Le cadeau de Nono pour les Droits en fête 2015

L’édition 2015 des Droits en fête aura lieu le samedi 28 mars, à partir de 14h, à la salle des fêtes de Plémet (Côtes d’Armor). Et pour cette troisième édition, le dessinateur de presse Nono, qui publie quotidiennement des dessins dans le journal Le Télégramme, nous a fait un beau cadeau : il a  illustré l’affiche de la manifestation par un superbe dessin. On y reconnaît l’humour délicat du dessinateur : le dessin met en scène de personnages coiffés du bonnet prhygien devenu l’emblême de la Ligue des droits de l’Homme, qui constatent avec sagesse : « Mieux vaut droits en fête que les droits dans le mur ! ».

Vous verrez cette affiche prochainement dans les commerces, librairies, bibliothèques, mairies, salles de spectacle des Côtes d’Armor, accompagnée du flyer qui présente le programme détaillé de la journée. N’hésitez pas à nous en demandez si vous le souhaitez.

A gauche, l’affiche, et ci-dessous le flyer, recto et verso.

 

La double lecture d’une manifestation historique, par Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue de droits de l’Homme

Michel Tubiana

Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, livre sa lecture, ou plus exactement les deux lectures possibles du gigantesque rassemblement de soutien à Charlie Hebdo et aux victimes des attentats, dimanche 11 janvier. Et il en profite pour s’adresser aux chefs d’Etat qui y ont participé.

L’extraordinaire marée humaine qui a envahi les rues de Paris est un de ces moments qui s’ancrera dans notre inconscient collectif comme un de ces instants précieux d’unité. Quoi qu’en disent ceux qui désignent des boucs émissaires, c’est bien un sentiment de fraternité qui a prévalu le 11 janvier 2015. Ce que le peuple de France, ses habitants de toutes religions (ou sans…), de toutes origines, de toutes nationalités ont exprimé, c’est l’exigence de vivre ensemble, avec cette tolérance qui n’est pas une démission mais une volonté de partage, dans un pays libre qui refuse la peur. Cette première lecture a fait effectivement, l’instant d’un dimanche, de Paris la capitale du monde par le message délivré à tous les idolâtres de la mort comme à tous les peuples et à leurs gouvernements : il n’est qu’une Humanité et la liberté ne se négocie pas.

A cette lecture de cette journée, sans doute historique, s’en ajoute une autre qui, si nous n’y prenons garde,  risque d’aboutir à l’inverse de ce que nous avons souhaité.

La prééminence donnée à la présence de plusieurs dizaines de chefs d’Etat a conduit à enfermer les manifestants dans une nasse. Pour symbolique que cela soit, l’espace de quelques heures le pavé parisien a été confisqué à ses occupants naturels. La présence de dirigeants qui n’ont rien à faire de la liberté de la presse, pratiquent un racisme et un antisémitisme ouvert, embastillent d’autres peuples ou, tout simplement, se moquent totalement des principes démocratiques, montre que ce ne sont pas les principes de la République et de la démocratie que sont venus défendre ces dirigeants, c’est l’union sacré des Etats contre le terrorisme. Et si la minute de silence observée, sans doute sincère, a permis une belle exposition médiatique, elle a dû avoir aussi un goût amer pour certains.

Bien sûr, nul ne saurait s’opposer, encore moins les démocraties, à ce que l’on jugule les agissements qui, sous un nom ou un autre, n’ont aucun respect pour la vie humaine et n’ont que la haine à la bouche.

Mais ce n’est pas faire preuve d’angélisme que de dire que se donner les moyens de combattre ce mal n’est pas incompatible, d’une part, avec les règles de l’Etat de droit, et, d’autre part, avec un traitement de fond des causes d’un phénomène qui n’a rien de spontané.

Demain, la France et l’Europe devront répondre aux questions des moyens de lutte contre le terrorisme. Ce débat est légitime. Il ne saurait pourtant être enfermé par les Etats dans l’exploitation de la peur ou dans leur tendance naturelle à déposséder les citoyens de leurs libertés au prétexte d’assurer leur sécurité.

On voit bien le tribut que les Etats-Unis paient à leur déclaration de guerre à « l’empire du mal ». On sait les conséquences ravageuses du Patriot Act et autres Guantanamo pour la dignité de ce pays, sa cohésion, pour son image dans le monde et la sécurité de celui-ci. Sachons apprendre de cette expérience, ne recommençons pas les mêmes erreurs. Résistons à la facilité de croire qu’un empilement de restrictions de nos libertés nous apportera une sécurité sans faille aussi illusoire que ravageuse pour la démocratie. A défaut, c’est l’espoir d’une France apaisée, celle que le peuple a appelé de ses vœux le 11 janvier, qui reculera.

Ordre moral : une inspectrice de l’éducation nationale s’y met !

© Citadelles et Mazenot

« L’art de la bande dessinée » est paru en 2012 chez Citadelles et Mazenod : ça fait tout de même quelques mois. Coécrit par Pascal Ory, Laurent Martin et Jean-Pierre Mercier, Thierry Groensteen, Xavier Lapray, Benoît Peeters, et Sylvain Venayre, il vient d’être remarqué par une inspectrice pédagogique de l’Éducation nationale, de l’académie de Limoges. Elle vient d’écrire aux professeurs documentalistes de cette académie pour les mettre en garde contre ce livre – une somme de 586 pages qui servira sans doute de référence pour l’histoire de la BD.

En cause ? L’ouvrage ne propose pas de mettre « tout le monde à poils », mais il contiendrait des planches et des « dessins un peu trop explicites relativement à la violence ou au sexe », d’après le site « Univers BD ».

En somme, c’est le retour à l’ordre moral.

Les centres de documentation et d’information (CDI) n’existent que dans les collèges et les lycées. Ils reçoivent donc des élèves âgés d’au moins 11 ans. Ils sont par ailleurs placés sous la responsabilité de « professeurs documentalistes », dont on peut supposer qu’ils connaissent le contenu des ouvrages qu’ils ont dans leur centre. Et qu’ils sont à même de juger si tel ou tel ouvrage peut ou non être mis à la disposition des élèves. Cette inspectrice n’en semble pas convaincue.

Les auteurs de l’ouvrage se sont bien entendu émus des « recommandations » de l’inspectrice. Dans un article publié sur le site « myboox.fr », ils précisent qu’ils ont interogé l’académie de Limoges, mais n’ont pas obtenu de réponse. Ils ont donc publié une lettre ouverte, dans laquelle ils déclarent : « Nous pouvons formuler l’hypothèse que cette personne s’est émue de trouver parmi plusieurs centaines de documents iconographiques, tous choisis en raison de leur qualité historique ou esthétique, quelques images représentant la sexualité ou la violence sous un jour esthétisé, fort sages, au demeurant, si on les compare à celles que des lecteurs d’âge scolaire peuvent voir sur quantité de lieux aisément accessibles – et non soumis à censure ».

On assiste en fait une nouvelle fois en quelques semaines au retour de l’ordre moral…

Parmi les auteurs de l’ouvrage, il en est un que les Ligueurs bretons connaissent : Pascal Ory. Originaire de Rennes, il a fait ses études au lycée Châteaubriant (devenu lycée Emile Zola), et un des derniers ouvrages dont il a dirigé la publication est un « dictionnaire des étrangers qui ont fait la France ». Il est par ailleurs intervenu pendant la journée d’hommage à Ilona et Victor Basch organisée le 10 janvier dernier dans le lycée qui porte leur nom, et a notamment évoqué les circonstances de leur assassinat par la milice. On peut voir la vidéo de son intervention sur ce site (c’est la 5ème vidéo de cette journée). 

Lettre de la société civile au Congrès des États-Unis sur la surveillance Internet et télécommunications

On savait depuis longtemps que les États-Unis se livrent à des écoutes des citoyens de la planète, avec « l’affaire Prism » on touche du doigt les preuves ! Interrogé sur le sujet, le président Obama déclare : « Si vous êtes un citoyen américain, la NSA ne peut pas écouter vos appels et intercepter vos emails, sauf dans le cas où cela découlerait d’une ordonnance individuelle émise par un tribunal. Telles sont les règles existantes. » Et il poursuit : « Mon travail est à la fois de protéger les Américains et leur style de vie, y compris la protection de leur vie privée ». Dommage pour tous les individus qui communiquent à travers la planète !

La LDH a signé et vous invite à signer cette adresse au Congrès américain initiée par un réseau de la société civile sur la gouvernance et les droits de l’Internet, qui prend en compte le sort de tous :

http://bestbits.net/fr/prism-congress/

Maryse Artiguelong, membre du comité central de la Ligue des droits de l’Homme.

Le texte de l’adresse

Nous écrivons en tant que coalition d’organisations de la société civile du monde entier pour exprimer notre sérieuse inquiétude au sujet de révélations concernant la surveillance des communications Internet et téléphone de citoyens US et non-US par le gouvernement des États-Unis. Nous tenons également à exprimer notre profonde préoccupation du fait que les autorités des États-Unis ont pu rendre les données résultant de ces activités de surveillance disponibles pour d’autres États, dont le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Canada, la Belgique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande [1]. De nombreuses entreprises Internet à portée mondiale basées aux États-Unis semblent également prendre part à ces pratiques [2].

La mise en place de mécanismes de surveillance au cœur de communications numériques mondiales menace gravement les droits humains à l’ère numérique. Ces nouvelles formes de pouvoir décentralisé reflètent des changements fondamentaux dans la structure des systèmes d’information des sociétés modernes [3]. Toute démarche en ce sens doit être analysée lors de débats larges, profonds et transparents. La violation par un gouvernement des droits humains de citoyens, qu’ils soient de leur propre pays ou de l’étranger, est inacceptable. Rendre impossible à un citoyen de communiquer ses opinions sans surveillance par un État étranger, non seulement viole les droits à la vie privée et de la dignité humaine, mais menace également les droits fondamentaux à la liberté de pensée, d’opinion et d’expression et d’association qui sont au centre de toute pratique démocratique. Ces actions sont inacceptables et soulèvent de sérieuses préoccupations au sujet de violations extraterritoriales des droits humains. L’impossibilité pour des citoyens de savoir s’ils sont soumis à une surveillance étrangère, de contester une telle surveillance ou d’exercer des recours est encore plus alarmante [4].

La contradiction entre l’affirmation persistante des droits humains en ligne par le gouvernement des États-Unis et les récentes allégations de ce qui semble être de la surveillance massive, par ce même gouvernement, de citoyens US et non-US est très inquiétante et entraîne des répercussions négatives sur la scène mondiale. Il semble qu’il y ait un mépris flagrant et systématique des droits humains énoncés dans les articles 17 et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont les États-Unis sont signataires, ainsi que dans les articles 12 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Gardant à l’esprit que les États-Unis doivent depuis longtemps s’engager dans une discussion sur la façon de mettre à jour et moderniser leur politique afin de s’aligner sur leurs propres documents et principes fondateurs, ce qui arrivera ensuite dans la supervision du législatif et de l’exécutif aux États-Unis aura des conséquences énormes et irréversibles pour la promotion et la protection des droits humains chez tous les peuples du monde.

Il faut aussi noter que le gouvernement des États-Unis a appuyé la résolution 20/8 du Conseil des droits humains des Nations Unies, qui affirme que « les droits dont les personnes jouissent hors ligne doivent également être protégés en ligne, en particulier le droit de toute personne à la liberté d’expression » [5] et, il y a quelques jours, le 10 juin, les États-Unis faisaient partie d’un groupe restreint de pays qui ont rédigé une déclaration interrégionale, qui a souligné à juste titre que « tout traitement de problèmes de sécurité sur Internet doit se faire d’une manière compatible avec les obligations des États au regard du droit international des droits de l’homme et le plein respect des droits de l’homme doit être sauvegardé » [6]. Ce n’était apparemment pas le cas des pratiques récentes du gouvernement des États-Unis. Outre qu’elle représente une violation majeure des droits humains fondamentaux des personnes dans le monde, l’incohérence entre les pratiques et les déclarations publiques des États-Unis sape également la crédibilité morale du pays au sein de la communauté mondiale qui se bat pour les droits humains, tels qu’ils s’appliquent à l’Internet et brise la confiance des consommateurs envers tous les Américains qui fournissent des services mondiaux.

Le 10 juin 2013, de nombreux signataires de cette lettre se sont réunis pour exprimer nos préoccupations au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies [7]. Nous l’avons fait dans le contexte du récent rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. Frank La Rue [8]. Ce rapport expose en détails des tendances inquiétantes dans la surveillance étatique des communications qui entraînent de graves conséquences pour l’exercice des droits humains à la vie privée et à la liberté d’opinion et d’expression. Nous notons que les parties prenantes états-uniennes ont également écrit une lettre au Congrès pour exprimer leurs préoccupations au sujet de la conformité du programme national de surveillance en cours avec la loi domestique [9].

Nous sommes également extrêmement déçus que, dans toutes les déclarations concernant les « divulgations » de courrier, les autorités US ont seulement insisté sur le fait qu’il n’y avait pas d’accès au contenu concernant des citoyens US, et que seules les métadonnées ont été recueillies. Il n’y a pas eu un mot sur la question de l’accès à grande échelle aux contenus concernant des citoyens non US, ce qui constitue une violation quasi certaine des droits humains. La focalisation des autorités US sur la différence entre le traitement des citoyens US et non-citoyens sur une question qui se rapporte essentiellement à la violation des droits de l’homme est très problématique. Les droits humains sont universels, et tous les gouvernements doivent s’abstenir de les violer pour toutes les personnes, et pas seulement pour ses citoyens. Nous préconisons fortement que les dispositions juridiques et les pratiques actuelles et à venir prennent en compte ce fait correctement.

Nous demandons donc instamment à l’administration Obama et au Congrès des États-Unis de prendre des mesures immédiates pour démanteler les systèmes existants de surveillance mondiale par l’Internet et les télécommunications et empêcher leur création à l’avenir. Nous demandons en outre à l’administration US, au FBI et au Procureur général d’autoriser les entreprises impliquées ou concernées à publier des statistiques concernant les demandes de renseignements, passées et futures, invoquant la Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), qu’ils ont reçues ou pourront recevoir [10]. Nous appelons en outre le Congrès américain à établir des protections pour les lanceurs d’alertes envers le gouvernement afin de mieux s’assurer que le public soit suffisamment informé sur les abus de pouvoir qui violent les droits fondamentaux des citoyens de tous les pays, États-Unis et les autres [11]. Nous nous joignons également à Human Rights Watch pour demander instamment la création d’un comité indépendant avec pouvoir d’assignation et toutes les garanties de sûreté nécessaires pour examiner les pratiques actuelles et formuler des recommandations afin d’assurer des protections appropriées aux droits à la vie privée, à la liberté d’expression et d’association. Les résultats de ce comité devraient être largement publiées.

Texte en anglais sur le site Best Bits

[1] http://www.ft.com/cms/s/0/d0873f38-d1c5-11e2-9336-00144feab7de.html, https://www.bof.nl/2013/06/11/bits-of-freedom-dutch-spooks-must-stop-use-of-prism/ and http://www.standaard.be/cnt/DMF20130610_063.
[2] Incluant Microsoft, Yahoo, Google, Facebook, PalTalk, AOL, Skype, YouTube et Apple: http://www.washingtonpost.com/investigations/us-intelligence-mining-data-from-nine-us-internet-companies-in-broad-secret-program/2013/06/06/3a0c0da8-cebf-11e2-8845-d970ccb04497_story.html
[3] http://www.state.gov/statecraft/overview/
[4] (A/HRC/23/40)
[5] http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?si=A/HRC/RES/20/8
[6] http://geneva.usmission.gov/2013/06/10/internet-freedom-5/
[7] http://bestbits.net/prism-nsa
[8] (A/HRC/23/40)
[9] Demandant au gouvernement des États-Unis d’autoriser Google à publier davantage de statistiques concernant les requêtes de sécurité nationale
http://googleblog.blogspot.com/2013/06/asking-us-government-to-allow-google-to.html
[10] https://www.stopwatching.us/
[11] Le texte qui vient d’être publié dont le titre est Principes généraux sur la sécurité nationale et la liberté d’information (les principes de Tshwane) qui concerne les lanceurs d’alerte et la sécurité nationale fournit une référence pertinente à ce sujet :
http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/Global%20Principles%20on%20National%20Security%20and%20the%20Right%20to%20Information%20%28Tshwane%20Principles%29%20-%20June%202013.pdf.