Najat Vallaud-Belkacem : faire échec au racisme et à la haine (Ligue des droits de l’Homme)

Après Christine Taubira, c’est au tour de Najat Vallaud-Belkacem d’être victime d’attaques racistes d’une rare violence, à la fois de la part de personnalités politiques et de journaux d’extrême droite (minute, valeurs actuelles…).

La Ligue des droits de l’Homme a publié jeudi un communiqué pour dénoncer ces attaques qui ont atteint un degré inquiétant dans l’ignominie.

Les agressions contre Christiane Taubira ont inauguré de façon spectaculaire le retour d’un racisme désinhibé dans le débat politique.

Sa nomination comme ministre de l’Education nationale a littéralement déchaîné, contre Najat Vallaud-Belkacem, un torrent de boue et d’abjections. S’y mêlent, pêle-mêle, le rejet de l’étranger et pire encore, de l’étrangère ou étiquetée telle, la dénonciation de la supposée musulmane, porteuse ou non d’un voile, la haine, enfin, contre la femme de conviction, militante de l’égalité entre femmes et hommes, et aujourd’hui à la direction d’un ministère où sont défendues les valeurs de l’école laïque et républicaine.

Orchestrée par des publications d’extrême droite dont l’éthique est celle du caniveau, cette campagne soulève le cœur de toutes celles et ceux qui ont la démocratie au cœur et partagent une haute idée de la chose publique et du débat qui devrait en être la marque.

La Ligue des droits de l’Homme déplore que, pour la plupart d’entre eux, les responsables de la droite se soient réfugiés dans un mutisme complice qui les amène aux côtés de la droite extrême. Elle salue le courage de celles et ceux qui ont choisi de ne pas suivre ce chemin de honte. Elle assure la ministre de l’Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, de sa solidarité face à des propos qui, au-delà de sa personne, visent la République, ses valeurs de fraternité et d’égalité. Elle invite les citoyennes et citoyens à se mobiliser pour faire échec à tout ce qui vise à substituer la haine au débat, la violence à la raison, la xénophobie au vivre ensemble.

 

Pierre Tartakowsky : « droits, paix, justice, l’été de nos mobilisations »

L’éditorial de Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, paru dans le numéro de juillet de « LDH Info », le bulletin mensuel de la LDH.

Gaza, bien sûr ! Gaza, avec son cortège d’images de destructions de ruines et de désespoir. Gaza, ses femmes, ses enfants et ses maisons éventrées. L’offensive israélienne, qui se soldait, après deux semaines, a plus de six cents morts, dont 70 % parmi les civils, a déclenché dans le monde une vague de protestation, de colère, de mobilisations. En France, plus de deux cent cinquante de ces manifestations se sont déroulées sur un mode calme et résolu. Deux d’entre elles, interdites par le ministre de l’intérieur, ont donné lieu à des débordements dont la forme et le contenu ne pouvaient que nuire à la cause même du peuple palestinien, à la cause de la paix dans la région.

Face à ces événements tendus, la Ligue des droits de l’Homme et ses sections ont joué leur rôle, et elles l’ont joué pleinement. D’abord en étant, partout, partie prenante des manifestations de solidarité pour la paix et la justice. Ensuite, en dénonçant comme contre-productives les interdictions de manifester prononcées par le ministre de l’Intérieur, et en condamnant tous les propos et actes antisémites et racistes. Née d’un même engagement pour la justice et contre l’antisémitisme, la LDH est restée fidèle à son histoire et à elle-même. Enfin, en prenant la responsabilité d’appeler, avec d`autres acteurs de la société civile ou partis et responsables politiques, a une manifestation dans les rues de la capitale. Il s’agissait tout à la fois de faire respecter le droit de manifester, de faire entendre l’inquiétude créée par une attitude gouvernementale par trop partisane du seul État d’Israël, et de réaffirmer que le règlement de ce conflit, fondamentalement de type territorial, appelle des mises en œuvre politiques et non des prêches aux responsables religieux.

La LDH a joué, parallèlement, un rôle important dans la mise en place d’une logique d‘intervention humanitaire pour venir en aide à la population de Gaza. Il n’y a certes pas de quoi se pousser du col, partout cela est bien peu au regard des drames en cours et de ce qu’ils appellent. Mais les ligueuses et ligueurs, qui y ont tous contribué, peuvent légitimement en être fiers et puiser dans cette séquence le beau sentiment d’avoir été utiles.

Sur un tout autre front, celui des idées d’extrême-droite, la LDH a, là encore, fait bonne besogne. On pense évidemment aux arrêtés municipaux portant sur les couvre-feux de mineurs et la mendicité, qu‘elle a contribué à faire retoquer par le juge administratif ; à Béziers, Hénin-Beaumont, et quelques autres lieux sous menace d’éteignoirs démocratiques. En refusant toute limitation extraordinaire du droit de circulation, toute mesure de stigmatisation vis-à-vis de certains jeunes, la LDH a bien évidemment été fidèle a sa dimension de gardienne des libertés, comme elle l‘a été en condamnant les interdictions de manifester. Au-delà de cette attitude, que d‘aucuns lui reprochent comme excessive ou de principe, en un mot « droitdelhommiste », c’est contre la tentation croissante d’exclusion autoritaire et ségrégative que la LDH exerce un rôle de vigie. Car dans tous les cas, la logique de l’interdiction vise implicitement, sinon explicitement, des populations bien précises et assignées à résidence au travers d’éléments de langage qui ne trompent personne, singulièrement l’expression jeunes des quartiers.

Dans un contexte où les problèmes tendent à se cumuler, ou les inégalités s’exacerbent, ou la logique du tous contre tous semble l’emporter et ou les démagogues s’en donnent à cœur joie pour souffler sur tous les brasiers possibles et imaginables, il est salutaire que nous soyons en mesure de rappeler, encore et toujours, non pas à la lettre de la loi mais bien à l’esprit des droits. Cela ne suffit certes pas pour avoir réponse à tout, pour dégager les portes d’un avenir solidaire, pour penser un progrès au service de l’intérêt général.

Mais cela constitue, et c’est la grandeur de notre association, un point de repères solides, permettant tout à la fois de refuser l‘horreur, de résister aux sollicitations des entrepreneurs en peurs collectives, enfin, de rappeler que l’avenir a besoin, aujourd’hui et chaque jour, d’être pensé comme solidaire et élaboré sur l’égalité des droits.

Ouest-France refuse l’avis de décès, mais publie la lettre posthume de la vice présidente de l’ADMD

Bizarre.

Les jours derniers, le journal Ouest-France a refusé de publier l’avis de décès de Nicole Boucheton, vice-présidente de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, survenu le 7 août dernier dans la Manche, au prétexte que l’avis mentionnait le fait qu’elle s’était rendue en Suisse pour bénéficier d’une assistance au suicide.

Ce matin, samedi 16 août, en page France, le journal publie un extrait de la lettre posthume de Nicole Boucheton, dans lequel elle explique clairement sa démarche. En revanche, il semble que l’avis de décès n’est toujours pas paru.

S’agit-il d’une amende honorable ? Dans ce cas, pourquoi n’avoir toujours pas publié l’avis de décès ?

Ou s’agit-il d’une sorte « d’auto censure » de Precom, l’agence de publicité d’Ouest-France, qui gère la page obsèques du journal, de leur réception à leur publication ?

D’autant plus bizarre que la parution de cet article ce matin en page France lui donne une visibilité bien plus grande qu’un simple avis de décès.

 

Le quotidien régional Ouest-France censure un avis de décès

 

 

Alain Siouville, son époux,
Françoise Boucheton, sa sœur,
vous font part du décès de
Nicole Boucheton
Vice présidente de l’ADMD
à l’âge de 64 ans,
contrainte de s’exiler en Suisse, pays humaniste,
pour y mourir selon sa volonté le 7 août 2014.

Voilà l’avis de décès que le quotidien Ouest-France a refusé de publier dans ses colonnes, si la référence au fait que Mme Boucheton a été contrainte d’aller en Suisse pour mourir selon sa volonté n’était pas supprimée.

Mme Boucheton était vice présidente de l’AMD, Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité.

L’ADMD est présidée par Jean-Luc Romero, conseiller régional d’Ile de France. Elle milite pour l’adoption d’une loi permettant d’exercer cette ultime liberté, qui consiste, lorsque tout espoir est perdu et que la vie devient insupportable, à choisir le moment de son décès.

Dans une lettre posthume que Jean-Luc Romero publie sur son blog, Nicole Boucheton rappelle l’engagement n°21 pris par François Hollande lors de sa campagne électorale en 2012, et qu’on peut toujours lire sur le site du parti socialiste :

Engagement 21

Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assis- tance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité.

Nicole Boucheton conclut ainsi sa lettre : « L’engagement 21 du président Hollande, non tenu, qui s’enlise dans sa mise en place de missions et rapports successifs verra-t-il le jour ? J’aurais aimé en profiter et ne pas avoir à m’exiler en Suisse. J’en veux à ce président en qui j’avais fait confiance en lui donnant ma voix. Mais je sais que mes amis militants et les 92% de français favorables à une loi de liberté qui permet à chacun de choisir sa fin de vie ne baisseront pas les bras et que la victoire est proche ».

La route sera sans doute très longue : les lobbies conservateurs vont tout faire pour l’empêcher, comme ils l’ont fait par exemple pour le mariage ouvert aux couples de même sexe et le programme « ABCD de l’égalité » (égalité femme – hommes) dans l’éducation nationale (ils ont réussi à le faire abandonner sous sa forme originale). On peut compter sur eux pour imposer à tout le monde leurs convictions religieuses…

Le site de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD).

G. Bourdouleix : peine aggravée en appel pour « apologie de crime contre l’Humanité »

Le journal "Le Courrier de l'Ouest" avait dénoncé les propos du maire de Cholet sur les Gens du voyage.

Après deux mois de silence, le site de la section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’Homme reprend du service. Cette réouverture avait été annoncée un peu prématurément il y a une quinzaine de jours…

Et c’est un plaisir de rouvrir ce site sur l’annonce de la condamnation du triste Bourdouleix, député et maire de Cholet, à 3000€ d’amende, pour apologie de crime contre l’Humanité, après les propos qu’il avait tenus l’été 2013 sur les Gens du voyage : Hitler « n’en avait peut-être pas tué assez » avait-il déclaré publiquement. La Ligue des droits de l’Homme, qui avait cosigné la plainte contre M. Bourdouleix avec le Mrap, la Fondation pour la mémoire de la déportation, la Licra et la Fondation nationale des déportés et internés, résistants et patriotes, s’est félicitée de ce verdict, prononcé par la cour d’appel d’Angers, (aggravé, puisqu’en première instance l’amende était de 3000€ dont 1500€ avec sursis), même si on aurait pu espérer d’avantage. Elle l’explique dans un communiqué :

« La LDH se félicite de la condamnation de Gilles Bourdouleix, maire de Cholet, rendue par la cour d’appel d’Angers, pour apologie de crime contre l’Humanité.

La Ligue des droits de l’Homme rappelle qu’elle avait, par le passé, déposé deux plaintes à l’encontre de M. Bourdouleix pour incitation à la discrimination et à la haine raciale concernant des propos visant les Gens du voyage. Celles-ci ont été classées sans suite. Ce sentiment d’impunité a permis au maire de Cholet de se croire autorisé à poursuivre ses interpellations haineuses. Il était intolérable qu’un élu de la République ait pu tenir des propos faisant l’apologie de crime contre l’Humanité, et rester impuni.

La Ligue des droits de l’Homme espère que cette condamnation mettra enfin un terme à cette escalade. »

On peut effectivement regretter la légèreté de la peine. Qui n’empêche d’ailleurs pas Bourdouleix de la contester puisque son avocat a annoncé qu’il allait poursuivre en cassation. On aurait par exemple apprécié que le tribunal frappe là où ça aurait fait le plus mal : condamner l’élu à une illégibilité.

Ne boudons pas notre plaisir : ce genre de condamnation est suffisamment rare pour qu’on s’en réjouisse.

La justice, et singulièrement la justice administrative, a beaucoup de travail avec les maires en ce moment : elle annule les uns après les autres des arrêtés municipaux discriminatoires, ou entachés d’abus de pouvoir, pris par de nouveaux élus généralement du front national, mais aussi de la frange la plus réactionnaire de la droite traditionnelle. Le blog « Rêver de nouveau » dresse opportunément un récapitulatif de ces arrêtés qui vont du ridicule (le linge à Béziers…) à l’odieux (suppressions d’aides sociales pour ceux qui en ont le plus besoin). Dans certaines communes, la résistance (c’est bien cela dont il s’agit) s’organise : à Hayange, par exemple, où sévit M. Englemann, avec le site http://www.hayangeplusbellemaville.com/ et la page Facebook « Hayange en résistance ».

 

 

Le retour !

Aucun article en juillet. Quatre en juin, le dernier datant du 14…

Ce n’est pas dans les habitudes de ce site de rester aussi longtemps muet. Il a évidemment fallu une raison sérieuse : des problèmes de santé qui peu à peu se résolvent.

Il y a pourtant eu de quoi écrire pendant cette longue période ! et dans tous les registres : le drame avec Gaza, l’Ukraine, le Kenya, le Mali… Le comique de mauvais goût avec les frasques des nouveaux élus front national, que certains UMP n’entendent pas laisser s’arroger le monopole de la bêtise…

En politique intérieure aussi les sujets se sont bousculé…

Le site va rouvrir, sans doute pas immédiatement à son rythme de croisière d’un article quotidien, mais ça ne devrait pas tarder.

En tout cas merci à tous ceux, très nombreux, qui ont continuer de le fréquenter malgré ce silence : cette longue période a permis de vérifier qu’il a un bon stock de fidèles !

Lynchage d’un adolescent Rrom : la réaction de Romeurope

Le lynchage d’un jeune Rrom, lundi soir à Pierrefitte-sur-Seine montre l’état de déliquescence dans lequel se trouve la société française. Cet acte immonde soulève deux problèmes :

En premier lieu, celui du racisme et de la xénophobie, que de plus en plus de personnes n’hésitent plus à afficher, n’hésitant pas à passer à l’acte.

En second lieu, mais c’est aussi inquiétant, il soulève le problème d’une frange de la population qui entend « faire justice » elle-même, encouragée par ces politiques qui font la promotion et mettent en place des mesures scandaleuses telles que les « voisins vigilants », qui peuvent devenir des voisins assassins.

Le Conseil national des droits de l’Homme et le collectif Romeurope viennent de publier un communiqué qui dénonce et analyse cet acte :

Les médias rapportent depuis lundi soir le terrible lynchage d’un jeune de 16 ans vivant dans un bidonville de Pierrefitte-sur-Seine (93). Entre la vie et la mort depuis vendredi, cet adolescent aurait été séquestré puis roué de coups par des personnes le soupçonnant d’un cambriolage

Les auteurs de ces actes barbares doivent être identifiés et répondre de leurs actes devant la justice.

Ce fait divers est la terrifiante conséquence de plusieurs années de politiques publiques inefficaces et de prises de paroles d’élus, de représentants de l’État mais aussi de nombreux médias entretenant et surfant sur un climat malsain.

Face aux enjeux posés par la résurgence des bidonvilles dans notre pays, dans lesquels sont cantonnées des familles le plus souvent d’origine roumaine ou bulgare, la réponse n’a été que l’absurde ou l’abject. La destruction continuelle et intensive des bidonvilles ne fait que rendre les difficultés des familles qui y vivent encore plus compliquées à traiter. Cette misère entretenue ne suscite que l’indifférence et fait prospérer un racisme qui touche toute la société française.

Ce drame doit entraîner une prise de conscience ainsi qu’un positionnement clair et différent, au plus haut niveau quant à l’urgence de la mise en place d’une politique radicalement différente pour sortir les familles des bidonvilles et de la misère. Il faut d’urgence poser des actes forts pour arrêter la spirale des violences, sous peine que d’autres drames se produisent. Rien ne peut justifier et encore moins autoriser de tels actes.

M. Le Helloco menacé d’une forte amende dans l’affaire Aussibal

Les syndicalistes venus soutenir Natacha Aussibal et son collègue n'ont pas eu besoin d'être rappelés à l'ordre par le tribunal : il ne se sont manifestés qu'à l'extérieur.

Ils sont arrivés au tribunal avec l’arrogance de ceux qui se pensent supérieurs aux lois : il a fallu que la greffière leur demande d’ôter leurs écharpes tricolores, leur rappelant que le tribunal n’est pas un cirque. Les élus de la Cidéral, en service commandé, et les salariés qui les accompagnaient ont dû être à nouveau rappelés à l’ordre par la présidente qui a menacé de faire évacuer la salle d’audience si ce « cirque » continuait. Des élus que l’on doit rappeler au civisme…

Le procès de Guy Le Helloco a eu lieu mardi, devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc. Déjà lourdement condamné par le tribunal administratif, le président de la Cidéral comparaissait là au pénal, toujours pour les mêmes motifs : harcèlement et discrimination syndicale. Une affaire qui a déjà coûté une petite fortune à la communauté de commune (lire ici). Ce qui ne semble pas gêner son président qui a même osé affirmer en conseil communautaire, sans rire, que ces dépenses étaient en fait un « investissement »…

L’avocat de Natacha Aussibal et de son collègue (victime lui aussi) a rappelé les péripéties de cette affaire qui a débuté en 2008, et au cours de laquelle M. Le Helloco a été systématique désavoué, rappelé à l’ordre et condamné par la justice administrative, ainsi que par le conseil de discipline du Centre de gestion qui avait refusé la révocation de Natacha.

La défense du président de la Cidéral s’est résumée à peu de chose. Il refuse de porter seul le chapeau, car, comme chacun le sait, la Cidéral est un modèle de démocratie, et les décisions sont prises collectivement.

Une défense qui n’a manifestement pas convaincu la vice-procureure : « quand on voit qu’on paie pendant un an une salariée à rester chez elle, on se dit qu’elle a dû commettre une faute grave. Mais ce n’est pas le cas » a-t-elle déclaré, avant de demander une amende de 12000€ dont 7000€ avec sursis.

Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le jeudi 10 juillet.

Réforme pénale : « Parlementaires, ne cédez pas au chant des sirènes ! »

Le débat sur la réforme pénale s’est ouvert mardi 3 juin devant l’Assemblée nationale et le Collectif Liberté, Egalité, Justice insiste pour que les parlementaires aillent plus loin que le texte gouvernemental.

Vous trouverez ci-dessous la tribune du Collectif « Ne cédez pas au chant des sirènes ! », cosignée par Pierre Tartakowsky, président de la LDH, et publiée sur le blog de Franck Johannes, journaliste au Monde.

http://libertes.blog.lemonde.fr/2014/06/03/le-debat-sur-la-reforme-penale-quatorze-associations-pour-aller-plus-loin/

Et téléchargez également le livret du Collectif : CLEJ – Livret idées reçues Réforme pénale – 02-06-14.

Ne cédez pas au chant des sirènes !

Parlementaires, ne cédez pas aux sirènes sécuritaires. Ne craignez pas d’être politiquement ambitieux, novateurs dans les débats qui s’ouvrent sur la réforme pénale. Sortir de l’hégémonie de l’enfermement, de la répression à tous crins, désocialisante et inefficace, repenser une peine juste, individualisée, exécutée dans l’intérêt de la société, c’est être fidèle aux valeurs humanistes et de progrès qui nous animent.

Ne tombez pas dans le piège qui consiste, pour vos adversaires politiques, à vous taxer de laxistes pour extorquer publiquement votre consentement aux dispositifs qui vous choquaient hier. Oui, il faut abroger les peines planchers auxquelles vous vous opposiez fermement en 2007. Oui, il faut abolir la rétention de sûreté que Robert Badinter, et la gauche unie derrière lui, dénonçait avec force en 2008, « période sombre » pour la justice. Oui, il faut supprimer le tribunal correctionnel pour mineurs, qui juge depuis 2011 en adultes ceux dont on ne doit pas oublier qu’ils sont nos enfants et réaffirmer la spécificité de cette justice par une réforme courageuse de l’ordonnance de 1945.

N’acceptez pas que les termes de ce débat soient confisqués par ceux qui voudraient le réduire à une opposition tout autant factice que stérile entre fermeté et laxisme, cet épouvantail politique agité pour paralyser votre action. Il est de ces notions repoussoirs qu’il est déraisonnable et illusoire de vouloir combattre par la surenchère : non, la gauche ne convaincra pas en disant que cette réforme est celle de la fermeté à l’égard des délinquants pour la bonne raison que ce n’est pas le propos. L’ambition de cette réforme est de repenser la sanction pénale, autour d’une finalité : la réinsertion des condamnés dans notre société dans des conditions qui assurent la sérénité de tous. Voilà l’enjeu !

Rien ne sert d’étendre la notion de récidive

Libérez-vous de cet autre épouvantail qu’est la figure du dangereux récidiviste qu’il faudrait inéluctablement évincer de la société. N’oubliez pas que la récidive est un concept juridique « mathématique », aveugle à la réelle gravité des faits commis, au contexte et à la temporalité de leur commission. Il faut cesser de rechercher l’éradication de la récidive, cet objet politiquement rentable, pour enfin et mieux réfléchir à l’infléchissement de parcours délinquants et aux moyens permettant de parvenir à sortir de la délinquance. Ne vous leurrez pas : les décisions des juges sont déjà très fortement déterminées par la lecture des casiers judiciaires, rien ne sert donc d’étendre encore la notion de récidive. Ce n’est pas en créant un tel gadget, par ailleurs lourd de conséquences sur les statistiques de la délinquance, que l’on avancera. La solution est au contraire dans la suppression des obstacles à l’individualisation des peines des condamnés en récidive, ceux-là même qui ont le plus besoin, dans l’intérêt de la société et des victimes, d’un suivi cadrant et adapté à leurs problématiques.

Ne vous sentez pas liés par les « arbitrages » qui ont dénaturé la réforme. La justice pénale n’est pas soluble dans le « donnant-donnant » : il est incohérent, inefficace et dangereux de réduire les possibilités d’aménagement des peines des personnes libres à la sortie de l’audience alors que la philosophie du texte est celle d’une exécution des peines dans la cité moins désocialisante, moins infantilisante, plus responsabilisante et, au final, plus sécurisante.

N’amputez pas la réforme de ce qui fait sa force

Ne vous arrêtez pas au milieu du gué, soyez innovants en rendant véritablement opérationnel cet outil de suivi et de prévention qu’est la contrainte pénale. Il faut pour cela donner aux juges la possibilité de la prononcer pour tous les délits et l’enrichir dans son contenu afin que les juges, libérés du carcan carcéral, puissent enfin, avec l’expertise des professionnels de la probation, adapter la peine et le suivi des personnes aux véritables déterminants de leur acte de délinquance.

Soyez sans tabou, passez les portes des établissements pénitentiaires et n’amputez pas la réforme de ce qui fait sa force. Au contraire, enrichissez-la des expériences étrangères. Remettez le suivi et la réinsertion dans la cité au cœur de la peine en éradiquant les « sorties sèches », ces drames humains. Pour cela, il faut rompre avec l’idée que seuls les détenus méritants doivent sortir avant la fin de peine pour renverser la réflexion : c’est pour protéger la société, les intérêts des victimes que la réinsertion de tous doit être recherchée bien avant la fin de leur peine.

C’est au courage politique et à la fidélité à vos convictions que nous en appelons, pour que la justice pénale soit enfin au service de tous.

  • Olivier Caquineau, secrétaire général du SNEPAP-FSU
  • Alain Dru, secrétaire général dela CGT-PJJ
  • Jean Jacques Gandini, président du SAF (Syndicat des avocats de France)
  • Maria Ines, co-secrétaire nationale du SNPES/PJJ/FSU
  • Jean-Etienne de Linares, délégué général de l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture)
  • Antoine Lazarus, président de l’OIP (Observatoire international des prisons)
  • Françoise Martres, présidente du Syndicat de la magistrature
  • Sarah Silva-Descas et Delphine Colin, référentes nationales des travailleurs sociaux dela CGT Pénitentiaire
  • Thierry Sidaine, président de l’ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines)
  • Pierre Tartakowsky, président dela LDH (Ligue des droits de l’Homme)
  • Odile Verschoot, présidente de l’ARTAAS (Association pour la recherche et le traitement des auteurs d’agressions sexuelles)
  • Sylvain Robin, président du GENEPI
  • Philippe Gasser, président de l’Union syndicale de la psychiatrie (USP)
  • Florent Gueguen, directeur général dela FNARS
  • Stéphane Bouchet, co-secrétaire national du syndicat Solidaires-Jusice

Ménard, du ridicule à l’odieux

Vu à Béziers...

Après Saint-Gratien, ou Jacqueline Eustache-Brinio, maire, avait, en 2011, réfusé d’inscrire des enfants thétchènes et kosovars à la cantine municipale (décision annulée par le tribunal administratif), après Thonon-les-Bains, où le maire Jean Denais entendait réserver la cantine aux enfants dont les deux parents travaillent (c’est bien connu, les autres n’ont pas faim), après la proposition de l’ex-ministre Laurent Wauquiez d’interdire les logements sociaux aux chômeurs, c’est l’inanérable Ménard, maire de Béziers qui s’y colle. Après le ridicule (le linge aux fenêtres), il change de registre et passe à l’odieux.

C’est un conseiller municipal de l’opposition, Aimé Couquet (PCF), qui dénonce la délibération votée par le conseil municipal du 27 mai : la délibération n°32 « réserve l’accès du service [les activités périscolaires] aux seuls enfants dont les deux parents travaillent ». Une décision évidemment illégale, et il est très probable que le sous-préfet, interpellé par l’élu, soumettra cette délibération au tribunal administratif qui l’annulera. Mais les fachos sont comme ça: la loi, c’est eux, point.

Aimé Couquet dénonce une seconde délibération, qui réduit la subvention au centre communal d’action sociale qui avait été votée au budget primitif.

De jour en jour, on constate les effets de l’arrivée au pouvoir du front national et de ses alliés (Ménard n’a pas sa carte au fn). Les premières victimes, comme on pouvait le supposer, sont les associations, humanitaires d’abord, culturelles ensuite, et les pauvres.

Le FN ne fait là que poursuivre une politique inaugurée par certains éléments de la droite « républicaine », bien représentée à l’UMP : dès 2010 on a commencé à voir de telles décisions prises par des conseils municipaux ; la plupart du temps annulées rapidement par les tribunaux administratifs. Mais ça permet de banaliser ces mesures infâmes, de telle sorte qu’aujourd’hui ça n’étonne plus personne. Ça ne va pas tarder à ne choquer personne.

Et on reproche aux associations antiracistes d’avoir contribué au succès de l’extrême droite aux européennes :  «  30 ans après la création de ce machin, le Front National est arrivé en tête.  Il faut le reconnaître : c’est un constat d’échec que nous devons faire », écrit un blogueur de gauche, en parlant de SOS Racisme. Et si SOS Racisme n’avait pas existé, peut-on sérieusement penser que le FN n’en serait pas là ? Avec ce raisonnement, il ne fallait pas abolir la peine de mort, ni autoriser la contraception, puis l’avortement… On sait parfaitement que ces sujets sont clivants. Faut-il pour autant les laisser sous le tapis ? ça vaut peut-être le coup de faire un peu de pédagogie, non ?

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