Le tribunal autorise le spectacle de Dieudonné : merci, Valls !

« Un responsable  politique doit prendre des risques » qu’il disait. Non, Monsieur Valls, dans l’affaire Dieudonné, vous n’avez pris aucun risque ! En prônant l’interdiction des spectacles de la marionnette Dieudonné, vous n’avez pas pris le moindre risque. En revanche, vous en avez fait prendre à la République, à la cause antiraciste ! Il n’était pas besoin d’être grand clerc pour imaginer que le tribunal allait annuler l’arrêté d’interdiction : voilà, c’est fait, non seulement le pantin va gesticuler ce soir en toute impunité devant 5596 personnes ayant payé chacune 43€, mais en plus il sera victorieux !  Dix minutes après l’annonce du jugement, il criait victoire sur Twitter…

Et pourtant, on vous avait prévenu. On vous avait prévenu de l’absurdité de votre démarche ! Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky, président, et tant d’autres, tels que Denis Robert… on vous avait expliqué qu’il fallait attaquer Dieudonné sur ses déclarations, qui constituent autant de délits : toutes les plaintes déposées contre lui ont abouti.

Il aurait été beaucoup plus opportun, beaucoup plus intelligent, de porter plainte contre le pantin. Et il serait beaucoup plus opportun et beaucoup plus intelligent de tout mettre en œuvre pour déjouer l’organisation de son insolvabilité qui lui a jusqu’ici permis de ne pas avoir payé un centime des dizaines de milliers d’euros qu’il doit au trésor public à la suite des différentes condamnations dont il a fait l’objet !

D’autres jugements sont attendus : Troyes, Bordeaux… D’autres victoires pour le racisme ?

Le jugement peut être téléchargé ici (il est daté du… 9 janvier 2013 !).

 

Henri Leclerc sur France Inter : « on réprime, on ne censure pas à l’avance »

Henri Leclerc était l’invité du journal de 13h sur France Inter, ce mercredi 8 janvier. Il a naturellement été interrogé sur l’affaire Dieudonné, qui petit à petit, devient l’affaire Valls : la volonté du ministre de l’intérieur de faire interdire les spectacles de l’humoriste par les maires ou les préfets continue de susciter des commentaires très divers. Et de plus en plus de voix s’élèvent pour estimer que le ministre n’a décidément pas choisi la bonne méthode. Pour Henri Leclerc, il y a un principe intangible : la liberté d’expression. Elle est inscrite dans l’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789 : Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. Et Henri Leclerc souligne l’importance de la dernière partie de la phrase, « sauf à répondre… » Ce qui signifie en clair : liberté d’expression avant tout, et après, le cas échéant, on poursuit, on porte plainte, et la justice tranche. « on ne peut pas censurer à l’avance », « on réprime, on ne censure pas à l’avance », martèle le président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, qui est par ailleurs avocat.

Et la justice aurait certainement été beaucoup plus utile si on lui avait demandé de juger les propos de l’humoriste : elle l’a déjà fait à de nombreuses reprises, elle l’aurait refait. Alors que les interdictions prononcées aussi bien par les préfets que par les maires, attaquées dès aujourd’hui par Dieudonné, risquent fort d’être annulées par les juges : le coupable va devenir victime, et il faudra en prime l’indemniser. Sur ce point, Henri Leclerc n’a pas voulu se prononcer (à 13’35) : on le saura dès jeudi, avec la décision du tribunal administatif de Nantes. N’empêche que le ministre de l’intérieur a pris un grand risque…

Le sujet sur l’affaire est accessible à cette adresse : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=812190

Il démarre à 7’34 du début, et l’interview d’Henri Leclerc à 11’04’’.

 

Dieudonné : les militants pro-palestine de la campagne « boycott – désinvestissement – sanctions » réagissent

Si on avait encore des doutes sur la généalogie de la "quenelle"...

Correction: un lecteur me signale une coquille qui me fait dire l’inverse de ce que je voulais dire : j’ai écrit « Et il ne faudrait pas croire que si Dieudonné cible avant tout Israël, cela n’en fait pas un ami des palestiniens », il fallait naturellement lire « Et il ne faudrait pas croire que si Dieudonné cible avant tout Israël, cela en fait un ami des palestiniens ». Merci, E. D. !

Ajout, à 16h55 : lire aussi l’article de Denis Robert sur sa page Facebook !

Parmi les conséquences de l’affaire Dieudonné, il en est une dont on n’entend pas beaucoup parlé : celle qui concerne le problème palestinien. A tout focaliser sur l’antisémitisme, et il est naturellement légitime et indispensable de le dénoncer, on a fini par presqu’oublier le problème palestinien, qui est pourtant lui aussi essentiel. Et il ne faudrait pas croire que si Dieudonné cible avant tout Israël, cela en fait un ami des palestiniens, ce qui constitue d’ailleurs une des preuves les plus éclatantes qu’il ne combat pas l’Etat israëlien, mais bien les juifs : ce n’est pas de l’antisionisme, c’est uniquement et exclusivement de l’antisémitisme.

Une vidéo circule en ce moment sur Internet : celle d’une interview de Dieudonné par une chaîne de télévision iranienne. On le voit, interrogé par un jeune journaliste iranien très propre sur lui, délirer sur la religion juive et le danger qu’elle représente pour les religions musulmane et chrétienne, pour la civilisation…

Cet aspect du problème est important. Si en effet, quelques extrémistes israéliens taxent volontiers d’antisémitisme tous ceux qui ont le culot de porter un jugement négatif sur la politique israélienne envers la Palestine, en ce moment on ne les entend pas beaucoup : les élucubrations du clown leur seraient-elles utiles, d’une certaine façon ? On peut le penser : elles permettent d’attirer la sympathie vers eux, et en même temps de discréditer la cause palestienne.

C’est pourquoi le communiqué qu’a publié hier lundi 6 janvier la campagne BDS (boycott, désinvestissements sanctions), qui milite contre le blocus imposé par Israël à la Palestine en préconisant des sanctions économiques contre l’Etat Hébreu. Les militants de ce mouvement sont régulièrement accusés d’antisémitisme, alors que leur combat ne concerne que le problème de la Palestine. Ce communiqué permet de recadrer les choses, et de revenir à l’essentiel : Dieudonné n’est pas l’ami de la Palestine, il est simplement raciste et antisémite.

Communiqué de la Campagne BDS France sur Dieudonné et Valls

Depuis une semaine, de nombreux articles de presse et diverses interventions se multiplient pour commenter l’idéologie de Dieudonné et la décision de Valls d’étudier les possibilités d’interdire ses spectacles.

La Campagne BDS France (Boycott Désinvestissements Sanctions contre le régime d’apartheid israélien), tient à faire la déclaration suivante :

1. Depuis sa naissance, le mouvement BDS condamne toute forme de racisme et notamment l’idéologie et les agissements de la « dieudosphère » (Dieudonné, Soral et leurs divers amis), qui se compose de gens ouvertement racistes, antisémites, pour qui le monde est dominé par un « complot juif » qui serait coupable de tous les maux dont sont victimes les peuples, et en particulier le peuple de France.
Ces gens font partie de l’extrême droite, notamment l’extrême droite lepéniste. Contrairement à ce qu’ils prétendent, ils n’ont jamais agi en faveur de la cause du peuple palestinien, ne faisant qu’instrumentaliser celle-ci pour servir leurs délires complotistes. Leurs positions sont incompatibles avec les valeurs de la campagne BDS.

2. Nous condamnons également l’offensive actuelle de Valls, qui vise à amalgamer dans l’opinion publique, avec la bénédiction du CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives de France) les antisémites et les militants antiracistes et antisionistes qui s’opposent fermement à la politique coloniale et d’apartheid de l’État d’Israël.

3. La Campagne BDS est un mouvement antiraciste, éthique et citoyen, qui milite pour le respect du droit international et des droits humains. Lancée en 2005 à l’appel de la société civile Palestinienne, elle regroupe de nombreux citoyens et organisations civiles de pays du monde entier, parmi lesquels des citoyens palestiniens comme israéliens. Elle combat fermement l’actuelle politique raciste israélienne au nom de valeurs universelles, exemptes de tout racisme envers qui que ce soit en raison de ses origines.

4. Nous ne sommes pas dupes du contexte de l’opération politique anti-Dieudonné du gouvernement français, qui vise à ancrer un climat politique marqué à la fois par un racisme islamophobe, anti-roms, anti-immigrés, et par une complicité avouée avec la politique israélienne.

5. Face à cette situation, nous poursuivrons sans relâche notre campagne unitaire, qui a au cours de la dernière période remporté d’importants succès internationaux (dont témoigne notre site www.bdsfrance.org) et nous exigeons le retrait de la circulaire Alliot-Marie, qui encourage les parquets à poursuivre les militants qui participent à la campagne BDS.

La Campagne BDS France – www.bdsfrance.org – campagnebdsfrance@yahoo.fr

 

Contre l’antisémitisme, les principes républicains doivent triompher

Si on avait encore des doutes sur la généalogie de la "quenelle"...

La Ligue des droits de l’Homme vient de publier un communiqué au sujet de l’antisémitisme de Dieudonné. Elle confirme le point de vue exprimé ici hier : pas besoin de loi, mais poursuivons le chaque fois qu’il commet un délit, et que les peines prononcées soient « effectives et décourageantes » !

Quand une démocratie est attaquée dans ses fondements, elle se montre forte quand elle applique ses principes. Elle est faible si, face aux extrémismes, elle les abdique.

Dieudonné a réussi ce tour de force : le Front national défend la liberté d’expression, alors que le ministre de l’Intérieur a déclaré vouloir interdire a priori son spectacle et lui sera en tournée dans de très nombreuses salles, notamment les Zéniths qui sont sous contrat avec l’Etat.

Or, en France, depuis le début du XXe siècle, la loi, et c’est heureux, ne permet plus l’interdiction a priori des spectacles. Dieudonné et ses zélateurs s’indignent donc de ce que l’Etat s’apprête à violer une liberté fondamentale, la liberté d’expression.

Tour de force, donc, que de se faire passer pour une victime quand on est celui qui a fait son fonds de commerce de l’agression systématique d’un groupe de personnes à raison de leur origine ethnique, de leur religion, et des horreurs qu’elles ont subies.

Dieudonné a pourtant tort de se revendiquer de la liberté de création pour justifier, dans ses spectacles, ses insultes antisémites, son apologie du révisionnisme, ce pour quoi la LDH s’honore de l’avoir fait condamner. Reste qu’il a toujours transformé ses procès en tribunes, organisant son insolvabilité de façon à échapper aux condamnations financières, qu’elles soient des amendes pour l’Etat ou des dommages et intérêts pour les associations qui, comme la LDH, l’ont poursuivi avec un succès qui reste théorique.

Le ministre de l’Intérieur, en cherchant à obtenir des préfets qu’ils interdisent ses spectacles, prend un risque d’une autre dimension, celui de fédérer autour de Dieudonné une sympathie réactionnelle de ceux qui se considèrent, pour des raisons qui peuvent par ailleurs parfaitement se comprendre, opprimés, socialement ou politiquement. Et auprès de ce public, le jeu ambigu, voire pervers, entre humour et haine, agression et victimisation, politique et show-business, peut marquer les esprits dans un sens particulièrement dangereux.

Dieudonné, dont les sympathies avec les thèses les plus extrêmes de la droite antisémite ne sont plus un mystère pour personne, met donc en défaut la démocratie, lorsqu’elle répond à la haine par une menace de restriction de la liberté d’expression.

La LDH rappelle donc que la règle qui doit prévaloir est la liberté, et que tout abus de celle-ci doit être condamné de façon ferme et efficace. La LDH et ses militants seront très vigilants et attentifs à ce que les propos de Dieudonné qui méritent une sanction pénale soient poursuivis, comme elle l’a fait par le passé, et elle engage vivement les pouvoirs publics à poursuivre les atteintes à la loi une fois qu’elles sont commises, plutôt qu’à se lancer dans des interdictions préalables au fondement juridique précaire et au résultat politique incertain, voire contreproductif.

Il est scandaleux que les associations parties civiles dans les procès qui ont été fait contre cet individu n’aient aucun moyen de le forcer à exécuter les condamnations, que les magistrats n’aient pas à ce sujet de plus amples pouvoir d’investigation, et prononcent donc des peines dont ils savent par avance qu’elle ne seront pas exécutées.

Puisque Dieudonné a fait son fonds de commerce de la haine, il faut qu’il soit condamné à chaque fois qu’il l’exprime, et que les peines prononcées soient effectives et décourageantes.

 

Dieudonné: interdire ou pas ?

Si on avait encore des doutes sur la généalogie de la "quenelle"...

Le cas Dieudonné occupe les médias depuis plusieurs semaines, et les déclarations du ministre de l’intérieur y ont évidemment beaucoup contribué.

Valls a, dans un premier temps, indiqué qu’il souhaitait une loi qui permettrait d’interdire des spectacles tels que ceux de Dieudonné, dont on sait par avance qu’y seront tenus des propos antisémites, constituant autant de délits. Sauf qu’en droit français, on ne peut pas jugé a priori : pour condamné un délit il faut qu’il ait été commis.

Lors d’un débat sur France Inter le 30 décembre, un auditeur s’interrogeait : Dieudonné est un récidiviste, pourquoi ne pas lui appliquer les peines plancher inventées par Sarkozy ? Ou procéder comme en matière de sécurité routière : on retire le permis après une infraction, mais bien pour en empêcher d’autres…

Le ministre a fait ensuite machine arrière, indiquant qu’une circulaire serait adressée aux préfets. Comme le dit très justement l’avocat blogueur Maître Eolas dans le long article qu’il consacre à cette affaire : « (cette circulaire) rappellera aux préfets ce qu’ils savent déjà et leur dira de faire ce qu’ils font déjà. À savoir qu’ils peuvent interdire un spectacle dudit comique s’il y a un risque avéré de trouble à l’ordre public, à condition que le maire de la commune où aura lieu le spectacle ait été mis en demeure de le faire lui-même et n’en ait rien fait (c’est le pouvoir de substitution du préfet, article L.2215-1 du Code général des Collectivités territoriales, CGCT) et les invitera à envisager cette éventualité avec un œil un peu plus sévère que d’habitude ».

A-t-il adressé ou pas une circulaire aux préfets, cela importe finalement peu…

Dernière « décision » en date du ministre : contraindre « l’humoriste » à payer les dizaines de milliers d’euros d’amende auxquels il a été condamné, toujours pour les mêmes raisons (incitation à la haine raciale, antisémitisme…). Ce serait effectivement une bonne idée, de frapper cet individu là où ça lui ferait mal : le porte-feuille, auquel il semble, avec sa compagne, accorder une grande importance, notamment en « protégeant » certains mots, comme la quenelle. Ce qui lui vaut d’ailleurs quelques accrochages avec son pote Soral.

Sauf qu’il semblerait que Dieudonné ait « organisé son insolvabilité ». Sans doute par des sociétés écrans, des prêtes noms et autres astuces qu’il ne devrait cependant pas être très difficiles à déjouer, d’autant plus que ceci constitue aussi un délit et donc faire l’objet d’une enquête policière.

Mais, même si on peut interdire ces spectacles, faut-il le faire ? C’est finalement ça la seule question qui vaille.

Et là, la plupart des juristes sont d’accord, la réponse est non, l’argument essentiel étant « ne fabriquons pas un martyre ». Là encore, l’article de Maître Eolas nous apporte un éclairage à la fois juridique et politique passionnant.

En revanche, et ceci a été vérifié après les insultes dont a été victime Christiane Taubira : il faut évidemment ne rien laisser passer, poursuivre systématiquement le délinquant, dénoncer systématiquement ses délits. Les attaques contre la ministre de la justice n’ont cessé que lorsque les réactions en sa faveur ont été suffisamment fortes. Laisser dire sans réagir est la pire réaction possible : ces gens-là en rajouteront dans l’ignoble si on ne les dénonce pas.

 

P. Tartakowsky évoque la mémoire de Victor et Ilona Basch

« Le Patriote résistant » est la publication mensuelle de la Fédération nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes ». Dans son édition de janvier 2014, il publie une interview de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, à propos de l’hommage qui sera rendu à Rennes (et dans d’autres villes françaises) à Victor et Ilona Basch, vendredi 10 janvier, au lyvée V. et H. Basch de Rennes. L’occasion pour le président de la LDH de rappeler brièvement la vie de Victor Basch et de son épouse, et en quoi elles méritent non seulement l’hommage qui va leur être rendu, mais aussi la proposition faite par la LDH que leurs corps soient transférés au Panthéon. Voir ici le programme de cette journée. Un programme particulièrement riche et passionnant.

Président de la Ligue des droits de l’Homme depuis 1926, résistant en zone sud, Victor Basch est  exécuté avec sa femme le 10 janvier 1944 près de Lyon par des miliciens et des gestapistes. La Ligue des droits de l’Homme lui rendra hommage le 10 janvier à Rennes notamment, ou commença son action politique. Nous avons évoqué cette grande figure et l’universalité de ses combats avec le président de la Ligue des droits de l’Homme, Pierre Tartakowsky.

Comment l’hommage rendu à Victor Basch, 70 ans après son assassinat, s’inscrit-il dans l’histoire et l’actualité de la Ligue des droits de l’Homme ?

La Ligue a un rapport singulier à l’histoire et à la commémoration. C’est une vieille dame qui est attentive à cultiver son histoire. Comme tout un chacun elle a trébuché parfois et n`a pas toujours été exemplaire au cours de ses 120 années d’existence. Cela s’est vérifié avec les fusillés de la Première Guerre mondiale, également par rapport à la question coloniale, objet de débats importants qui ont finalement tranché en faveur de l’anticolonialisme. D’autre part, dans l’histoire de la Ligue on trouve évidemment la Résistance, parce qu`elle est un combat national et social et surtout la continuation de l’engagement du la Ligue dans le Front Populaire contre l`idéologie du nazisme et d`un régime français autoritaire et xénophobe, à la botte des nazis. On trouve aussi le programme du Conseil national de la Résistance qui est issu d’un compromis national et social au sens de démocratisation forte du champ économique et de l’intervention de l’État. Victor Basch dans cette histoire est multi-exemplaire. Il est l’image de ce que la droite autoritaire, xénophobe antirépublicaine française vomit. C’est un juif venu de l’est – il est Hongrois -, donc un pouilleux dans la représentation qu’on se fait des juifs de l’est à l’époque, qui « viennent nous envahir ». De surcroit ce juif se mêle de ce qui ne le regarde pas puisqu’il fait de la politique, et il en fait à gauche. Il est le co-fondateur avec Lucien Herr et Ludovic Trarieux, de la Ligue pour la défense des droits de l’Homme et du citoyen en 1898, dont il va prendre la présidence en 1926. La Ligue et son président joueront un rôle très important dans la naissance du Front populaire. Et c’est au siège de la Ligue qu’est signé le programme d’action du Front Populaire.

Rien d’étonnant, dans le contexte des années trente et quarante, à ce que ce personnage dérange et devienne une cible pour l’extrême droite…

Oui, Basch est un juif qui agace : études brillantes, philologue, philosophe, professeur d’université, il est a ussi germanophone, donc potentiellement un espion. Voilà, il incarne à lui tout seul toutes les caractéristiques honnies du juif malin, étranger, infiltré, républicain, et franc-maçon qui plus est. La seule chose qu’on ne puisse pas lui reprocher est d’être communiste ! En 1940 il est victime d’une violente campagne antisémite jusque sous ses fenêtres, son appartement parisien est pillé. Il se réfugie près de Lyon avec sa femme Ilona (Hélène) qui partage tous ses combat. Début 1944, la milice de Lyon les arrête – sa femme a refusé de le laisser. Au motif du grand âge de Basch – il a 81 ans, et son épouse 79 je crois -, qui rendrait leur détention difficile, les miliciens décident de les exécuter. Ils sont abattus de plusieurs coups de feu le 10 janvier à Neyron dans l’Ain. On est dans l’ignoble à l’état pur.

Si des rues ou des établissements scolaires portent son nom, on ne peut pas dire que le souvenir de Victor Basch soit ancré dans la mémoire collective?

C‘est pourquoi les commémorations prévues le 10 janvier prochain  ne seront pas du luxe.  Mise à part la génération de la Résistance, les adhérents de la Ligue voire les francs-maçons, je ne suis pas certain que Victor Basch soit très présent dans les mémoires. Il faudra rappeler que sa carriere à la fois universitaire et militante a été tournée vers la compréhension de l’autre et de l’humanité. Basch met sa science universitaire au service d`engagements civiques, moraux et politiques, à travers ses responsabilités et dans la vie quotidienne. Pour nous il est important de montrer qu’à toutes époques de tels engagements ne sont pas consensuels mais qu`ils affrontent des forces réelles, concrètes, capables dc faire preuve d`une formidable agressivité, et d’aller jusqu’au meurtre.

Les commémorations ont d`abord une fonction mémorielle, elles entretiennent le souvenir. Mais dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, elles servent aussi à parler de l`actualité. En tout cas in rappeler que les problèmes que nous affrontons, tels les atteintes aux droits de l’homme, le racisme, la xénophobie, se sont déjà présentés à nous. Il ne s`agit pas de tracer un parallèle: avec les années quarante, notre pays n’est pas occupé et nous ne sommes pas dans une situation fasciste ou préfasciste. Mais nous pouvons dire qu’il y a une relative similitude avec les années trente, du fait de la crise sociale et économique. Nous constatons que la situation du débat public en France se dégrade de manière considérable sans que des réponses soient toujours apportées. Le gouvernement n’est pas porteur d`un ensemble de valeurs suffisamment cohérentes pour faire barrage aux tentations de racisme, d`antisémitisme et de xénophobie. Je pense à son temps de réaction après les insultes racistes proférées contre M » » Taubira. Ou au fait que la fréquente libération de la parole d’élus républicains, notamment sur les Roms, ne soit pas sanctionnée par la justice. Il y a une sorte de laisser faire qui s’est installé au fil des ans, Il me semble aussi que l’antijudaïsme s’accroit corrélativement à une remontée du fondamentalisme chrétien lequel a pris des forces dans notre société, A preuve il a réussi à mettre beaucoup de personnes dans la rue contre le mariage pour tous. Les forces porteuses d`antijudaïsme ont rencontré d’autres courants plus contemporains, tels le racisme anti-noirs et anti-maghrébins toujours florissants. Là où il y a un racisme, il y en a toujours d`autres.

La journée d’hommage Victor Basch de Rennes le 10 janvier est placée sous le signe  de l’engagement militant hier el aujourd’hui… Pouvez-vous précariser ?

C’est à Rennes où il enseignait que débuta l’action politique de Victor Basch, qui fut l’un des premiers défenseurs de Dreyfus lors de son procès dans cette ville en 1899. Nous y rappellerons son parcours militant acharné pour la défense du droit et de la justice, sa vie engagée et courageuse jusqu’au bout — un courage également physique puisqu’il s’est fait prendre dans une rixe contre des Camelots du roi à près de 70 ans ! Notre démarche consiste toujours à analyser les situations historiques pour ce qu’elles sont sans les projeter de manière indue sur le présent et à rappeler qu’il y a des valeurs qui traversent l’histoire. Nous réfléchirons à Rennes sur la force de l’engagement citoyen, sur la nécessité d’avoir des convictions et du courage pour les défendre. Qu’est ce qui fait qu`on est un citoyen ? Quels risques prend on à se réclamer de ce statut de citoyen?

La Ligue a proposé que Victor Basch entre au Panthéon. Il est vrai que les arguments en sa faveur ne manquent pas.

Nous avons proposé Victor Basch pour toutes les raisons que j’ai dites mais la Ligue appuie également l’entrée simultanée de plusieurs femmes au Panthéon, qui marquerait une volonté de notre pays de rompre avec le sexisme laïque et républicain qui a trop longtemps marqué son histoire. Dans la maison des «  grands hommes », on compte vraiment peu de femmes. Pour en revenir à Victor Basch, sa candidature est tout à fait légitime parce qu’il est l`une des personnalités qui font rayonner la réalité de la nation française. Dans l’esprit des républicains de l’époque, la nation française n’est pas un territoire ni un héritage, c’est un concept politique. La nation, c’est la liberté, l’égalité. la fraternité, et il n’y a pas de distinction très claire entre la nation, la République et les valeurs sous-jacentes qui sont des valeurs très humanistes, très généreuses et ouvertes. Basch incarne cet étranger qui se réalise en France et devient une figure cosmopolite. pas dans le sens nazi ni stalinien, mais dans le sens de personnage du monde. Voilà pourquoi nous pensons que le rôle de Victor Basch mérite lui aussi d’être honoré par la République et que celui-ci pourrait, avec sa femme llona, assassinée comme lui par des miliciens et des nazis, être inhumé dans le haut lieu de la République que constitue le Panthéon.

Propos recueillis par Irène Michine.

L’assassinat de Victor et Ilona Basch

Le couple Basch a fui en zone sud en 1940 et s’installe dans la banlieue lyonnaise, à Caluire-sur-Cuire. Victor Basch va participer à la rédaction du journal clandestin « Le Patriote » et fera partie du comité directeur du Front national. Il est recherché par la police de Vichy et en janvier 1944 la milice de Lyon, dirigée par Paul Touvier, le repère et l’arrête. À l’assassinat des époux Basch à Neyron (Ain), participent Lécussan, chef régional de la milice, et Moritz, de la Gestapo. Sur le corps de Victor Basch, sera retrouvé un écriteau sur lequel est inscrit : « terreur contre terreur. Le juif paye toujours. Ce juif paye de sa vie l’assassinat d’un National. À bas De Gaulle – Giraud. Vive la France. Comité national anti-terroriste, région lyonnaise ».

 

 

Vendredi 10 janvier 2014, journée d’hommage à Ilona et Victor Basch à Rennes (35)

(Communiqué du groupe de travail « Mémoire, histoire, archives » de la Ligue des droits de l’Homme)

Ancien président de la Ligue des droits de l’Homme, Victor Basch est assassiné avec son épouse Ilona, le 10 janvier 1944 près de Lyon par la milice française et la Gestapo. Des commémorations sont d’ores et déjà programmées à Rennes (35), à Villeurbanne (69) et à Montrouge (92) en l’honneur de cet homme d’action, fervent dreyfusard, militant acharné de la défense du droit et de la justice.

La Ligue des droits de l’Homme et du citoyen, tout en appuyant récemment l’entrée simultanée de plusieurs femmes au Panthéon, estimait également « que le rôle de Victor Basch mérite lui aussi d’être honoré par la République et que celui-ci pourrait, avec sa femme Ilona, être inhumé dans le haut lieu de la République que constitue le Panthéon ».

C’est à Rennes, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, que débute l’engagement politique de Victor Basch. Ce combat l’amène à faire partie dès juin 1898 des premiers adhérents de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen dont il assurera la présidence de 1926 jusqu’à sa mort, et à jouer un rôle essentiel dans la fondation de la section de Rennes, une des premières à voir le jour. En sa mémoire, la section de la Ligue des droits de l’Homme de Rennes organisera le vendredi 10 janvier 2014 une journée d’hommage sur le thème « Militer hier et aujourd’hui » avec la participation d’historiens et de responsables associatifs et politiques.

L’engagement militant de Victor Basch l’amène à être également un acteur important du Front populaire. C’est ainsi qu’il préside à Montrouge, le 14 juillet 1935, au vélodrome Buffalo, les

« Assises de la paix et de la liberté », évènement fondateur du Front populaire et de ses avancées sociales. La section de la Ligue des droits de l’Homme de Montrouge dévoilera une plaque rappelant cet événement, le mercredi 16 avril 2014, rue Victor Basch à Montrouge.

Réfugié pendant la guerre, avec son épouse Ilona, à Caluire-et-Cuire (69), Victor Basch devient membre du comité directeur du mouvement de résistance Front national pour la zone sud. Arrêtés tous les deux le 10 janvier 1944 par la milice française et la Gestapo, ils sont assassinés à Neyron (01) et sont inhumés à la Nécropole nationale de la Doua, à Villeurbanne (69). La Fédération de la Ligue des droits de l’Homme du Rhône invitera à se recueillir sur leur tombe le vendredi 10 janvier 2014 et proposera une projection-débat autour du film documentaire « Victor Basch, dreyfusard de combat ».

 

Le 10 janvier 2014, cela fera 70 ans que Victor Basch fut tué, avec son épouse Ilona, pour ses engagements et du fait de ses origines. Les assassins déposèrent sur leurs corps l’inscription

« Terreur contre terreur : le juif paye toujours ». Alors qu’en France les propos racistes se multiplient, les diverses commémorations qui se dérouleront autour de l’action militante et de l’assassinat de Victor Basch appuieront la volonté de la Ligue des droits de l’Homme de dénoncer sans relâche et sans complaisance les incitations actuelles à la haine et de refuser que la brutalité verbale toujours annonciatrice de passages à l’acte dramatiques envahisse l’espace démocratique.

Vendredi 10 janvier 2014 à Rennes (35),  journée d’hommage à Victor et Ilona Basch

Le vendredi 10 janvier 2014, cela fera exactement 70 ans que Victor Basch et son épouse Ilona furent assassinés par un commando de la Milice de Vichy, flanqué de Gestapistes. À cette occasion, la section de Rennes de la Ligue des droits de l’Homme organise une journée d’hommage qui aura lieu au lycée Victor et Hélène Basch à Rennes. Placée sous le signe de l’engagement citoyen et du militantisme hier et aujourd’hui, cette journée de conférences et de débats se déroulera en deux temps.

La matinée sera consacrée au parcours militant de Victor Basch, depuis son engagement à Rennes pour la défense du capitaine Dreyfus, (André Hélard : « à Rennes au temps de l’affaire Dreyfus »), jusqu’à ses années à la tête de la Ligue des droits de l’Homme (Emmanuel Naquet : « Ligueur, rien que ligueur, depuis toujours et pour toujours : Victor Basch, président de la Ligue des Droits de l’Homme, 1926‐1944 »), et à sa fin tragique (Pascal Ory : « L’assassinat »), sans oublier le rôle d’Ilona, à ses côtés tout au long de ces années d’engagement (Colette Cosnier : « Ilona Fürth, Madame Victor Basch »).

L’après‐midi, après le dévoilement d’une plaque commémorative dans l’enceinte du lycée, le film de Vincent Löwy « Victor Basch, dreyfusard de combat » sera projeté en présence de son réalisateur. Puis le sénateur Edmond Hervé évoquera ce que représenta la figure de Victor Basch pour le maire de Rennes qu’il fut de 1977 à 2008 (« Victor Basch ‐ un engagement citoyen »).

Après le parcours du militant Victor Basch, c’est de l’engagement et du militantisme au temps présent dont il sera ensuite question au cours d’une la table ronde animée par Gilles Manceron : « Victor Basch, modèle pour un engagement d’aujourd’hui ? » avec la participation d’Edmond Hervé, Pierre Tartakowsky, Pascal Ory, Emmanuel Naquet et Vincent Lowy.

Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, conclura cette journée « Militer hier et aujourd’hui » pour rappeler la nécessité de continuer à assurer la défense des droits pour tous et partout. En effet, de Victor Basch, « en proie à une justicite aiguë », qui ne peut « supporter que, quelque part dans le monde, il y eût des hommes, à quelque nation, à quelque race, à quelque religion qu’ils appartinssent, qui étaient victimes d’actes illégaux et arbitraires », qui prit courageusement la défense du capitaine Dreyfus dès le début de 1898, et dut essuyer une violente campagne antisémite jusque sous ses fenêtres, à Léon Blum, victime d’une attaque violente des « Camelots du roi », qui suscitera une manifestation de protestation au premier rang de laquelle figurera Victor Basch, aux attaques racistes dont sont victimes aujourd’hui Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ou Madame Cecile Kyenge, ministre de l’Intégration du gouvernement italien, les leçons du passé doivent nous inciter à ne pas relâcher notre vigilance citoyenne.

Injures publiques envers les Rroms : 5.000€ d’amende pour Le Pen

« Ils volent naturellement, comme les oiseaux ». Les juges n’ont pas été sensibles à l’humour de Le Pen, et l’ont condamné, pour cette phrase prononcée le 22 septembre 2012 à « l’université » (?!) d’été du front national à La Baule, à 5.000€ d’amende. « Le tribunal correctionnel de Paris l’a déclaré coupable d’injure publique envers un groupe de personnes en raison de son appartenance à une ethnie » indique le journal Libération.

L’excuse de l’humour est un classique chez les racistes : « vous n’avez pas compris ce que j’ai dit », « vous le sortez du contexte »… « c’était de l’humour »… ce à quoi le tribunal a répondu : «La droit à l’humour comporte (…) des limites et doit cesser là où commencent les atteintes au respect de la dignité de la personne humaine et les attaques personnelles» (toujours dans Libération).

Et ces mêmes personnes font également appel à la « liberté d’expression », antidote selon eux à la « bien-pensance » des « droits-de-l’hommistes ». Sauf que, rappelons-le, le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit, réprimé par le code pénal.

Rappelons également que la provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence » est elle aussi prévue par le code pénal, dans l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, dont voici le texte :

« Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (…) ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement  (…) ».

La Ligue des droits de l’Homme porte plainte contre le maire de Loudéac pour ses propos à l’encontre des Gens du voyage

Le bureau national de la Ligue des droits de l’Homme a saisi le procureur de la République de Saint-Brieuc d’une plainte contre M. Huet, maire de Loudéac, suite aux propos qu’il a tenus lors de la séance du conseil municipal du 14 novembre 2013 au sujet des Gens du voyage.

Ces propos ne sont pas dignes d’un élu de la République. Ils jettent le discrédit sur la communauté des Gens du voyage, sont discriminants et diffamatoires, et peuvent susciter des réactions d’hostilité à leur égard.

Les propos incriminés peuvent être écoutés sur la vidéo filmée par la mairie et mise en ligne sur son site à l’adresse http://www.ville-loudeac.fr/index.php/conseil-municipal-du-14-novembre-2013.html, séquence 5, à 6’50 du début, puis séquence 6.

La Ligue des droits de l’Homme rappelle qu’elle défend les droits de tous.

Lire aussi ici.

Condamnation confirmée en appel pour Boris Le Lay

Ça n’était pas une bonne idée de faire appel : Boris Le Lay, responsable du site raciste, antisémite et fasciste breizatao, va pouvoir faire à nouveau la manche (comme il l’avait cet été pour payer son avocat), puisque sa condamnation par le tribunal de Quimper a été confirmée cet après-midi 17 décembre par la cour d’appel de Rennes. 18 mois de prison avec sursis pour diffamation et incitation à la discrimination raciale, ainsi que 500€ de dommages et intérêts à chacune des parties civiles. Il n’en a pas fini avec la justice puisque deux autres affaires du même type doivent être jugées en appel.

Absent de l’audience, le courageux Le Lay a, au même moment, lancé un appel lui aussi particulièrement courageux : n’osant pas le faire lui-même, Le Lay, via breizatao, promet une prime de 500€ à qui recouvrira de peinture la fresque érigée à Brest en l’honneur de Nelson Mandela qu’il qualifie de terroriste, communiste, antiblanc etc… Ne riez pas, ça n’est pas une blague.

Le Lay va pouvoir ressortir son refrain du complot « judéo maçonique » !