ni à traiter une religion différemment des autres ; la loi n’a pas à régler les convictions intimes qu’elle suppose chez les individus ; la République n’a pas à dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas mais à protéger également tous ceux qui résident sur son territoire, sauf s’ils mettent en cause l’ordre public.

Le pluralisme religieux et culturel est constitutif de l’unité de la France, qui a toujours connu à la marge des dérives fanatiques, intégristes ou sectaires déplorables mais éphémères. Donc laissons la laïcité tranquille.

2- L’égalité hommes-femmes attend une vraie politique

L’argument principal, et tout à fait justifié sur le fond, contre le port du voile, c’est qu’il signale de manière radicale l’infériorisation des femmes. C’est bien le cas si le port du voile est imposé par le mari ou un autre homme de la famille. Dans ce cas, la France dispose des outils législatifs permettant à une femme de déposer une plainte pour contrainte ou séquestration et d’obtenir le divorce aux torts de son mari ; sachant bien sûr combien cette démarche peut être difficile pour elle.

Mais il peut s’agir aussi, comme l’attestent de nombreux témoignages, d’une servitude volontaire. Or la liberté ne s’impose jamais par la force ; elle résulte de l’éducation, des conditions sociales et d’un choix individuel ; on n’émancipe pas les gens malgré eux, on ne peut que leur offrir les conditions de leur émancipation. Pour faire progresser l’égalité et la mixité entre les hommes et les femmes, ce qui est urgent, c’est de promouvoir des politiques dans les domaines éducatifs, salariaux et professionnels, des droits sociaux, un meilleur accès à la santé et à la maîtrise de la procréation. Ces problèmes concernent des millions de femmes dans la France d’aujourd’hui et ne sont en rien traités de façon prioritaire. Un abcès de fixation sur quelques centaines de cas ne fait certainement pas avancer l’égalité, qui appelle au contraire à revenir à la solidarité entre toutes les femmes.

3- Une surenchère de discriminations n’est pas la solution

La question du voile intégral renvoie en réalité à un profond malaise des populations concernées, auxquelles la République n’a pas pu ou pas été capable de faire une place. D’où l’apparition de vêtements et de coutumes dont la signification est très complexe, depuis le port du foulard par des adolescentes des banlieues comme signe identitaire jusqu’à ce voile intégral qui est un paradoxe : à la fois dissimulateur de la personne et signe ultra-visible, provocateur, d’un refus de la norme sociale, sous prétexte tantôt de religion, tantôt de pudeur. Même si nous réprouvons ce choix, ce n’est pas une raison pour essentialiser et déshumaniser des femmes qu’on réduit à un signe abstrait et que l’on exclut de toute vie publique.

Interdire le voile, c’est conforter la posture de ces femmes, c’est en faire doublement des victimes : résultat absurde d’une volonté soit-disant émancipatrice. Elles porteraient seules le poids d’une interdiction imposée en grande partie par la domination masculine, et cette interdiction les exclurait à coup sûr de la cité. En revanche tous les musulmans, hommes compris, se sentiraient blessés par une loi qui ne toucherait que l’islam.

4- Droits et libertés

Ce serait en plus ouvrir une voie extrêmement dangereuse en termes de libertés publiques. Réglementer les costumes et les coutumes est une pratique dictatoriale ; que ce soit de façon discriminatoire, pour signaler une population donnée, ou au contraire par l’imposition d’une règle universelle. Obliger les femmes à porter le voilecomme leur interdire de cacher leur visage (sauf dans les cas prévus où l’identité doit être prouvée) est également liberticide.

Si une telle hypothèse est présente, c’est que la société française a été profondément intoxiquée par des idées venues de l’extrême-droite et qui se sont infiltrées jusque dans la gauche : la peur de l’immigré, de l’étranger, les relents de notre histoire coloniale, la tentation de l’autoritarisme.

La LDH a une tout autre conception de la démocratie, des droits, de l’égalité et des libertés.

4- Vivre ensemble

La LDH refuse les termes d’un débat instrumentalisé, qui risque de déboucher sur une loi perverse et dangereuse.

Des millions de musulmans vivent en France, et pour beaucoup vivent mal. Ce n’est pas un ministère de l’Identité nationale qui résoudra leurs problèmes et qui leur offrira un avenir, mais des politiques sociales et anti-discriminatoires ; c’est un travail politique, citoyen, de réflexion sur les conditions du “vivre ensemble“.

C’est aussi leur responsabilité individuelle et collective, qui attend par exemple, pour ceux qui sans en avoir la nationalité résident en France, le droit de vote pour pouvoir s’exercer.

Rapport Thierry Tuot sur l’immigration : des mesures pour aller vers une société « inclusive »

Le site de France Terre d’asile publie un rapport sur les politiques d’immigrations menées en France depuis une trentaine d’année. Commandé par le premier ministre, il a été réalisé par Thierry Tuot, conseiller d’Etat et ancien directeur général du Fond d’action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS).

Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il remet en question bon nombre de clichés sur l’immigration. Cité par le journal La Croix, Thierry Tuot estime par exemple que les responsables politiques, « tous partis confondus », ont « oublié jusqu’au mot même d’intégration » et ont « détruit les outils » de cette politique.

Mais le plus intéressant dans ce rapport, ce sont les propositions. Elles sont nombreuses, précises, argumentées. Chacune part d’un diagnostic, et s’appuie sur des faits précis.

La première de ces propositions, demande « la vérité des flux maintenant » : « les chiffres de l’immigration restent parcellaires et ne font l’objet que de peu de publicité ». D’où la difficulté pour « l’élaboration de politiques publiques », et les âneries véhiculées, et rarement contredites, notamment par les officines d’extrême droite. La proposition ? « Confier au Haut conseil à l’intégration refondé la mission d’établir et de rendre publics, au moins annuellement, les chiffres des flux migratoires », qui permettront d’établir clairement les besoins et de cibler les mesures.

Deuxième proposition : « l’acquisition de la nationalité (française) est présentée comme la consécration d’une intégration réussie. Elle est pourtant rendue difficile » pour « les enfants d’étrangers ayant suivi l’intégralité du parcours scolaire français », et les « ascendants de Français résidant sur le territoire depuis une longue période ». Pour ces deux catégories, Thierry Tuot préconise l’attribution de la nationalité  « sur simple déclaration ».

Les mots aussi ont leur importance : Thierry Tuot préfère parler « d’inclusion » plutôt que « d’intégration » ; et il a titré son rapport : « La grande nation, pour une société inclusive ». Tout au long de son rapport, il cible toutes les couches de population concernées : les jeunes, mais aussi les personnes âgées, pour qui il demande davantage de respect et de considération : cela passe par la reconnaissance des « braves », ces « anciens combattants issus des anciennes colonies », la rénovation des foyers pour leur permettre « de vivre en paix ».

Les clandestins ? Il faut en finir avec l’hypocrisie. Il y a deux catégories de clandestins : les expulsables, et les non expulsables. Les premiers sont minoritaires : l’expatriation n’est pas une promenade de santé, et il est rare de quitter son pays, sa famille, ses proches, par simple confort. Les « non expulsables », ce sont ceux dont le retour chez eux mettrait leur vie, et / ou celle de leurs proches en danger. Que se passe-t-il aujourd’hui ? « ils sont maintenus plusieurs années sans statut sur le territoire, avant de se voir attribuer un titre de séjour sans qu’aucune action d’intégration n’ait pu être menée à leur profit dans l’intervalle ». Les propositions : pour les « expulsable », mettre en place « des aides à la réinsertion conditionnées à des projets professionnels durables dans le pays d’origine » ; pour ceux qu’on ne peut pas expulser, « créer (…) un statut de tolérance permettant l’inscription dans un parcours d’intégration pouvant mener, moyennant le respect d’engagements de la part de l’intéressé, à une régularisation programmée au terme de cinq ans ».

Il ne s’agit donc pas d’un régularisation immédiate et massive des sans-papiers, mais d’une véritable politique d’intégration.

Autres mesures souhaitée par le rapport : davantage de respect pour la religion musulmane, avec par exemple l’aménagement de carrés musulmans dans les cimetières ; une aide accrue aux associations sur lesquelles l’Etat s’est massivement déchargé tout en procédant à des coupes budgétaires et en miltipliant les contraintes administratives. Enfin, Thierry Tiot met également l’accent sur l’importance de la politique du logement. Et sa dernière proposition s’intitule : « point de respect des jeunes sans respect des vieux » : « la présence ‘d’anciens’ dans les quartiers a d’évidentes vertus pacificatrices. Inversement, laisser les immigrés les plus âgés vivre dans la misère entame la foi des plus jeunes en l’avenir et exacerbe leur sentiment d’exclusion ».

On va maintenant, naturellement, être impatients de voir ce qui va être fait de ce rapport : aboutira-t-il à des mesures concrètes ? Réussira-t-il à inverser une politique basée sur l’exclusion ? Il va y avoir beaucoup de travail à faire pour y parvenir !

En tout cas, merci Monsieur Tiot pour ce rapport !