« Je tenterai quand-même la traversée … »

https://www.infomigrants.net/fr/post/56802/si-le-rwanda-etait-un-pays-sur-jy-serais-alle–a-dunkerque-des-migrants-perplexes-face-a-la-loi-britannique

Dans le camp de Loon-Plage, à Dunkerque, l’inquiétude grandit parmi les migrants qui souhaitent se rendre au Royaume-Uni via la Manche. Beaucoup se demandent s’ils seront concernés par cette loi qui prévoit d’expulser vers le Rwanda les migrants entrés illégalement sur le sol britannique.

Un peu plus loin, un groupe de Sud-Soudanais marche le long de la voie ferrée – désormais protégée de part et d’autres par des grillages et des barbelés. Parmi eux, Racho, 18 ans, pour qui l’Angleterre n’est pas non plus une option, mais « le dernier espoir ». « Je suis ici depuis huit mois », dit-il en se cachant le visage, inquiet à l’idée d’être filmé ou pris en photo. « J’ai fui le Sud-Soudan, traversé la Libye, la Tunisie, la Méditerranée, l’Italie… J’ai déjà essayé de passer la Manche au moins 20 fois », affirme-t-il. « À chaque fois, la police nous a arrêtés, en perçant le canot ou en jetant des gaz lacrymogène. Et vous pensez qu’une loi va m’arrêter ? ».

« Peut-être », lui répond-t-on. « Non. Je veux étudier… C’est pas un crime. Juste étudier, ce que je n’ai jamais pu faire dans mon pays ».

Beaucoup de migrants ne semblent pas prendre la mesure de la loi. Certains espèrent « s’échapper » une fois sur le sol anglais – sans réaliser que les passagers des canots ramenés dans le port de Douvres seront systématiquement envoyés dans des centres fermés. « Je vais prendre la mer, et une fois sur place, je m’enfuirai, affirme ainsi Naheb, un Afghan qui est arrivé à Loon-Plage 48 heures auparavant. « Je m’enfuirai ou je me suiciderai ».

« Non seulement, les migrants continueront de partir mais ils le feront en prenant toujours plus de risques », se désole Fabien Touchard, coordinateur de l’association Utopia 56 à Grande-Synthe. « Les départs sur les plages sont de plus en plus chaotiques, les migrants ne gonflent pas assez leur canot pour aller vite et échapper à la police. Ils ne prennent plus le temps de mettre le sol rigide dans les bateaux pour les stabiliser », énumère-t-il. « Ils sont aussi de plus en plus nombreux à embarquer. De plus en plus de personnes tombent à l’eau » et les risques de bousculades et de noyades sont élevées.

Déjà 15 personnes sont mortes dans la Manche en 2024.

7 200 migrants ont traversé la Manche depuis le début de l’année

Pour l’heure, la loi n’a pas encore eu d’effet sur les départs vers le Royaume-Uni depuis les plages françaises. Plus de 7 200 personnes ont traversé clandestinement la Manche à bord de canots de fortune depuis le début de l’année, un record historique pour les quatre premiers mois de l’année.