Elisa Loncon, indienne mapuche à la tête de la Constituante chilienne

Cette militante et universitaire de 58 ans a été élue à la présidence de l’Assemblée pour rédiger une nouvelle constitution rompant enfin avec celle issue du coup d’état du dictateur Pinochet en septembre 1973 et son néolibéralisme destructeur. Après le formidable mouvement social de ces dernières années une nouvelle fenêtre s’ouvre au Chili pour refonder une démocratie sur les bases de l’égalité des droits et de la justice sociale.

Une autochtone multi diplômée à la tête de la constituante chilienne

Publié sur france culture le 5 juillet 2021

Elle était pressentie depuis quelques jours, Elisa Loncon, 58 ans, est montée sur l’estrade en tenue traditionnelle : coiffe noire sertie de billes métalliques, veste bleu électrique recouverte d’un tablier noir et de longs colliers d’argent. Covid oblige, un masque… et c’est dans la langue des mapuche, qu’elle a d’abord salué l’assemblée.

Qui est Elisa Loncon ? titre El mostrador, quotidien en ligne plutôt à gauche. C’est une professeur, linguiste et activiste mapuche, l’ethnie majoritaire au Chili.

Pendant la dictature, elle était en primaire, elle vient de Traiguen, une petite ville à 500 kilomètres au sud de Santiago de Chili. 

Sa mère était maraichère, son père fabriquait des meubles, raconte le quotidien EX ANTE.  » A 10 ans, Elisa Loncon devait parcourir 8 kilomêtres pour aller à l’école, parfois à pied« . Suit, son parcours universitaire, impressionnant, et international : en plus de son doctorat d’anglais au Chili, elle a une maitrise dans une université mexicaine, en linguistique, elle est aussi docteur en sciences humaines à l’université de Leiden, en Hollande, et docteur en littérature, encore au Chili.   

S’engager est une tradition familiale, nous apprend El mostrador. Elisa Loncon, est la 4ème d’une fratrie de 7 enfants. Elle est la sœur de Lautaro Loncon, secrétaire indigène du PPD, le parti pour la démocratie, un parti social libéral.   

 » Son arrière-grand-père, surnommé Loncomil, a lutté contre l’occupation militaire chilienne quand dans les années 1861-1863, les terres ancestrales des mapuche ont été mises sous la tutelle de l’Etat chilien « . Sa mère a participé à une expérience d’autogestion dans les années 70. Son père était militant socialiste, il fut candidat à la députation.

Après le coup d’État de 1973, sa famille a été persécutée et son grand-père maternel, Ricardo Antileo, a été emprisonné par la dictature civilo-militaire pour avoir dirigé la lutte pour la récupération des terres à la fin des années 1960 et au début des années 1970.

Aujourd’hui, poursuit, El mostrador, Elisa Loncon  » travaille en tant qu’universitaire au Département de l’éducation de l’Université de Santiago du Chili, elle est aussi la coordinatrice du Réseau pour les droits éducatifs et linguistiques des peuples autochtones du Chili « .

Une vie consacrée à la défense de la langue Mapuche et des droits des peuples autochtones, au Chili, et dans toute l’Amérique latine

Une élection hautement symbolique   

Cette élection à la tête de l’assemblée constituante chilienne, est hautement symbolique.  L’un des débats de la nouvelle constitution chilienne porte sur la reconnaissance des peuples autochtones, car le Chili est avec l’Uruguay l’un des rares pays d’Amérique latine qui ne les reconnait pas. Or reconnaitre le droit des autochtones, et créer un Etat chilien plurinational est l’un des thèmes fondamental de la convention qui commence pour plancher sur une nouvelle constitution.

Il y a dans l’assemblée constituante, 16 autres représentants de ces peuples, mapuche, donc, mais aussi aimaras, quechuas, et diaguitas. Mais Elisa Loncon l’a emporté avec 96 voix, sur les 155 de l’assemblée, au second tour, elle a donc réunit bien au delà de ce cercle.  

Interrogée par Revista Sábado sur ce qui pourrait être une solution aux problèmes des autochtones, Loncon n’a pas réfléchi à deux fois, rapporteLa Cuarta de todos

Pour autant, dans son discours, Elisa Loncon s’est adressée à tous les Chiliens et plus encore les Chiliennes, « qui ont marché contre les systèmes de domination » 

Un peu avant ce discours, la cérémonie d’investiture de l’assemblée constituante a été interrompue pendant plus de trois heures à cause de la mauvaise tournure prise par une manifestation qui se tenait aux abords de l’ancien parlement, ce qui fait les gros titres de La Nacion.  

L’un des premiers sujets que va aborder la constituante qui se réunit ce lundi 5 juillet à 15h, sera justement le sort de 25 personnes qui ont été mises en prison après les grandes manifestations d’octobre 2019 et sont toujours en attente d’un jugement, précise Ex ante, dans un long article sur les clés du premier discours d’Elisa Loncon. Ces manifestations furent le point de départ du processus constitutionnel qui démarre maintenant.    

Rapport du GIEC sur le dérèglement climatique: la vie peut s’en remettre, l’humanité non…

Ce document technique préparatoire au prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) annonce clairement la couleur : le refus des états à limiter le réchauffement à 2° entraînera un emballement climatique aux conséquences cataclysmiques: la vie s’en remettra, pas l’humanité. Pour la LDH les mobilisations sur le climat sont primordiales, pour la justice sociale et climatique…

Publié sur lemonde.fr le 23 juin 2021 avec AFP

Une femme et un garçon passent devant un troupeau de chèvres mortes sur une terre aride près de Dhahar, en Somalie, le 15 décembre 2016. MOHAMED ABDIWAHAB / AFP

Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, alerte un projet de rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont le contenu a été dévoilé, mercredi 23 juin, par l’Agence France-Presse.

Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assurent des centaines de scientifiques rattachés au GIEC, et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le résumé technique de 137 pages. L’humanité ne le peut pas. »

Le projet de rapport rédigé par le GIEC oscille entre un ton apocalyptique et l’espoir offert aux hommes de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques. Le rapport d’évaluation complet (4 000 pages), bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 Etats membres. Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues à la fin de 2021, notent certains scientifiques.

Risque d’« impacts irréversibles » au-delà du seuil de 1,5 °C

Parmi ses conclusions les plus importantes figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible à 1,5 °C. Désormais, le GIEC estime que dépasser le seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner, « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %.

« Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », affirme le GIEC, alors que la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue.

Le climat a déjà changé. Tandis que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1 °C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées. Et les êtres vivants – humains ou non – les moins à blâmer pour ces émissions sont ceux qui en souffriront le plus. Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard : « Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens, dont un demi-milliard de personnes dépendent.

Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, des modes de vie ancestraux, de peuples vivant en lien étroit avec la glace, pourraient aussi disparaître.

Jusqu’à 80 millions de personnes de plus auront faim

Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ». Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques », prévient le GIEC.

Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans. En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. Avec une augmentation limitée à 1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions au-delà de 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.

« Les coûts d’adaptation pour l’Afrique devraient augmenter de dizaines de milliards de dollars par an au-delà de 2 °C », prédit le rapport. Encore faut-il trouver cet argent. Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météorologiques simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendie, inondation, maladies transportées par les moustiques… Et il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le rapport : destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…

« Le monde fait face à des défis entremêlés complexes », commente ainsi Nicholas Stern, spécialiste de l’économie du climat, pas impliqué dans ce rapport. « A moins de les affronter en même temps, nous n’allons en relever aucun », estime-t-il.

Des choix radicaux

Sans oublier les incertitudes autour des « points de bascule », éléments-clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement violent et irrémédiable. Au-delà de 2 °C de réchauffement, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (qui contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres) pourrait par exemple entraîner un point de non-retour, selon de récents travaux. C’est pour cela que « chaque fraction d’un degré compte », insiste le GIEC, alors qu’un autre point de rupture pourrait voir l’Amazonie – un des poumons de la planète avec les océans – transformée en savane.

Face à ces problèmes systémiques, aucun remède miracle unique. En revanche, une seule action peut avoir des effets positifs en cascade. Par exemple, la conservation et la restauration des mangroves et des forêts sous-marines de kelp, qualifiées de puits de « carbone bleu », accroissent le stockage du carbone, mais protègent aussi contre les submersions, tout en fournissant un habitat à de nombreuses espèces et de la nourriture aux populations côtières.

En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre ainsi une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle. « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », plaide le rapport. « Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. »