La protection au rabais des mineurs isolés étrangers à Paris

La tentative de remise à la rue, en plein hiver, de six jeunes [lire ici], a une fois de plus mis en lumière les  dysfonctionnements majeurs du dispositif parisien de protection de l’enfance lorsqu’il s’agit d’étrangers isolés.

Le dispositif de mise à l’abri Stendhal (DMA Stendhal) est symptomatique de ces dysfonctionnements de l’ensemble du dispositif d’accueil et orientation des mineurs et jeunes majeurs à Paris. Depuis 2011, les responsables parisiens entassent dans un foyer insalubre et des chambres d’hôtels minables des centaines de jeunes, pour des durées de plusieurs mois parfois, sans accompagnement éducatif. 

Ces jeunes sont maintenus dans ce dispositif dans l’attente de toutes sortes de décisions, exécution de décisions, procédures diverses.

Ils sont là… dans l’attente d’une audience devant le juge des enfants ; dans l’attente d’une expertise médicale censée permettre de déterminer leur âge ; dans l’attente des conclusions d’une procédure en appel lancée par les services de l’ASE contre une décision du juge des enfants ; dans l’attente d’une hypothétique place dans un autre foyer parisien ; d’une mise à l’hôtel ;  d’un départ en province ; et, au final, pour certains, dans l’attente d’être remis à la rue le jour de leur dix-huit ans.

Conçu à l’origine pour permettre la « mise à l’abri d’urgence », le DMA, avec le foyer Stendhal et autres hébergements hôteliers,  est devenu un sous-dispositif de la protection de l’enfance parisienne, dont la gestion a été confiée à une association, France Terre d’Asile. Au final, c’est un dispositif discriminatoire et hors-droit. Il constitue à la fois un moyen de dissuasion —  mal accueillir et ne pas scolariser permet de limiter assez efficacement le nombre des demandes de protection    et un  moyen de soulager à moindre frais les services de l’Aide sociale à l’enfance de Paris en créant, en marge du droit commun, un dispositif de seconde zone.

Dans un vœu du Conseil de Paris du 10 octobre 2013, on pouvait lire que « les conditions d’accueil et la prise en charge des mineurs isolés étrangers restent une priorité pour le Département » et que « Paris se doit d’être exemplaire dans l’accueil des mineurs isolés étrangers ».

Si Paris veut véritablement être exemplaire, le DMA doit être entièrement revu et tous les jeunes se présentant comme mineurs étrangers isolés doivent bénéficier, y compris pour le temps de l’évaluation de leur situation, d’une prise en charge immédiate par les services de l’ASE.

C’est en effet la seule attitude qui soit conforme aux règles édictées par le Code de l’action de sociale et des familles et rappelées par le protocole national signé entre l’État et l’association des départements de France.

Une circulaire de la garde des Sceaux, datée du 31 mai 2013 [voir ici] explicite comment doit être mis en œuvre ce protocole.  Les jeunes doivent, dès qu’ils se présentent, faire l’objet d’une mesure administrative de protection de cinq jours, pour que soit évaluée leur situation. Cette mesure devrait faire l’objet d’une décision écrite remise au jeune, et être accompagnée d’une proposition d’hébergement dans la journée.

L’évaluation de la situation du jeune doit, comme le rappelle la circulaire, être conforme aux  recommandations du Défenseur des droits. En particulier, l’éventuel doute sur l’âge doit systématiquement bénéficier au jeune et conduire au maintien de sa prise en charge. En cas de refus de protection, l’ASE doit notifier au jeune une décision écrite et motivée mentionnant les voies de recours.

Si à l’issue des cinq jours l’évaluation n’est pas terminée, le dossier doit être transmis au Parquet, qui peut prolonger la mesure de protection de huit autres jours avant de décider si le jeune doit être orienté vers un autre département ou s’il est confié aux services de l’aide sociale à l’enfance de Paris.

 Les mineurs placés sous la responsabilité de l’ASE de Paris devraient par ailleurs se voir systématiquement proposer,au cours du mois suivant leur prise en charge, une scolarisation dans un établissement de l’Education nationale ou de formation professionnelle conduisant à des qualifications reconnues. Il n’est pas tolérable que des jeunes, quels que soient leur âge et leur niveau scolaire, restent plusieurs mois sans proposition de scolarisation, alors même que les services de l’Éducation nationale ont mis en place tous les moyens pour que les jeunes trouvent une réponse adaptée à leurs besoins.

Document rédigé suite à la réunion de plusieurs associations parisiennes, le 16 janvier 2014. La mise en page et les paragraphes entre crochets sont de notre rédaction.

Vous trouverez le très intéressant guide AutonoMIE : L’accompagnement des mineurs isolés étrangers – informer, orienter, protéger à l’adresse infomie.net/spip.php?article1425 sur le site d’ InfoMIE  infomie.net