Solidarité « émotionelle » : danger !

Les médias se sont régalés cette semaine avec cette histoire en forme de conte de Noël d’un ouvrier américain, James, qui, depuis une dizaine d’années, se rend à pied à son travail, à 33km de chez lui. Sa voiture l’a lâché il y a dix ans et son salaire ne lui permet pas de la remplacer. On aurait pu se scandaliser que le salaire d’un travailleur ne lui permette pas d’acheter ne serait-ce qu’une petite voiture d’occasion. Mais non. Ce qui a retenu l’attention, c’est le courage de cet homme (incontestable évidemment) qui n’a pas manqué une seule journée de travail pendant ces longues années. Et pendant ce temps-là des chômeurs se prélassent chez eux avec des indemnités supérieures au salaire de James ? Les médias n’ont tout de même pas osé. Ils se sont contentés de saluer, outre le courage de James, l’élan de solidarité qui s’est constitué autour de lui, et qui a permis de récolter l’équivalent de 60.000€ en très peu de temps. C’est assurément rassurant de constater que, malgré tout ce qu’on entend sur l’individualisme ravageur qui sévirait désormais, la solidarité existe toujours.

Ces mêmes médias font aussi leur choux gras, en France, assez régulièrement, avec ces histoires de « don de RTT » qui permettent à des parents de rester auprès de leur enfant malade (soyons cyniqes : si le gamin est mourant, c’est encore mieux). Là encore, comment pourrait-on ne pas se réjouir de cette manifestation de solidarité. On en a même fait une loi ! Désormais, ce « don » est simplifié, et codifié. Elle est pas belle la vie ?

Sauf que…

Imaginons deux ou trois situations.

Imaginons que le père de l’enfant malade se prénomme Chérif. Sommes-nous certain que le même mouvement de solidarité aurait eu lieu ?

Imaginons que le père de l’enfant malade ait un sale caractère, qu’il ait mauvaise presse parmi ses collègues. Se seraient-ils mobilisés de la même façon ?

Imaginons que le père de l’enfant malade soit au chômage : il n’a pas de collègues. Que se passe-t-il ?

C’est là toute la différence entre la solidarité spontanée, née d’un émotion, aussi sincère et aussi désintéressée soit elle, avec la solidarité collective, organisée, assurée, codifiée par l’État.

L’Etat ne fera pas la différence entre Chérif et Marcel, entre un « mauvais coucheur » et un brave type, entre quelqu’un qui a un cercle d’amis suffisamment important et quelqu’un que la société a déjà mis sur la touche.

Cette loi dite « don de RTT » ne peut avoir que des conséquences graves sur le système de solidarité nationale : la sécurité sociale est en faillite ? Organisez –vous ! et comme vous y parvenez plutôt bien, pourquoi conserver cette satanée assurance qui fait de vous des assistés et lèse ces pauvres patrons déjà harcelés par le fisc… et si ça ne marche pas, il y a peut-être une raison, non ? et de victimes, les parents de l’enfant vont devenir responsables.

Quand on voit les attaques dont fait l’objet le système de protection sociale, on ne peut qu’être inquiet devant le vote d’une telle loi.

Le Journal du Net, dans l’article qu’il a consacré à cette loi le 5 mai 2014 avait titré : « Don de RTT : une charité mal ordonnée ». On ne peut mieux dire, la critique qu’il fait de cette loi est particulièrement pertinente.

La double lecture d’une manifestation historique, par Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue de droits de l’Homme

Michel Tubiana

Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, livre sa lecture, ou plus exactement les deux lectures possibles du gigantesque rassemblement de soutien à Charlie Hebdo et aux victimes des attentats, dimanche 11 janvier. Et il en profite pour s’adresser aux chefs d’Etat qui y ont participé.

L’extraordinaire marée humaine qui a envahi les rues de Paris est un de ces moments qui s’ancrera dans notre inconscient collectif comme un de ces instants précieux d’unité. Quoi qu’en disent ceux qui désignent des boucs émissaires, c’est bien un sentiment de fraternité qui a prévalu le 11 janvier 2015. Ce que le peuple de France, ses habitants de toutes religions (ou sans…), de toutes origines, de toutes nationalités ont exprimé, c’est l’exigence de vivre ensemble, avec cette tolérance qui n’est pas une démission mais une volonté de partage, dans un pays libre qui refuse la peur. Cette première lecture a fait effectivement, l’instant d’un dimanche, de Paris la capitale du monde par le message délivré à tous les idolâtres de la mort comme à tous les peuples et à leurs gouvernements : il n’est qu’une Humanité et la liberté ne se négocie pas.

A cette lecture de cette journée, sans doute historique, s’en ajoute une autre qui, si nous n’y prenons garde,  risque d’aboutir à l’inverse de ce que nous avons souhaité.

La prééminence donnée à la présence de plusieurs dizaines de chefs d’Etat a conduit à enfermer les manifestants dans une nasse. Pour symbolique que cela soit, l’espace de quelques heures le pavé parisien a été confisqué à ses occupants naturels. La présence de dirigeants qui n’ont rien à faire de la liberté de la presse, pratiquent un racisme et un antisémitisme ouvert, embastillent d’autres peuples ou, tout simplement, se moquent totalement des principes démocratiques, montre que ce ne sont pas les principes de la République et de la démocratie que sont venus défendre ces dirigeants, c’est l’union sacré des Etats contre le terrorisme. Et si la minute de silence observée, sans doute sincère, a permis une belle exposition médiatique, elle a dû avoir aussi un goût amer pour certains.

Bien sûr, nul ne saurait s’opposer, encore moins les démocraties, à ce que l’on jugule les agissements qui, sous un nom ou un autre, n’ont aucun respect pour la vie humaine et n’ont que la haine à la bouche.

Mais ce n’est pas faire preuve d’angélisme que de dire que se donner les moyens de combattre ce mal n’est pas incompatible, d’une part, avec les règles de l’Etat de droit, et, d’autre part, avec un traitement de fond des causes d’un phénomène qui n’a rien de spontané.

Demain, la France et l’Europe devront répondre aux questions des moyens de lutte contre le terrorisme. Ce débat est légitime. Il ne saurait pourtant être enfermé par les Etats dans l’exploitation de la peur ou dans leur tendance naturelle à déposséder les citoyens de leurs libertés au prétexte d’assurer leur sécurité.

On voit bien le tribut que les Etats-Unis paient à leur déclaration de guerre à « l’empire du mal ». On sait les conséquences ravageuses du Patriot Act et autres Guantanamo pour la dignité de ce pays, sa cohésion, pour son image dans le monde et la sécurité de celui-ci. Sachons apprendre de cette expérience, ne recommençons pas les mêmes erreurs. Résistons à la facilité de croire qu’un empilement de restrictions de nos libertés nous apportera une sécurité sans faille aussi illusoire que ravageuse pour la démocratie. A défaut, c’est l’espoir d’une France apaisée, celle que le peuple a appelé de ses vœux le 11 janvier, qui reculera.

Apologie du terrorisme : « fermeté de signifie pas prison ferme ! »

L’application du nouveau délit « d’apologie du terrorisme » aboutit, depuis la semaine dernière, à des sentences démesurées, qui visent aussi bien des individus vraiment dangereux, que des pauvres types, et même des enfants.

À propos d’enfant, le témoignage d’une éducatrice, qui s’est occupée d’un garçon de 14 ans placé en garde à vue pendant 24h pour avoir dit « ils ont eu raison » (les terroristes ) pendant la minute de silence au collège. Ce qui ne l’a pas empêché de faire cette minute de silence quelque temps plus tard avec son équipe de foot : « c’était bien, on était tous en rond, on se tenait tous par le cou », raconte-t-il. Tout s’emballe : le principal reçoit l’ordre de l’académie de porter plainte : « J’ai porté plainte sur consigne de l’académie mais je croyais que les policiers allaient faire un rappel à la loi, que ça s’arrêterait là. »

Ça ne s’est pas arrêté là : conseil de discipline (le principal demandera une exclusion avec sursis, garde à vue de 24h, menottes… Tout s’emballe. L’éducatrice conclut : «  J’ai peur pour ce petit poisson, pour ses parents. Je suis effrayée par la réaction Vigipirate des institutions de la République, sans plus de raison, de discernement, chacun suivant les directives de sa hiérarchie, démultipliant la rigueur pour mieux exposer aux médias la réaction des institutions. Parce qu’un des arguments pour ces réactions en chaîne, le premier souvent avancé, c’est celui-là : « On est sous le regard des médias, de l’opinion publique. »

Boris Manenti  recense, dans un article publié sur le site Temps réel Le Nouvel observateur, 17 condamnations déjà prononcées. Que constate-t-on ?

  • Que le délit d’apologie du terrorisme accompagne généralement un autre délit : vol, agression, conduite en état d’ébriété…
  • Que les individus sont généralement déjà connus et ont été déjà condamnés (pas forcément pour cela).
  • Qu’il s’agit pratiquement uniquement d’hommes (une jeune fille est en attente de jugement), jeunes (entre 19 et 38 ans, le plus âgé ayant 51 ans).
  • La plupart du temps cela se produit dans des situations de grande tension et d’énervement.

On est quand-même loin du profil des frères Kouachi ! L’apologie du terrorisme n’est en fait qu’une manière d’insulter les forces de l’ordre, exceptées peut-être lorsque les propos sont tenus sur Facebook, cas dans lequel on peut imaginer que la personne est dans son état « normal ».

Le Syndicat de la magistrature a appelé, mardi 20 janvier, « la justice » à faire preuve de « sérénité » et « à résister à l’injonction de la répression immédiate ». Et il ajoute : « Il y a un défaut d’individualisation. Réponse ferme ne veut pas dire prison ferme ».

Le célèbre blogueur Maître Eolas, avocat, dont les avis éclairés sont toujours passionnants, s’élève avec ironie contre cette escalade : « Heureusement, face à la menace terroriste, la justice sait frapper promptement et sévèrement à côté de la cible » ! Et il apporte une explication à cette frénésie judiciaire : « Une enquête terroriste prend beaucoup de temps. L’instruction de l’affaire Merah est, par exemple, toujours en cours. Ici, après les événements tragiques qui se sont produits, pour de pures raisons de communication, il faut donner l’impression de réagir vite. » (Source, Temps réel le Nouvel observateur). Et c’est la raison pour laquelle il conseille à ses collègues avocats de refuser la comparution immédiate, pour reculer le procès dans le temps, en espérant que la sérénité soit revenue.

Pendant ce temps-là, Boris Le Lay, ce fasciste autonomiste breton qui répand son vomi sur son blog « breizato »  à longueur de journées coule des jours heureux chez sa maman. Que fait-il, sinon l’apologie du terrorisme, et ce depuis des années ? Menaces de mort accompagnées de photos de tombe et de poteaux d’éxécution, menaces de viols, toutes adressées nominativement à des militants des droits de l’Homme, propos antisémites et racistes d’une rare violence, projet « politique » ( ?) dont le préalable consiste à « liquider » physiquement les opposants (sa liste est prête)… Le Lay, dont le blog est naturellement hébergé hors de France, ce qui rend sa fermeture difficile, a été condamné à plusieurs reprises, à plusieurs milliers d’euros d’amendes et de dommages et intérêt, à de la prison avec sursis, et tout récemment à de la prison ferme, continue de sévir. Les nouvelles lois vont-elles permettre de mettre cet individu dangereux et ses quelques fidèles hors d’état de nuire ? Il ne faut pas oublier que certains des mouvements qui gravitent autour de Le Lay organisent des stages dans lesquels les sports de combat ont une large place (Le Télégramme).

Alors, les 24h de garde à vue de ce garçon de 14 ans laissent un peu rêveur…

 

 

Mineurs étrangers isolés : proscrire les tests d’âge osseux

La loi fait obligation aux conseils généraux de porter  assistance aux « mineurs isolés étrangers ». Il s’agit de ces jeunes migrants qui arrivent seuls en France, généralement au terme de parcours difficiles, souvent dramatiques, et que se retrouvent dans des situations de détresse matérielle et morale absolues. Ils sont alors, selon la loi, confiés à l’ASE, « l’aide sociale à l’enfance ». Mais cette prise en charge n’est pas éternelle : elle s’arrête à la majorité. De ce fait, le jour de ses 18 ans, le mineur est livré à lui-même, sans ressource, sans hébergement.

La diminution des budgets des collectivités locales est telle que les dépenses sont regardées à la loupe, et que celles qui sont consacrées à ces mineurs devient insupportable politiquement pour certains élus. On sait aussi que beaucoup de pays d’où viennent ces adolescents n’ont pas d’état civil, et quand ils en ont, ils ne sont souvent pas très fiables. Par ailleurs, certains de ces mineurs n’ont simplement plus de papiers. Se pose alors la question de leur âge. Les élus que leur situation insupportent s’engouffrent alors dans cette brèche, en contestant l’âge déclaré de ces jeunes. Et pour « prouver » qu’ils sont plus âgés qu’ils le prétendent, on leur fait passer « des tests osseux », qui, à partir de radiographies du poignet et de données statistiques, prétendent être capables de déterminer l’âge réel d’une personne, et par conséquent, de déterminer s’il est ou non majeur.

Cette technique est contestée depuis des années aussi bien par des scientifiques, des médecins, des juristes. Des institutions, y compris gouvernementales, parfois internationales, les dénoncent régulièrement : en vain, la technique continue d’être utilisée. Avec des conséquences tragiques : expulion du territoire, mais également peines de prison, amendes…

De nombreuses personnes, chercheurs, scientifiques, médecins, représentants d’institutions, d’associations…lancent un nouvel appel dans le journal Le Monde pour que le recours à cette méthode cesse enfin. Ils invitent à signer la pétition qu’ils ont mis en ligne. Elle peut être signée sur le site du Réseau éducation sans frontière (RESF) ici.

Mineurs étrangers isolés : proscrire les tests d’âge osseux

Depuis 2012, huit jeunes étrangers au moins, de ceux que l’on appelle mineurs isolés étrangers (MIE), ont été traduits devant les tribunaux lyonnais. Le Conseil général du Rhône qui les avait pris en charge s’est porté partie civile et les a déclarés majeurs sur la base de tests physiologiques, et en particulier des tests d’âge osseux. Tous ont été condamnés en première instance à des peines de plusieurs mois de prison, assorties ou pas du sursis, à des années d’interdiction du territoire ainsi qu’à de lourdes sanctions financières (jusqu’à 260 000 €). Ils ont fait face à des accusations d’usurpation d’identité, de faux et d’usage de faux dès l’instant où un test d’âge osseux les décrète majeurs, et une certaine presse locale leur reproche « d’avoir vécu aux crochets du contribuable ».

Soumis aux mêmes tests, d’autres jeunes, plusieurs centaines vraisemblablement, sont exclus de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et se retrouvent à la rue.

Pris en charge par l’ASE à leur arrivée en tant que mineurs au vu des documents qu’ils ont produits, ils sont accusés d’avoir menti sur leur âge, souvent à quelques mois de leur majorité. Ils sont alors soumis à des tests d’âge osseux ainsi qu’à des examens physiologiques, notamment des organes génitaux, particulièrement dégradants pour ces jeunes filles et garçons.

Les tests osseux consistent le plus souvent en une radiographie du poignet. On compare ensuite les résultats à des données statistiques collectées dans les années 1930 et l’on attribue à ces enfants un âge fixé de manière arbitraire, parfois de 19 à 34 ans. Les instances médicales et éthiques récusent la validité de ces tests et en condamnent l’utilisation à des fins autres que médicales.

Ainsi, dès juin 2005, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) soulignait « l’inadaptation de ces méthodes », comme l’avait fait auparavant la Défenseure des enfants. Tour à tour, l’Académie nationale de médecine, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’ancien commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Haut Conseil de la santé publique, le Défenseur des droits, ont émis sur ce point les plus expresses réserves. Récemment, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis du 24 juin 2014 préconisait de « mettre fin aux pratiques actuelles d’évaluation de l’âge ».

Une intégration sociale avortée

C’est pourtant sur la base de ces examens que presque tous ceux qui les subissent sont déclarés majeurs (entre 18,5 et 35 ans). À Lyon, certains sont en outre poursuivis et emprisonnés.

Ces mineurs seraient-ils des délinquants si dangereux qu’il faille les arrêter à l’audience, les écrouer sur l’heure ? Que fait-on de leur scolarité, pourtant prévue par la loi française même en cas de présence irrégulière sur le territoire ? De leurs stages ? La justice n’en veut rien savoir, c’est à l’instant, tout de suite, qu’ils doivent payer leur prétendue dette à la société. Même s’ils n’ont commis aucun autre délit que celui, non prouvé, voire inventé, d’avoir dissimulé leur âge, ils ont été enfermés au milieu de délinquants, ont purgé jusqu’à quatre mois de prison à Lyon-Corbas.

Narek est russe ; Mohamed, Alkasim, Carine, Chernor, Kelson, Kélétigui, Mamoudou sont Africains, du Tchad, de Guinée, de Sierra Leone, d’Angola, de République Démocratique du Congo. Des noms de pays qui parlent d’instabilité politique, de guerre civile, de misère, d’Ebola. Des zones qu’ils ont quittées pour de longs et dangereux voyages, de plusieurs mois, quelquefois des années. Ces huit jeunes sont les emblèmes du refus choquant de collectivités publiques d’appliquer la loi qui leur impose la protection des mineurs. Un scandale qui touche des centaines de mineurs isolés en France.

Interdisons cette pratique

Le président de la République souhaitait faire de son quinquennat celui de la jeunesse. La ministre de la justice avait, le 31 mai 2013, défini un dispositif de mise à l’abri, et d’orientation, imposant aux conseils généraux d’assurer la prise en charge des MIE. Une mesure positive… qui, c’est à regretter, n’interdit pas explicitement le recours aux tests d’âge osseux, devenus systématiques dans certains départements.

La place de ces mineurs n’est ni dans la rue ni en prison. Nous demandons l’interdiction des tests d’âges osseux et autres examens uniquement physiologiques qui manquent de fiabilité pour déterminer leur âge légal. On sait en effet aujourd’hui que le développement physique des jeunes qui ont subi de forts retards de croissance dans leur enfance, notamment du fait de la malnutrition et des traumatismes, ne peut être comparé à celui des jeunes qui n’ont pas eu la même histoire. C’est la raison essentielle pour laquelle la communauté scientifique se refuse désormais à leur accorder toute crédibilité.

Renonçons donc à cette pratique, comme l’ont déjà fait plusieurs pays voisins du nôtre : il y va de l’avenir de ces jeunes gens. Il y va aussi des valeurs qui, selon nous, doivent régir la société. La protection des mineurs – de tous les mineurs ! – doit s’exercer pleinement.

 

Parmi les signataires : Michèle Barzach (présidente d’UNICEF France), Thierry Brigaud (président de Médecins du monde), Barbara Cassin (philosophe, directrice de recherche au CNRS), Françoise Héritier (anthropologue, professeur au Collège de France), Jean-Pierre Rosenczveig (président du Bureau international des droits de l’enfant), Mégo Terzian (président de Médecins sans frontières). Retrouvez ici la liste complète des signataires.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/01/17/interdisons-les-tests-d-age-osseux-sur-les-jeunes-immigres_4558355_3232.html#YMfRjfBYXazTREoC.99

Combattre le terrorisme, ce n’est pas restreindre les libertés

Photo Cécilia Crobeddu

Les souvenirs des impressionnantes marches du week-end sont encore intacts dans nos têtes, les victimes des attentats ne sont encore tous inhumés que déjà, les excités du code pénal gonflent leurs petits muscles pour appeler à davantage de répression, à l’invention de nouveaux délits, à l’aggravation des peines, à la restriction des libertés publiques… Il va falloir être vigilants, les jours et les semaines qui viennent !

Les premières condamnations sont déjà tombées : des mois de prison ferme, voire des années pour certains. Tout cela en comparution immédiate, évidemment, avec tous les effets pervers de cette procédure. Mais pour qui ? parfois de pauvres types, des ivrognes, qui profèrent leurs « apologies du terrorisme » comme ils profèreraient des insultes ou des insanités…

Heureusement, des voix se lèvent, qui rappellent simplement quelques évidences.

De nouvelles lois ? on en a assez comme ça, commençons par appliquer celles qui existent. Mais cela occupe l’espace médiatique, et permet d’éviter de parler de la première nécessité absolue : les moyens.

Hier soir, Joaquim Pueyo, l’ancien directeur de la prison de Fleury-Mérogis parlait, à Canal+ (émission le Grand journal du 14 janvier, dont on peut voir des extraits ici), de ce qu’il a vécu là : la promiscuité, l’insuffisance de personnel… Karim Mokhrari, un ancien détenu venu avec lui a déclaré : « tout ce qui est interdit à l’extérieur est obligatoire en prison », et il témoignait du rôle que jouent les dirigeants islamistes dans la prison : c’est pour eux du pain béni puisque les jeunes détenus n’ont qu’eux à qui se confier, et n’ont qu’eux pour les « protéger ». Abdelali Mamoum, imam du Val-de-Marne, y a expliqué le discours qu’il tient aux jeunes tentés par le djihad. Fadela Amara, ancienne secrétaire d’Etat à la ville a dénoncé le saupoudrage des moyens destinés à aider les « quartiers », les zones sensibles à ne plus être de guettos. Farid Benettiou ancien émir de la filière des Buttes-Chaumont, pas un enfant de chœur, celui-là, a témoigné de l’aide que lui a apportée la République à sa sortie de prison. La preuve de l’efficacité de mesures éducatives sérieuses.

Bref, tous ces témoignages tournaient autour de deux thèmes : manque de moyen, importance de la prévention et de l’éducation.

Photo Cécilia Crobeddu

Dans Ouest-France ce matin, Franck Leroy, essayiste, met en garde : « surveiller davantage Internet ? Attention ! », et il conseille de « ne pas défendre la liberté en la restreignant ». Rappelons-nous le scandale provoqué par les révélation d’Edouard Snowden sur les écoutes téléphoniques de la CIA : ça n’est pas si vieux ! Russel Banks, auteur américain et ancien président du Parlement des écrivains créé par Salmann Rushdie met lui aussi en garde : « ne tombez pas dans la paranoïa ». Il en sait quelque chose : il a vécu le « patriot act » mis en place par Busch après le 11 septembre : on a vu le résultat. C’est pourtant ce dont rêvent quelques députés, prêts une nouvelle fois à laisser une loi être dictée par l’émotion.

La Ligue des droits de l’Homme, pour qui la liberté d’expression fait partie des droits fondamentaux a publié dès hier un communique qui rappelle très clairement le danger qu’il y aurait à « s’enfermer dans le cercle de la peur », et « regrette qu’après l’élan du 11 janvier, ces réponses sécuritaires restent la seule voie empruntée par les pouvoirs publics ».

Voici ce communiqué :

Combattre le terrorisme, ce n’est pas restreindre les libertés

Le peuple de France est descendu dans la rue pour dire non au terrorisme et défendre les libertés. L’un et l’autre. Dans ce qui est devenu une sorte de réflexe pavlovien, la classe politique française souhaite ajouter encore à l’arsenal législatif de nouvelles mesures contre le terrorisme. Alors même que quinze lois ont été adoptées depuis 1986 et que les décrets d’application de la dernière ne sont pas publiés, notre sécurité serait, en effet, mieux assurée par de nouveaux pouvoirs confiés aux forces de l’ordre. Il n’en est rien. C’est un mensonge de prétendre que les dramatiques événements que nous venons de vivre seraient la conséquence d’une insuffisance législative. Il est exact en revanche que la déficience de moyens, les erreurs d’analyse, même si le travail des forces de sécurité française reste remarquable, méritent débat ; mais rien ne justifie les nouvelles dispositions envisagées.

La LDH regrette qu’après l’élan du 11 janvier, ces réponses sécuritaires restent la seule voie empruntée par les pouvoirs publics.

C’est d’une autre ambition dont nous avons besoin : de réponses de fond qui permettent de comprendre comment notre société a pu faire que de tels actes soient commis ; pas pour excuser, encore moins pour absoudre, mais pour éviter réellement qu’ils ne se reproduisent. Nous avons besoin surtout de réponses préventives. Toutes doivent renforcer l’esprit et la lettre de notre démocratie.

La LDH appelle les citoyens à ne pas se laisser enfermer dans le cercle de la peur. Elle les invite à rappeler aux pouvoirs publics, à la représentation politique française qu’à chaque fois que nous avons concédé de nos libertés, il s’en est suivi moins de démocratie, sans pour autant nous assurer plus de sécurité.

La fraternité qui s’est exprimée le 11 janvier exige un autre horizon que celui que l’on nous propose.

 

Photo Cécilia Crobeddu

« Ce sont des enfants perdus, des FRANÇAIS, enfants de la France, orphelins »

Photo Cécilia Crobeddu

Orphelins de père, puis de mère, les frères Kouachi, auteurs du massacre de l’équipe de Charlie-hebdo et de policiers, ont vécu une grande partie de leur enfance dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance. D’anciens amis à eux, connus dans cet établissement, se sont réunis dimanche, et ont écrit une lettre qui a été publiée par le site Temps réel du nouvel Observateur. Ce témoignage poignant apporte un éclairage particulièrement intéressant. Il apporte un début d’explication à ce qui a pu conduire ces deux jeunes hommes à devenir des « monstres » ; il ne s’agit évidemment pas d’apporter des circonstances atténuantes à cet acte de barbarie. Il s’agit d’essayer de comprendre l’incompréhensible, chose essentielle si on veut prévenir de genre de tragédie.

Sur le site de Temps réel, la lettre est précédée d’un entretien avec une amie de la famille Kouachi, également très intéressant.

[N.B. Les photographies qui illustrent cet article ont été prises par une jeune photographe, Cécilia Crobeddu, qui nous a très gentiment autorisés à les utiliser. Prises pendant la magnifique marche du dimanche 11 janvier, elles illustreront tous les articles qui se rapporteront aux drames de la semaine dernière. On peut voir d’autres images de Cécilia sur son profil Facebook.]

LETTRE À TOUS

Nous pleurons ce soir comme nous avons pleuré mercredi soir ! Nous pleurons des amis, des hommes que nous avons connus, que nous avons appréciés, nous pleurons des humains, nous pleurons une sœur, un frère qui ont tout perdu ! Nous pleurons aussi des maris, des femmes, des frères, des sœurs, des amis(es), une société.

CE SOIR, NOUS SOMMES CHARLIE

Photo Cécilia Cobeddu

(Nous ne sommes pas leurs dessins nous sommes leurs liberté)

Nous condamnons les actes d’hommes que nous ne reconnaissons pas, que nous ne soutenons pas.

Nous savons qui ils ont été, et nous pensons savoir dans ce groupe, ce qui les a menés à ce qu’ils ont fait. Ils ont été nos amis, nos ex, nos confidents, nos camarades de chambre, nos rivaux, nous les avons aimés, haïs parfois.

Ce sont des enfants perdus, des FRANÇAIS, enfants de la France, orphelins ! Nourris par la France, nourris par l’amour de cette terre, nourris par la haine de fous! Nourri par ceux qui on su leur faire croire que leur salut était la folie d’un Dieu qui n’en est pas.

Parlons de ce qu’ils ont fait, parlons de ce qu’ils étaient, de ceux qu’ils sont devenus et pourquoi ils le sont devenus.

Plus encore, battons-nous ! Combattons ensemble la cause et non les effets, mobilisons-nous ! Parlons-nous ! Retrouvons-nous.

Nous devons dire à tous ceux qui pensent que l’origine, la couleur, la religion, est un danger, nous devons, nous, plus que d’autres, leur dire que le seul danger c’est l’abandon, l’oubli et la stigmatisation!

Photo Cécilia Crobeddu

Que celui qui pense qu’il ne peut rien se lève! On peut conquérir avec des mots, on peut combattre avec des idées, on peut gagner avec une conviction.

Je Professe:

JE CROIS EN DIEU CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE

JE CROIS EN HALLA CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE

JE CROIS EN YAVE CREATEUR DU CIEL ET DE LA TERRE

JE SUIS CHARLIE

JE CROIS EN LA LIBERTE DE CHACUN DE NOUS

JE CROIS EN LA LIBERTE D’EXPRESSION

JE CROIS EN L’ÊTRE HUMAIN

JE REFUSE L’AMALGAME

JE REFUSE L’IGNORANCE

JE REFUSE L’ABANDON

JE REFUSE L’INTOLERANCE

JE REFUSE LA HAINE

JE REFUSE LA VENGEANCE

PARDONNEZ-LEURS, ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT !!!!

 

Photo Cécilia Cobeddu

Combattre le terrorisme, ça n’est pas restreindre les libertés

On pouvait facilement imaginer que l’attentat contre Charlie Hebdo, l’assassinat d’une jeune policière et la prise d’otage dans l’hyper Kacher de la porte de Vincennes allaient susciter une sorte de surenchère sécuritaire, chacun voulant gonfler les biceps un peu plus que l’autre, dans les milieux politiques. On espérait, sans trop y croire, que les formidables marches du week-end, qui ont rassemblé des millions de personnes, allait inciter les hommes politiques à un peu de retenue… perdu ! Le vieux réflexe sécuritaire revient en courant. Toutes ces lois qui se sont entassées les unes par-dessus les autres depuis des années ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité… Mais non, on continue.

Pendant ce temps-là, les médias passent beaucoup de temps à parler des minutes de silence perturbées par des élèves dans quelques dizaines de lycées. C’est grave, on est d’accord. Mais les incendies volontaires, les dégradations contre les mosquées, les agressions racistes contre des adolescents arabes, on en parle beaucoup moins… Les discours de haine proférés par les identitaires, encore et toujours, émeuvent eux aussi beaucoup moins que ces incidents dans les lycées. Boris Le Lay continue de déverser son vomi sur son « site ». Les appels à la haine, les menaces de mort, constituent le fonds de commerce de ce pauvre garçon. A-t-il seulement payé les quelques milliers d’euros d’amendes auxquels il a été condamné ?

Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme, dans le journal l’Humanité, répondait à un journaliste, avant la conclusion dramatique de l’affaire Charlie Hebdo. On peut résumer son discours, comme le fait le journal, en disant : « L’alternative est simple, c’est soit le politique, soit la guerre. Nous choisissons le politique ». C’est aussi le sens du communiqué que vient de publier la Ligue des droits de l’Homme :

Combattre le terrorisme, ce n’est pas restreindre les libertés

Le peuple de France est descendu dans la rue pour dire non au terrorisme et défendre les libertés. L’un et l’autre. Dans ce qui est devenu une sorte de réflexe pavlovien, la classe politique française souhaite ajouter encore à l’arsenal législatif de nouvelles mesures contre le terrorisme. Alors même que quinze lois ont été adoptées depuis 1986 et que les décrets d’application de la dernière ne sont pas publiés, notre sécurité serait, en effet, mieux assurée par de nouveaux pouvoirs confiés aux forces de l’ordre. Il n’en est rien. C’est un mensonge de prétendre que les dramatiques événements que nous venons de vivre seraient la conséquence d’une insuffisance législative. Il est exact en revanche que la déficience de moyens, les erreurs d’analyse, même si le travail des forces de sécurité française reste remarquable, méritent débat ; mais rien ne justifie les nouvelles dispositions envisagées.

La LDH regrette qu’après l’élan du 11 janvier, ces réponses sécuritaires restent la seule voie empruntée par les pouvoirs publics.

C’est d’une autre ambition dont nous avons besoin : de réponses de fond qui permettent de comprendre comment notre société a pu faire que de tels actes soient commis ; pas pour excuser, encore moins pour absoudre, mais pour éviter réellement qu’ils ne se reproduisent. Nous avons besoin surtout de réponses préventives. Toutes doivent renforcer l’esprit et la lettre de notre démocratie.

La LDH appelle les citoyens à ne pas se laisser enfermer dans le cercle de la peur. Elle les invite à rappeler aux pouvoirs publics, à la représentation politique française qu’à chaque fois que nous avons concédé de nos libertés, il s’en est suivi moins de démocratie, sans pour autant nous assurer plus de sécurité.

La fraternité qui s’est exprimée le 11 janvier exige un autre horizon que celui que l’on nous propose.

 

Galette des droits, samedi 17 janvier, 17h, salle de la mairie à Grâce-Uzel

La section Loudéac centre Bretagne de la Ligue des droits de l’homme organise, samedi 17 janvier, à 17h à la salle de la maiie, à Grâce-Uzel, sa deuxième « galette des droits ». L’entrée est libre.

Ce sera l’occasion pour nous de vous présenter nos actions et nos projets. Nous exposerons et projetterons également quelques posters de graphistes de nombreux pays, sur le thème de la Liberté d’expression, qui a été si violemment attaquée la semaine dernière.

A samedi !

Nous sommes Charlie : pour une République effective (communiqués)

Vous trouverez ci-dessous deux communiqués cossignés par la Ligue des droits de l’Homme, le premier a été publié par des syndicats, associations et partis politiques, et le second par des associations (les listes des signataires figurent au bas de chaque communiqué).

Communiqué commun

Paris, le 9 janvier 2015

 

Nous sommes Charlie : défendons les valeurs de la République !

L’attentat terroriste, qui a décimé avant-hier la rédaction de Charlie Hebdo et coûté la vie à des fonctionnaires de police, est un crime inqualifiable qui porte atteinte aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Nous – associations, organisations syndicales, partis politiques – appelons tous les citoyens à une marche républicaine silencieuse le dimanche 11 janvier, à 15 heures, de la place de la République à la place de la Nation.

Face à la barbarie, défendons les valeurs de la République !

Premiers signataires :

CFDT – CFE-CGC – CFTC – CGT – EELV – Ensemble – Fondation Copernic – Front démocrate – FSU – Gauche unitaire – LDH – Licra – MDP – Modem – Mrap – MRC – Nouvelle Donne – PCF – PG – PRG – PS – SNJ – SNJ – CGT – SOS Racisme – UDI – UMP – Unsa

Pour une République effective

Aucun mot, aucune formule ne peuvent traduire notre peine : nous pleurons la mort de ceux et celles qui n’avaient qu’un crayon pour toute arme, et de ceux qui les protégeaient contre ce que nous pensions impossible. Les individus qui ont ainsi entonné un abominable hymne à la mort ont touché juste car c’est tout ce que nous aimons qu’ils ont assassiné : l’impertinence, le rire, l’inventivité, la joie de vivre, la liberté de penser, sans laquelle il n’est pas d’humanité. Et nous avons besoin que cette peine soit partagée entre tous, ici en France comme partout dans le monde. Ce monde qui a ressenti que cet événement n’était pas hexagonal mais notre histoire commune.

Bien sûr, il faudra enquêter, juger et sanctionner. Aucune démocratie ne peut accepter de plier face au fanatisme, à la violence, encore moins quand elle est dirigée contre un de ses piliers, la liberté d’expression. Bien sûr, c’est dans le cadre de l’Etat de droit que doivent agir les forces de l’ordre. C’est aussi sans stigmatisation des personnes se réclamant de l’islam que nous devons exprimer notre rejet de cette barbarie, si nous ne voulons pas entretenir des solidarités malsaines.

L’émotion ne suffit pas. Des voix s’élèvent pour appeler au rassemblement au nom des principes dela République. Maisde quelle République s’agit-il ? Il n’est pas certain que le mot suffise, en effet, à partager les mêmes principes ni les mêmes valeurs.

Le constat est terrible : sur fond de crise sociale permanente, la cohésion de notre pays a éclaté. Racisme et antisémitisme, stigmatisation d’une partie de la population, retour de la vieille antienne du bouc émissaire dont on ne retient que l’origine, relégation dans des ghettos territoriaux et scolaires, replis identitaires, ignorance de notre histoire, qu’elle concerne l’esclavage, la collaboration ou le colonialisme, et ces mots d’exclusion devenus si quotidiens au nom d’une conception dévoyée de la liberté d’expression. Pire, certains détenteurs de la parole publique n’ont pas su, et parfois pas voulu, respecter les symboles de l’égalité républicaine.

Ne le dissimulons pas, nous sommes tous responsables de cette situation. Cet échec nous est commun et nous ne saurions nous dispenser d’un regard critique sur nos propres actions.

Lorsque les principes mêmes dela Républiquesont contredits par la réalité, chacun interpelle celle-ci dans une sorte de sauve-qui-peut généralisé en lui délivrant injonction d’agir pour son propre sort sans référence à l’intérêt commun.

S’il est bien que les partis politiques, acteurs essentiels de la vie démocratique, s’emparent de ce débat, c’est d’abord au citoyen de le mener. Avant même de rassembler les institutions et les organisations, c’est d’abord les hommes et les femmes de ce pays qu’il faut rassembler autour non d’une incantation, mais d’une République effective pour tous.

Parce que nous voulons vivre ensemble, sans racisme et sans discriminations, quelles que soient nos origines, parce que la laïcité sans adjectif, celle qui accueille sans exclure, est la garantie de la paix civile, parce que nous sommes attachés à chacun des termes fondateurs dela République– Liberté, Egalité et Fraternité –, nous avons décidé de le dire dans la rue dimanche 11 janvier, sans slogans ni bannières, simplement pour dire ensemble notre peine mais aussi notre adhésion à une République dans laquelle chacun peut, sans distinctions, se retrouver. Tel est le sens de notre appel.

Alain Jakubowicz, président de la Licra, Pierre Mairat, co-président du Mrap, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, Pierre Tartakowsky, président de la LDH

 

 

Cargos « fantôme », refus de sépulture à un bébé Rrom : 2015 commence mal

La mairie de Champlan (source, Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Champlan#mediaviewer/File:ChamplanMairie.JPG

Il est fréquent que le premier article de l’année dans un blog ou un site soit consacré au bilan de l’année passée.

En 2015, au bout de trois jours et demi, on peut déjà en faire un.

Et ça n’est pas brillant.

Deux événements. Le premier très médiatisé, le second commençant à l’être. Allons-y.

Le premier, évidemment, ce sont ces trois cargos dans lesquels étaient entassés dans des conditions scandaleuses des centaines de migrants, venant semble-t-il majoritairement de Syrie, cargos abandonnés par leurs équipages en fuite. Les trois ont été pris en charge par la marine italienne. Une députée européenne était interrogée sur France Inter samedi matin. Son discours était affligeant : le problème apparemment n’est pas l’accueil de ces réfugiés, mais l’étanchéité des « frontières » de l’Europe. Il a fallu attendre la fin de  l’interview pour qu’elle aborde, très rapidement, le problème de la solidarité… et dans Ouest-France dimanche ce matin, l’éditorialiste, Mme Hutin, insiste sur le fait que ces malheureux sont des « réfugiés », pas des « migrants »… On a la compassion sélective…

Second événement : le refus Christian Leclerc, le maire de Champlan, commune de l’Essonne, d’autoriser l’inhumation de la petite Rrom décédée les jours derniers dans le cimetière de la commune. On peut noter la lenteur des réactions des médias à ce sujet : ils n’ont commencé à en parler que samedi, alors que la nouvelle circulait sur les réseaux sociaux depuis au moins24h. On peut noter que le maire de Champlan vient d’être promu chevalier de la légion d’honneur. On comprend que Thomas Piketty l’ait refusé… Valls estimait que les Rroms n’ont pas vocation à s’intégrer en France. Il aurait pu ajouter qu’ils n’ont pas non plus vocation à y mourir.

Le maire de Champlan se justifierait (lire ici) par le manque de place dans le cimetière de la commune et la charge que représente son entretien. Il conclut, dans le Parisien : «  Les concessions sont accordées à un prix symbolique et l’entretien coûte cher alors priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux ». Les pauvres, allez mourir ailleurs ?

Le maire de la commune voisine de Wissoux, Richard Trinquier (UMP), médecin, qui connaît la famille du bébé, lui a proposé une sépulture dans sa commune : « Je suis surpris qu’on ait refusé l’inhumation. J’ai accepté pour ce petit enfant rom comme je l’aurai fait pour n’importe qui, car toute personne a droit à une sépulture décente, confiait hier Richard Trinquier, maire (UMP) de Wissous et médecin. Je connais la mère endeuillée car je l’ai soignée. Il ne faut pas rajouter de la peine inutile à la détresse d’une maman qui perd son bébé, car c’est terrible. »  Ce maire a bien saisi le problème, qui dépasse ceux du racisme et de la xénophobie : il s’agit simplement de reconnaître l’humanité de ces personnes. Des gens comme le maire de Champlan ont l’air d’avoir du mal à seulement imaginer que les Rroms puissent avoir des sentiments, que pour eux la perte d’un enfant n’a pas grande importance…

Elle commence mal, l’année 2015…

Bonne année quand-même !

A lire également le billet de Bembelly sur son blog.