Mineurs étrangers isolés : proscrire les tests d’âge osseux

La loi fait obligation aux conseils généraux de porter  assistance aux « mineurs isolés étrangers ». Il s’agit de ces jeunes migrants qui arrivent seuls en France, généralement au terme de parcours difficiles, souvent dramatiques, et que se retrouvent dans des situations de détresse matérielle et morale absolues. Ils sont alors, selon la loi, confiés à l’ASE, « l’aide sociale à l’enfance ». Mais cette prise en charge n’est pas éternelle : elle s’arrête à la majorité. De ce fait, le jour de ses 18 ans, le mineur est livré à lui-même, sans ressource, sans hébergement.

La diminution des budgets des collectivités locales est telle que les dépenses sont regardées à la loupe, et que celles qui sont consacrées à ces mineurs devient insupportable politiquement pour certains élus. On sait aussi que beaucoup de pays d’où viennent ces adolescents n’ont pas d’état civil, et quand ils en ont, ils ne sont souvent pas très fiables. Par ailleurs, certains de ces mineurs n’ont simplement plus de papiers. Se pose alors la question de leur âge. Les élus que leur situation insupportent s’engouffrent alors dans cette brèche, en contestant l’âge déclaré de ces jeunes. Et pour « prouver » qu’ils sont plus âgés qu’ils le prétendent, on leur fait passer « des tests osseux », qui, à partir de radiographies du poignet et de données statistiques, prétendent être capables de déterminer l’âge réel d’une personne, et par conséquent, de déterminer s’il est ou non majeur.

Cette technique est contestée depuis des années aussi bien par des scientifiques, des médecins, des juristes. Des institutions, y compris gouvernementales, parfois internationales, les dénoncent régulièrement : en vain, la technique continue d’être utilisée. Avec des conséquences tragiques : expulion du territoire, mais également peines de prison, amendes…

De nombreuses personnes, chercheurs, scientifiques, médecins, représentants d’institutions, d’associations…lancent un nouvel appel dans le journal Le Monde pour que le recours à cette méthode cesse enfin. Ils invitent à signer la pétition qu’ils ont mis en ligne. Elle peut être signée sur le site du Réseau éducation sans frontière (RESF) ici.

Mineurs étrangers isolés : proscrire les tests d’âge osseux

Depuis 2012, huit jeunes étrangers au moins, de ceux que l’on appelle mineurs isolés étrangers (MIE), ont été traduits devant les tribunaux lyonnais. Le Conseil général du Rhône qui les avait pris en charge s’est porté partie civile et les a déclarés majeurs sur la base de tests physiologiques, et en particulier des tests d’âge osseux. Tous ont été condamnés en première instance à des peines de plusieurs mois de prison, assorties ou pas du sursis, à des années d’interdiction du territoire ainsi qu’à de lourdes sanctions financières (jusqu’à 260 000 €). Ils ont fait face à des accusations d’usurpation d’identité, de faux et d’usage de faux dès l’instant où un test d’âge osseux les décrète majeurs, et une certaine presse locale leur reproche « d’avoir vécu aux crochets du contribuable ».

Soumis aux mêmes tests, d’autres jeunes, plusieurs centaines vraisemblablement, sont exclus de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et se retrouvent à la rue.

Pris en charge par l’ASE à leur arrivée en tant que mineurs au vu des documents qu’ils ont produits, ils sont accusés d’avoir menti sur leur âge, souvent à quelques mois de leur majorité. Ils sont alors soumis à des tests d’âge osseux ainsi qu’à des examens physiologiques, notamment des organes génitaux, particulièrement dégradants pour ces jeunes filles et garçons.

Les tests osseux consistent le plus souvent en une radiographie du poignet. On compare ensuite les résultats à des données statistiques collectées dans les années 1930 et l’on attribue à ces enfants un âge fixé de manière arbitraire, parfois de 19 à 34 ans. Les instances médicales et éthiques récusent la validité de ces tests et en condamnent l’utilisation à des fins autres que médicales.

Ainsi, dès juin 2005, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) soulignait « l’inadaptation de ces méthodes », comme l’avait fait auparavant la Défenseure des enfants. Tour à tour, l’Académie nationale de médecine, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Haut Conseil de la santé publique, le Défenseur des droits, ont émis sur ce point les plus expresses réserves. Récemment, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis du 24 juin 2014 préconisait de « mettre fin aux pratiques actuelles d’évaluation de l’âge ».

Une intégration sociale avortée

C’est pourtant sur la base de ces examens que presque tous ceux qui les subissent sont déclarés majeurs (entre 18,5 et 35 ans). À Lyon, certains sont en outre poursuivis et emprisonnés.

Ces mineurs seraient-ils des délinquants si dangereux qu’il faille les arrêter à l’audience, les écrouer sur l’heure ? Que fait-on de leur scolarité, pourtant prévue par la loi française même en cas de présence irrégulière sur le territoire ? De leurs stages ? La justice n’en veut rien savoir, c’est à l’instant, tout de suite, qu’ils doivent payer leur prétendue dette à la société. Même s’ils n’ont commis aucun autre délit que celui, non prouvé, voire inventé, d’avoir dissimulé leur âge, ils ont été enfermés au milieu de délinquants, ont purgé jusqu’à quatre mois de prison à Lyon-Corbas.

Narek est russe ; Mohamed, Alkasim, Carine, Chernor, Kelson, Kélétigui, Mamoudou sont Africains, du Tchad, de Guinée, de Sierra Leone, d’Angola, de République Démocratique du Congo. Des noms de pays qui parlent d’instabilité politique, de guerre civile, de misère, d’Ebola. Des zones qu’ils ont quittées pour de longs et dangereux voyages, de plusieurs mois, quelquefois des années. Ces huit jeunes sont les emblèmes du refus choquant de collectivités publiques d’appliquer la loi qui leur impose la protection des mineurs. Un scandale qui touche des centaines de mineurs isolés en France.

Interdisons cette pratique

Le président de la République souhaitait faire de son quinquennat celui de la jeunesse. La ministre de la justice avait, le 31 mai 2013, défini un dispositif de mise à l’abri, et d’orientation, imposant aux conseils généraux d’assurer la prise en charge des MIE. Une mesure positive… qui, c’est à regretter, n’interdit pas explicitement le recours aux tests d’âge osseux, devenus systématiques dans certains départements.

La place de ces mineurs n’est ni dans la rue ni en prison. Nous demandons l’interdiction des tests d’âges osseux et autres examens uniquement physiologiques qui manquent de fiabilité pour déterminer leur âge légal. On sait en effet aujourd’hui que le développement physique des jeunes qui ont subi de forts retards de croissance dans leur enfance, notamment du fait de la malnutrition et des traumatismes, ne peut être comparé à celui des jeunes qui n’ont pas eu la même histoire. C’est la raison essentielle pour laquelle la communauté scientifique se refuse désormais à leur accorder toute crédibilité.

Renonçons donc à cette pratique, comme l’ont déjà fait plusieurs pays voisins du nôtre : il y va de l’avenir de ces jeunes gens. Il y va aussi des valeurs qui, selon nous, doivent régir la société. La protection des mineurs – de tous les mineurs ! – doit s’exercer pleinement.

 

Parmi les signataires : Michèle Barzach (présidente d’UNICEF France), Thierry Brigaud (président de Médecins du monde), Barbara Cassin (philosophe, directrice de recherche au CNRS), Françoise Héritier (anthropologue, professeur au Collège de France), Jean-Pierre Rosenczveig (président du Bureau international des droits de l’enfant), Mégo Terzian (président de Médecins sans frontières). Retrouvez ici la liste complète des signataires.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/17/interdisons-les-tests-d-age-osseux-sur-les-jeunes-immigres_4558355_3232.html#YMfRjfBYXazTREoC.99

Mineurs étrangers isolés à Saint-Brieuc : une pétition adressée au conseil général

Photo Unicef.

Depuis quelques mois, l’antenne costarmoricaine du Réseau éducation sans frontières et la section briochine de la Ligue des droits de l’Homme constatent un acharnement sur les mineurs étrangers qui relèvent de la protection du Conseil général des Côtes d’Armor. 28 d’entre eux risquent de se retrouver à la rue dès le 28 août. Le Conseil général les a déclarés majeurs, mais dans la plupart des cas sans que le procureur ni le juge des enfants aient été saisis : la levée des tutelles est donc irrégulière. Par ailleurs, l’utilisation de tests osseux pour déterminer l’âge de ces jeunes est particulièrement contestable et ils ne devraient pas à eux seuls tenir lieu de preuve (lire ici l’avis du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe).

RESF 22 et la section de Saint-Brieuc de la Ligue des droits de l’Homme ont donc décidé de lancer une pétition, qui sera adressée au président du conseil général, Claudy Lebreton, pour lui demander :

  • De ne plus faire pratiquer les tests osseux,
  • Un moratoire sur les expulsions (arrêts de prise en charge) du 1er août, à venir et un retour sur celles déjà arrêtées.
  • De permettre aux jeunes qui le souhaitent de demander l’asile
  • Un hébergement digne pour ces jeunes mineurs et majeurs
  • La possibilité de poursuivre leurs études alors qu’ils ont tous un projet et/ou une orientation.

Vous pouvez télécharger cette pétition ici, la signer et la faire signer (lettre au président du conseil général au recto, tableau de signature au verso). Les pétitions sont à retourner à Ligue des droits de l’Homme, 52 rue des Hauts-Chemins, 22360 Langueux.

 

 

RESF 22

Section de Saint-Brieuc de la Ligue des droits de l’Homme

Alerte ! Mineurs en danger !

Depuis quelques mois, nous constatons un acharnement sur les mineurs étrangers relevant du Conseil Général des Côtes d’Armor.

Monsieur le Président, par la loi du 5 mars 2007, vous devez :

  • prévenir les difficultés que peuvent rencontrer les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille
  • et assurer leur prise en charge. Et ce, quelle que soit leur nationalité. L’accueil des mineurs isolés étrangers rentre dans ce cadre.

En tant que Président de l’Assemblée des Départements de France vous n’êtes pas sans savoir qu’un groupe de travail de votre assemblée, piloté par Jean-Louis Tourenne, président (PS) du conseil général d’Ille et Vilaine a fait des propositions au ministère de la justice afin de mieux encadrer l’aspect financier de cette mission obligatoire du Conseil général. Ce rapport de l’ADF met un point d’honneur à ce que les mineurs français et étrangers soient traités de la même façon et en fonction de leurs besoins.

Nous ne comprenons pas la différence entre les positions tenues à Paris et les actions mises en œuvre dans notre département.

Le 1er août, 28 mineurs risquent de se retrouver à la rue.

Le Conseil Général les a déclarés majeurs, mais, dans la plupart des cas sans que le procureur ni le Juge des enfants aient été saisis.

Nous considérons donc qu’en l’absence de décision du Juge la levée des tutelles par le Conseil Général est un acte irrégulier.

A plusieurs reprises, le Conseil général a demandé des tests osseux. Non contents d’être fortement critiqué par le Comité consultatif national d’Ethique, ceux-ci ne sont pas totalement fiables et devraient être utilisés en derniers recours. A notre sens, ils ne peuvent à eux seuls tenir lieu de preuves pour définir l’âge des jeunes.

Les mineurs étrangers isolés sont triplements vulnérables. Parce que mineurs, ils sont de potentielles victimes. Parce que mineurs isolés, ils ne peuvent bénéficier de la protection de leurs parents. Parce qu’étrangers, ils sont traités comme potentiels majeurs étrangers en situation irrégulière,  et alors la tentation de les rejeter des dispositifs de protection de l’enfance est grande.

C’est pourquoi nous vous  demandons instamment, Monsieur Claudy Lebreton, Président du Conseil général des Côtes d’Armor,

  • De ne plus faire pratiquer les tests osseux,
  • Un moratoire sur les expulsions (arrêts de prise en charge) du 1er août, à venir et un retour sur celles déjà arrêtées.
  • De permettre aux jeunes qui le souhaitent de demander l’asile
  • Un hébergement digne pour ces jeunes mineurs et majeurs
  • La possibilité de poursuivre leurs études alors qu’ils ont tous un projet et/ou une orientation

 

Alerte Mineurs en danger

Je suis d’accord avec ce courrier adressé à Monsieur le Président du Conseil Général des Côtes d’Armor et je le signe.

Nom, prénom Commune Signature Je signe en tant que