Perpignan : la Ligue des droits de l’Homme veut lancer une initiative pour « remettre l’humain au cœur de la prison »

Publié sur L’Indépendant le 19 septembre 2023

La section perpignanaise de la Ligue des droits de l’Homme réagit aux « dysfonctionnements graves » et aux « conditions de détention attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes détenues » du centre pénitentiaire de Perpignan révélés cet été par la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté.

« Quand on passe derrière les murs d’une prison, on ne doit pas perdre ses droits élémentaires », s’insurge Dominique Noguères, membre du bureau national de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), et coprésidente de la section de Perpignan avec Françoise Attiba. Leur réaction est nourrie par les « recommandations en urgence » dictées cet été par Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), à la suite de contrôles inopinés au centre pénitentiaire de Perpignan. Ont été pointés du doigt des « dysfonctionnements graves et des conditions de détention attentatoires aux droits fondamentaux et à la dignité des personnes détenues. » « Nous avons décidé de nous occuper de ce sujet car la base de la LDH est de veiller à la dignité humaine, justifient les deux coprésidentes locales. L’inhumanité gagne du terrain. » 

Pour elles, la surpopulation carcérale reflète « le mauvais fonctionnement de la justice et  l’effondrement du système psychiatrique. » Ainsi que « le peu de mise en place de peines alternatives ou de substitution. » Quant aux agents pénitentiaires mis en cause : « Ils ne sont pas assez nombreux et travaillent dans des conditions précaires, d’où des comportements parfois pas assez à la hauteur. » Les intéressées s’inquiètent encore de « la pauvreté des détenus » et de « la forme d’insécurité dans laquelle ils vivent » C’est pourquoi elles lancent le début d’une initiative pour « remettre l’humain au cœur de la prison » : « Suivre l’évolution de ce dossier, demander à rencontrer le directeur de la prison de Perpignan et faire des auditions. »

Logement social : Gérald Darmanin veut jeter les familles des émeutiers à la rue

Publié dans humanite.fr le 3/09/2023

Dans une lettre adressée aux préfets, le ministre de l’Intérieur demande une « fermeté systématique » à l’égard des personnes condamnées après les révoltes suivant la mort de Nahel. Des familles entières pourraient être expulsées de leur logement social.

Pour séduire l’extrême droite, Gérald Darmanin, autoproclamé défenseur des « classes populaires », préfère faire la guerre aux pauvres. Dans un courrier adressé aux préfets, le ministre de l’Intérieur préconise une « fermeté systématique » à l’égard des personnes condamnées à la suite des révoltes du début de l’été dans les quartiers populaires.

« Nous vous demandons de mobiliser tous les outils prévus par la loi pour expulser les délinquants des logements sociaux qu’ils occupent », écrit-il dans ce courrier cosigné par la secrétaire d’État chargée de la ville, Sabrina Agresti-Roubache.

Un bailleur « peut saisir », selon eux, « le juge civil pour que ce dernier prononce la résiliation du bail de l’habitation et l’expulsion de tout occupant pour rétablir la tranquillité des lieux ». Ce pour des actes de « délinquance grave à proximité de son lieu d’habitation », un motif que ne comprend pas la loi en vigueur.

Punition collective dirigée contre les pauvres

De telles mesures, si elles devaient se généraliser après un premier cas dans le Val-d’Oise à la fin août, relèveraient d’une véritable double peine. Elles seraient de surcroît dirigées contre des catégories populaires. Par ailleurs, en privant le titulaire d’un bail social de son logement, et en y expulsant « tout occupant », ce sont dans bien des familles entières qui se retrouveraient à la rue. L’équivalent de l’instauration d’une punition collective dirigée contre les pauvres.

Soulignons par ailleurs que ces procédures semblent moins expéditives chez les délinquants en col blanc. Les époux Balkany, par exemple, n’ont toujours pas été expulsés de leur moulin malgré leurs multiples condamnations.

Est-ce ainsi que les humains meurent ?

Publié sur Politis le 15 juin 2023

Pire naufrage depuis 2016, la nouvelle catastrophe en Méditerranée révèle, une fois de plus, la politique macabre des dirigeants européens en matière d’accueil et de secours en mer.

Morbide hypocrisie. Alors que la Méditerranée s’alourdit de plusieurs centaines de corps morts après le terrible naufrage d’un chalutier dans la nuit de mardi à mercredi, en mer Ionienne, les autorités européennes – que ce soit les dirigeants des pays membres de l’Union européenne comme des institutions en lien avec le contrôle des frontières – se murent dans le silence coupable ou affichent d’effarantes réactions protocolaires.

Parti, selon plusieurs sources, de Tobrouk, une ville portuaire à l’Est de la Libye, le bateau embarquait 750 personnes, sans gilets de sauvetage, dans des conditions atrocement précaires. Une centaine de passagers ont pu être sauvés. Ils sont aujourd’hui pris en charge par les secouristes de la Croix-Rouge, effondrés de savoir qu’il en reste tant, inertes, au large de la Grèce. Sans que cela n’émeuve la diplomatie européenne, trop occupée à dresser des murs et des barbelés en Hongrie, en Pologne, en Lettonie, en Lituanie, en Bulgarie ou au Bélarus. Ou à financer la Turquie pour retenir les personnes exilées à sa frontière.

Car les noyés ont beau s’entasser dans les fonds marins de cette mer-cimetière, les chefs d’État et les agences européennes, comme Frontex, qui leur servent de bras armé, n’ont pas l’air de vouloir remettre en question la politique d’accueil des personnes exilées. À peine prennent-ils le temps de commenter ce naufrage – le pire depuis 2016.

Kyriákos Mitsotákis, le premier ministre grec sortant engagé dans de futures élections législatives, fin juin, se dit « attristé par la perte de tant de vies innocentes ». Le matin même du naufrage, mardi 12 juin, le conservateur se félicitait pourtant d’avoir « réduit au minimum les flux migratoires ». Il est aussi accusé par plusieurs ONG de mener une politique répressive d’ampleur contre les exilés, en les refoulant illégalement aux frontières. Si le gouvernement provisoire a décrété trois jours de deuil national, le favoris du prochain scrutin va-t-il changer son programme, alors que la barre des 20 000 morts en Méditerranée a été franchie depuis 2020 ?

Dans le silence et la complaisance avec l’extrême droite, les dirigeants européens ne peuvent feindre une quelconque émotion.

De son côté, Emmanuel Macron n’a pas réagi, tout comme Georgia Meloni qui s’offrait, dimanche 11 juin, une visite en Tunisie munie d’un chèque d’1 milliard d’euros, en partie pour financer le contrôle des frontières du pays. La première ministre italienne d’extrême droite était accompagnée d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.

Le comble du cynisme vient sûrement de Frontex, l’agence européenne de surveillance des frontières, qui confie sur Twitter, mercredi 14 juin, être « profondément ému(e) » par « les événements tragiques qui se déroulent au large de la Grèce ». Une agence visée par des enquêtes de presse et des rapports d’association révélant l’attitude violente de ses gardes et le refoulement illégal auquel elle recourt. La veille du naufrage, un de ses avions avait d’ailleurs repéré le bateau surchargé. Mais n’a pas daigné le secourir, prétextant, tout comme les gardes-côtes grecs, que ses passagers voulaient poursuivre leur traversée jusqu’en Italie.

Dans le silence et la complaisance avec l’extrême droite, les dirigeants européens ne peuvent feindre une quelconque émotion après ce drame lorsqu’ils dessinent, avec minutie, depuis la crise migratoire de 2015, la nouvelle image de carte postale de l’Union européenne : une forteresse bordée d’un cimetière à ciel ouvert. Les rescapés, eux, devront encore traverser l’enfer administratif et le racisme qui les attendent une fois arrivés sur le continent. Et survivre, malgré le cauchemar de la traversée.

Publié sur Ouest-France le 16 juin 2023

La Méditerranée, zone la plus dangereuse

En 2022, 3 800 personnes sont décédées sur les routes migratoires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Les dangers guettant les migrants sont nombreux : conditions climatiques, défaut de soins, faim et soif, violences… Mais la principale cause de décès est la noyade. Les naufrages d’embarcations surchargées, ou les accidents de pneumatiques inadaptés à la traversée de la Méditerranée ou de la Manche, se succèdent à un rythme épouvantable.

L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) documente depuis 2014 les disparitions de candidats à l’exil sur les différentes routes migratoires mondiales, via le Missing Migrants Project. En moins de 10 ans, l’OIM a recensé plus de 56 000 morts, dont 33 700 par noyade. Les accidents de la route représentent 4 800 décès, les violences 3 500.

Les noyades sont donc la principale cause de décès sur les routes migratoires. Et la plupart surviennent en Méditerranée, qui est la zone la plus dangereuse au monde pour les migrants :

Depuis 2014, l’OIM estime que 26 912 personnes ont perdu la vie dans la zone Méditerranée. C’est près de la moitié de tous les décès répertoriés.