La LDH de Paris 20° a envoyé ce courrier aux trois députées dont chacune des circonscriptions recouvre en partie le territoire de notre arrondissement : Fanélie Carrey-Conte, Sandrine Mazetier et Cécile Duflot. Cet envoi s’inscrit dans une campagne nationale de la Ligue des droits de l’Homme.
Madame la Députée,
Vous allez devoir vous prononcer à partir de ce lundi 13 avril 2015 sur le projet de loi relatif au renseignement.
Comme vous le savez, le gouvernement a fait le choix de soumettre ce texte à la procédure accélérée confisquant ainsi un véritable débat, garant d’un fonctionnement démocratique. De même il entretient la confusion sur l’objet de ce texte, présenté à tort comme une loi antiterroriste, il organise en fait une surveillance généralisée de la société toute entière.
La communication gouvernementale ne doit pas vous tromper : en fait d’encadrement, ce projet entérine les pratiques illégales des services et légalise, dans de vastes domaines de la vie sociale, des méthodes de surveillance lourdement intrusives. Vous vous êtes certainement indigné en juin 2013 contre les pratiques de la NSA dénoncées par Edward Snowden, or ce texte ajoute des moyens de surveillance généralisée comparables à ceux de la NSA, sans apporter de garanties pour les libertés individuelles et pour le respect de la vie privée : création de « boîtes noires » destinées à scanner le Web indistinctement, collecte de masse de données personnelles, durée de conservation allongée jusqu’à cinq ans pour certaines données, opacité des moyens d’exploitation de ces données…
Les méthodes de surveillance sont massives, le contrôle inconsistant. Le texte qui vous est soumis porte un déséquilibre liberticide : l’usage de techniques de surveillance est entre les mains de l’exécutif, sans contrôle solide. Vous pourrez constater que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), soi-disant garante des libertés, ne disposera ni des pouvoirs ni des moyens nécessaires pour accomplir sa mission. Le Premier ministre pourra toujours passer outre son avis, et elle ne pourra rien interrompre par elle-même. Le gouvernement se refuse à assurer un contrôle systématique et indépendant a priori des demandes des services et organise un contrôle a posteriori illusoire, ainsi la CNCTR n’aura accès qu’aux enregistrements que les services voudront bien lui soumettre. La saisine du juge administratif restera aléatoire et la procédure asymétrique, les principes processuels fondamentaux cédant devant le secret défense.
Cette loi concernera tous les citoyens : non seulement parce que les méthodes relèvent de la surveillance de masse, mais aussi parce que le texte étend dangereusement le champ d’action des services spécialisés. La surveillance pourra s’abattre sur les mouvements sociaux et politiques, au titre de la « prévention des violences collectives » et sur tout citoyen qui, dénonçant des pratiques industrielles néfastes, porterait atteinte aux « intérêts économiques ou industriels essentiels de la France ». Ce projet est une menace pour les libertés politiques et les mobilisations à venir.
La liberté et la sûreté, droits naturels et imprescriptibles reconnus par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, sont menacées.
Vous devez refuser ce simulacre de débat imposé par la procédure accélérée et exiger une discussion démocratique approfondie pour protéger chacun contre les dérives d’une société de surveillance et assurer un contrôle strict et indépendant de l’activité des services de renseignement.
Vous avez une lourde responsabilité, celle de prendre le risque de voter une loi intrinsèquement mauvaise qui risquerait de l’être encore plus entre de mauvaises mains…
Nous vous demandons, Madame la Députée, de ne pas voter cette loi en l’état.
Nous vous prions de croire, Madame la Député, à l’assurance de notre parfaite considération.
Le bureau de la LDH Paris 20°
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