A Madame Frédérique Calandra, maire de Paris 20°.
Madame la Maire,
Vous avez refusé que le documentaire « Police, illégitime violence » de Marc Ball soit diffusé par les animateurs de Perm’ Belleville le 16 mars 2019, dans les locaux scolaires de Pali Kao. La Ligue des droits de l’Homme est naturellement amenée à réagir à cette décision d’interdiction, que nous trouvons inappropriée et dangereuse.
Vous n’ignorez pas que ce documentaire montre comment, pour la première fois en France, des adolescents, pour la plupart mineurs, avec l’aide de leurs éducateurs, ont porté plainte collectivement pour violences volontaires contre une brigade de police du 12° arrondissement de Paris. Le procès s’est déroulé publiquement. Des policiers ont été condamnés par le tribunal. Ils ont, comme c’est leur droit, fait appel de ce jugement.
La Ligue des Droits de l’Homme, notamment par sa section de Paris 12°, a soutenu cette action des jeunes et des animateurs, sur le terrain comme devant les tribunaux. Elle continue et continuera de le faire et d’être à leurs cotés.
Vous considérez, Madame la Maire, que ce documentaire est « à charge » contre la police. Mais, ce sont, précisément, ces mêmes « charges » qui ont été portées devant le Tribunal et reconnues par la justice.
Certes, dans ces conflits entre jeunes et policiers, la responsabilité n’est pas à chercher uniquement et unilatéralement du côté de la police. Mais ne devons-nous pas considérer que la Police Nationale, corps d’Etat, dépositaire du monopole de la violence physique légitime, composé d’adultes formés et encadrés, a de ce fait une particulière responsabilité et doit avoir « un comportement irréprochable » comme l’a rappelé le tribunal ?
Des agissements policiers comme les humiliations, le tutoiement, le harcèlement quotidien, les contrôles au faciès (parfois violents), les arrestations arbitraires, l’usage illégitime de la force, la discrimination, les qualificatifs « d’indésirables »… sont très souvent des éléments qui mettent précisément le « feu aux poudres ».
Notre opinion est que cette vérité aussi doit être dite, discutée et débattue publiquement. La projection censurée du 16 mars en est une occasion ratée.
Outre la diffusion sur France 3, des projections-débats de ce documentaire ont été organisées au Café d’Aligre dans le 12° arrondissement, au Centre Social Relais 59 (annexe Rondelet) dans le 12°, à la Maison des Métallos dans le 11°… Ces projections et ces débats, loin de « mettre le feu aux poudres » (comme vous le craigniez) ont permis discussions et échanges d’une grande richesse, y compris parfois entre jeunes et policiers.
Nous regrettons vivement que cela n’ait pas pu se faire le 16 mars sous le patronage de la Mairie du 20° et dans le cadre de la Semaine de Lutte contre les Discriminations, ce qui aurait donné à cet événement un sens politique fort et positif. Au lieu de cela, interdire la projection a suscité, pour le moins, une incompréhension et une indignation que nous partageons.
Aujourd’hui, plus que jamais, La Ligue des Droits de l’Homme apporte son soutien aux actions des jeunes et des animateurs qui, à Paris 12e comme à Belleville, contribuent à faire vivre la discussion, le débat citoyen et la confrontation démocratique.
Nous restons ouverts à un échange avec vous sur ces questions et nous vous prions d’agréer, Madame la Maire, l’expression de nos sincères salutations,
Sylvie Boitel, présidente de la LDH Paris 12e
Jean-Luc Deryckx, président de la LDH Paris 20e
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