Au nom du coronavirus, l’État met en place la société de contrôle (Reporterre)

Publié sur Reporterre  6 avril 2020 / Gaspard d’Allens

Couvre-feux, contrôles policiers multiples, toute-puissance de l’administration, emballement de l’industrie technosécuritaire : la pandémie de Covid-19 se traduit, en France, par un contrôle accru des populations, suspectées par principe de ne pas participer à la « guerre » contre le virus.

« Nous ne renoncerons à rien, surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer, surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été, surtout pas à la liberté », affirmait Emmanuel Macron le 11 mars dernier, il y a seulement trois semaines, dans le cadre la première journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme. Depuis, avec le confinement, tout semble avoir changé, le monde a basculé.

Des drones équipés de haut-parleur survolent les rues des métropoles françaises, intimant aux passants l’ordre de rentrer chez eux. Le gouvernement a décrété l’état d’urgence sanitaire et des couvre-feux ont été instaurés dans une centaine de villes, qui comptent au total plus de 2 millions d’habitants.

À Perpignan (Pyrénées-Orientales), la sirène retentit tous les soirs pendant cinq longues minutes à 19 h 50. À 20 h, plus rien ne bouge, seuls les véhicules de police patrouillent, les gyrophares allumés. La nuit, à Nantes (Loire-Atlantique) et à Rennes (Ille-et-Vilaine), un hélicoptère de la gendarmerie, muni de caméras infrarouges, guette « les récalcitrants » et les« indisciplinés ». Nous baignons dans un univers dystopique où les libertés individuelles sont progressivement rognées pour mener « la guerre » au Covid-19 et où la population est mise, massivement, sous surveillance.

« Une surenchère locale »

La situation touche toute la France « avec une surenchère locale », estime Henri Busquet, président de la Ligue des droits de l’Homme à Nice (Alpes-Maritimes), joint par Reporterre. À Sanary-sur-Mer (Var), ville de 16.000 habitants, le maire a pris un arrêté interdisant de se déplacer pour acheter des produits à l’unité, puis un autre interdisant les sorties à plus de 10 mètres [sic] de son domicile. « J’anticipe les mesures du gouvernement », se justifie simplement l’édile, interrogé par 20Minutes.

« On assiste à une compétition, observe Henri Busquet. À Nice, à Cannes, à Menton ou à Saint-Laurent-du-Var, les maires ont tous mis en place des couvre-feux avec à chaque fois des horaires différents, à tel point que le préfet des Alpes-Maritimes a dû prendre un arrêté sur l’ensemble du département pour harmoniser le tout. »

« Impuissants face au virus, les élus en ajoutent une couche et aggravent les mesures coercitives nationales pour tenter de rassurer leur population, dit à Reporterre Serge Slama, professeur de droit public. L’efficacité de ces mesures n’est pas pour autant prouvée, le risque, c’est l’interaction sociale et non le fait de sortir de chez soi ». En Isère, le préfet a interdit l’accès aux montagnes et aux forêts. « Pour les ruraux qui habitent à proximité, c’est incompréhensible, ils sont assignés à résidence et ne peuvent même pas se balader autour de chez eux », déplore le juriste. Dans les Alpes-Maritimes, un arrêté interdit de se baigner…

Les autorités ont distribué plus de PV que de masques aux citoyens

Au quotidien, 100.000 membres des forces de l’ordre quadrillent le territoire national. Mercredi 1er avril, après deux semaines de confinement, on dénombrait plus de 5,3 millions de contrôles et 359.000 amendes pour non-respect du confinement. Les autorités ont distribué aux citoyens plus de PV que de masques. Dans ses carnets de confiné, le journaliste David Dufresne parle d’un « déballage de contrôle qui coûte un bras — ou un respirateur de réanimation ».

Les syndicats de police, même s’ils déplorent le manque de matériel, affichent dans leur nouvelle mission un zèle menaçant. « La personne qui ne respecte pas le confinement à la suite du Covid-19, je m’occuperai personnellement de son cas », lance, bravache, un policier au volant de sa moto dans un clip vidéo promotionnel surréaliste du syndicat Unité SGP Police.

Sur France Info, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a récemment déclaré que les gendarmes avaient « le droit de fouiller les sacs de course s’ils ont le sentiment que la personne les bluffe ». Le spectre d’une société de contrôle n’a jamais été aussi palpable. L’arbitraire règne, alimentant un climat de défiance. Dans un communiqué publié le 26 mars dernier, Human Rights Watch, la Ligue des droits de l’Homme et une vingtaine d’autres associations et syndicats ont dénoncé des « contrôles abusifs qui menacent la cohésion nationale ».

Sur Twitter, une femme s’en est émue : « J’ai demandé à mon chéri de me ramener des serviettes hygiéniques lundi soir, il était en règle, attestation, carte d’identité, etc… mais il a reçu 135 € d’amende “parce que si madame en avait vraiment besoin, elle avait qu’à sortir les chercher elle-même”. » Des parents se sont aussi fait verbaliser pour avoir accompagné à deux leur enfant chez le pédiatre.

« Avec le confinement, il y a une recrudescence des violences policières »

Les contrôles touchent, tout particulièrement, les quartiers populaires. De nombreuses plaintes remontent. Le 24 mars, aux Ulis (Essonne), Sofiane, agent logistique de 21 ans, se rendait à son travail — il est livreur pour Amazon — et avait oublié son attestation. Après avoir pris la fuite devant les policiers, il a été rattrapé et violemment tabassé. La veille, dans la même commune, Yassin sortait acheter du pain, les forces de l’ordre se sont jetées sur lui avant même qu’il puisse montrer son attestation. Il a désormais le visage tuméfié. À Barbès, à Paris, une jeune fille de 17 ans a été plaquée au sol devant sa mère par une dizaine de CRSÀ Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), le 19 mars, une jeune mère de 19 ans a été frappée par un Taser pour ne pas avoir montré son attestation. Des violences qui ont entraîné cinq jours d’ITT. « Je voulais juste chercher à manger pour mon bébé », expliquait-elle.

Les exemples s’accumulent avec de nombreuses vidéos qui circulent sur la toile, ici ou . Les journalistes Taha Bouhafs et Sihame Assbague ont lancé des appels à témoin. Sur Mediapart, le 18 mars, David Dufresne recensait déjà sept signalements. Les compteurs ont, depuis, largement explosé. « Avec le confinement, il y a une recrudescence de la pression et des violences policières qui frappent en majorité des jeunes racisées », atteste Sihame Assbague.

Contacté par Reporterre, Pierre-Antoine Cazau, président de la section LDH de Bordeaux (Gironde), souligne les dangers de la situation. « À cause du confinement, nos organisations ne peuvent plus jouer leur rôle d’observateur ni vérifier si les contrôles sont proportionnés ou justifiés. »

En quelques semaines, la situation s’est accélérée, prenant tout le monde de court. « Le 5 mars, le président de la République allait au théâtre, enjoignant les Français à sortir, le 15 mars nous étions invités aux urnes, mais le 22 on risquait d’aller en prison, voilà l’agenda français sous Emmanuel Macron », s’emporte l’historienne Ludivine Bantigny dans un tweet.

En effet, en cas de récidive, après trois violations du confinement le même mois, les individus encourent désormais jusqu’à 6 mois de prison ferme et 3.750 euros d’amende. Depuis la semaine dernière, plusieurs cas défilent devant les tribunaux et des dizaines de personnes ont déjà été mises en garde à vue. Lundi 30 mars, un habitant de Cavaillon (Vaucluse) de 35 ans a été condamné à deux mois de prison ferme après avoir été verbalisé quatre fois en, à peine, six jours.

Sur France Bleu, l’avocat Arié Alimi fustige « une mesure disproportionnée, contre-productive et inconstitutionnelle. Remplir les prisons en période de contamination, c’est du grand n’importe quoi », dit-il.

L’Observatoire parisien des libertés publiques regrette aussi dans un communiqué que « les autorités publiques aient opté pour une politique de surarmement pénal en lieu et place d’une réelle volonté d’apaisement et de pédagogie ».

Nul ne conteste la nécessité de lutter contre la propagation du Covid-19 mais « l’exceptionnelle gravité de la situation sanitaire ne saurait justifier des restrictions arbitraires et disproportionnées aux libertés publiques », estime l’Observatoire.

« L’état d’urgence sanitaire est une loi scélérate »

La mise en place de l’état d’urgence sanitaire risque de laisser des traces. Votée au sein d’un Parlement confiné, devenu « un cluster » (une « grappe », en français) du Covid-19, cette loi a été adoptée sans grand débat, dans un climat de précipitation et de panique. Selon Me Raphaël Kempf, contacté par Reporterre« l’état d’urgence sanitaire signe l’abandon de l’état de droit. C’est une loi scélérate, qui représente la part sombre d’une République aux abois ».

L’avocat pointe notamment les nouvelles mesures de mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être malades et les mesures d’isolement des malades. « Pourquoi faudrait-il que l’administration puisse forcer un malade à rester chez lui alors que l’avis du médecin et le bon sens suffisent ? Ce gouvernement ne pense pouvoir gérer la population que par la contrainte et la discipline — au besoin pénalement sanctionnée, analyse-t-il. Mais ces mesures sécuritaires ne doivent pas servir à compenser l’incompétence sanitaire des autorités. »

Toutes les dérives possibles sont déjà en germe. Face à un législateur affaibli, l’état d’urgence permet à l’exécutif de gouverner par ordonnance. Au-delà de la rhétorique guerrière de plus en plus banalisée, l’époque actuelle consacre également les militaires. Des conseils de défense sont organisés chaque semaine, les armées sont mobilisées et le général Richard Lizurey vient d’être nommé auprès d’Édouard Philippe pour évaluer la gestion interministérielle de la crise du Covid-19. L’ancien directeur de la gendarmerie nationale s’était auparavant fait remarquer en menant l’évacuation de la Zad de Notre-Dame-des-Landes et en réprimant le mouvement des Gilets jaunes.

Mais il n’y a pas que les militaires. En pleine épidémie, la bureaucratie tatillonne triomphe. Elle développe tout « un art de l’attestation de déplacement dérogatoire ». Invité dans une émission d’Arrêt sur image, Gilles Babinet, vice-président du Conseil national du numérique, expliquait redouter « la toute-puissance de l’administration. C’est-à-dire la toute-puissance du contrôle, du formulaire, du fichage, de la sanction, toutes sucreries courtelinesques dont l’administration est friande, qui la justifient, qui la légitiment ».

La lutte contre le Covid-19 nourrit ces penchants. En quelques semaines, le format de l’attestation dérogatoire a été modifié à plusieurs reprises, il s’est complexifié en obligeant les citoyens à inscrire leur date et lieu de naissance. De nombreuses personnes ont été verbalisées pour avoir « mal rempli » leur attestation, avoir omis des informations ou l’avoir écrite simplement au crayon de papierÀ Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), dans une vidéo, un informaticien de Santé publique France témoigne d’un contrôle policier accompagné d’insultes racistes. Il a dû payer 135 euros d’amende pour avoir oublié d’inscrire son année de naissance. Sur les réseaux, les exemples sont légion. Un site les recense.

« La gendarmerie rêve de pouvoir développer le drone du quotidien »

Aux contrôles physiques se greffe maintenant toute une panoplie de gadgets high-tech et de surveillance. Auparavant, les drones étaient déployés occasionnellement pour le maintien de l’ordre. Leur emploi désormais se généralise. On en compte une vingtaine en fonctionnement, rien qu’à Paris. Ils sont devenus des auxiliaires indispensables. La gendarmerie rêve de pouvoir développer « le drone du quotidien » et espère dans le futur en avoir un par compagnie.

Dans le secteur, les affaires fonctionnent. En l’espace d’une semaine, la société Flying Eye, installée à Sophia-Antipolis, près de Nice, a vendu une trentaine de drones de la marque chinoise DJI, équipés d’un haut-parleur intégré, à des organismes chargés d’appliquer les consignes de confinement. Sur BFM TV, son directeur dit recevoir en ce moment « toutes les deux heures un appel pour [lui] commander du matériel ».

Pour Félix Tréguer, sociologue et membre de l’association la Quadrature du net, « l’industrie technosécuritaire a senti le filon. Avec le coronavirus, elle tente de se donner un verni et de se recycler, dit-il à ReporterreAujourd’hui le solutionnisme technologique est brandi comme une manière de gérer la crise. Il permet aussi de masquer les failles des politiques publiques en matière de santé et de prévention ».

Au niveau des contrôles, tout s’accélère. Ces outils technologiques démultiplient les possibilités de surveillance« Il y a un mois et demi, quand on voyait les drones chinois dans les airs diffuser des messages à la population, ça semblait de la science-fiction. Mais aujourd’hui, c’est la réalité, ça se passe chez nous, souligne le sociologue. La pandémie donne une occasion rêvée au pouvoir de légitimer tout un tas de solutions qui paraissaient controversées et très sensibles. Elles peuvent désormais se déployer au grand jour ».

Des start-up profitent de la situation pour faire des offres promotionnelles. À Metz (Moselle), l’entreprise Two-i, spécialisée dans la vision assistée par ordinateur, a transmis gratuitement aux forces de l’ordre sa technologie pour détecter les attroupements. « Nous mettons nos licences à disposition des centres de sûreté urbaine, en accès libre , explique l’un de ses fondateurs dans Le Journal des entreprisesCe n’est pas de la surveillance de masse mais un outil qui pourrait permettre de sortir plus rapidement du confinement, en s’assurant qu’il est respecté. »

Pour Félix Tréguer, « cette start-up peinait auparavant à obtenir des marchés publics, elle développait aussi des projets de reconnaissance faciale, la crise leur donne l’occasion de mener une belle campagne de marketing », dit-il.

« Quand il y a une technologie disponible, à la fin on finit par l’utiliser »

Justement, à l’aune de l’épidémie, les débats autour de la reconnaissance faciale réapparaissent. Le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, a appelé mardi 25 février à l’expérimenter pour éviter qu’elle ne finisse par s’imposer brutalement et sans débat : « Ce que l’histoire montre, c’est que quand il y a une technologie disponible, à la fin on finit par l’utiliser. »

Autre inquiétude, les données stockées via les téléphones et les smartphones : En pleine crise sanitaire, le Canard enchaîné a révélé mercredi 25 mars que le ministère de l’Intérieur avait obtenu les données privées des opérateurs télécoms pour évaluer précisément combien de Parisiens avaient quitté la capitale. Orange a exploité les données non seulement de ses propres abonnés, mais aussi de toutes les personnes qui se sont connectées sur le réseau mobile. Le groupe de télécommunications a néanmoins assuré transmettre à ses partenaires des agrégats statistiques et non des données individuelles et « identifiantes ».

Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, a aussi annoncé dans Le Figaro qu’il travaillait déjà avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) « pour voir comment les données peuvent être utiles pour gérer la propagation de l’épidémie (…) Elles pourraient aussi être utilisées pour mesurer l’efficacité des mesures de confinement comme en Italie ».

Derrière se profile l’enjeu du « back tracking », une technique déjà utilisée dans de nombreux pays, qui consiste à conserver la trace des déplacements des individus via la géolocalisation de leur smartphone. En France et en Europe, plusieurs initiatives vont dans ce sens.

La Commission européenne a réclamé des données d’opérateurs téléphoniques pour évaluer l’effet des mesures de confinement. La demande a été formulée par Thierry Breton, l’actuel commissaire européen au Marché intérieur — par ailleurs ancien dirigeant de France Télécom. À l’Élysée, un Comité analyse recherche et expertise (Care), composé de douze chercheurs et médecins, a été installé. « Il accompagnera la réflexion des autorités (…) sur l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées », explique la présidence de la République.

Interrogé sur le back tracking, mercredi 1er avril à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Édouard Philippe, a déclaré que l’« on pourrait peut-être, sur le fondement d’un engagement volontaire, utiliser ces méthodes pour mieux tracer la circulation du virus et les contacts (…) de chacun ».

« Culpabiliser les individus pour éviter toute rébellion »

Plusieurs applications smartphones fonctionnent déjà. Dans une forme de flou juridique. CoronApp a été créée en 78 h. Son slogan : « Mieux qu’un vaccin une application. » Elle se présente comme « une démarche citoyenne »« Le principe est simple, l’application suit les mouvements des utilisateurs pendant 14 jours. Si un porteur du virus se déclare comme infecté par le Covid-19, l’algorithme va retracer son parcours pour vérifier les personnes qu’il/elle a croisées et les informera via une notification [sur smartphone] de l’heure et de la date à laquelle ils ont été en contact avec cette personne. »

Au-delà des questions techniques que soulèvent ces applications, la Ligue des droits de l’Homme y voit une approche dangereuse : « une forme de servitude volontaire » qui pourrait se transformer plus tard en contrainte avec l’ injonction d’être « un citoyen responsable ». De manière générale, les défenseurs des libertés publiques dénoncent un discours qui transfère la responsabilité de la crise sur les individus et leur comportement.

« Une des stratégies les plus efficaces mises en œuvre dans toute situation d’urgence par les pouvoirs forts consiste à culpabiliser les individus pour obtenir d’eux qu’ils intériorisent la narration dominante sur les événements en cours, afin d’éviter toute forme de rébellion envers l’ordre constitué », analyse, dans une tribune reprise par Bastamag, un membre d’Attac Italie, Marco Bersani. « Cette chasse moderne, mais très ancienne, au semeur de peste est particulièrement puissante, car elle interfère avec le besoin individuel de donner un nom à l’angoisse de devoir combattre un ennemi invisible. »

Après l’épidémie, cette société de contrôle a de fortes chances de se pérenniser. Une fois mises en œuvre, les mesures perdureront dans le temps. Le scénario s’est déjà répété avec l’état d’urgence de 2015 et son inscription dans le droit commun. Pour le philosophe Giorgio Agamben« tout comme les guerres ont laissé en héritage à la paix une série de technologies néfastes, il est bien probable que l’on cherchera à continuer après la fin de l’urgence sanitaire les expériences que les gouvernements n’avaient pas encore réussi à réaliser ».

Soutien fraternel à la communauté gitane de Perpignan (LDH-66)

Les membres de la Ligue des Droits de l’Homme 66 tiennent à assurer la communauté gitane de leur soutien fraternel dans ce moment difficile. L’épidémie qui n’épargne personne a durement touché certains de vos membres.

Soyez convaincus de notre vigilance et de notre solidarité en ces temps de couvre feu, ainsi que de notre protection contre toute forme de discrimination à votre égard que vous pourrez nous signaler.

Françoise Attiba, Patricia Bachkine, Anne Gaudron, Jacques Perez, coprésident.e.s de la LDH

Mail :ldh66@la poste.net

Téléphone :07 74 71 45 07

Contrôles : ce que les forces de l’ordre ont le droit (ou pas) de faire – Etat d’urgence sanitaire-

Publié sur franceinter.fr par Ariane GriesselLorélie Carrive le 1 avril 2020 

Policiers et gendarmes ont-ils le droit de regarder ce qu’il y a dans mon cabas ? Est-ce à eux d’évaluer ce qui est ou non de première nécessité ? Ont-ils le droit de me raccompagner chez moi ?
lls sont chargés de veiller au bon respect des mesures de limitation de nos déplacements :  sur l’ensemble de la France, policiers et gendarmes ont déjà dressé quelque 359 000 procès verbaux pour non respect du confinement, a annoncé ce mercredi 1er avril le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.

Mais dans le même temps, des témoignages ubuesques fleurissent sur les réseaux sociaux, dénonçant des contrôles jugés abusifs. Bien qu’appelés à faire preuve de « discernement », certains membres des forces de l’ordre profiteraient-ils du flou généré par cette situation nouvelle pour abuser de leur autorité ? Tour d’horizon de ce qui leur est permis de faire, et de ce qui ne l’est pas.

Policiers et gendarmes ont-ils le droit de regarder ce qu’il y a dans mon cabas/sac/chariot ?

Comme le rappelle l’Observatoire parisien des libertés publiques dans un document très étayé, un policier ou un gendarme n’a pas le droit de vous fouiller d’office, ni même d’inspecter vos affaires : pour contourner cet obstacle, les forces de l’ordre vous demanderont donc d’ouvrir vous-même votre sac, ou de sortir les objets contenus dans vos poches.

Dans la situation où vous venez de faire des courses par exemple, vous êtes alors tenu de présenter le contenu de vos sacs, « afin de justifier votre achats de produits de première nécessité », nous explique-t-on sur le tchat spécialement mis en place par la police nationale le temps de la crise sanitaire.

Est-ce à eux d’évaluer ce qui est ou non de première nécessité ?

Cette observation amène à une autre question : qu’est-ce qu’un produit de « première nécessité » ?

Je suis sortie acheter des serviettes hygiéniques et là un flic m’arrête et veut me verbaliser parce que c’est pas « vital » ? Donc des gens qui font la queue sur 50m pour des clopes, c’est ok, mais une nana qui veut acheter des tampons c’est un scandale ???????

— Maurice Lafeuille (@buesheel) March 23, 2020

Le décret publié au Journal officiel ne précise pas ce point. Nous avons donc de nouveau posé la question sur le tchat de la police nationale. Voici la réponse obtenue :

« La vérification des denrées alimentaires et la désignation des biens de première nécessité sont des critères subjectifs et incontrôlables. Il suffit de présenter son attestation correspondant au motif de la sortie temporaire du confinement et de l’achat de denrées »

L’Observatoire parisien des libertés publiques va plus loin : « Une contravention qui se fonderait sur l’absence de nécessité du bien acheté pourrait être contestée, pour absence de prévisibilité de l’infraction ».

Autrement dit, le décret pris par le gouvernement décide des magasins qui peuvent rester ouverts et de ceux qui doivent fermer. Dès lors, la police n’a pas son mot à dire sur ce que vous y achetez.

Ont-ils le droit de me demander la raison de mon déplacement à la pharmacie ou chez le médecin ?

Tout comme à votre retour du supermarché, les membres des forces de l’ordre qui vous contrôlent peuvent vous demander ce que vous avez acheté à la pharmacie, « afin de vérifier que vos achats sont en accord avec votre attestation », nous dit la police.

Concernant votre visite chez le médecin, le décret du 23 mars restreint les déplacements autorisés aux consultations ne pouvant être différées ou assurées à distance. Si votre consultation n’est pas annulée, il vous faut cocher la case « motif de santé » de votre attestation de déplacement, éventuellement en précisant sur la feuille le nom du praticien qui vous suit. Une convocation peut également faciliter les choses, mais en aucun cas, vous n’avez à divulguer aux forces de l’ordre la raison de votre visite chez le médecin. Ce que confirme la police nationale sur son tchat :

Question posée sur le tchat mis en place par la police nationale / Capture d’écran

Ont-ils le droit de me raccompagner chez moi pour s’assurer que je retourne bien à mon domicile ?

Oui, nous explique-t-on du côté de la police. Aucun texte ne les en empêche, en tous cas.

Quelles démarches si je veux contester ?

Pour rappel, l’amende pour non respect du confinement démarre à 135 euros. Si vous souhaitez la contester, vous avez 45 jours pour le faire, 30 jours s’il s’agit d’une amende majorée. Une fois la contravention reçue dans votre boite aux lettres, il vous est possible de renvoyer le formulaire par voie postale ou bien de vous connecter directement sur le site internet de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions.

En cas de contestation, l’Observatoire parisien des libertés publiques insiste sur l’importance, si possible, de trouver un témoin, et surtout de ne pas payer l’amende, ce qui reviendrait à accepter la contravention. Il dit noter une « multiplication » des cas litigieux, notamment sur les réseaux sociaux, mais juge qu’il est encore trop tôt pour dire que les abus sont systématiques.

Les autorités, elles, reconnaissent parfois des maladresses, mais appellent à tenir compte du contexte. « Une personne qui passe dix fois acheter un article, même de première nécessité, ça fait beaucoup », explique-t-on du côté de la police.