L’IMPASSE D’UN GOUVERNEMENT AUTORITAIRE DANS UNE DÉMOCRATIE

Communiqué de la LDH du 25.07.2023

En démocratie, il est exclu de gouverner par la peur. La confiance de la population dans sa police est donc une des clefs pour le « vivre ensemble ». Les révolutionnaires ont inscrit dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 l’interdiction de l’emploi de la force « non nécessaire ». Ils ont aussi exigé une force publique à même de faire respecter la loi, expression de la volonté générale, qui doit être « la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

En prônant le principe de ne pas placer en détention provisoire un policier, mis en examen pour des faits graves de violences aux personnes, le directeur général de la police nationale, le préfet de police et le ministre de l’Intérieur ont opté pour une fuite en avant vers un régime où la séparation des pouvoirs n’existe plus, où les forces de l’ordre ne seraient plus tenues de rendre des comptes et où l’indépendance de la justice n’est plus garantie en raison des pressions exercées sur les magistrats.

En démocratie, la liberté est un principe fondamental et placer un individu mis en examen en détention provisoire doit être dûment justifié, pour toute personne. En exempter par principe un policier qui est soupçonné de meurtre aggravé dans le cas de l’affaire Nahel à Nanterre ou de violences extrêmement graves à Marseille revient à le placer au-dessus de toutes et de tous.

Le président de la République a certes rappelé qu’un policier n’était pas au-dessus des lois, mais il n’a pas pour autant condamné les propos contraires qui ont été tenus.

Un tel silence constitue un mauvais signal d’encouragement donné aux forces de l’ordre pour utiliser, en toute impunité, des méthodes de répression violentes et disproportionnées.

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) a dénoncé l’usage des armes lors de simples contrôles routiers, hors cas de légitime défense, et condamné l’usage des lanceurs de balles de défense en raison des dommages corporels très graves subis par les victimes.

Le gouvernement a choisi de s’en remettre à la police pour imposer sa politique, de préférence à la voie du dialogue démocratique. Il s’est placé lui-même dans une impasse, le contraignant à avaliser les risques d’interventions illégales des policiers et à s’enfoncer toujours plus dans une spirale répressive à un moment où une désescalade est plus que jamais nécessaire.

Afin d’enrayer cette dérive inquiétante, la LDH demande au président de la République de ramener la police au respect des valeurs républicaines, et de réaffirmer que celle-ci doit demeurer sous contrôle de la justice.

Paris, le 25 juillet 2023

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ARABIE SAOUDITE : EMMANUEL MACRON DOIT INTERVENIR POUR EMPÊCHER L’EXÉCUTION DE SEPT JEUNES HOMMES !

Publié le 16.06.2023 par Amnesty International

Vendredi 16 juin, le Président de la République française reçoit le Prince héritier d’Arabie Saoudite à l’Elysée. Amnesty international France demande solennellement à M. Emmanuel Macron d’intervenir auprès de Mohammed Ben Salman pour exiger de l’Arabie Saoudite qu’elle suspende l’exécution des sept jeunes hommes condamnés pour des faits commis alors qu’ils étaient mineurs.

Nous engageons la France à user de toutes son influence auprès des autorités saoudiennes afin qu’elles mettent immédiatement un terme aux exécutions et qu’elles instaurent un moratoire officiel sur les exécutions, comme première étape vers l’abolition de la peine capitale.

Malgré l’engagement des autorités saoudiennes à mettre fin au recours à la peine de mort contre les personnes qui avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, sept jeunes hommes risquent d’être exécutés à tout moment, leur condamnation ayant été confirmée en appel.

Les sept hommes avaient moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés, et l’un d’eux n’avait que 12 ans. Ils n’ont par ailleurs pas pu consulter d’avocat pendant toute la durée de leur détention provisoire. Leurs condamnations à mort ont été confirmées en appel entre mars 2022 et mars 2023. Six de ces hommes ont été condamnés pour des infractions liées au terrorisme et le septième pour vol à main armée et homicide, à l’issue de procès iniques entachés d’« aveux » extorqués sous la torture.

Leur exécution marquerait une inquiétante intensification du recours à la peine capitale, qui est déjà à un niveau record. Le nombre d’exécutions menées dans le pays ayant déjà été multiplié par sept au cours des trois dernières années.

« Les autorités saoudiennes se sont engagées à limiter le recours à la peine de mort et ont adopté des réformes juridiques interdisant le recours à la peine capitale contre les personnes qui étaient âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur sont reprochés. Si les autorités veulent que ces engagements soient pris au sérieux, elles doivent ordonner la suspension immédiate de l’exécution des sept hommes, qui étaient mineurs au moment de leur arrestation », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

L’un des principaux bourreaux du monde

L’Arabie saoudite est l’un des pays exécutant le plus dans le monde. En 2022, le royaume a exécuté 196 personnes, soit le nombre le plus élevé d’exécutions qu’Amnesty International a enregistré dans le pays ces 30 dernières années. Ce chiffre est trois fois supérieur au nombre de personnes exécutées en 2021, et au moins sept fois supérieur aux chiffres de 2020.

Cette année, l’Arabie saoudite a exécuté 54 personnes à ce jour, pour un vaste éventail d’infractions, notamment pour homicide, trafic de stupéfiants et des infractions liées au terrorisme.

« Le gouvernement saoudien doit réfléchir à l’horreur qu’il inflige aux membres des familles de ces hommes, qui sont privés d’informations sur l’exécution de leur fils, de leur frère, de leur mari ou de leur proche. Jouer ainsi avec les émotions de ces familles désemparées qui cherchent désespérément un signe de clémence ou de sursis est intolérable. Leur souffrance est inimaginable.« 

Les familles ne sont souvent pas informées lorsque la Cour suprême et le roi ratifient des condamnations à mort et elles apprennent souvent l’exécution de leurs proches dans les médias.

Des procès d’une iniquité flagrante

Six des sept jeunes hommes ont été déclarés coupables d’infractions liées au terrorisme, notamment pour avoir participé à des manifestations contre le gouvernement ou avoir assisté aux obsèques de personnes tuées par les forces de sécurité.

Ces six jeunes hommes condamnés à mort sont issus de la minorité chiite, dont les membres sont souvent victimes de discrimination et sont régulièrement jugés dans le cadre de procès iniques pour des accusations vagues et diverses liées à leur opposition au gouvernement.

Yousef al Manasif, qui avait entre 15 et 18 ans au moment des faits qui lui sont reprochés, a été condamné à mort par le Tribunal pénal spécial en novembre 2022.

D’après son acte d’accusation et la décision du tribunal, qu’Amnesty International a pu consulter, Yousef al Manasif a été déclaré coupable de plusieurs infractions dont : « atteinte au tissu social et à la cohésion nationale et participation et incitation à des sit-in et des manifestations qui portent atteinte à la cohésion et la sécurité nationales ». Sa famille a déclaré ne pas avoir été autorisée à le voir ou lui rendre visite pendant plus de six mois après son arrestation, période pendant laquelle il était détenu à l’isolement d’après ses proches. En mars 2023, sa condamnation a été confirmée en appel.

Abdullah al-Darazi, un autre des hommes condamnés à mort, avait 17 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Il a été déclaré coupable, entre autres, d’avoir « participé […] à des émeutes à Al Qatif, scandé des slogans contre l’État et semé le chaos » et d’avoir « attaqué des agents de la sécurité avec des cocktails Molotov ». Il a déclaré au tribunal qu’il avait été maintenu en détention provisoire pendant trois ans et qu’il n’avait pas été autorisé à s’entretenir avec un avocat pendant l’enquête et sa détention provisoire.

D’après des documents judiciaires, qu’Amnesty International a pu consulter, il a déclaré au juge : « Je demande un examen médical indépendant pour prouver la torture à laquelle j’ai été soumis… Les dossiers de l’hôpital de l’unité d’enquêtes de Dammam prouvent que je continue d’être soigné en raison des coups que j’ai reçus aux oreilles pendant mon interrogatoire, et je demande encore un rapport médical à ce sujet. »

Le tribunal n’a pas mené d’enquête médicale indépendante et n’a pas enquêté sur ses allégations de torture et la Cour d’appel du Tribunal pénal spécial a confirmé sa condamnation à mort.

« Exécuter des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de l’infraction dont elles ont été déclarées coupables ou bien qui ont été déclarées coupables d’infractions n’impliquant pas d’homicide volontaire ou à l’issue de procès iniques, notamment sur la base d’“aveux” obtenus sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, bafoue le droit international. La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.« 

Heba Morayef

L’ampleur des exécutions bien pire que ce qui a été rapporté

Dans la même lettre envoyée à Amnesty International en mai, la Commission saoudienne des droits humains indiquait que 196 personnes avaient été exécutées en 2022. Ce chiffre est largement supérieur au nombre d’exécutions déclaré par l’Agence de presse saoudienne et enregistré par Amnesty en 2022, qui était de 148 exécutions.

« L’écart entre le nombre d’exécutions rapporté par la Commission saoudienne des droits humains et celui déclaré par l’Agence de presse saoudienne montre que l’ampleur des exécutions est encore pire que ce qu’indique régulièrement l’Agence de presse saoudienne. Si les autorités saoudiennes veulent que les réformes qu’elles ont annoncées soient prises au sérieux, elles doivent, à titre de premier pas, établir un moratoire sur les exécutions et veiller à ce qu’aucune déclaration obtenue sous la torture ne soit admise devant les tribunaux », a déclaré Heba Morayef.

« Les convictions politiques n’ont pas à être contrôlées » : le gendarme des écoutes s’oppose à Darmanin

[observatoiresldh] Rapports annuels d’activité de la CNCTR et de l’IGGN pour 2022 – Publié sur Mediapart –

En 2022, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a émis 629 avis défavorables aux demandes d’écoute des services spéciaux, visant en partie la mouvance écologiste. L’autorité indépendante souligne que « les convictions politiques ou syndicales n’ont pas à être contrôlées ».

Le 15 juin 2023 – publié sur Mediapart –

En 2022, 629 personnes, pour certaines liées à la mouvance écologiste, ont failli être placées sous surveillance des services de renseignement sans motif valable. C’est l’une des révélations du rapport annuel de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), l’autorité indépendante qui veille à la régularité des écoutes administratives et autres surveillances par les services spéciaux.

L’instance de contrôle, qui délivre des avis favorables ou défavorables à cette surveillance aux services du premier ministre, a précisé que leurs préconisations de rejet, en hausse, ont concerné en majorité des demandes présentées au titre de « la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique », l’un des motifs introduits par la loi sur la sécurité intérieure, en 2015, et visant, déjà, des foyers de mobilisation écologistes, à Notre-Dame-des-Landes et à Sivens.

Au siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), à Paris, en 2015. © Photo Martin Bureau / AFP

Alors que des écologistes liés aux mouvements Bassines non merci et Soulèvements de la Terre ont récemment révélé avoir découvert des dispositifs de surveillance sous leurs voitures (traceurs GPS) ou des caméras embusquées à proximité de lieux de réunion, le rapport de l’autorité de contrôle pointe un « risque d’interprétation extensive » du point « 5-C » de l’article L811-3, sur la prévention des violences et, « partant, d’éventuelles dérives ».

Il ne suffit pas par exemple de dire “cette personne était à Sainte-Soline”, mais il faut prouver qu’elle a participé à un groupement violent. Nous n’acceptons pas la simple levée de doute.

Serge Lasvigne, président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement

Selon les informations de La Lettre A, le rejet d’un certain nombre de demandes de surveillance visant la mouvance écologiste a récemment été l’occasion « d’un bras de fer » entre le ministère de l’intérieur et Matignon, qui a systématiquement suivi les avis défavorables de la CNCTR.

« Le CNCTR mène une bataille sur l’interprétation de ce 5-C, confirme un spécialiste de techniques de surveillance à Mediapart. L’enjeu du problème est chez Gérald Darmanin, qui en a une doctrine extensive et qui investit politiquement ces sujets-là. Or des militants n’ont pas à être surveillés à raison de leurs opinions politiques, pour faire de la mauvaise politique. »

Gérald Darmanin n’a pas caché qu’il faisait de la surveillance des mouvements écologistes radicaux l’une de ses priorités, sans hésiter à qualifier les membres d’« écoterroristes ». Après les affrontements survenus à Sainte-Soline, le ministre a annoncé que « plus aucune ZAD ne s’installera dans notre pays » et a engagé une procédure de dissolution des Soulèvements de la Terre, le 28 mars.

Jérôme Hourdeaux et Karl Laske

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