Perpignan : 500 personnes ont manifesté leur soutien aux indépendantistes catalans, condamnés en Espagne

Publié sur france3-regions.francetvinfo.fr

Par C.Alazet avec C.Lambrich à Perpignan et AFP à BarcelonePublié le 15/10/2019

500 personnes, élus de tous bords politiques et citoyens, se sont réunies lundi 14 octobre place de la Catalogne à Perpignan pour protester contre les peines de 9 à 13 ans de prison infligées en Espagne aux élus indépendantistes catalans après la tentative de sécession de la Catalogne en 2017.

Des centaines de citoyens sont venus dénoncer le verdict de la cour suprême espagnole.

Parmi eux, des élus de droite et de gauche : la plupart connaissent les politiques catalans emprisonnés. Dans la foule rassemblée place de la Catalogne à Perpignan, l’indignation et l’incompréhension dominent, face aux années de prison ferme infligées aux leaders indépendantistes pour la tentative de sécession de la Catalogne en 2017.

Nombreux sont ceux qui craignent désormais que cette crise catalane ne bascule dans la violence.

Manifestations monstres à Barcelone et Gérone

De l’autre côté de la frontière, à peine connues les peines infligées, des milliers d’indépendantistes catalans en colère sont descendus dans les rues lundi 14 octobre.

Dès l’annonce des peines allant de 9 à 13 ans de prison, des rassemblements spontanés ont eu lieu à Barcelone avant que les militants ne rejoignent, à l’appel d’un mouvement anonyme baptisé « Tsunami démocratique », l’aéroport pour le bloquer.

La police anti-émeutes a chargé à plusieurs reprises des centaines de militants tentant de pénétrer dans le terminal et jetant pierres et poubelles, a constaté l’AFP.

« C’est une honte« , a réagi une manifestante, venue tout spécialement de Mirepoix dans l’Aude à Perpignan pour le rassemblement de soutien aux indépendantistes catalans.

La police a arrêté un manifestant, et 75 personnes ont été blessées, selon les services d’urgence de l’aéroport, qui n’ont pas précisé la gravité de ces blessures.

110 vols ont été annulés, selon le gestionnaire aéroportuaire Aena, tandis que des voyageurs ont été contraints de quitter leurs véhicules sur l’autoroute pour rejoindre le terminal à pied avec leurs valises.

A travers la région, dont le gouvernement est toujours contrôlé par les indépendantistes, des militants ont coupé des routes et des voies de chemin de fer.

Dans la soirée, des milliers de militants se sont rassemblés dans le centre de Barcelone pour une manifestation prévue depuis plusieurs jours, criant « les rues seront toujours à nous ».

Sur twitter, le « Tsunami démocratique », a annoncé de nouvelles actions pour mardi 15 octobre.

Des marches sont prévues à travers la région à partir du mercredi 16 octobre avant une grève générale convoquée pour vendredi 18 octobre.

Dans une région que le séparatisme maintient en ébullition depuis près de dix ans, ces condamnations relancent des tensions qui vont dominer les élections législatives du 10 novembre, les quatrièmes en quatre ans.

Des peines de 9 à 13 ans de prison prononcées contre les élus indépendantistes catalans :

L’ancien vice-président régional catalan Oriol Junqueras s’est vu infliger la plus lourde peine avec 13 ans de prison pour sédition et détournement de fonds publics.

Des peines de neuf à 12 de prison pour sédition, et détournements dans certains cas, ont frappé par ailleurs l’ancienne présidente du parlement catalan Carme Forcadell, condamnée à 11 ans et demi, les dirigeants des puissantes associations indépendantistes ANC et Omnium Cultural, Jordi Sanchez et Jordi Cuixart condamnés à 9 ans et cinq anciens ministres régionaux condamnés à des peines entre 10 ans et demi et 12 ans.

Les juges ont écarté le chef d’accusation plus grave de rébellion invoqué par le parquet qui avait requis jusqu’à 25 ans de prison pour Oriol Junqueras.

Trois autres anciens membres du gouvernement catalan, qui étaient en liberté conditionnelle,
ont eux été condamnés à des amendes de quelque 60.000 euros chacun pour désobéissance.

« Je ressens de la rage, de l’impuissance. Ils sont condamnés pour une idéologie qui est la mienne« , a lancé Joan Guich, un étudiant de 19 ans manifestant à Barcelone.

Ces douze indépendantistes étaient jugés pour avoir organisé le 1er octobre 2017, en dépit de l’interdiction de la justice, un référendum d’autodétermination, émaillé de violences policières, suivi de la proclamation le 27 du même mois d’une vaine déclaration d’indépendance par le parlement catalan.

Cette tentative de sécession avait été la pire crise politique qu’ait connue le pays depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.

« Ce n’est pas la justice, c’est une vengeance« , ont dénoncé, dans un communiqué commun, les neuf indépendantistes condamnés.

« Nous reviendrons encore plus forts (…) et nous gagnerons« , avait réagi plus tôt Oriol Junqueras, principal accusé du procès, en l’absence de l’ex-président catalan Carles Puigdemont qui a fui en 2017 en Belgique pour échapper aux poursuites et à l’encontre duquel la justice espagnole a lancé lundi 14 octobre un nouveau mandat d’arrêt international.

Dans une allocution solennelle, en espagnol et en anglais, Pedro Sanchez, chef socialiste du gouvernement espagnol, a appelé pour sa part à une « nouvelle étape » en Catalogne basée sur le « dialogue », tout en rappelant que « personne n’est au-dessus de la loi« .

Grève générale et manifestation géante à Barcelone contre condamnation des dirigeants indépendantistes par la justice de Madrid

Publié sur rts.ch

Modifié vendredi à 22:38

Grève générale en Catalogne et manifestation géante à Barcelone

Après une quatrième nuit de violence, la ville de Barcelone était largement paralysée vendredi par une grève générale. En fin de journée, une gigantesque marée humaine a déferlé dans les rues de la capitale catalane.

Après plusieurs nuits de violences, des centaines de milliers d’indépendantistes catalans ont manifesté dans les rues de Barcelone vendredi, jour de grève générale dans toute la province, contre la condamnation de leurs dirigeants par la justice espagnole.

Théâtre jeudi de nouveaux heurts entre manifestants et policiers, l’avenue chic du Paseo de Gracia a été noyée vendredi en fin de journée sous une marée humaine jaune, rouge et bleu – couleurs du drapeau indépendantiste.

Avec pour mot d’ordre « Liberté », des colonnes de dizaines de milliers de séparatistes, parties mercredi de cinq villes de la région, ont convergé dans la métropole catalane pour cette manifestation monstre. Selon la police municipale, 525’000 personnes ont participé à cette manifestation dans une ambiance festive.

Sur la fin de la manifestation, des échauffourées ont à nouveau opposé militants radicaux mettant le feu à des poubelles aux policiers près du commissariat central de la ville.

Les effets de la grève générale

Au cinquième jour des protestations contre les lourdes peines de neuf à 13 ans de prison infligées lundi à leurs dirigeants pour la tentative de sécession de 2017, les indépendantistes ont aussi organisé une grève générale dont les effets étaient manifestes dans la ville et dans cette riche région pesant un cinquième du PIB espagnol.

A Barcelone, la célèbre basilique de la Sagrada Familia a dû fermer ses portes tandis que l’opéra du Liceu a annulé sa représentation de vendredi soir. La majeure partie des stands du marché de la Boqueria, très prisé par les touristes, et de nombreux commerces étaient fermés.

Selon les autorités, 57 vols ont été annulés à l’aéroport, tandis que plusieurs routes ont été coupées, dont l’autoroute AP7 conduisant vers la France. Le constructeur automobile Seat a mis à l’arrêt son usine de Martorell près de Barcelone, qui emploie plus de 6500 personnes.

Les troubles en Catalogne ont aussi entraîné le report par la fédération de football du « Clasico » du 26 octobre entre Barça et Real Madrid, une des rencontres les plus visionnées sur la planète. Les clubs devront fixer la nouvelle date de la rencontre.

La tension est très forte en Catalogne depuis la condamnation des neuf dirigeants indépendantistes catalans et les manifestations pacifiques commencent à dégénérer.

Interrogée vendredi dans La Matinale de la RTS, l’ambassadrice d’Espagne en Suisse Aurora Diaz-Rato a tenu à rappeler que « les peines ont été données à neuf personnes qui ont violé la loi, qui sont allées contre les décisions judiciaires de la Cour constitutionnelle mais aussi de la Cour supérieure de Catalogne ». Pour l’invitée de La Matinale, c’est très clair: « Ils ont appelé à l’insurrection tumultueuse et publique pour aller contre cette décision. C’est cela qui a été condamné ».

Bientôt de nouvelles législatives

L’instabilité politique est réelle en Espagne et la problématique de la Catalogne ne peut que ressurgir.

« La question catalane a une incidence énorme dans toute l’organisation politique espagnole », explique Aurora Diaz-Rato, ambassadrice d’Espagne en Suisse. « Parce que le système est organisé dans la Constitution pour que la gouvernabilité doive toujours tenir en compte les deux grands partis nationalistes: le basque et le catalan. Si l’un ne participe pas, le système ne fonctionne pas. Et ceci explique d’une certaine manière l’incapacité jusqu’à aujourd’hui à trouver la clef pour former une majorité dans le Parlement espagnol ».

Les quatrièmes législatives en quatre ans vont avoir lieu en Espagne le 10 novembre prochain.

Reportage radio: Valérie Demon
Interview radio: Xavier Alonso
Adaptation web: Stéphanie Jaquet

Publié vendredi à 10:55 – modifié vendredi à 22:38