Halte aux féminicides! Rassemblement mardi 9 juillet à 18h – place de la Victoire à Perpignan

FEMMES SOLIDAIRES 66 et le Collectif Départemental pour le droit des femmes (dont fait partie la LDH-66)  appellent, rejoignons les !

74 femmes ont été tuées par leur compagnon depuis le début de l’année. Le 74eme féminicide a été commis à Perpignan il y a quelques jours. Ce ne sont pas des faits divers, ce ne sont pas des accidents, encore moins des “crimes passionnels” : c’est bien le machisme qui tue.

Parce que ces meurtres ne sont pas une fatalité : ils peuvent être empêchés, ces femmes protégées et les hommes violents arrêtés.

Nous attendons du Gouvernement et du Président de la république des mesures immédiates et de grande ampleur.

Nous appelons à un rassemblement mardi 9 juillet à 18h à la place de la victoire pour crier plus que jamais « protégez les »

Perpignan : une jeune femme tuée à coup de couteau devant ses enfants, son compagnon placé en garde à vue

74 assassinats de femmes par leur conjoint dénombrées en France depuis le début de l’année. Les féminicides ne sont pas reconnus dans la législation française comme circonstance aggravante. La LDH  exige leur reconnaissance dans le droit français.

Ce ne sont pas des faits divers, ce ne sont pas des accidents, encore moins des “crimes passionnels” : c’est bien le machisme qui tue.

Parce que ces meurtres ne sont pas une fatalité : ils peuvent être empêchés, ces femmes protégées et les hommes violents arrêtés.

Nous attendons du Gouvernement et du Président de la république des mesures immédiates et de grande ampleur.

–> Publié dans lindependant.fr dans la rubrique « faits divers » …

Mère de famille tuée à Perpignan : son compagnon en garde à vue pour meurtre sur conjointe

Le suspect aurait reconnu immédiatement les faits.

Un terrible drame familial s’est noué ce vendredi dans la soirée au sein de la résidence le Conflent, située au numéro 121 de l’avenue de Prades à Perpignan.

Vers 23 heures, un appel d’urgence a été passé auprès des secours par une voisine déclenchant l’intervention immédiate du Samu, des sapeurs-pompiers et des policiers de la brigade canine. Là, dans cet îlot d’immeubles d’apparence paisible, ils ont alors pénétré dans un appartement. Malheureusement, il était déjà trop tard.

À l’intérieur, au milieu d’un véritable capharnaüm, ils n’ont pu que constater le décès d’une femme qui gisait au sol, vraisemblablement poignardée. La jeune mère de famille, âgée de 32 ans, aurait été tuée d’au moins un coup de couteau de boucher, au niveau du thorax.

En progressant plus loin, ils ont alors découvert que trois enfants se trouvaient sur les lieux, l’un âgé de 9 ans qui se serait réfugié au fond de la pièce et deux autres de 3 ans et 1 an qui auraient été couchés dans la chambre. Ne souffrant d’aucune blessure physique mais en état de choc, les petits ont été pris en charge et évacués vers le centre hospitalier de Perpignan dans l’attente d’une éventuelle mesure de placement auprès des services sociaux. Sachant qu’une quatrième fillette, âgée de 7 ans, était absente au moment des faits.

D’emblée, le compagnon de la victime et père de deux des enfants, âgé d’une quarantaine d’années, a été interpellé par les agents de police alors qu’il serait resté sur place. Placé en garde à vue pour meurtre sur conjointe, le suspect va être soumis à une expertise psychiatrique. Selon les résultats, il pourrait être déféré ce dimanche au parquet à l’issue de son audition. Selon nos sources, le quadragénaire aurait reconnu immédiatement être l’auteur des faits, sans fournir de plus amples explications.

D’après divers témoignages toutefois, les disputes auraient émaillé le quotidien de ce couple. Et selon les premiers éléments, un énième différend conjugal serait à l’origine de ce décès tragique, dans un contexte de misère humaine extrême.

Dans la nuit, les prélèvements et constatations de police technique et scientifique se poursuivaient pour tenter d’apporter des éléments de réponse à l’enquête aussitôt diligentée afin de faire toute la lumière sur cette affaire.

Laure Moysset

–> ​Publié sur francetvinfo.fr

Perpignan : une jeune femme tuée à coup de couteau devant ses enfants, son compagnon placé en garde à vue

Ses enfants étaient présents au moment du drame.

Une jeune femme âgée de 32 ans a été retrouvée morte, vendredi 6 juillet vers 23h, dans un appartement d’une résidence de Perpignan (Pyrénées-Orientales), a appris France Bleu Roussillon de sources concordantes. Elle a été tuée de plusieurs coups de couteau.

Son compagnon, un homme d’une quarantaine d’année, a été arrêté et placé en garde à vue. Le drame s’est déroulé en présence de plusieurs enfants, qui se trouvaient dans l’appartement. Des enfants âgés entre 1 et 9 ans qui n’ont pas été blessés, mais qui sont traumatisés. Ils ont été emmenés à l’hôpital de Perpignan.

Les faits se sont déroulés dans un appartement au premier étage d’une résidence calme, sur l’avenue de Prades, dans l’ouest de Perpignan. Les policiers ont été appelés par des voisins, qui faisaient état d’une violente dispute. La famille était d’ailleurs connue pour ses problèmes conjugaux, avec des disputes récurrentes.

–> Publié sur Le Monde avec AFP le 06 juillet 2019

Féminicides : plusieurs centaines de personnes mobilisées à Paris

Parmi les manifestants, 74 portaient des couronnes de fleurs, soit le nombre de féminicides recensés depuis le 1er janvier.

A Perpignan, dans la nuit du vendredi 5 au samedi 6 juillet, une femme de 32 ans a été tuée à l’arme blanche à son domicile. Selon les premiers éléments de l’enquête, elle serait morte lors d’une dispute, et son mari, suspecté de ce crime, est en garde à vue. Trois des quatre enfants du couple étaient présents dans l’appartement, selon le journal L’Indépendant. Deux jours plus tôt, jeudi 4 juillet, une femme de 20 ans, enceinte de trois mois, est morte frappée par son conjoint à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le 27 juin, à Vaulx-en-Velin (Rhône), une femme de 29 ans a été tuée à coups de marteau par son mari, qui s’est ensuite pendu.

Il s’agit des trois dernières victimes de féminicide parmi les 74 dénombrées en France depuis le début de l’année, selon un collectif. Exigeant des mesures concrètes pour lutter contre les féminicides, le monde politique et la société civile sont montés au créneau ces derniers jours, par des pétitions, des tribunes ou des appels à la mobilisation.

Plusieurs centaines de personnes se sont ainsi rassemblées samedi 6 juillet à Paris pour réclamer des mesures immédiates et des moyens accrus pour lutter contre les féminicides, à l’appel d’un collectif de familles et proches de victimes. Parmi les manifestants – des femmes, mais aussi des hommes –, 74 portaient des couronnes de fleurs, soit le nombre de féminicides recensés depuis le 1er janvier.

Dans l’assistance figuraient la chanteuse Yael Naim et les actrices Julie Gayet, compagne de l’ancien président François Hollande, et Muriel Robin. Cette dernière a appelé les manifestants à observer symboliquement « 74 secondes de bruit et de colère », et interpellé le président Emmanuel Macron. « Vous avez parlé de cause nationale : où en êtes-vous ? Combien coûte la vie d’une femme ? » « Je veux une réponse », a martelé la comédienne, qui a incarné à l’écran Jacqueline Sauvage, condamnée – avant d’être graciée par François Hollande – pour le meurtre de son mari violent.

Le collectif à l’origine du rassemblement avait signé une tribune dans Le Parisien dimanche 29 juin. « Nous ne nous tairons plus », assuraient les signataires. La parution de ce texte a été suivie de nombreuses réactions, à commencer par celle de la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. L’ancienne ministre des droits des femmes de François Hollande a écrit lundi aux ministres de la justice et de l’intérieur pour demander une enquête administrative sur les féminicides survenus depuis le 1er janvier qui, « souvent »« auraient pu être évités », selon elle.

Comment Amazon impose la loi du silence à des élus locaux

Publié sur reporterre.net

3 juillet 2019 / Franck Dépretz (Reporterre)

Enquête 2/3 – Pendant des mois, l’installation d’Amazon sur une ancienne base aérienne militaire près de Metz était tenue secrète. La raison : un unique élu a signé, au nom des 108 que compte la métropole, un « accord de non-divulgation » avec la multinationale. Reporterre dévoile les coulisses de cette « négociation ».


  • Metz (Moselle), correspondance

« Préserver les terres agricoles », « revivifier la biodiversité », « accueillir de jeunes agriculteurs », « développer le circuit court »… En marge du G7 des ministres de l’Environnement, des Océans et de l’Énergie, qui se tenait à Metz en ce début du mois de mai, Jean-Luc Bohl, le président de Metz métropole (UDI), et son conseiller délégué au développement de l’agriculture périurbaine ne manquaient pas de belles formules pour évoquer leur Agrobiopôle, sur le plateau de l’ancienne base aérienne de Metz-Frescaty. Juste en bordure de ces 70 hectares dédiés à l’agriculture périurbaine, pourtant, on attend la venue d’une multinationale étasunienne peu réputée pour « favoriser les produits de proximité » ou pour « pour améliorer l’alimentation, le bien-être de tous », à l’inverse de ses voisins maraichers. Son nom : Amazon.

Pourtant, au centre Pompidou-Metz, en pleine conférence sur les « territoires écologiques et solidaires », étrangement, le sujet semblait tabou. Nous attendions le moment des questions du public pour intervenir. Mais il semblait que Jean-Luc Bohl n’avait pas le droit de prononcer le mot Amazon

« Je n’ai pas à parler maintenant et c’est tout ! » nous répondit-il, sèchement. Est-il tenu de garder le silence du fait de la clause de confidentialité conclue entre Metz métropole et le groupe du milliardaire Jeff Bezos ? Pour tout comprendre, il faut revenir quelque temps en arrière.

Jean-Luc Bohl (avec la cravate rouge) pendant la conférence sur les « Territoires écologiques et solidaires » : « Désolé de devoir contribuer à créer des emplois, mais voilà ça fait partie aussi du rôle des élus et pas seulement de préserver la biodiversité. »

« Éléments couverts par le secret des affaires »

Juin 2012 : l’aéroport militaire de Metz-Frescaty ferme. Pour combler le départ des 2.600 militaires — et des 5.000 emplois qui allaient avec —, les élus de la métropole lancent un vaste projet de reconversion pour les 380 hectares de ce site, renommé plateau de Frescaty, qui se trouve au sud-ouest de la capitale de Moselle. Sous les zones commerciales, agricoles, économiques, sportives, la « pointe Sud » du plateau doit aussi bien accueillir des artisans qu’un monumental entrepôt logistique sur la commune d’Augny. Haut de 23,72 mètres, il est s’étendre sur 54.391 m² au sol — pour une surface totale de 185.331 m² sur quatre niveaux.

Sur les centaines de pages de rapports, enquêtes, études, délibérés qui annoncent la création de cette « plateforme logistrielle à vocation nationale et internationale » [1], le nom d’Amazon n’apparait pas une seule fois. Officiellement, parce que le géant du commerce en ligne n’est que le potentiel locataire. L’exploitant du site est Argan, une société foncière de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) spécialisée en développement et location de plateformes logistiques.

Schéma du plateau de Frescaty qui est censée accueillir Amazon au niveau de sa pointe Sud.

Si Amazon exige l’anonymat absolu, ce serait aussi pour éviter d’attirer l’attention de ses concurrents. « Amazon voulait s’implanter quelque part entre la Belgique, le Luxembourg et le Grand Est. Ils recherchaient une ancienne friche en plein cœur d’agglomération. Plusieurs entreprises internationales, dont UPS, nous ont dit être intéressées par ce site », se souvient Henri Hasser. Le vice-président à l’aménagement économique et à la planification territoriale fait partie de « la poignée d’élus » qui ont trouvé un nom de code digne d’un film d’espionnage étasunien pour nommer administrativement la venue d’Amazon : « Projet Delta ». On voudrait en savoir davantage. Ses souvenirs sont vagues : « On a décidé, comme ça, entre nous, qu’on l’appellerait Delta, voilà… Je ne sais plus qui l’a sorti. » C’est pourtant lui, le maire de Ban-Saint-Martin, l’unique élu métropolitain à avoir signé au nom de toute la collectivité, dès novembre 2016, une clause de confidentialité avec Amazon. Et dans une totale ignorance du contenu du texte… entièrement rédigé dans un anglais abscons et abstrait.

Clause de confidentialité Amazon-Metz métropole.

Sur ce fameux « accord de non-divulgation » — que Reporterre divulgue en exclusivité —, les « éléments couverts par le secret des affaires », dont le mot Amazon, ont été noircis par les services de la métropole. Henri Hasser, qui n’a ni inscrit son nom en caractères d’imprimerie ni signé aux bons emplacements, comprend-il un traître mot de la langue de Shakespeare ? Qu’importe. Il avoue avoir « signé leur truc » sans même l’avoir lu « Je suis seul à l’avoir signé au nom de Metz Métropole, car je suis vice-président, dit Henri Hasser à Reporterre au téléphone. Ça suffit à engager la métropole. C’est du droit européen. » Du droit luxembourgeois, plus exactement. Les éventuels litiges devront être réglés par les tribunaux du Grand-Duché, où siège Amazon EU SARL, véritable succursale européenne de la multinationale qui lui permet de ne payer pratiquement pas d’impôts.

Henri Hasser maîtrise-t-il également la législation de son propre pays « Les contrats auxquels une personne morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public sont parties sont rédigés en langue française. Ils ne peuvent contenir ni expression ni terme étrangers », dit la loi du 4 août 1994. La clause de confidentialité pourrait donc être illégale ? Une chose est certaine : elle est « communicable à toute personne qui en fait la demande », selon une décision du 18 avril de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada). Pourquoi alors ne nous la communique-t-on pas ?

« Ce sont des méthodes à l’américaine, certes, mais cela va générer 2.000 emplois sur un territoire martyrisé jusqu’ici »

« Je ne la publierai pas, c’est tout ! C’est moi qui l’ai signée. Ça ne regarde personne », déclarait Henri Hasser au téléphone quelques jours avant que Reporterre ne se procure le document par ses propres moyens. Le troisième vice-président de Metz métropole assumait « prendre le risque » de ne pas se conformer à l’autorité administrative française pour… respecter la loi du silence imposée par l’entreprise aux 6,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France.

« Un seul homme qui signe pour toute la collectivité… c’est du n’importe quoi ! »Philippe Casin fait partie des 107 élus de Metz métropole (sur 108) qui n’ont rien signé et ont été engagés (sans en avoir été informés) à ne rien communiquer autour de la venue d’Amazon à Metz-Frescaty. Mais il est le seul à avoir saisi la Cada et ainsi obligé les services de Metz métropole à lui transmettre la clause de confidentialité fin mai.

Concassage de l’ancienne piste d’atterissage, aménagement du terrain, raccordement aux réseaux de communications… Les pelleteuses ont commencé leur travail sur l’ex-base aérienne.

« Malgré tout le respect que j’ai pour les juristes de Metz métropole, ajoute cet opposant sans étiquette, vous avez en face une puissance juridique, une multinationale qui connait très bien le droit international — au point d’être adepte de l’optimisation fiscale. Comment peut-on laisser une personne seule engager toute la collectivité comme ça ? Sans avoir derrière des rapports de juristes ? Des élus qui pèsent le pour et le contre ? »

Pourtant, rares sont les élus qui ont protesté contre cette décision. Lorsqu’on leur a laissé le choix, lors des deux votes consacrés à la réalisation de la pointe Sud – comprendre : Amazon — en octobre et décembre 2018, les membres du conseil métropolitain n’étaient que 4 et 8 à avoir voté « contre »… D’autres décisions relatives à l’aménagement du plateau de Frescaty ont été prises (sans vote) lors de bureaux délibérants auxquels ne peuvent accéder que cinquante élus (vice-présidents, délégués, maires…).

« Rien n’a été fait en secret, se défend Henri Hasser. D’ailleurs, personne n’a attaqué[en justice] les délibérations de Metz métropole. » De son côté, le président de la métropole, Jean-Luc Bohl, trouvait « dingue d’avoir à se justifier » concernant la clause de confidentialité (Le Républicain lorrain du 25 mai) : « Ce sont des méthodes à l’américaine, certes, mais cela va générer 2.000 emplois sur un territoire martyrisé jusqu’ici. » Ah ! L’emploi. Lorsque le nom d’Amazon a été lâché publiquement, en juillet 2018, pour la première fois — par la presse régionale, et non par les élus —, il était accompagné de cette promesse : 2.000 emplois. Puis très vite 3 000.

Or, le rapport d’enquête publique n’est pas si optimiste : « Le site pourra accueillir jusqu’à 3 équipes [par jour], dont la plus importante ne devrait pas dépasser 820 personnes en période de pic », est-il indiqué, les pics d’activité étant prévus environ huit semaines par an. Guère plus précise, l’étude d’impact mentionne par ailleurs une soixantaine d’emplois administratifs. On semble loin des 3.000 emplois promis. Quant à leur nature (CDD CDI ? intérim ?), toute la littérature consultée n’y répond pas. Les élus pas davantage.

« Quand les militaires sont partis, ça nous a fait mal »

« Si ce projet est si bon pour l’avenir, pourquoi le faire en douce ? On met la misère en concurrence. Les élus laissent espérer du boulot à des gens en situation de précarité en échange de la destruction de leur milieu de vie. C’est un pari sans garantie sur l’avenir avec les deniers publics », dit Marie-Pierre Comte, habitante d’Augny et membre du collectif Non à Amazon sur le plateau de Frescaty, qui rassemble Attac, Les Amis de la Terre, les Marcheurs pour le climat et quelques partis politiques. Rien ne garantit, en effet, que ce projet à 12,9 millions d’euros aboutisse un jour [2].

Pour le maire d’Augny, François Henrion, Amazon « répond à un besoin des chômeurs du secteur : 50 % d’entre eux n’ont pas le Bac ». « Quand les militaires sont partis, ça nous a fait mal, se souvient-il. On s’est engagés à recréer de l’emploi. Les commerces se posaient des questions. Dans l’école, on a fermé deux classes coup sur coup. Il faut voir le quotidien des gens. »

François Henrion n’a jamais visité un entrepôt Amazon et n’a aucune intention de le faire avant d’accueillir le projet juste à côté de sa ferme — et même sur ses propres terres, une petite partie étant revendue à la métropole. Le maire et neuvième vice-président de Metz métropole dit avoir rencontré « deux ou trois fois » un représentant luxembourgeois d’Amazon en préfecture. Lui se cantonne à « délivrer un permis de construire ». Lequel permis fait l’objet de six recours de la part des riverains, actuellement en cours d’instruction au tribunal administratif de Strasbourg (Bas-Rhin).

« Quand on a appris qu’Amazon allait s’implanter à côté de chez nous, tout avait déjà été décidé sans qu’on soit consulté », s’exaspère Nicolas Michel, qui a porté un recours avec sa femme. « L’étude d’impact a été commandée par Metz Métropole et Argan à un cabinet d’étude de leur choix. Elle était déjà bouclée en août, quand on n’était pas encore au courant qu’on verrait Amazon juste sous notre fenêtre. »

Depuis la cour de sa maison, Nicolas Michel pourra apercevoir Amazon, qui devrait s’implanter dans le champ derrière chez lui. Sa femme et lui ont déposé un recours contre le permis de construire.

Si la plateforme logistique sortait de terre un jour, pas moins de 5.600 déplacements de véhicules, tous modes confondus, dont 610 aller-retour de poids lourds, perturberaient la tranquillité de cette localité de moins de 2.000 habitants. Nicolas et sa femme habitent le long d’une départementale « déjà saturée à l’heure de pointe », qui risque d’être l’un des axes névralgiques du plateau de Frescaty. Sa maison devrait, quant à elle, être encerclée par deux voies d’accès menant à l’entrepôt, à moins de 200 mètres l’une de l’autre. « On est en train de détruire un village. Pas loin d’Amazon il y a une école primaire et une maternelle. Comment s’assurer que les camions ne passent pas dans le centre-ville ? »

Avec la police municipale et des caméras de surveillance, répond la mairie. Et pour limiter les nuisances sonores, des merlons – de grosses butes de « terre végétale »— de deux mètres de hauteur et des « arbres à hautes tiges » devraient longer les zones sensibles. Le maire d’Augny promet d’« intégrer le projet à son environnement » via la protection d’espaces boisés, la renaturation d’un cours d’eau, la limitation de la vitesse, l’interdiction pour les camions de circuler dans le village, la création de voies d’accès douces pour les transports en commun, vélos et piétons, ou encore l’arrivée d’un nouveau bus à haut niveau de service sur site propre qui reliera le plateau de Metz-Frescaty au reste de l’agglomération.

Les pelleteuses ont commencé leur travail

Seulement, pour la mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) du Grand Est, toutes ces mesures pour éviter-réduire-compenser la perte-nette de biodiversité « manquent de précision et ne sont pas spécifiquement mises en relation avec un impact précis. Le dossier présente un certain nombre de mesures mais ne détaille pas leur mise en œuvre, n’évalue ni ne justifie leur efficacité ».

Concassage de l’ancienne piste d’atterrissage, aménagement du terrain, raccordement aux réseaux de communications… Les pelleteuses ont commencé leur travail sur l’ex-base aérienne. Un bois censé être préservé a même déjà subi une saignée non loin de l’Agrobiopôle.

« Les élus laissent espérer du boulot à des gens en situation de précarité en échange de la destruction de leur milieu de vie. C’est un pari sans garanti sur l’avenir avec les deniers publics », dénonce Marie-Pierre Comte, habitante d’Augny et membre du collectif Non à Amazon sur le plateau de Frescaty.

Il reste que tout n’est pas bouclé. Au sein de la société Argan, une personne a donné à Reporterre, non officiellement, un point de vue surprenant sur l’arrivée de leur client étasunien en Moselle : c’est un « projet fantôme », « toujours en point d’interrogation », « où il n’y a absolument rien de fait, rien de signé ». Tant que la contestation du permis de construire est en cours d’instruction, l’autorisation préfectorale ne peut être délivrée. Et de rappeler qu’un abandon ne serait pas extraordinaire. À Boigny-sur-Bionne, dans le Loiret, un « pôle d’excellence logistique vert et socialement exemplaire » était annoncé en 2014. Il s’est évaporé face à la détermination des opposants locaux. « Dans ces cas-là, nous dit-on, on ne va pas aller au-devant de problèmes ou de complications, ça ne sert à rien. »

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