Anniversaire de la « loi 1901 » : « N’avons-nous pas beaucoup à perdre à réduire l’espace d’expression civique que représentent les associations ? »

Alors que le projet de loi sur les « séparatismes » revient en dernière lecture au Parlement, plus de cinquante représentants d’associations s’inquiètent, dans une tribune au « Monde », à l’initiative du Mouvement associatif, de la « méfiance » du politique à l’égard de leurs organisations.

Publié sur lemonde.fr le 30 juin 2021

Tribune collective signée par Malik Salemkour, président de la LDH

Alors que le projet de loi sur les « séparatismes » revient en dernière lecture au Parlement, plus de cinquante représentants d’associations s’inquiètent, dont Malik Salemkour, président de la LDH, dans une tribune dans Le Monde, à l’initiative du Mouvement associatif, de la « méfiance » du politique à l’égard de leurs organisations.

La loi relative au contrat d’association dite « loi 1901 » fêtera le 1er juillet, son 120e anniversaire. C’est l’occasion de rappeler à tous combien les associations sont des actrices majeures de la société française. Mais c’est l’occasion de dire aussi combien ce principe de libre association à valeur constitutionnelle, acquis de longue date en France, peut être porteur de renouveau démocratique dès lors que les citoyennes et citoyens s’en saisissent pour défendre des idées, prendre soin des autres et de la nature, ou animer son territoire. Alors que le projet de loi confortant le respect des principes de la République devrait venir encadrer les libertés associatives, quelle ambition politique portons-nous pour les associations ?

IMPORTANCE SOCIÉTALE CRUCIALE

Quelque 20 millions de Français et Françaises sont engagés bénévolement dans une ou plusieurs associations. Et 40% sont membres d’une association au moins. Bien que chacun individuellement n’en ait pas toujours conscience, cet engagement est créateur de lien social, de fraternité et de citoyenneté, dans la proximité et au-delà des frontières. Son importance sociétale est cruciale pour notre pays.

S’il en était besoin, la crise sanitaire que nous connaissons témoigne du rôle indispensable des acteurs associatifs au cœur de notre société. L’engagement bénévole est aussi générateur d’épanouissement personnel et collectif. Il rime avec l’envie d’être utile, de donner et de recevoir. Et il contribue à la concorde sociale et au bien-être de chacun comme le montre régulièrement études et sondages ([I]).

L’engagement associatif, à travers le temps et les continents, est également générateur de progrès social. Luttes ouvrières, lutte contre toute exclusion liée à la dépendance, droits des femmes, droits et protection de l’environnement, droits de l’Homme, libertés, éducation et soin pour tous, etc. Nos acquis sociétaux, nous les devons bien souvent à la liberté d’association. Dans un état autoritaire, c’est la première des libertés à être interdite, contrôlée, limitée ou entravée.

En France, il aura fallu plusieurs dizaines d’années et 33 projets, propositions et rapports avant l’adoption de la loi du 1er juillet 1901. Dans un rapport sénatorial en 1882, Jules Simon écrivait : « L’homme est si peu de chose par lui-même, qu’il ne peut faire beaucoup de bien ou beaucoup de mal qu’en s’associant. De là les jugements contradictoires dont l’association est l’objet. Les uns ne croient pas que la société puisse être en sécurité avec elle, et les autres n’admettent pas qu’on puisse se passer d’elle. Nous croyons qu’il n’y a pas d’armure plus solide contre l’oppression, ni d’outil plus merveilleux pour les grandes œuvres, ni de source plus féconde de consolation et de bonheur.[I]

LE CORPUS RÉPRESSIF EXISTE DÉJÀ

Où en est la liberté d’association 120 ans après ? Si l’on en croit le projet de loi gouvernemental confortant le respect des principes de la République, dont le Parlement entame actuellement la dernière lecture, les associations font toujours l’objet de méfiance. Le projet de loi vise en effet à instaurer un encadrement et un contrôle des associations dans l’objectif de lutter contre « les séparatismes » parce que – précise le gouvernement – « La République n’a pas suffisamment de moyens d’agir contre ceux qui veulent la déstabiliser ».

Pourtant, le projet de loi fait unanimement l’objet de critiques ; du Haut Conseil à la Vie Associative, au Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de la conférence des OING du Conseil de l’Europe, à la Commission consultative des droits de l’Homme ou encore à la Défenseure des droits (Claire Hédon). D’une part, le corpus répressif existe déjà pour lutter contre « les associations séparatistes ». D’autre part, le projet de loi risque fort de manquer sa cible : car ce sont les associations de défense et promotion des causes et des droits, essentielles au débat démocratique, qui risquent de pâtir le plus des flous juridiques introduits par le texte.

NOTRE BIEN COMMUN

A l’heure où la question de la participation des citoyen.ne.s au projet républicain se pose très concrètement, n’avons-nous pas plus à perdre à réduire l’espace d’expression civique que représente les associations ? Et au-delà du projet de loi, quelle ambition de société portons-nous pour les associations compte tenu de leur rôle démocratique, social, économique et territorial en France ?

Plus que tous les projets de loi, les associations sont l’expression de la fraternité et de la citoyenneté. Elles sont notre richesse et notre bien commun. C’est pourquoi, cent vingt ans après l’adoption de la loi « 1901 », cinquante ans après sa reconnaissance constitutionnelle et vingt ans après la signature de la première Charte des engagements réciproques, nous affirmons qu’il est nécessaire d’avoir confiance, plus que jamais dans la liberté associative. Comme le soulignait le philosophe Alexis de Tocqueville, « dans les pays démocratiques, la science de l’association est la science mère, le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là ».

Paris, le 30 juin 2021


Signataires : Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif ; Alexandre Bailly, administrateur référent, Réseau national des maisons des associations ; Loris Birkenmeyer, président d’Animafac ; Marie-Andrée Blanc, présidente de l’Unaf ; François Bouchon, président de France Bénévolat ; Philippe Boulogne, président de Frene ; Olivier Bruyeron, président de Coordination Sud ; Stéphane Daeschner, président de l’Association prévention routière ; Michèle Demessine, présidente de l’Unat ; Anne-Claire Devoge, vice-présidente du Cnajep ; Brigitte Giraud, présidente du Celavar ; Dominique Marmier, président de Familles rurales ; Marie-Claire Martel, présidente de la Cofac ; Benoît Miribel, président du Centre français des fonds et fondations ; Nils Pedersen, président de La Fonda ; David Romieu, président du Réseau national des ressourceries ; Gilles Rouby, président du Collectif des associations citoyennes ; Malik Salemkour, président de la Ligue des droits de l’Homme ; Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement ; Pierre Siquier, président de France Générosités ; Marielle Thuau, présidente de Citoyens & Justice ; Jerome Voiturier, directeur général de l’Uniopss ; Michèle Zwang-Graillot, présidente de la Ligue de l’enseignement ; La Coalition pour les libertés associatives.

Paris, le 30 juin 2021

Rapport du GIEC sur le dérèglement climatique: la vie peut s’en remettre, l’humanité non…

Ce document technique préparatoire au prochain rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) annonce clairement la couleur : le refus des états à limiter le réchauffement à 2° entraînera un emballement climatique aux conséquences cataclysmiques: la vie s’en remettra, pas l’humanité. Pour la LDH les mobilisations sur le climat sont primordiales, pour la justice sociale et climatique…

Publié sur lemonde.fr le 23 juin 2021 avec AFP

Une femme et un garçon passent devant un troupeau de chèvres mortes sur une terre aride près de Dhahar, en Somalie, le 15 décembre 2016. MOHAMED ABDIWAHAB / AFP

Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, alerte un projet de rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont le contenu a été dévoilé, mercredi 23 juin, par l’Agence France-Presse.

Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assurent des centaines de scientifiques rattachés au GIEC, et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.

« La vie sur terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, note le résumé technique de 137 pages. L’humanité ne le peut pas. »

Le projet de rapport rédigé par le GIEC oscille entre un ton apocalyptique et l’espoir offert aux hommes de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques. Le rapport d’évaluation complet (4 000 pages), bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques. Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 Etats membres. Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues à la fin de 2021, notent certains scientifiques.

Risque d’« impacts irréversibles » au-delà du seuil de 1,5 °C

Parmi ses conclusions les plus importantes figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable. En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, si possible à 1,5 °C. Désormais, le GIEC estime que dépasser le seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner, « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %.

« Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », affirme le GIEC, alors que la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue.

Le climat a déjà changé. Tandis que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1 °C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées. Et les êtres vivants – humains ou non – les moins à blâmer pour ces émissions sont ceux qui en souffriront le plus. Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut-être même déjà trop tard : « Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens, dont un demi-milliard de personnes dépendent.

Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, des modes de vie ancestraux, de peuples vivant en lien étroit avec la glace, pourraient aussi disparaître.

Jusqu’à 80 millions de personnes de plus auront faim

Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ». Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques », prévient le GIEC.

Même en limitant la hausse à 2 °C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici à dix ans. En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. Avec une augmentation limitée à 1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions au-delà de 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.

« Les coûts d’adaptation pour l’Afrique devraient augmenter de dizaines de milliards de dollars par an au-delà de 2 °C », prédit le rapport. Encore faut-il trouver cet argent. Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météorologiques simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendie, inondation, maladies transportées par les moustiques… Et il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le rapport : destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…

« Le monde fait face à des défis entremêlés complexes », commente ainsi Nicholas Stern, spécialiste de l’économie du climat, pas impliqué dans ce rapport. « A moins de les affronter en même temps, nous n’allons en relever aucun », estime-t-il.

Des choix radicaux

Sans oublier les incertitudes autour des « points de bascule », éléments-clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement violent et irrémédiable. Au-delà de 2 °C de réchauffement, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (qui contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres) pourrait par exemple entraîner un point de non-retour, selon de récents travaux. C’est pour cela que « chaque fraction d’un degré compte », insiste le GIEC, alors qu’un autre point de rupture pourrait voir l’Amazonie – un des poumons de la planète avec les océans – transformée en savane.

Face à ces problèmes systémiques, aucun remède miracle unique. En revanche, une seule action peut avoir des effets positifs en cascade. Par exemple, la conservation et la restauration des mangroves et des forêts sous-marines de kelp, qualifiées de puits de « carbone bleu », accroissent le stockage du carbone, mais protègent aussi contre les submersions, tout en fournissant un habitat à de nombreuses espèces et de la nourriture aux populations côtières.

En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre ainsi une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle. « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux : individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », plaide le rapport. « Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. »

UNE RÉFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE INACCEPTABLE ET PARTIELLEMENT SUSPENDUE EN RÉFÉRÉ

Communiqué de la LDH

Une réforme de l’assurance chômage devait entrer en vigueur en juillet. Le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu ces nouvelles règles de calcul des indemnités pour chômage.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) se réjouit de la décision du conseil d’Etat suspendant essentiellement le nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence, base de l’allocation. En effet, en aggravant la prise en compte des périodes non travaillées, si elle était mise en application, cette réforme détériorerait l’indemnisation des demandeurs d’emplois qui enchaînent des contrats courts. Cette réforme entraînerait une baisse d’allocations pour 800 000 à 1,15 million de personnes sur 2,8 millions de nouveaux bénéficiaires. Contrairement à ce qui a été annoncé, cette réforme appauvrirait nombre de demandeurs d’emploi aggravant ainsi les inégalités en général.

Par ailleurs, cette réforme prévoit que les droits seraient liés à l’activité économique. Si elle est considérée comme mauvaise, les demandeurs d’emploi devront avoir travaillé quatre mois sur vingt-huit pour pouvoir être indemnisés. Dès lors que l’activité reprend, ils devront avoir travaillé six mois sur vingt-quatre. Même schéma pour la dégressivité, les cadres subiront un abattement de 30 % de leur allocation à partir du neuvième mois d’indemnisation et si la période devient plus faste, ce sera au septième mois.

Comme le dit le juge des référés, « il ne résulte pas de l’instruction d’éléments suffisants permettant de considérer que les conditions du marché du travail sont à ce jour réunies pour atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi ».

Effectivement, pour la LDH, il n’est pas pertinent de mettre en œuvre une telle réforme de l’assurance chômage en ce moment. Personne ne sait comment l’activité économique va évoluer et quelles seront les incidences sur l’emploi dans les mois à venir.

Par-delà, pour la LDH, il n’est pas acceptable que les travailleurs privés d’emploi et de travail soient contraints de payer le prix de la crise et de faire dépendre de l’activité économique le montant des allocations chômage.

« Tout être humain qui, en raison (… ) de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » dit le préambule de la Constitution de 1946. Comme tous les autres droits, ces droits ne sont pas conditionnés.

Réaffirmons l’indivisibilité des droits ; les droits sociaux sont partie intégrante du combat pour l’égalité et la liberté de toutes et de tous.

Avec cette réforme, l’Etat cherche une nouvelle fois à réduire la place des « partenaires sociaux » dans la gestion, nommée paritarisme, de nombre d’organismes de protection des salariés affaiblissant ainsi la complémentarité entre la démocratie socio-économique el la démocratie politique. 

Pour la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion ce texte était censé inciter les demandeurs d’emploi à retrouver au plus vite le chemin du travail et destiné à « lutter contre la précarité ». Il faut une nouvelle fois affirmer le caractère fallacieux de l’affirmation selon laquelle la baisse de l’indemnisation du chômage inciterait les travailleurs sans emploi à en chercher un. Les travailleurs sans emploi ne sont pas les responsables de leur situation.

L’ensemble des organisations syndicales refusent cette réforme. La LDH demande l’abandon complet de cette réforme et la réouverture de négociations sur le système d’assurance chômage.

Paris, le 24 juin 2021