A Paris des mineurs sont restés à la rue par grand froid

Communiqué de la Fédération LDH de Paris  –  Paris, le 13 février 2018

 

A Paris des mineurs sont restés à la rue par grand froid

 

Rappel des faits

 

Le 5 février au soir, la situation d’une quarantaine de mineurs a été signalée à la Mairie de Paris car ils étaient à la rue malgré le Plan grand froid. Il s’agissait de jeunes d’environ 16 ans en cours de procédure destinée à évaluer leur minorité. Alertée, la maraude de la Ville de Paris est intervenue. Mais après la mise à l’abri de quelques familles, il s’est avéré qu’il n’y avait plus de place pour héberger les jeunes mineurs. Ils ont donc passé la nuit dehors.

Le 6 février ont eu lieu de nombreuses interventions auprès des autorités compétentes de la part d’individus, d’associations locales ou nationales, dont la LDH à travers ses sections et sa fédération de Paris qui a interpellé par écrit  Mme Versini, en charge de ces questions à la Mairie de Paris. Cette nuit-là, grâce à Médecins sans frontières (MSF) que 50 jeunes ont pu dormir à l’hôtel, d’autres sont restés à la rue.

Le 7 février une quarantaine de jeunes ont été mis à l’abri boulevard Morland dans un immeuble mis à disposition par la Ville de Paris mais normalement réservé à des adultes. Non permanent, l’hébergement à Morland est remis en cause chaque soir. Les réactions de jeunes mineurs le lendemain montrent bien que l’immeuble Morland est un lieu sous-équipé, où les mineurs ont souffert d’une promiscuité difficile à supporter, ce qui confirme la nécessité d’ouvrir des centres stables dédiés aux mineurs.

Le 8 février au soir c’est de nouveau MSF et l’association Utopia 56 qui ont pris en charge environ 60 jeunes, tandis que des élus du 20° arrondissement de Paris trouvaient de leur propre initiative une vingtaine de places.

A ce jour la situation n’a guère évolué du côté de la mise à disposition de lieux d’accueil par la Ville de Paris. Des groupes d’habitants généreux, des associations comme MSF ou Utopia56 ou des élus à titre individuels continuent à trouver des solutions dans l’urgence sans pouvoir faire face. Pour les jeunes, les associations et les bénévoles tout est donc à refaire chaque jour.

 

Quelques réflexions sur cet épisode dramatique pour les jeunes concernés

 

En principe les majeurs sont pris en charge dans les centres d’hébergement qui sont des structures réservées aux adultes, les mineurs sont pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Dans les faits, tout se passe comme si l’administration refuse de reconnaître que des mineurs sont à la rue, car ils ne sont pas ne sont pas reconnus comme mineurs ou qu’ils sont en attente de décision quant à leur minorité et il n’y a pas de centre d’hébergement d’urgence dédié aux mineurs à Paris. C’est le cas de plusieurs dizaines de mineurs étrangers sur Paris. Cette même attitude de déni touche des jeunes à qui on a refusé le statut de mineur et qui sont engagés dans un recours administratif, ou qui sont sans papiers justifiant aux yeux de l’administration de leur âge et de leur statut.

C’est grâce aux interventions nombreuses (un millier selon Mme Versini…) que des solutions partielles, peu adaptées et temporaires ont été trouvées et c’est souvent grâce à des organisations comme MSF ou Utopia56  et à l’action de bénévoles que le nombre de mineurs à la rue a été limité en cette période de grand froid, bien que de façon très temporaire.

La situation de ces jeunes et de ces enfants est inadmissible. S’il est inacceptable que des mineurs soient à la rue, ce qui est le cas aujourd’hui à Paris, cela l’est encore plus, si cela est possible, en hiver. On constate aussi que le froid n’a fait qu’exacerber les carences de l’accueil des mineurs étrangers à Paris. Il faut reconnaitre l’existence de mineurs à la rue dans Paris et la nécessité de centres d’hébergement stables dédiés.

Pendant la phase d’évaluation les jeunes doivent bénéficier d’une mise à l’abri et de conditions permettant une évaluation sereine de leur âge, puis hébergés par des centres spécialisés leur permettant de vivre une vie d’enfant et de poursuivre un parcours éducatif. De nombreux jeunes dont la minorité n’est pas reconnue se retrouvent à la rue et devraient bénéficier d’une prise en charge adaptée à leur situation.

Une politique digne envers les jeunes et les mineurs étrangers, conforme aux droits humains et à la législation européenne, devrait comporter la prise en charge, la mise à l’abri et un hébergement d’urgence inconditionnels des jeunes et des mineurs, sans distinction d’âge et de statut, dans des lieux appropriés:

  • Dès que le rendez-vous pour l’évaluation est pris. les jeunes concernés devraient bénéficier d’un hébergement stable, d’un accompagnement socio-éducatif, d’un bilan de santé, d’une alimentation correcte.
  • Ceux qui ne sont pas pris en charge par l’ASE, par exemple les jeunes déclarés comme « manifestement majeurs » après un entretien succinct avec l’administration devraient avoir accès à un hébergement stable a minima .
  • Il manque un dispositif approprié à la situation des jeunes déclarés majeurs par l’ASE et qui ne peuvent théoriquement plus bénéficier des droits réservés aux mineurs sans pouvoir pour autant bénéficier des prestations réservées aux majeurs, comme c’est le cas pour l’hébergement d’urgence et la mise en l’abri en période de grand froid.

Aux côtés des habitantes et habitants de Paris indignés de la situation de ces dizaines de jeunes et de mineurs, aux côtés des associations et des élus qui cherchent chaque jour des solutions, la LDH de Paris continuera sans relâche à faire connaitre la réalité, à interpeller les autorités, en solidarité avec les plus démunis et à faire valoir leurs droits.

Noter que des avocats responsables du « Pôle Mineurs Non-Accompagnés » de l’Antenne des mineurs du barreau de Paris ont déposé un recours, comme l’indique cet article de DALLOZ Actualités.

Des avocats signalent au procureur de Paris la situation de 128 mineurs non-accompagnés en danger dans les rues de Paris
 
Les avocats Catherine Delanoë-Daoud, Isabelle Roth, responsables du pôle mineurs non-accompagnés du barreau de Paris, et Emmanuel Daoud, membre du conseil de l’Ordre de Paris ont adressé un signalement au procureur de la République de Paris, François Molins, et à la procureure chargée du parquet mineurs, Laetitia Dhervilly sur la situation « très préoccupante de nombreux mineurs non accompagnés » dans les rues de Paris.
par M.Ble 8 février 2018

Nous reproduisons l’intégralité du courrier adressé le 8 février 2018 au tribunal de grande instance de Paris.

Objet : signalement de mineurs en danger (article 375-5, alinéa 2)

Madame, Monsieur le Procureur de la République,

Nous tenons à vous signaler par la présent, la situation très préoccupante des nombreux mineurs non accompagnés qui se trouvent actuellement livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris, sans abri, par des températures négatives, et de ce fait exposés à un danger grave et immédiat pour leur santé physique et psychique.

Comme vous le savez, les mineurs n’ont pas accès aux dispositifs de mise à l’abri « classiques » du 115, réservées aux majeurs.

En conséquence il appartient aux pouvoirs publics et sous votre autorité, de mettre tous les moyens matériels et humains en œuvre afin d’assurer une protection efficace de ces mineurs, de nature à préserver autant que faire se peut, leur intégrité physique et psychique.

Vous trouverez ci-joint la liste nominative des 128 mineurs en danger dont nous avons à ce jou pu relever l’identité à Paris.

Nous vous demandons de les mettre en sécurité de toute urgence.

Restant naturellement à votre entière disposition pour toute information complémentaire, nous vous prison de recevoir, madame, Monsieur le Procureur de la République, l’assurance de notre notre plus haute considération.

Isabelle Roth et Catherine Delanoë-Daoud, responsables du « Pôle Mineurs Non-Accompagnés » de l’Antenne des mineurs du barreau de Paris
Emmanuel Daoud, membre du conseil de l’Ordre de Paris

Copies :
Monsieur Jacques Toubon, Défenseur des droits
Madame Catherine Champrenault, procureure générale près la cour d’appel de Paris

source : ici 

Non, le centre « humanitaire » pour migrants de la porte de la Chapelle à Paris n’est pas un modèle

action collective

En écho à la demande adressée au gouvernement par Anne Hidalgo, maire de Paris, de réfléchir à « un plan général d’accueil des migrants en France » avec l’ouverture de camps de premier accueil dans les métropoles régionales – à l’image de celui qu’elle a installé en octobre 2016 porte de La Chapelle, au nord de la capitale –, le ministre de l’intérieur a annoncé mardi 20 juin la possible « ouverture de centres d’accueil » pour migrants sur le territoire français. Le même jour, plusieurs élu.e.s, qui se sont rendu.e.s dans le camp humanitaire de La Chapelle, se sont relayé.e.s pour alerter sur la situation d’engorgement que connaît ce centre, avec «  des tensions à l’entrée » et des rixes qui « se multiplient », et la reconstitution de « campements » rassemblant plus d’un millier de personnes dans le nord de Paris. « Depuis un certain temps », a expliqué Pascal Julien, conseiller de Paris (EELV), « il n’y a plus de sorties, donc plus d’entrées. Ce centre est saturé en permanence ».

Dès l’annonce de la création du centre de la porte de La Chapelle, il était clair que le dispositif n’était susceptible de fonctionner que pour autant qu’à l’issue des quelques nuitées de « mise à l’abri » offertes à Paris aux personnes migrantes ces dernières se voient proposer des places dans des lieux d’hébergement plus pérennes. Ces lieux relevant de dispositifs nationaux, le camp parisien ne peut « se vider » pour accueillir de nouveaux venus que si l’État s’engage dans l’opération, collaborant avec la Ville de Paris. Or les places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) continuent de manquer cruellement, et si de nouvelles structures d’accueil de migrants ont été créées récemment, elles ne parviennent pas à pallier l’incapacité de l’État à abriter, constante depuis deux décennies. Ces nouvelles structures ne sont d’ailleurs, tout comme le camp de La Chapelle, que des sas, conçus pour accueillir pour de courtes durées des personnes n’ayant pas encore décidé si elles allaient demander l’asile en France. Faire se succéder des sas à un sas n’a qu’un intérêt pratique : répartir la charge d’un premier accueil sommaire. Mais aussi, ce faisant, disperser, isoler et rendre moins visible.

En réalité, le camp de la Chapelle souffre de bien d’autres défauts que le manque de « fluidité » et la saturation dénoncée par les élus qui soutiennent la maire de Paris. En effet, les personnes qui parviennent, après des jours d’attente, à être accueillies dans la « bulle » parisienne, non seulement ne se voient pas assistées correctement dans leurs démarches en vue d’obtenir la protection internationale dont elles ont besoin, mais sont même empêchées de faire ces démarches. Contraintes de faire enregistrer leurs empreintes digitales à un guichet spécialement ouvert pour elles en préfecture, elles peuvent ainsi être menacées de renvoi – voire renvoyées sans délai – vers des pays par lesquels elles ont transité ou vers leur pays d’origine sans que soit examinée leur potentielle qualité de réfugié. Le camp parisien, loin d’être un lieu d’accueil et de manifester l’hospitalité de la Ville, fonctionne de fait comme un centre de tri, auxiliaire (ou otage ?) de l’administration préfectorale.

La maltraitance administrative qui règne à l’intérieur du centre de la Chapelle, tout comme la maltraitance physique imposée aux personnes qui, jour après jour, essaient d’en franchir les portes et sont, en attendant, contraintes de dormir dans la rue dans un contexte de harcèlement policier maintes fois documenté, ne sont en rien le produit d’un « afflux » insupportable d’exilé.e.s que la France, sixième puissance mondiale, ne pourrait gérer. Conséquences du sous-dimensionnement structurel du dispositif d’accueil des migrant.e.s, elle s’inscrivent dans une stratégie de dissuasion que la France, comme plus généralement l’Europe, opposent aux personnes en besoin de protection.

Oui, des lieux de premier accueil doivent être ouverts, afin que les exilé.e.s cessent d’être réduits à la vie dans la rue, à Paris comme à Calais, à Vintimille ou ailleurs. Mais ces lieux doivent être réellement hospitaliers, conçus de telle sorte que les personnes y soient informées des possibilités qui s’offrent à elles, aidées et accompagnées dans leurs premiers pas en Europe. Accueillies, vraiment. Ensuite seulement, une répartition sur l’ensemble du territoire pourrait être organisée selon la situation de chacun, ses souhaits, les possibilités existantes dans les collectivités. Si un « plan général d’accueil des migrants en France » est mis en place, c’est dans cet esprit qu’il doit être conçu, et non sur le modèle du centre de la Chapelle.

26 juin 2017
Liste des organisations signataires sur le site du Gisti

Insécurité dans le quartier de La Chapelle

Communiqué de la Fédération LDH de Paris

La fédération de Paris de la LDH relaie ce communiqué de la section LDH Paris 18 et le soutient sans réserve.
« Nous, femmes de la Ligue des droits de l’Homme, et notamment de la section Paris 18e résidant dans les quartiers Goutte d’Or – La Chapelle, faisons savoir notre étonnement sur l’emballement médiatique et politique récent concernant l’insécurité qui régnerait dans nos quartiers pour les femmes. Habitantes de ces quartiers, souvent depuis des années voire des dizaines d’années, nous sommes pour notre part toujours étonnées des constats suivants : malgré les conditions inhumaines dans lesquelles vivent depuis maintenant plus de deux ans dans la rue des centaines de personnes venues se réfugier dans notre pays, ne bénéficiant d’aucun accueil ni hébergement comme il se devrait, nous ne voyons ni ne vivons JAMAIS aucune incivilité, aucune agression verbale ni physique, ni tentative de vol de leur part.
Sans vouloir nier le fait que des exceptions puissent exister à cette situation, sans vouloir non plus sous-estimer les difficultés qui peuvent exister dans nos quartiers, souvent sous-dotés en espaces verts et en équipements publics, il nous semble que ces propos, supposés émaner de pseudo regroupements féministes, sont surtout orchestrés par des motivations électoralistes, déclenchées depuis la campagne électorale présidentielle jusqu’à ce jour, pour demander l’expulsion des personnes étrangères au motif d’insécurité pour les femmes du quartier.
Nous en appelons donc à la plus grande vigilance, car personne n’aurait rien à gagner dans nos quartiers à créer des crispations ou des peurs à partir de récits fomentés par de simples intérêts électoraux.
Tout en affirmant quant à nous ne pas avoir le moindre sentiment d’insécurité, nous ne pouvons que rappeler le sentiment d’indignation que suscite chez nous le fait de voir des gens, parfois mêmes des mineurs, dormir à la rue depuis si longtemps, après avoir vécu un parcours terrifiant de guerre et de voyages souvent cauchemardesques et traumatisants, après avoir été séparés de leur famille et avoir souvent perdu bien des proches. Nous rappelons que les lois internationales prévoient un hébergement et une prise en charge dans les jours qui suivent l’entrée dans notre pays pour toute personne venue y chercher refuge. Nous comptons sur le gouvernement nouvellement en place pour que l’État mette enfin les moyens financiers et humains nécessaires permettant que le droit à la demande d’asile soit enfin respecté en France, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, en Allemagne par exemple – et qui avait été salué il y a quelque temps par Emmanuel Macron lui-même.»

Paris, le 23 mai 2017

Communiqué : violences policières à Paris

Graves violences policières dans le quartier de Ménilmontant à Paris 20°, le soir du deuxième tour des élections présidentielles

Le 7 mai au soir, dans le quartier de Ménilmontant, près de trois cents manifestants d’extrême gauche étaient rassemblés pour protester contre l’élection présidentielle. Les manifestants ont occupé la chaussée et ont scandé des slogans.
Les manifestants ont été confrontés rapidement à de nombreux policiers qui les ont encerclés après avoir fait usage de gaz lacrymogènes. Ils ont tenté de quitter le quartier populaire de Ménilmontant peu avant 21 heures mais la plupart d’entre eux ont rapidement été bloqués par les forces de l’ordre.
Une partie des manifestants ont été pris comme dans une nasse à l’extérieur et à l’intérieur du bar Saint Sauveur une grande partie de la nuit. Sans aucune raison apparente, la police a procédé à des matraquages violents, les policiers se regroupant parfois à plusieurs pour battre une personne à terre. Les témoignages font état d’une grande violence et d’une population du quartier effrayée par ce déploiement de forces et de matériel quasiment militaire.
Cette opération de police s’est soldée par 141 interpellations, 9 gardes à vue et l’arrestation d’une personne finalement libérée mais qui comparaitra devant le tribunal correctionnel le 12 juin prochain.
Les forces de l’ordre ont procédé à des contrôles, notamment pour vérifier si certains manifestants faisaient ou non partie des 69 personnes visées par un arrêté préalable d’interdiction de séjour dans l’Est parisien pris par le préfet de police.
Nous ne pouvons que dénoncer cette violence qui de plus s’est déroulée à l’intérieur d’un lieu privé, en l’occurrence le bar Saint Sauveur, et contre ses clients.
Quelle peut être la justification d’un tel déploiement de policiers et de matériel et d’un véritable piège conduisant à encercler et à commettre des violences sur la population en quadrillant tout un quartier ?
On peut également s’interroger sur le bien-fondé de ces interdictions de séjour dans une partie de la capitale. Découleraient-ils d’ une interprétation très large des règles de l’état d’urgence toujours en cours, officiellement destiné à lutter contre le terrorisme et contre lequel la Ligue des droits de l’Homme a protesté à chacune de ses prolongations ?
Nous resterons vigilants et contribuerons à ce que les victimes de ces violences fassent valoir leurs droits.
Comme la Ligue des  droits de l’Homme, l’a déjà souligné: « La violence policière charrie son lot de toxines et empoisonne lentement mais sûrement les valeurs d’égalité, de fraternité et de liberté qui fondent la démocratie et la citoyenneté ».

Fédération LDH de Paris
Paris, le 16 mai 2017

Paris – Accueil des migrants : là où le bât blesse

Communiqué de presse de la Ligue des droits de l’Homme de Paris

Paris, le 21 mars 2017

En novembre 2016, la Mairie de Paris a ouvert un centre d’accueil humanitaire ou CPA dans le 18e  arrondissement, à la porte de La Chapelle, boulevard Ney, pour accueillir les migrants primo-arrivants. Quatre cents personnes y sont hébergées, initialement pour une durée de 10 jours maximum, une bonne gestion du flux migratoire devant permettre un « turn over ». Ce dispositif est complété par un second centre humanitaire sur Ivry réservé aux femmes et aux familles. Les mineurs étrangers isolés sont quant à eux dirigés vers le Dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE). Selon Emmaüs Solidarité et la Ville de Paris, plus de 90% des personnes accueillies sont des demandeurs d’asile dits « dublinés », c’est-à-dire dont la situation relève des accords de Dublin. Concrètement, le Centre d’examen de situation administrative ou CESA, service de l’Etat au sein du CPA et créé pour ce centre, est chargé d’évaluer l’ensemble des situations des personnes passant par le centre d’accueil. Le CESA prend les empreintes des personnes et vérifie, à l’aide du fichier Eurodac, si elles ont été enregistrées dans un autre pays de l’Union Européenne à leur arrivée en Europe. Si tel est le cas, l’Etat peut renvoyer la personne « dublinée » dans le pays d’arrivée et ne pas lui accorder l’asile en France. C’est ce qui est fait jusqu’à ce jour de manière quasi systématique.

  • La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme rappelle que l’État n’est pas obligé, dans le cadre des accords de Dublin, de renvoyer les personnes « dublinées » dans le pays d’origine et peut leur accorder le droit d’asile en France. Nous considérons que notre pays se doit d‘accueillir en tant que réfugiés les demandeurs d’asile qui présentent les conditions minimales leur permettant d’accéder à ce statut.
  • La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme juge qu’il est inadmissible qu’aucune assistance juridique n’ait été instaurée dans le CPA qui n’est pas uniquement un centre humanitaire mais sert aussi à orienter les migrants vers les filières administratives. De ce fait, il convient logiquement de le doter d’un système d’assistance juridique simple d’accès, permettant aux migrants de connaître leurs droits, de remplir les papiers administratifs de façon rigoureuse et de faire les recours éventuels.

Les 21 et 22 février, aux abords du CPA, a eu lieu une interpellation massive de migrants. Le 22 février, 42 personnes ont été déférées devant le Juge des libertés et de la détention (JLD) ou le Tribunal administratif (TA) de Paris. Des décisions de transfert au titre de Dublin, ou d’Ordre de quitter le territoire français (OQTF), ou de mise en centre de rétention ont été ordonnées, soit directement au commissariat, soit lors du passage devant la Justice. Dans le courant du même mois de février, la police est intervenue à plusieurs reprises pour empêcher des associations citoyennes de quartier d’apporter une aide humanitaire aux migrants non pris en charge dans le CPA et dormant à la rue. C’est ainsi que le Collectif Wilson, collectif de quartier constitué spontanément de volontaires, s’est vu refuser le droit de distribuer une aide alimentaire aux migrants aux abords du CPA et que leur véhicule a été sanctionné de plusieurs amendes de 135 euros pour stationnement. Dans le même temps, la Ville de Paris faisait poser des pierres sur les lieux où dorment les migrants à la rue pour les en dissuader.

  • La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme demande à nouveau avec insistance que cesse la chasse aux migrants et les menaces d’OQTF, que cesse l’intimidation des associations et collectifs de citoyens qui viennent en aide aux migrants, y compris aux abords immédiats du CPA. Ces méthodes sont antagoniques avec les intentions humanitaires annoncées et engagées par ailleurs par les autorités.

La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme a pris bonne note des déclarations de Madame Dominique Versini, adjointe à Madame Anne Hidalgo, affirmant lors de la Réunion « Plateforme de mobilisation pour l’accueil des réfugiés à Paris », le 10 mars, que le CESA n’avait pas été une volonté de la Ville de Paris mais de la Préfecture, qu’elle connait les problèmes posés par l’absence de permanence juridique dans le cadre du CPA et qu’elle est prête à envisager une plate-forme juridique avec les associations compétentes. Lors de la même réunion, la Ville de Paris et la Préfecture ont salué à de nombreuses reprises les initiatives citoyennes spontanées d’aide aux migrants. La fédération de Paris de la Ligue des droits de l’Homme espère que ces déclarations seront suivies d’effets positifs et se déclare prête à examiner avec intérêt toute proposition en ce sens.

Expulsions des occupants des bidonvilles de la Porte de la Chapelle

Communiqué de presse commun MRAP Paris et LDH Paris

Paris, le jeudi 2 mars 2017

Présents sur place le matin du 28 février au moment de l’expulsion du bidonville de la Porte de la Chapelle, nos associations signataires de ce communiqué souhaitent apporter les témoignages suivants à propos des conditions dans lesquelles a été menée l’expulsion de plusieurs dizaines  de  familles  Roms  présentes sur le site depuis plus de 8 mois.
Les services de police, arrivés dès 6h du matin, sont intervenus en intimant l’ordre de partir aux habitants.
Vers 7 heures, deux cars de la Préfecture sont arrivés pour proposer des hébergements provisoires : les équipes se sont alors étonnées que le terrain soit vide de tout habitant. La matinée s’est passée par la suite à discuter de la prise en charge de familles revenues entre temps aux alentours du bidonville.
Conformément à la circulaire du 26 août 2012, une telle opération de mise à l’abri aurait dû passer par un diagnostic social précis et un accompagnement des familles prévenant et transparent, sans nécessiter l’intervention d’une police armée à 6 heures du matin alors même qu’aucun service chargé du relogement en hôtels n’était arrivé. Rien ne paraissait avoir été convenablement coordonné ce matin du 28 février.
Nous déplorons que les hébergements de quelques jours proposés aient une nouvelle fois compromis gravement la continuité de la scolarisation des enfants en les envoyant en plusieurs points éloignés de l’Île de France. Cette désorganisation a fait revivre aux personnes – hommes, femmes et enfants- chassées, humiliées, désorientées,  effrayées, parfois malades, un cauchemar qui ne fait que se renouveler de mois en mois depuis des années et qui empêche toute insertion durable  dans  la  société.  Il est temps de cesser une politique aussi inhumaine et dégradante et de se tourner vers des solutions pérennes et viables.
La Mairie du 18e inaugure vendredi 3 mars une exposition autour de la fraternité nécessaire à l’égard des  sans-abri.  Nous demandons qu’à cette occasion des engagements soient pris par tous les responsables afin de permettre au plus vite la mise en œuvre de propositions de solutions, restées sans réponse à ce jour, que certaines associations suggèrent depuis longtemps pour reloger ces personnes d’une manière durable.

 

Bidonvilles: à Paris comme ailleurs, d’autres solutions existent que les expulsions

Paris, le 10 février 2017

Madame Anne Hidalgo, maire de Paris
Monsieur Michel Cadot, préfet de Police
Monsieur Jean -Francois Carenco, préfet de la région Ile de France, préfet de Paris
Copie à:
Madame Hélène Bidard, adjointe au maire de Paris, lutte contre les discriminations

Monsieur Gilles Clavreuil, préfet délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA)
 Monsieur Jacques Toubon, défenseur des droits

Madame la Maire, Messieurs les Préfets,
Dans notre courrier du 16 janvier dernier resté sans réponse de votre part, nous vous faisions part de nos plus grandes inquiétudes au sujet de deux bidonvilles parisiens menacés d’une expulsion dès le 22 février et regroupant quelques 500 personnes dont 150 à 200 enfants. Depuis notre interpellation, des éléments nouveaux sont intervenu set viennent renforcer notre demande de surseoir à ces expulsions, à savoir :

  • L’application à travers la loi « Egalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017 des dispositifs permettant à des personnes et familles vivant en bidonville, dans des tentes, cabanes, abris de fortune de pouvoir jouir des mêmes droits que les locataires et occupants de squats face aux expulsions. Cette avancée législative donne un cadre juridique nouveau permettant de bénéficier de la protection de la  trêve hivernale et ce, quel que soit son type d’habitat avant l’exécution de l’expulsion,
  • L’application du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 4 janvier 2017 qui accorde un délai de six mois afin de réaliser un diagnostic social et son accompagnement tel que prévu par la circulaire du 26 août 2012.
  • L’application du vœu adopté le 30 janvier dernier par le Conseil de Paris exprimant trois demandes que nos associations reprennent et appuient, à savoir :
    • Que la Ville de Paris demande à la Préfecture de surseoir à l’expulsion et d’engager de manière immédiate des pourparlers avec la ville et la région pour commencer à loger des familles dans les semaines qui viennent ;
    • Que les familles présentes sur ces bidonvilles fassent l’objet d’un relogement et de diagnostics sociaux approfondis pour que les solutions proposées soient adéquates et durables ;
    • Que les projets d’habitats concertés soient mis en œuvre le plus rapidement possible par la ville de Paris.
  • Cette dernière demande vient renforcer celle formulée dans le courrier qui vous a été adressé par les familles du bidonville du boulevard Ney et signé par 146 personnes. Il exprimait, entre autres, que les engagements pris le 17 février 2016 par le Conseil de Paris concernant le « projet d’habitat concerté pour les familles Roms dans Paris devant être réalisé au plus tard en 2017 » soient tenus.

Eté comme hiver, expulser des habitants de leur domicile sans proposition alternative de relogement pérenne et adapté aggrave leur précarité et ne fait que déplacer le problème.
Nous souhaitons donc le rappeler dans ce courrier : chaque expulsion sans solution durable est un drame humain pour les familles qui sont forcées de trouver, en urgence, d’autres abris de fortune sur un nouveau terrain pour éviter de dormir dans les rues. Les expulsions à répétition les fragilisent encore davantage, socialement et économiquement, empêchant également un accès durable à l’école pour les enfants. Non seulement ces expulsions n’apportent aucune solution, mais de plus elles coûtent plus cher à terme que des solutions de constructions innovantes.
Nous souhaitons également réaffirmer à travers ce courrier que des solutions immédiates, transitoires ou pérennes, existent.Architectes et coopératives de l’économie sociale et solidaire en proposent depuis plusieurs années. Des terrains existent à Paris comme en Ile de France pour les mettre en œuvre. Des financements européens, gérés par la Région Ile de France, existent également.
Les volontés sont là, l’évolution du cadre juridique et législatif permet d’organiser un cadre de réflexion nouveau et un cadre prospectif différent. Osons dans la recherche de solutions nouvelles et innovantes. A ce titre et pour donner suite à notre courrier, nous demandons qu’une réunion de concertation entre les représentants de toutes les parties concernées puisse se tenir à votre initiative.
Vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Nous vous prions de croire, Madame la Maire, Messieurs les Préfets, en l’expression de notre haute considération.
Marie Montolieu, présidente fédération MRAP Paris

Gilles Affaticati, président fédération LDH Paris

À Paris, la Croix Rouge et la Mairie laissent des mineurs à la rue en plein hiver

Communiqué de presse

19 janvier 2017

La Croix Rouge Française, qui agit pour le compte du département de Paris, refuse de mettre à l’abri et de protéger des dizaines de mineurs non accompagnés qui sollicitent une protection au titre de l’enfance en danger. Depuis septembre, de nombreux mineurs se voient refuser l’accès au dispositif de protection de l’enfance, en toute illégalité et alors même que leur minorité et leur situation d’isolement ne sont pas contestées.

La loi impose[1] à chaque département de mettre en place l’accueil provisoire d’urgence de toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, sans délai et dès qu’elle se présente. Durant cette période, le département doit évaluer sa minorité et sa situation d’isolement et lui notifier une décision d’admission ou de non-admission au bénéfice de l’aide sociale à l’enfance. Depuis le 1er janvier 2016, la Croix Rouge s’est vue confier la mission de premier accueil et d’évaluation des mineurs isolés se présentant sur le territoire parisien (par la création du Dispositif d’Évaluation des Mineurs Isolés Étrangers – le DEMIE).

Depuis septembre 2016, l’ADJIE2 a reçu un nombre croissant de mineurs isolés ayant été éconduits le jour de leur présentation au DEMIE (le collectif a recensé 52 cas). Ils étaient – pour la plupart – en possession de documents d’état civil prouvant leur minorité et dont l’authenticité n’a pas été contestée (c’était le cas de 31 d’entre eux). Parmi eux, certains provenaient du centre humanitaire de la Chapelle où ils ne peuvent être hébergés en raison de leur minorité. À de nombreuses reprises, les membres de l’ADJIE se sont rendus au DEMIE et ont pu constater cette pratique manifestement illégale.

Lorsqu’ils se présentent à la Croix Rouge, la grande majorité de ces jeunes fait l’objet d’un « préentretien d’accueil » de 15 à 20 minutes avant de se voir refuser la prise en charge sans qu’aucune décision administrative ne leur soit notifiée. Quelques privilégiés ont la chance d’obtenir un rendez-vous (programmé un mois plus tard environ) pour que leur situation soit évaluée. En attendant, ils ne sont pas mis à l’abri. Dans les deux cas, ils ne peuvent bénéficier des dispositifs d’hébergement pour majeurs (non-habilités à accueillir des mineurs) et doivent survivre dans la rue. Nos constats ne reflètent qu’une partie de la réalité, nombreux sont les mineurs qui ne sollicitent pas nos associations et ne sont donc pas assistés dans la reconnaissance de leurs droits.

Contactés au sujet de ces pratiques illégales particulièrement préoccupantes, les responsables de la Ville de Paris concèdent le fait qu’ils font face à de grandes difficultés depuis octobre suite à l’augmentation des « flux », et assurent que les capacités du dispositif de mise à l’abri ont été étendues.

Le sempiternel argument « du manque de places disponibles » est difficilement acceptable lorsqu’on rappelle que, dès 2014, les associations3 et le Défenseur des Droits4 avaient alerté l’opinion et les pouvoirs publics sur des faits identiques. À croire que rien n’a changé depuis, en dépit des « 15 mesures pour améliorer la prise en charge des mineurs isolés étrangers » adoptées à l’unanimité par le Conseil de Paris le 13 avril 2015.

Dans une décision du 21 juillet 2016, le Défenseur des Droits constatait de nouveau ces pratiques et faisait état du fait que ces refus ne semblaient s’expliquer « que par le physique du jeune qui se présente, et seraient plus nombreux en période de particulière affluence ». Ce dernier rappelait à la Croix Rouge et au département « que tous les jeunes qui se présentent comme mineurs non accompagnés doivent impérativement faire l’objet d’une évaluation socio-éducative conforme aux missions qui leur sont dévolues ». Cette recommandation ne semble pas avoir été écoutée par la Croix Rouge et la Ville de Paris, qui se sont depuis distinguées par leur inertie et leur incapacité à anticiper les demandes de protection.

Alors qu’à la création du centre humanitaire de La Chapelle, la municipalité de Paris se targuait d’agir pour pallier la carence de l’État[5] s’agissant de la mise à l’abri des personnes migrantes à la rue, c’est bien sa responsabilité – en tant que chef de file de la protection de l’enfance – qui, cette fois, est engagée. Au-delà des déclarations d’intention et derrière la vitrine d’un Paris ville-refuge, on entrevoit donc une réalité bien différente.

Une réalité dans laquelle des mineurs migrants, privés de la protection de leur famille et donc en situation d’extrême vulnérabilité, voient leur droit à une protection bafoué, en totale contradiction avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.

Nous demandons que l’ensemble des jeunes se présentant comme mineurs non accompagnés soient, comme la loi le prévoit, mis à l’abri sans délai et voient leur demande de protection examinée pour permettre leur admission à l’aide sociale à l’enfance.

ADJIE (Accompagnement et Défense des Jeunes Isolés Etrangers) contact@adjie.fr

[1] L’article 375 du code civil et les articles L223-2, alinéas 2 et 4, et R221-11 du code de l’action sociale et des familles

[2]  L’ADJIE (Accompagnement et Défense des Jeunes Isolés Étrangers) est un collectif associatif proposant des permanences juridiques hebdomadaires dans le but de garantir l’effectivité des droits des mineurs et jeunes isolés étrangers qui rencontrent des difficultés pour entrer dans le dispositif de protection ou pendant leur prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance.

[3] Voir « PAOMIE : Une moulinette parisienne pour enfants étrangers. » http://www.gisti.org/spip.php?article3137 

[4] Voir la décision du Défenseur des Droits, MDE-2014-127 du 29 août 2014 relative à la situation des mineurs isolés étrangers. http://www.defenseurdesdroits.fr/decisions/ddd/DDD_DEC_MDE2014127.pdf

[5] Voir la lettre du 28 octobre 2016 signée par la maire de Paris et adressée aux ministres de l’intérieur et du logement. http://www.20minutes.fr/paris/195215120161030refugiesparislettreannehidalgometgouvernementfaceresponsabilites  

Solidarité de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales avec les victimes de la répression en Turquie

Section LDH de l’EHESS

Paris, le 22 novembre 2016

Aucun d’entre nous ne peut rester indifférent à la répression qui frappe nos collègues de Turquie et de nombreux étudiants. Le Président de l’EHESS, comme d’autres responsables universitaires français, a pris déjà des mesures opportunes pour aider certains collègues de Turquie contraints à l’exil, en les accueillant sur des postes d’invités ou en leur procurant certaines allocations.

Lundi dernier 14 novembre, la police est intervenue brutalement à l’Université du Bosphore pour réprimer une manifestation d’étudiant(e)s qui protestaient contre l’annulation par le président Erdogan de la réélection de la Rectrice de l’Université, jugée trop indépendante par le pouvoir, et contre son remplacement par un universitaire aux ordres du régime. Le Président Erdogan agissait ainsi en application d’un décret-loi supprimant l’autonomie des Universités.

Deux étudiants, Levent Piskin et Olcay Celik ont été arrêtés à leur domicile. Ces arrestations s’ajoutent aux 400 étudiants déjà emprisonnés et au millier d’universitaires et de chercheurs qui ont déjà été arrêtés, licenciés ou harcelés par la police.

Le drame que vit l’Université du Bosphore nous touche particulièrement en raison des liens anciens que l’École entretient avec elle. En 1984 déjà un colloque pluridisciplinaire d’études comparées organisé conjointement par cette Université et l’EHESS y avait eu lieu auquel avaient participé des collègues de l’École appartenant à divers centres et à diverses disciplines. Nous avions pu apprécier l’ouverture et la qualité intellectuelle de cette Université, îlot de liberté dans la Turquie sous régime militaire. La mémoire de cette rencontre, entretenue depuis par bien d’autres contacts, nous oblige.

Notre solidarité s’adresse bien sûr également à tous les universitaires et étudiants victimes de la répression policière du président Erdogan. Nous venons d’apprendre qu’un grand nombre de collègues de l’Université de Yildiz ont été arrêtés ce jeudi. Elle s’adresse aussi à toutes les victimes de la répression, en particulier aux journalistes, aux avocats et aux élus défendant les droits des Kurdes.

C’est pourquoi nous dénonçons les mesures répressives du président Erdogan et nous tenons à marquer notre solidarité avec tous les universitaires, chercheurs et étudiants qui en sont victimes. Nous demandons à la Conférence des Présidents d’Universités (CPU), au Conseil Scientifique du CNRS , à Monsieur le Secrétaire d’État chargé des Universités, à Monsieur le Ministre des Affaires Étrangères et du Développement International, qui ont déjà formellement condamné ces graves violations des libertés fondamentales et des franchises universitaires, d’utiliser tous les moyens de pression dont ils disposent pour venir en aide aux victimes de cette répression et pour amener le président Erdogan à la faire cesser. Nous leur demandons également de proposer des initiatives dans le même sens aux autres États de l’Union Européenne.

André BURGUIERE, Claude CALAME, Sophie DESROSIERS, Klaus HAMBERGER, Christiane KLAPISCH-ZUBER, Véronique NAHOUM-GRAPPE, Emmanuel TERRAY, Lucette VALENSI et toute la section de l’EHESS de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)

Accueil des migrants : lettre ouverte aux préfets et aux élus

Région Ile de France de la LDH

Lettre ouverte aux préfets et aux élus

À Paris, à Ivry et ailleurs, les migrant.e.s doivent être accueilli.e.s dignement

Le  Comité  régional  Île  de  France  de  la  Ligue  des  droits  de  l’Homme  condamne  avec  fermeté  les campagnes xénophobes orchestrées contre les migrant.e.s par le Front National et les droites extrêmes qui manient l’amalgame et exploitent le manque d’information des citoyen.ne.s. La LDH apporte son soutien à tous  les  citoyen.ne.s  et  aux  maires  qui  manifestent  leur  solidarité  et  s’engagent  pour  accueillir  les migrant.e.s. Dans tous les cas elle réclame pour ces femmes, ces hommes et ces enfants un accueil digne, durable et respectueux des droits.
Les militant.e.s de la Ligue des droits de l’Homme, de Paris ou d’île de France, suivent depuis longtemps les questions d’hébergement et de suivi juridique des migrant.e.s. Les permanences d’accès aux droits ou nos actions de suivi et d’accompagnement des migrant.e.s dans leurs démarches nous mettent en première ligne pour juger des conditions d’accueil inacceptables de ces citoyen.ne.s du monde. Décidément, les personnes sont loin de demeurer égales en droit.
C’est dans ce contexte que vont s’ouvrir, dès maintenant à Paris, et plus tard à Ivry, deux sites  destinés à améliorer l’accueil des migrant.e.s. Celui de La Chapelle sera un centre de premier accueil pour une durée courte (très courte, trop courte) de 5 à 10 jours à l’intention de « primo-arrivants » en attente d’orientation.
Celui d’Ivry devrait être un Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) ouvert en janvier afin d’accueillir pour une durée plus longue des femmes et des familles.
Cette mise en place peut apparaître comme un progrès par rapport à la situation actuelle, marquée par une absence de prise en charge et la mise en œuvre d’une logique répressive à l’encontre des migrant.e.s.  Pour autant ce dispositif pourra-t-il répondre aux exigences d’un égal accès aux droits, permettant l’application rapide et effective des conventions internationales et des lois en vigueur en France sur les droits des migrant.e.s et le droit d’asile ?

Des questions qui attendent encore leurs réponses

Les autorités doivent mettre en œuvre les procédures qui assureront la réussite du projet. Concernant l’ arrivée au centre, il est nécessaire de savoir comment les migrant.e.s arriveront au centre et grâce à qui (maraude ? associations ? habitants ?). Le 115 est saturé et bien souvent ne répond pas au téléphone. De même, que se passera-t-il une fois atteint le plafond des places disponibles ?  Vers où seront orientés les migrant.e.s ? Quelle collaboration sera mise en place avec les structures d’accueil des autres départements d’Ile de France et de province ?
La prise en charge n’est pas sans poser problème. Certes la prise en compte de l’aspect médical du dossier est une avancée à saluer. Cependant, l’accompagnement juridique semble plus aléatoire. En effet, alors que la loi institue le dépôt d’une demande d’asile sous 3 à 10 jours, l’obligation à Paris de passer par l’actuelle plate-forme  unique  (PADA)  se  traduit  par  des  délais  d’attente  de  rendez  vous  de  plusieurs  mois.  Les migrant.e.s accueillis dans ce centre bénéficieront-ils d’un « passe-droit » ? Pourquoi l’État ne donne-t-il pas à  cette  plate-forme  les  moyens  d’appliquer  la loi ?  Tous  les  migrant.e.s  accueillis  dans  ce centre pourront-ils faire une demande d’asile ? Ceux et celles qui y parviendront pourront-ils bénéficier d’un hébergement dans un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA) ? Que deviendront les personnes qui ne seraient plus considérées comme demandeurs d’asile ? Et quel sera le sort de celles qui ne seraient pas autorisés à faire leur demande en France en application du Règlement de Dublin ?

Agir pour le respect des droits fondamentaux

Trop  d’incertitudes  subsistent.  Une  telle  situation  résulte  de l’incohérence  d’une  politique gouvernementale qui ne se donne pas les moyens de mettre en œuvre sa propre législation au détriment des droits fondamentaux des personnes.
En tant qu’association dont les actions sont le fruit d’un travail militant, nous ne sommes pas hostiles à l‘intervention  de  bénévoles.  Chaque  jour,  ils  pallient  les  carences  de  la  prise  en  charge  publique. Cependant, l’action militante a ses limites. C’est le cas tout particulièrement concernant le suivi juridique : l’intervention  de  juristes  spécialisés  et  d’avocat.e.s,  avec  l’aide  de  traducteurs  professionnels,  est indispensable pour traiter des situations aussi complexes que celles ouvrant droit à la constitution d’un dossier de demande d’ asile ou d’accès à un titre de séjour.
La Ligue des droits de l’Homme réclame que les moyens nécessaires soient dégagés pour permettre l’accueil de tous, un accompagnement social efficace et un exercice effectif du droit d’asile dans les délais légaux. Cela suppose qu’on en revienne au plus tôt au droit commun, notamment pour permettre l’enregistrement rapide des demandes d’asile, ainsi que l’hébergement des demandeurs et qu’on rétablisse l’autorisation de travail leur permettant de vivre plus dignement. Enfin  le sort de ceux et celles qui n’auraient pas accès au statut de réfugié nécessite qu’on repose l’exigence de la régularisation des sans papiers.
C’est à cette condition que la République française sera en mesure d’assurer tous les droits à tous les migrant.e.s. Cette exigence d’accueil et de solidarité est d’ailleurs la nôtre pour l’ensemble des précaires qui se retrouvent aujourd’hui à la rue, sur l’ensemble du territoire et quelle que soit leur origine.

Paris le 18 octobre 2016